SUISSE

Le régime applicable à l'interruption de grossesse en Suisse résulte, d'une part, des articles 118 à 120 du Code pénal de ce pays, et d'autre part, de certaines dispositions législatives adoptées par les cantons.

Un quotidien suisse relevait récemment que « le taux d'interruption de grossesse varie énormément d'un canton à l'autre » 34 ( * ) .

1. Les conditions posées pour la réalisation d'une interruption
de grossesse

• Au cours des 12 premières semaines, à la demande
de la femme en situation de détresse

L'interruption de la grossesse n'est « pas punissable » lorsqu'elle est effectuée « sur demande écrite de la femme qui invoque qu'elle se trouve en situation de détresse, [et qu'elle] est pratiquée au cours des douze semaines suivant le début des dernières règles, par un médecin habilité, qui doit au préalable s'entretenir lui-même de manière approfondie avec la femme enceinte et la conseiller » (article 119 (2) du Code pénal) .

• En cas de danger pour l'intégrité physique ou d'état
de détresse profonde de la femme enceinte

L'interruption de la grossesse n'est « pas punissable » si « un avis médical démontre qu'elle est nécessaire pour écarter le danger d'une atteinte grave à l'intégrité physique ou d'un état de détresse profonde de la femme enceinte ; le danger devra être d'autant plus grave que la grossesse est avancée » (article 119 (1) du même code).

• Conditions posées pour la réalisation d'une interruption
de grossesse

Le Code pénal prévoit également que chaque canton fixe la liste des établissements (cabinets et établissements hospitaliers) qui remplissent les conditions nécessaires « à la pratique d'une interruption de grossesse dans les règles de l'art » et « au conseil approfondi de la femme enceinte » (article 119 (4)).

Le médecin est tenu avant l'intervention :

- « d'exiger de la femme enceinte une requête écrite » ;

- « de s'entretenir lui-même de manière approfondie avec la femme enceinte, de la conseiller et de l'informer sur les risques médicaux de l'intervention ainsi que de lui remettre contre signature un dossier comportant : la liste des centres de consultation qui offrent gratuitement leurs service, une liste d'associations et organismes susceptibles de lui apporter une aide morale ou matérielle [et] des informations sur les possibilités de faire adopter l'enfant » ;

- « de s'assurer par lui-même, si la femme enceinte a moins de seize ans, qu'elle s'est adressée à un centre de consultation spécialisé pour mineurs » (article 120 du Code pénal).

Enfin, les interruptions de grossesse sont recensées à des fins statistiques par l'autorité de santé publique compétente, en préservant l'anonymat de la femme qui y a recours et en respectant le secret médical (article 119 (5) du même code).

2. Clause de conscience

Au niveau fédéral, la recherche n'a pas permis de mettre en évidence l'existence d'un fondement légal permettant expressément aux médecins de refuser de pratiquer une IVG. Une étude souligne que les dispositions légales concernant le régime de la clause de conscience peuvent être parfois fixées au niveau cantonal 35 ( * ) . A titre d'exemple, la loi sur la santé du canton de Genève dispose que le professionnel de santé ne peut être tenu de fournir, directement ou indirectement, des soins incompatibles avec ses convictions éthiques ou religieuses, cette disposition ne pouvant être invoquée « en cas de danger grave et imminent pour la santé du patient ». Le praticien est tenu de donner au patient les informations nécessaires afin que ce dernier puisse obtenir d'autres professionnels les soins qu'il n'est pas disposé à lui fournir (article 82 (1), (2) et (3) de la même loi).

3. Dispositions pénales

Le Code pénal suisse punit, d'une part, le fait de réaliser une interruption de grossesse en violation des dispositions qu'il édicte, et, d'autre part, l'omission par un médecin, à l'occasion d'une telle intervention, de certaines formalités qu'il prévoit.

• Sanctions de l'interruption de grossesse réalisée
en violation des dispositions du Code pénal

L'article 118 du Code pénal suisse punit :

- d'une peine d'emprisonnement 36 ( * ) de un à dix ans, celui qui interrompt la grossesse d'une femme sans son consentement (article 118 (2)) ;

- d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, celui qui « interrompt la grossesse d'une femme avec son consentement, ou l'instigue ou l'aide à interrompre sa grossesse », hors des cas visés à l'article 119 du même code en vertu desquels cette intervention n'est « pas punissable » (article 118 (1), voir supra ) ;

- d'une peine d'emprisonnement de trois ans ou d'une amende, « la femme qui interrompt sa grossesse, la fait interrompre, ou participe à l'interruption d'une quelconque façon après la douzième semaine suivant le début des dernières règles », hors des cas visés à l'article 119 du même code (article 118 (3) du même code).

• Sanction de l'omission de certaines formalités
par un médecin

L'article 120 (1) du Code pénal suisse punit d'une amende le médecin qui pratique une interruption de grossesse, en omettant préalablement :

- d'exiger de la femme enceinte une requête écrite ;

- de s'entretenir de manière approfondie dans les conditions prévues supra ;

- de s'assurer lui-même, si la femme enceinte a moins de seize ans, qu'elle s'est adressée à un centre de consultation spécialisé pour mineurs.

Le (2) du même article punit de la même peine le médecin qui omet d'aviser l'autorité de santé publique compétente de l'interruption de grossesse pratiquée.

4. Prise en charge financière

L'article 30 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie prévoit, depuis le 1 er octobre 2002 37 ( * ) , que l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des mêmes prestations que pour la maladie en cas d'interruption de grossesse non-punissable au sens de l'article 119 du Code pénal.

5. Contraception d'urgence

La pilule du lendemain est accessible en Suisse dans les pharmacies, sans ordonnance. Sa délivrance aux personnes de moins de 16 ans est cependant laissée à l'appréciation du pharmacien qui évalue le discernement de la patiente 38 ( * ) . Elle est également disponible chez le gynécologue, dans les services d'urgence des hôpitaux, ainsi que dans des centres du Planning familial 39 ( * ) .

Le coût de la pilule varie selon le lieu où elle est achetée. Les prix en pharmacie vont de 35 à 45 francs suisses 40 ( * ) , tandis que les centres de conseil et les services hospitaliers pratiquent parfois des prix moins élevés.

6. Statistiques

Les interruptions de grossesse légales étant soumises à une obligation de recensement, l'Office fédéral de la statistique publie tous les ans le nombre enregistré d'interruptions de grossesse.

NOMBRE D'IVG RÉALISÉES EN SUISSE ENTRE 2004 ET 2015

Année

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre d'IVG

10 959

10 818

10 594

10 645

10 924

10 681

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre d'IVG

11 101

11 100

10 907

10 484

10 275

10 255

Source : Office fédéral de la statistique 41 ( * ) .


* 34 « Le tableau contrasté de l'avortement », Le Temps du 14 juillet 2016.

* 35 Objection de conscience dans la pratique clinique , avis du Conseil d'éthique clinique des Hôpitaux universitaires de Genève, p. 2. Accessible en ligne : http://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/documents/soigner/ethique/objection_conscience.pdf . V. également « Le tableau contrasté... », article précité.

* 36 Le Code pénal suisse fait référence à une « peine privative de liberté ». Par commodité, on emploiera ici le terme d' « emprisonnement » comme dans les autres notices.

* 37 Modification du 23 mars 2001 précitée.

* 38 « Remise de médicaments à des adolescents » dans pharmaJournal , n° 10, mai 2013, p. 11 à 17.

* 39 Site Internet de la Fondation Profa, fondation reconnue d'utilité publique dans le canton de Vaud et dispensant des conseils en matière de santé sexuelle : http://www.profa.ch/fr/themes/urgences/contraception-d-urgence-ou-pilule-du-lendemain-0-577 . V. également SOS Médecins, pour Genève : http://www.sos-medecins.ch/la-contraception-durgence-ou-pilule-du-lendemain-a-geneve/

* 40 Soit 32,74 euros à 42,09 euros au 10 avril 2017.

* 41 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/etat-sante/reproductive/interruptions-grossesses.assetdetail.335883.html .

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