LE NOMBRE DES MEMBRES DES CHAMBRES
DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES NATIONALES
ET DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES FÉDÉRALES

Cette note a pour objet de comparer le nombre des membres des assemblées délibérantes qui concourent à l'adoption des lois dans seize pays dont :

- quatorze États d'Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, Irlande, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Suisse et France) ;

- et deux États d'Amérique du Nord (Canada et États-Unis).

En termes de périmètre d'étude , cette référence au « nombre des membres » permet notamment de prendre en compte les membres :

- élus ;

- nommés (cas des membres du Bundesrat allemand désignés par les gouvernements de chacun des Länder et des membres du Sénat du Canada nommés par le Gouverneur général sur proposition du Premier ministre ) ;

- à titre héréditaire (comme une partie de ceux qui composent la chambre des Lords anglais) ;

- ès qualité (anciens présidents de la République italienne qui siègent, de droit, à vie, au Sénat italien s'ils le souhaitent).

L'approche retenue prend en compte les chambres dotées d'une compétence législative analogue, en tout ou partie, à celle de l'Assemblée nationale et du Sénat français, ce qui revient à exclure les assemblées régionales dépourvues d'une telle compétence (régions françaises) et à s'intéresser, en revanche, aux assemblées régionales d'États unitaires qui disposent d'une telle compétence législative (régions italiennes et autonomies espagnoles). La prise en compte des assemblées délibérantes des États fédérés et des régions des États unitaires qui disposent de compétences législatives permet de considérer tous les membres d'assemblées qui participent à l'adoption des lois , quel que soit le niveau du mandat dont ils sont titulaires (fédéral, national, fédéré, régional, autonomique).

Après avoir évoqué la méthode retenue pour effectuer cette comparaison et les réserves dont il convient de l'assortir, on présentera successivement dans six tableaux :

- la position qu'occupe la France parmi ces États en valeur absolue ;

- puis la situation qui serait la sienne, si l'on y appliquait les ratios existants dans ces autres pays en matière de nombre de membres des parlements rapportés, d'une part, au territoire, d'autre part, à la population.

Cette comparaison permet de mesurer la situation relative de la France dans des termes que le recours aux valeurs absolues ne permettrait pas d'appréhender. Purement arithmétique, elle n'emporte aucun jugement de valeur sur chacun des systèmes considérés mais permet de situer la position qu'occupe notre pays.

I. PRÉSENTATION GENERALE

1. La méthode de comparaison

Afin de mener à bien cette comparaison, on a procédé à trois séries d'opérations qui concernent respectivement le nombre total des membres des chambres des parlements fédéraux ou nationaux en valeur absolue, puis le nombre des membres des secondes chambres et enfin le nombre des membres des entités dotées d'une compétence législative.

• La comparaison du nombre total des membres des chambres des parlements fédéraux ou nationaux

Afin de fonder l'analyse sur des bases objectives, on a :

- rapporté le nombre total de membres des chambres fédérales ou nationales à la population d'une part et à la superficie de chacun des États d'autre part afin d'établir deux ratios pour chaque État ;

- puis appliqué ces ratios (nombre d'habitants par élu national/fédéral et nombre de kilomètres carrés par élu national/fédéral) observés dans chacun des quinze autres États au cas de la France. Cette opération revient à déterminer le nombre d'élus qu'il y aurait, en France, si l'on y appliquait les règles en vigueur dans chacun d'entre eux .

En d'autres termes, elle permet de comparer les effets des systèmes qui aboutissent à la désignation des membres des chambres, sans préjudice des facteurs qui les déterminent (législation, coutumes, géographie...).

• La comparaison du nombre de membres de chaque seconde chambre

La deuxième opération a consisté à :

- comparer le nombre de membres des deuxièmes chambres à la population d'une part, puis à la superficie de chacun des États d'autre part, afin d'établir deux ratios pour chacun d'entre eux ;

- appliquer les deux ratios (nombre d'habitants par élu des deuxièmes chambres au niveau national/fédéral et nombre de kilomètres carrés par élu des deuxièmes chambres au niveau national/fédéral) observés dans chacun des quinze autres États au cas de la France afin de déterminer le nombre d'élus qu'il y aurait en France, à la seconde chambre, si l'on appliquait les règles en vigueur dans ces autres États.

Derechef, cette méthode permet de connaître la position de la France par rapport à l'étranger.

• La comparaison du nombre total des membres dans toutes les collectivités dotées d'un pouvoir législatif

Pour permettre une meilleure comparaison des États fédéraux (Allemagne, États-Unis d'Amérique, Canada, Suisse) avec les États unitaires qui comptent au moins deux niveaux institutionnels où s'exerce une compétence législative (Espagne voire Italie) et avec les États purement unitaires, on a enfin fait la somme, dans un seul tableau, pour chaque État, de l'ensemble des membres des assemblées nationales ou fédérales, d'une part, de ceux des assemblées délibérantes des entités fédérées et des régions dotées d'un pouvoir législatif, d'autre part.

On a rapporté ce total, comme indiqué supra , à la population, puis au territoire afin de déterminer deux ratios qui, appliqués à la France, permettent de savoir ce que serait le nombre d'élus dans notre pays, si l'on y appliquait les proportions existantes dans chacun des quinze autres États étudiés, compte tenu de la taille de la population française et de la superficie du territoire de l'Hexagone.

2. Des réserves méthodologiques

Si elle présente le grand avantage de se fonder sur des éléments objectifs, quantifiables et incontestables (population et superficie du territoire) la démarche retenue présente, de ce fait même, des limites qui tiennent aux fortes disparités qui existent, en la matière, entre les États considérés. Pour ne prendre que ces exemples extrêmes, on compte plus de 323 millions d'habitants aux États-Unis d'Amérique contre 4,5 millions en Irlande tandis que le territoire du Canada avoisine 10 millions de kilomètres carrés, contre 41 290 kilomètres carrés pour la Suisse.

Ces fortes disparités conduisent à renoncer à tenter de définir un illusoire « optimum » pour la fixation du nombre de membres des assemblées dotées de compétences législatives et à s'interroger sur les motifs qui ont conduit au choix de chacun des systèmes étudiés, lesquels ne sont pas dénués de liens avec des éléments physiques difficilement comparables (topographie, relief, densité de population, nombre de communes...), comme le relevait Montesquieu en notant que « s'il est vrai que le caractère de l'esprit et les passions du coeur soient extrêmement différents dans les divers climats les lois doivent être relatives et à la différence de ces passions, et à la différence de ces caractères » 61 ( * ) . De fait, la comparaison internationale met en évidence une extrême diversité des situations qui limite l'intelligence de la comparaison.

La géographie, les mentalités, l'histoire constituent des composantes importantes de l'organisation institutionnelle des pouvoirs publics, en général, et de puissants déterminants des compétences dévolues à chaque assemblée, en particulier, dont la comparaison purement arithmétique ne saurait, à elle seule, rendre compte.

En matière de répartition institutionnelle des compétences , précisément, il convient de garder à l'esprit le biais introduit dans la comparaison par la référence à des États fédéraux, d'une part, et à des États unitaires, de l'autre. Le choix de chacun de ces modes de division du Pouvoir et de répartition des compétences a une incidence directe sur le nombre des membres des assemblées délibérantes investies d'une compétence législative.

Les compétences des assemblées varient également fortement, justifiant des modalités de composition et un nombre de membres très variables. On songe ici, par exemple :

- à la différence dans la répartition des compétences entre niveaux de gouvernement respectivement dans les États fédéraux et dans les États unitaires ;

- et à la division des compétences entre les deux chambres du Parlement qui existent à un même niveau institutionnel, à l'instar des compétences spécifiques du Bundestag et du Bundesrat en Allemagne en matière législative et de celles de la Chambre des Communes et du Sénat du Canada.

Au surplus, la conception même de la nature et de l'objet du mandat parlementaire , et la portée de la délibération qui précède le vote des lois varient dans les États étudiés. C'est ainsi qu'en Suisse les élus nationaux siègent de façon périodique dans le cadre de sessions d'une durée limitée qui réunissent les membres d'un « Parlement de milice » qui exercent d'autres activités par ailleurs, tandis que les délibérations du Bundesrat laissent une place limitée au débat en séance publique.

De même la possibilité ou l'interdiction de cumuler des mandats ont-elles également un effet sur le nombre des membres des assemblées élues.

Enfin, dans certains États existent des assemblées consultatives -dépourvues de pouvoir législatif- analogues au Conseil économique et social français parfois non élues (Belgique, Italie, Pays-Bas par exemple) qui n'entrent pas dans les statistiques étudiées, alors même qu'elles peuvent jouer un rôle institutionnel de conseil ou de représentation de certains intérêts important, dont tout ou partie relève dans d'autres États d'assemblées législatives.


* 61 Montesquieu, « Les lois dans le rapport qu'elles ont avec la nature du climat » , dans De l'esprit des lois , I, Paris, Garnier, 1973, p. 245.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page