B. LE RÉGIME ACTUELLEMENT EN VIGUEUR EN MATIERE D'INTERRUPTION DE GROSSESSE

Le régime applicable en matière d'interruption de grossesse résulte de la loi sur la protection de la vie durant la grossesse de 2013.

1. Cas dans lesquels l'avortement est possible en Irlande

En vertu de cette loi, l'interruption de grossesse est possible en Irlande dans trois cas où la vie de la femme est mise en danger du fait de sa grossesse, lorsqu'existe :

- un risque réel et substantiel résultant d'une maladie physique (physical illness , article 7 ) ;

- un risque immédiat résultant d'une maladie physique (physical illness in emergency , article 8 ) ;

- ou un risque réel et substantiel résultant d'une intention de se suicider (risk of loss of lifre from suicide , article 9 ) .

L'interruption de la grossesse n'est pas autorisée en cas de viol, d'inceste ou de malformation/anomalie du foetus.

a) Le risque réel et substantiel pour la vie de la femme résultant d'une maladie physique

La procédure en cas de risque réel et substantiel pour la vie de la femme résultant d'une maladie physique (physical discase) comprend deux étapes :

- l'agrément ;

- puis l'intervention proprement dite.

L'agrément nécessite l'intervention de deux médecins enregistrés en qualité de médecins spécialistes auprès de l'équivalent de l'ordre des médecins (Medical council) , dont au moins un en tant que gynécologue-obstétricien en activité dans une institution appropriée (appropriate institution) .

Ces deux médecins évaluent l'état clinique de la femme afin d'attester, le cas échéant, conjointement :

- qu'il existe un risque réel et substantiel de perte de la vie de la femme du fait d'une maladie physique ;

- que selon leur « point de vue raisonnable » (in their reasonable opinion) , ce risque ne peut être écarté que par l'interruption de la grossesse ;

- et que pour parvenir à cette conclusion, ces médecins ont, de bonne foi, pris en compte la nécessité de préserver la vie humaine non-née (unborn human life) dans la mesure du possible.

Lorsque l'agrément est obtenu, l'IVG proprement dite est effectuée par un obstétricien spécialiste, dans une institution appropriée.

b) Le risque immédiat pour la vie de la femme résultant d'une maladie physique

La procédure en cas de risque immédiat pour la vie de la femme résultant d'une maladie physique comprend les deux mêmes étapes que précédemment :

- l'agrément ;

- puis l'intervention proprement dite.

L'agrément est délivré par un médecin enregistré auprès de l'équivalent de l'ordre des médecins, lequel peut ne pas être un spécialiste.

Ce médecin effectue une évaluation clinique de l'état de la femme et atteste, le cas échéant :

- qu'il existe un risque immédiat de perte de la vie de la femme du fait d'une maladie physique ;

- que de son « point de vue raisonnable », ce risque ne peut être écarté que par l'interruption de la grossesse ;

- et que pour parvenir à cette conclusion, le médecin a, de bonne foi, pris en compte la nécessité de préserver la vie humaine à naître, dans la mesure du possible.

L'intervention est réalisée par le médecin qui a donné l'agrément. Elle peut être effectuée avant son obtention, à condition que l'agrément soit délivré dans les 72 heures suivant cette intervention.

c) Le risque réel et substantiel pour la vie de la femme résultant d'une intention de se suicider

La procédure en cas de risque réel et substantiel pour la vie de la femme résultant d'une intention de se suicider comprend les deux mêmes étapes que précédemment :

- l'agrément ;

- et l'intervention proprement dite.

L'agrément nécessite l'intervention de trois médecins : un gynécologue-obstétricien et deux psychiatres. Des deux psychiatres, l'un au moins doit exercer dans une institution appropriée, l'un ou l'autre étant tenu d'exercer dans un « centre agréé » (approved center) et avoir dispensé auparavant des soins concernant la santé mentale (provide mental health services) à des femmes en lien avec la grossesse, la naissance d'un enfant ou l'après-accouchement, sans pour autant être un psychiatre périnatal.

Les trois médecins sont tenus d'évaluer l'état clinique de la femme et d'attester, le cas échéant, conjointement :

- qu'il existe un risque réel et substantiel de mort de la femme par suicide ;

- que de leur « point de vue raisonnable », ce risque ne saurait être écarté que par l'interruption de grossesse ;

- et que pour parvenir à cette conclusion tous trois ont, de bonne foi, pris en compte la nécessité de préserver la vie humaine à naître dans la mesure du possible.

Lorsque l'agrément est délivré, l'intervention est effectuée par un obstétricien spécialiste membre de l'équivalent de l'ordre des médecins, dans une institution appropriée.

La loi prévoit la création d'une commission de révision (review committee) choisie parmi dix médecins experts préalablement désignés (review panel) par le ministère de la Santé. Cette commission est constituée dans les trois jours suivant la demande d'une femme qui conteste la décision des médecins qu'elle a consultés.

2. L'interruption de grossesse dans un pays tiers

L'article 18 de la loi sur la protection de la vie durant la grossesse de 2013, reprend en partie le texte de l'article 40.3.3° de la Constitution d'Irlande, en disposant que rien dans son contenu ne limite la liberté de :

- se rendre à l'étranger ;

- d'obtenir ou de mettre à disposition, en Irlande, des « informations concernant des actes [d'avortement] qui peuvent être accomplis légalement à l'étranger » (information relating to services lawfully available in another state) ;

- ou encore de se rendre à l'étranger au motif qu'une personne « du fait que sa conduite à l'étranger [c'est-à-dire une interruption de grossesse] commettrait un acte pénalement sanctionné s'il était commis en Irlande » (on the ground that his or her intended conduct there would, if it occurred in the State, constitute an offense under section 22) .

Le site du Planning familial irlandais précise, en forme de synthèse, qu'il existe dans ce pays un droit à :

- demander des informations sur les services d'interruption de grossesse dans les autres pays à son organisme de sécurité sociale ou à son conseiller en matière de grossesse non désirée ;

- recevoir des informations sur les services d'interruption de grossesse dans d'autres pays lors d'un entretien de conseil en face à face sur toutes les options possibles (devenir parent, interrompre sa grossesse et faire adopter l'enfant) ;

- se rendre dans un autre pays pour avoir accès à un service d'interruption de grossesse sécurisé et légal ;

- avoir accès à des services gratuits de conseil en cas de grossesse, après l'interruption de grossesse et des vérifications médicales après l'interruption de grossesse en Irlande ;

- et être traitée avec dignité et respect à tout moment.

3. Clause de conscience

Aux termes de l'article 17 de la loi sur la protection de la vie durant la grossesse de 2013, les praticiens médicaux, les infirmières et les sages-femmes ne sont pas tenus d'effectuer ou d'aider à effectuer, les actes médicaux liés à l'interruption de grossesse s'ils invoquent la clause de conscience.

Une personne qui invoque cette clause doit cependant prévoir le transfert de soins nécessaire pour permettre à la femme enceinte concernée d'accéder à une interruption de grossesse.

Cette clause de conscience n'est pas applicable aux cas d'urgence dans lesquels la femme court un risque vital immédiat (articles 17 (2) et 8 (1)).

4. Sanctions pénales

En vertu des articles 22 et 23 de la loi sur la protection de la vie durant la grossesse de 2013, dont l'article 5 a rendu inapplicable à l'interruption de grossesse les sanctions prévues par les articles 58 et 59 de la loi sur les atteintes aux personnes de 1861 28 ( * ) :

- la « destruction intentionnelle d'une vie humaine non-née » (intentionnally destroy unborn human life) est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement de 14 ans ;

- les personnes morales qui participent ou acceptent un tel acte sont également passibles de poursuites de ce fait.

5. Prise en charge financière de l'interruption de grossesse

Une interruption de grossesse est à la charge de la patiente, aucune assistance financière de l'État n'est prévue.

6. Dispositions relatives à la contraception d'urgence

La contraception d'urgence est en accès libre en Irlande, où l'on peut se la procurer dans les pharmacies sans ordonnance, ou par l'intermédiaire d'un médecin ou d'un centre de planning familial.

Un pharmacien ou un médecin a le droit de refuser de délivrer une telle contraception au motif qu'elle entre en contradiction avec ses convictions, mais doit cependant s'abstenir d'essayer d'imposer sa position, se comporter de façon à ne pas montrer sa désapprobation. Il doit enfin indiquer les coordonnées d'un autre pharmacien ou d'un médecin qui pourra délivrer la pilule dans un délai raisonnable.

7. Statistiques

Selon le rapport du ministère de la Santé irlandais publié en 2015, le nombre d'interruptions de grossesse pratiquées en Irlande dans le cadre des dispositions de la loi de 2013 sur la protection de la vie durant la grossesse s'est élevé à 26 en 2014, lesquelles se répartissent entre :

- 14 du fait du risque pour la vie de la femme résultant d'une maladie physique ;

-  9 causées par un risque immédiat pour la vie de la femme ;

- et 3 du fait de l'existence d'un risque réel et substantiel pour la vie de la femme consécutif à l'intention de se suicider 29 ( * ) .

Selon l' Irish Family Planning Association , environ 5 000 femmes se rendent hors d'Irlande pour avorter chaque année.

Selon les autorités britanniques, en 2013, 3 679 femmes disposant d'une adresse en Irlande avaient avorté au Royaume-Uni et au Pays de Galles, soit 67 % des interruptions de grossesse réalisées sur des personnes non résidentes.

La différence entre les deux chiffres pourrait provenir du fait que certaines femmes ne communiquent pas leur véritable adresse.


* 28 CEDH, Grande Chambre, Affaire A, B et C c. Irlande, requête n° 25579/05, arrêt du 16 décembre 2010, considérant n°145 et Claire Murray (2016) The protection of life During Pregnancy Act 2013 : Suicide, dignity and the Irish discourse on abortion. Social and Legal Studies : an international Journal . [in Press], p. 4.

* 29 Department of Health, Notification in accordance with section 20 of the protection of life during pregnancy act 2013 , june 2015, p. 3.

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