LA DEJUDICIARISATION DU DIVORCE
Table des matières
NOTE DE SYNTHESE
Le Garde
des Sceaux ayant récemment suggéré d'instaurer en France
un " divorce civil " en cas de séparation des époux par
consentement mutuel, il a paru intéressant d'examiner les
législations étrangères permettant d'atténuer le
rôle du juge dans la procédure de divorce.
A cette fin, on a étudié les législations relatives au
divorce consensuel, car les procédures applicables en cas d'accord des
époux ont pour caractéristiques non seulement
d'accélérer le contentieux conjugal mais aussi de diminuer le
rôle du juge. Il a également semblé nécessaire de
montrer que certaines modifications législatives récentes ont
essayé de limiter les inconvénients d'une
déjudiciarisation trop poussée.
Les pays suivants ont été retenus : Angleterre et
Pays de Galles, Belgique, Danemark, Italie,
Norvège et Suède. On a de plus analysé la
récente loi sur le mariage adoptée le 15 juillet 1997 par
l'Etat américain de Louisiane qui cherche à rendre le
divorce plus difficile.
L'étude des législations européennes fait apparaître
que :
- l'accord des conjoints est une condition permettant le recours à
une procédure simplifiée et accélérée ;
- l'affaiblissement du rôle du juge s'accompagne d'une autonomie
croissante des époux dans le règlement des effets du
divorce ;
- la protection de l'intérêt des enfants constitue toutefois une
limite importante à la déjudiciarisation du divorce.
I. L'ACCORD DES CONJOINTS PERMET LE RECOURS A UNE PROCEDURE
ABREGEE ET SIMPLIFIEE
1) Une procédure abrégée et
simplifiée...
L'accord
des époux permet :
- de diminuer la durée de séparation nécessaire pour
demander le divorce. Par exemple, au Danemark, le délai de
séparation passe de douze à six mois en cas de demande conjointe.
De même, en Angleterre et au Pays de Galles, la durée
nécessaire de séparation est réduite de cinq à deux
ans en cas d'accord des époux, selon la législation actuellement
en vigueur.
- de simplifier la procédure. En Belgique, la réforme n'exige
plus que deux comparutions des époux espacées de trois mois, au
lieu de trois espacées de six mois. En Norvège et en
Suède, la procédure étant écrite et sommaire, elle
est nécessairement plus rapide. En Italie, la phase de conciliation est
abrégée lorsqu'il y a divorce par consentement mutuel.
2) ... qui permet d'obtenir le divorce plus rapidement
Au
total, la durée des divorces a fortement diminué dans les pays
européens après les réformes de simplification des
procédures. Elle n'est plus par exemple que de quelques mois au Danemark
et en Norvège. De même, en Angleterre et au Pays de Galles, la
procédure spéciale appliquée depuis 1977 à tous les
divorces non contestés permet aux couples de divorcer en quatre à
six mois.
A l'inverse de cette tendance, certains pays ont souhaité lutter contre
une trop grande célérité des procédures qui nuirait
à toute tentative de restauration du mariage. C'est ainsi que la
réforme britannique de 1996, qui n'est pas encore entrée en
vigueur, instaure un délai de " réflexion et de
considération " ; une période de neuf ou quinze
mois selon les cas devra nécessairement s'écouler entre le
dépôt de la demande et la suite de la procédure.
II. L'AFFAIBLISSEMENT DU ROLE DU JUGE S'ACCOMPAGNE D'UNE
AUTONOMIE CROISSANTE DES EPOUX DANS LE REGLEMENT DES EFFETS DU
DIVORCE
1) L'affaiblissement du rôle du
juge
La
plupart du temps, le contrôle du juge devient purement formel. Dans
certains cas, l'étendue même de sa compétence se restreint.
a) Un contrôle formel
En Belgique, le procureur du Roi doit donner au juge un avis sur le respect des
conditions légales de forme et d'admissibilité de la
requête, qui est un simple contrôle de légalité.
En Angleterre et au Pays de Galles, sous l'empire de la législation
actuellement en vigueur, le contrôle du juge est pratiquement inexistant
puisqu'il n'examine pas le fond de l'affaire.
En Norvège, le gouverneur du comté, compétent à la
place du juge pour les divorces non contestés, ne fait que
vérifier le respect des conditions de délai de séparation.
b) Une compétence restreinte
Il arrive que des pans entiers du contentieux du divorce ne relèvent
plus de la compétence judiciaire :
- les divorces non contestés en Norvège et au Danemark sont
traités par le gouverneur du comté ;
- le règlement de certains effets accessoires du divorce peut
être confié à une autorité administrative. C'est
notamment le cas en Angleterre et au Pays de Galles, où le montant de la
pension alimentaire due aux enfants est fixée par une agence
administrative, la Child Support Agency. De même, au Danemark, la
détermination des droits de visite relève dans tous les cas de la
compétence de l'administration.
2) La privatisation du règlement des effets du
divorce
Dans
l'ensemble des pays étudiés, les époux ont une autonomie
de plus en plus grande pour trouver des arrangements sur les
conséquences du divorce. Parallèlement, le recours à des
organismes de médiation est encouragé.
a) L'autonomie des époux
Le législateur cherche en effet à aboutir à une plus
grande contractualisation des questions conjugales. Il appartient aux
époux de trouver eux-mêmes des accords satisfaisants concernant la
pension alimentaire et la garde des enfants.
En Angleterre et au Pays de Galles, la réforme de 1996 a institué
un délai de réflexion afin de permettre aux époux de
trouver un accord sur les effets du divorce, alors qu'auparavant, le
règlement de ces questions était examiné après le
divorce.
En Belgique, avant 1994, la loi donnait aux conventions passées entre
les époux force de loi. Ce divorce " contractuel " n'a
d'ailleurs été que peu touché par la réforme.
b) Le recours à la médiation
Le couple peut être aidé dans sa recherche d'un accord par des
organismes de médiation. Le recours à de telles structures est
fortement encouragé.
En Angleterre et au Pays de Galles, les époux sont informés lors
de l'entretien préliminaire des possibilités de recourir à
la médiation ou aux services de conseil conjugal. Les avocats sont
destinés à devenir le dernier recours.
En Suède, les municipalités doivent tenir à la disposition
de tous les couples un service de médiation gratuit, qui joue un
rôle important dans la recherche d'un accord sur les problèmes de
garde et de droits de visite.
En Norvège, la médiation est obligatoire lorsqu'il y a des
enfants de moins de seize ans.
III. LA PROTECTION DE L'INTERET DES ENFANTS CONSTITUE
TOUTEFOIS UNE LIMITE IMPORTANTE A LA DEJUDICIARISATION DU
DIVORCE
1) La présence d'enfants mineurs impose aux parents
le respect de règles supplémentaires
Certaines précautions supplémentaires sont
imposées par la loi pour garantir une meilleure prise en compte de
l'intérêt des enfants.
En Angleterre et au Pays de Galles, comme en Suède, le délai de
réflexion imposé aux parents est allongé lorsqu'il y a des
enfants de moins de seize ans.
En Norvège, la médiation est obligatoire lorsqu'il y a des
enfants âgés de moins de seize ans.
Enfin, en Belgique, la réforme de 1994 a introduit la possibilité
pour un parent de demander au juge de modifier la convention après le
divorce si l'intérêt des enfants se trouvait gravement
menacé à la suite de " circonstances
imprévisibles ".
2) Le juge contrôle alors les accords passés
entre les conjoints
La
protection de l'intérêt de l'enfant a incité le
législateur à renforcer le pouvoir donné au juge pour
contrôler le contenu des accords passés entre les époux.
En Belgique, depuis 1994, un contrôle judiciaire d'opportunité a
été introduit pour la défense de l'intérêt
des enfants mineurs. Il se manifeste de deux façons :
- le procureur est invité à donner un avis sur le contenu des
conventions relatives aux enfants mineurs ;
- si le juge considère certaines dispositions de ces conventions comme
" manifestement contraires aux intérêts des enfants
mineurs ", il peut les faire supprimer ou modifier.
Au Danemark, lorsque le divorce n'est pas contesté, l'administration,
compétente à la place du juge, peut refuser de prononcer le
divorce par décret si l'arrangement trouvé est contraire à
l'intérêt des enfants.
En Italie, le divorce n'est accordé que si les arrangements des
époux sont satisfaisants pour l'intérêt des enfants.
Enfin, en Suède, le juge n'exerce un contrôle sur les accords des
époux que pour vérifier que l'intérêt des enfants a
bien été pris en compte.
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*
Dans
l'ensemble des pays européens étudiés, il est apparu
nécessaire de simplifier le contentieux conjugal en instaurant des
procédures de divorce par consentement mutuel qui donnent une plus
grande autonomie aux conjoints pour trouver des arrangements satisfaisants sur
les conséquences du divorce.
Toutefois, cette contractualisation du divorce s'accompagne de deux limites
importantes. D'une part, elle conduit le plus souvent à confier à
des organismes de médiation une place importante dans la
procédure de divorce. D'autre part, elle n'exclut jamais totalement le
juge qui devient un régulateur des conflits familiaux.
A l'inverse de cette tendance, la Louisiane a créé un contrat de
mariage " renforcé " (covenant marriage) qui n'ouvre la
possibilité aux couples de divorcer qu'après le respect d'un
délai relativement long de séparation ou sous des conditions
restrictives.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Actuellement, la plupart des couples qui souhaitent divorcer
choisissent la procédure " spéciale " prévue par
le Matrimonial Causes Act de 1973.
Rapide et très économique, elle est très critiquée,
notamment parce que :
- elle ne prend pas en compte les conséquences du divorce ;
- la trop grande célérité de la procédure
conjuguée à une information insuffisante du couple ne permet pas
d'encourager les époux à essayer de sauvegarder leur mariage.
C'est pourquoi le Family Law Act, adopté le 4 juillet
1996, introduit la notion nouvelle de divorce sans faute.
La réforme apporte deux changements importants. D'une part, elle
institue un délai de " réflexion et de
considération " (de neuf à quinze mois) pendant lequel
les époux sont invités à réfléchir sur les
conséquences d'un éventuel divorce et, en cas de rupture
irrémédiable, à trouver les arrangements
nécessaires. D'autre part, elle incite le couple à s'adresser
à des organismes de médiation pour trouver les solutions les plus
satisfaisantes pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
La partie de la nouvelle loi sur la famille concernant le divorce sera mise en
application après la conclusion des projets-pilote lancés en 1996
et qui doivent durer au moins deux ans.
On a analysé la loi de 1973, encore en vigueur, et celle de
1996.
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La demande
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1) La procédure spéciale prévue par la
loi de 1973
Le
divorce se justifie par l'échec irrémédiable du mariage,
dont la preuve est établie par l'une des cinq circonstances
suivantes :
- le défendeur a commis un acte d'adultère rendant
intolérable au demandeur le maintien de la vie commune ;
- le défendeur s'est comporté de telle façon que le
demandeur ne peut raisonnablement continuer à vivre avec lui ;
- le défendeur a abandonné le demandeur depuis au moins deux
ans ;
- les époux vivent séparément depuis au moins
deux ans et le défendeur ne s'oppose pas au divorce ;
- les époux vivent séparément depuis cinq ans au
moins.
Dans tous les cas, la demande ne peut être présentée devant
le tribunal avant l'expiration d'un délai d'un an suivant le mariage.
La procédure spéciale s'applique à toutes les affaires
ne donnant pas lieu à contestation.
La requête se présente alors sous la forme d'une simple
déclaration sous serment.
2) Le divorce sans faute introduit par la réforme de
1996
Le motif
justifiant le divorce reste l'échec irrémédiable du
mariage. Cependant, la réforme permet de demander le divorce sur
simple déclaration unilatérale de l'échec du
mariage.
La procédure de divorce commence par un entretien obligatoire avec les
deux époux, qui sert à fournir des informations et des conseils
sur les possibilités d'accès aux services de conseil conjugal, de
médiation et de conseil juridique.
Elle permet aussi d'évoquer les conséquences qu'aurait la
poursuite d'une action en divorce tant au plan financier que, le cas
échéant, pour les enfants.
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La procédure
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1) La procédure spéciale prévue par la
loi de 1973
Le
contrôle du juge est pratiquement inexistant : la
procédure, très sommaire, évite l'examen du fond de
l'affaire et la comparution personnelle des époux.
Très rapide, entre quatre et six mois, cette forme de divorce a
été très critiquée, notamment parce qu'elle ne
permettait pas, selon ses détracteurs, de préserver les mariages
qui pouvaient l'être et repoussait à plus tard l'examen des effets
du divorce.
De plus, la procédure du divorce pour faute exacerbe le conflit entre
les parents, ce qui risque d'avoir des conséquences négatives
pour les enfants.
2) Le divorce sans faute introduit par la réforme de
1996
A la
suite de l'entretien d'information, s'ouvre une période de trois mois
à l'issue de laquelle la demande en divorce peut être
déposée.
C'est à partir de cette demande que débute la période de
" réflexion et de considération " d'une
durée de neuf mois portée à quinze mois s'il y a des
enfants de moins de seize ans ou si l'un des époux souhaite un
temps de réflexion plus long.
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Le règlement des effets du
divorce
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1) La procédure spéciale prévue par la
loi de 1973
Elle
prévoit que l'examen des questions accessoires se fait après le
prononcé du divorce.
La procédure spéciale peut donc être comparée
à une sorte de divorce administratif.
2) Le divorce sans faute introduit par la réforme de
1996
Les
couples doivent mettre à profit la période de réflexion
pour aboutir à un accord sur les conséquences du divorce :
l'accord financier peut faire l'objet d'une ordonnance du tribunal,
d'un accord négocié, d'une déclaration commune des deux
époux ou d'une déclaration de l'un d'entre eux ;
les époux doivent montrer au juge que les arrangements trouvés
sont satisfaisants pour leurs enfants.
L'absence de compromis sur un accord pendant cette période ouvre une
nouvelle période de réflexion.
L'accord doit être trouvé grâce aux informations fournies
lors de l'entretien préliminaire et avec l'aide des organismes de
médiation. Les avocats sont destinés à devenir le dernier
recours.
Le but de la réforme consiste à déjudiciariser le divorce
en détournant le règlement de ses effets accessoires vers la
médiation.
Depuis l'entrée en vigueur du Child Support Act en 1993, l'un des
aspects du règlement du divorce a été soustrait à
tout arrangement privé. La fixation des pensions alimentaires pour les
enfants a en effet été confiée à une agence
administrative spécialisée, la Child Support Agency. Les
obligations financières des parents envers leurs enfants
échappent dorénavant aux attributions des tribunaux.
Les changements opérés par la réforme de 1996 ont
également pour objectif d'éviter le tribunal, mais dans un sens
opposé puisque, loin de vouloir confier à un organisme
extérieur certaines conséquences du divorce, la loi cherche au
contraire à permettre aux parties d'élaborer leurs propres
décisions.
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BELGIQUE
La
loi du 30 juin 1994, entrée en vigueur le
1er octobre 1994, apporte des modifications sensibles aux
dispositions du code judiciaire relatives au divorce par consentement mutuel.
D'une part, elle limite la rigidité et la durée de certaines
formalités de la procédure, ce qui devrait contribuer à
réduire la durée d'un divorce de quinze à six mois.
D'autre part, elle atténue la liberté contractuelle qu'avaient
les époux pour régler les questions accessoires du divorce et qui
empêchait tout droit de regard du juge. L'immutabilité des
conventions se heurte aujourd'hui à la faculté dont dispose le
juge de vérifier le respect de l'intérêt, juridiquement
protégé, de l'enfant.
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La demande
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La
demande est introduite par le dépôt d'une requête au greffe
du tribunal de première instance. La comparution personnelle des
époux, obligatoire avant la réforme de 1994, n'est plus
nécessaire pour enclencher la procédure.
La requête doit être signée par chacun des époux ou
par au moins un avocat ou un notaire.
Elle comprend obligatoirement les conventions passées entre les
époux pour le règlement des effets du divorce. Mais il n'est plus
nécessaire de faire dresser au préalable un inventaire
notarié des biens possédés par le couple qui,
précédemment, devait garantir l'authenticité du
règlement du partage.
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La procédure
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La
procédure du divorce par consentement mutuel a été
simplifiée par la loi de 1994. Les époux ne sont plus
convoqués qu'à deux comparutions espacées de trois mois,
au lieu de trois espacées de six mois avant 1994.
Les comparutions sont théoriquement personnelles mais le juge peut,
" dans des circonstances exceptionnelles ", accorder des
dérogations, notamment lorsque l'un des époux est malade ou
réside à l'étranger.
Pendant la procédure de divorce, le procureur du Roi émet un avis
sur le respect des conditions légales de forme (caractère
exhaustif des effets du divorce réglé par la convention...) et
d'admissibilité (conditions d'âge, respect des
règles du droit international privé...). Transmis au juge, cet
avis se limite à un simple contrôle de légalité.
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Le règlement des effets du
divorce
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Les
époux doivent régler par une convention les effets accessoires du
divorce et notamment :
- la garde des enfants ;
- la pension alimentaire due par un époux et les modalités selon
lesquelles elle pourra être révisée après le
divorce ;
- la résidence de chacun des époux pendant la procédure
et après le divorce.
Cette convention peut désormais être faite sous seing
privé.
Avant 1994, ce règlement des effets du divorce était
définitif. Le juge n'avait aucun droit de regard sur les arrangements
entre époux, ni en ce qu'ils touchaient à leurs droits et
intérêts, ni en ce qu'ils concernaient le sort des enfants. Le
juge ne pouvait refuser de prononcer le divorce que si certains des termes de
cet accord étaient contraires à l'ordre public.
La loi du 30 juin 1994 a apporté d'importantes retouches au
système antérieur en introduisant un contrôle judiciaire
d'opportunité. Limité à la défense de
l'intérêt des enfants mineurs, il se manifeste de deux
façons :
- d'une part, le procureur est invité à donner un avis sur le
contenu des conventions relatives aux enfants mineurs ;
- d'autre part, si le juge considère certaines dispositions de ces
conventions comme " manifestement contraires aux intérêts
des enfants mineurs ", il peut les faire supprimer ou modifier.
A défaut de suivre les éventuelles injonctions du juge, les
époux courent le risque de voir leur demande en divorce rejetée.
Enfin, après le divorce, l'un des parents peut demander au juge de
modifier la convention si l'intérêt des enfants venait à se
trouver gravement menacé par suite de " circonstances
imprévisibles ", formule extrêmement restrictive qui
souligne l'importance encore accordée au principe de
l'immutabilité du contrat.
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La loi
du 30 juin 1994 laisse une grande part à la contractualisation de
la relation matrimoniale et accorde au juge un pouvoir limité de
contrôle des arrangements passés entre les époux.
Toutefois, il faut signaler que, lors des débats parlementaires,
l'idée d'une déjudiciarisation plus poussée du divorce par
consentement mutuel avait été évoquée par les
libéraux et la Volksunie, promoteurs du " divorce
administratif ", ainsi que par le SP (parti socialiste), partisan
de la non-intervention du ministère public. A l'inverse, le Vlaams
Blok et le CVP (parti social chrétien) s'opposaient à
l'idée de réduire le divorce par consentement mutuel à une
simple formalité.
DANEMARK-NORVEGE
La
loi danoise sur le mariage et le divorce du 8 mars 1991 et la loi
norvégienne n° 47 sur le mariage du 4 juillet 1991
accentuent la tendance à la déjudiciarisation :
l'administration peut dans certains cas se substituer au juge dans le
traitement du contentieux conjugal.
En effet, si les époux sont d'accord sur les conditions de dissolution
du mariage (ce qui est le cas dans 90 % des divorces) et sur le principe
d'un divorce administratif, l'administration prononce le divorce par
décret. A l'inverse, lorsque aucune solution ne peut être
trouvée au cours de la procédure administrative, le divorce est
du ressort du tribunal.
Par ailleurs, le Danemark et la Norvège accordent une place importante
aux organismes de médiation pour assister les époux dans la
recherche d'un arrangement satisfaisant sur les conséquences du
divorce.
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La demande
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Danemark
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Le
divorce peut être demandé pour les raisons suivantes :
- séparation légale depuis au moins une année ;
- séparation légale ou de fait depuis six mois au moins si les
parties sont d'accord pour divorcer ;
- adultère ;
- séparation de fait d'au moins deux années ;
- bigamie ;
- violence contre un époux ou contre un enfant.
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Norvège
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Les
époux peuvent demander le divorce :
- après une séparation de fait de deux ans au moins ;
- après une séparation légale d'un an au moins, sans
qu'aucun délai ne soit prescrit entre le mariage et l'acte de
séparation.
Le gouverneur du comté accorde automatiquement l'acte de
séparation sur requête de l'un des époux.
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Le
divorce est du ressort de l'administration lorsque les trois conditions
suivantes sont réunies :
- le divorce est demandé pour l'une des causes ci-dessus
mentionnées ;
- les parties acceptent le principe d'une procédure administrative de
divorce ;
- elles sont d'accord sur les conséquences les plus importantes du
divorce (droit à une pension alimentaire de l'un des époux, garde
des enfants et jouissance de l'appartement conjugal).
Il n'est pas nécessaire que les époux aient trouvé au
moment du dépôt de la demande de divorce, un accord sur les
effets du divorce. Celui-ci peut en effet intervenir lors de la
procédure.
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C'est
seulement lorsqu'il y a violence ou contestation de la durée de
séparation que la procédure de divorce relève de la
compétence du tribunal.
Il n'est pas obligatoire que les époux soient d'accord sur les effets
accessoires, ces questions pouvant ultérieurement être
déférées devant les tribunaux et donc disjointes de la
décision principale.
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La procédure
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Danemark
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Les
époux sont convoqués à une réunion obligatoire,
présidée par un fonctionnaire. Elle n'est pas obligatoire pour
les couples ayant déjà obtenu une séparation
légale. Ils sont avertis au cours de cette réunion des
conséquences de leur décision de divorcer.
Ils doivent comparaître personnellement. Si l'un des époux ne se
rend pas à la réunion (après deux convocations), le
divorce ne peut être obtenu par décret administratif. Les
époux doivent alors divorcer devant le juge.
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Norvège
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La
procédure est essentiellement écrite. Le gouverneur du
comté n'effectue aucun contrôle de fond et se contente de
contrôler les conditions de délais de séparation.
Toutefois, il peut, s'il l'estime nécessaire, convoquer les parties.
Les parents d'enfants de moins de seize ans souhaitant divorcer
après une séparation de fait doivent préalablement avoir
tenté une médiation.
Les divorces sont prononcés par décret du gouverneur du
comté.
|
Les
officiers administratifs (officiers de comté) ont le devoir de
vérifier l'existence de la cause du divorce et d'assister les
époux dans le règlement des effets accessoires, tout en leur
laissant un large degré d'autonomie.
Les divorces sont prononcés par le ministère de la justice ou par
décret du gouverneur du comté (par délégation du
ministère de la justice).
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Le règlement des effets du
divorce
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Danemark
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Le
couple doit s'entendre en cours de procédure sur les points
suivants :
- la garde des enfants ;
- le droit à l'usage du logement familial ;
- le droit à une pension alimentaire de l'un des époux ;
- le devoir de l'un des époux de verser un capital à l'autre en
cas de séparation des biens en vue d'éviter que celui-ci ne
subisse un préjudice injuste du fait du divorce.
Le gouverneur du comté peut proposer aux parents et à leurs
enfants de tenter une médiation en cas de désaccord sur ces
points, afin de leur permettre de trouver la solution la meilleure pour
l'intérêt des enfants. La loi prévoit la possibilité
d'une médiation confessionnelle.
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Norvège
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La
médiation, obligatoire lorsqu'il y a des enfants de moins de
seize ans, a pour objet d'amener les parties à trouver un accord
sur la garde, les droits de visite et la résidence des enfants.
L'arrangement trouvé doit être le meilleur pour les enfants. Les
parents sont, sauf excuse valable, obligés d'assister en personne
à la médiation.
Si les parents n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la garde des
enfants et les droits de visite, la question relève du tribunal.
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L'administration peut refuser de prononcer le divorce par
décret si l'arrangement trouvé par les époux (par exemple,
garde des enfants par l'un seulement des parents) est contraire à
l'intérêt des enfants. De plus, tant que l'administration n'a pas
pris de décret, les époux peuvent toujours revenir sur leur
accord. Dans ces deux cas, le divorce se fait devant le juge.
En pratique, lorsqu'il y a accord des époux, le gouverneur refuse
très rarement de prendre un décret.
Les droits de visite et le partage des biens peuvent être
réglés après le divorce.
L'administration est seule compétente pour les droits de visite,
même dans les cas où un jugement sur la garde des enfants est
nécessaire. De même, une fois que l'obligation de verser une
pension alimentaire a été fixée soit par accord, soit par
le juge, seule l'administration est compétente pour en fixer le montant.
* *
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La
plupart des divorces au Danemark ne sont contestés ni sur le principe ni
sur le règlement des effets accessoires. Le rôle des
autorités administratives se limite alors à un rôle de
contrôle et de conseil.
La procédure est donc informelle, rapide et économique.
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ITALIE
La
loi n° 898 du 1er décembre 1970 sur la
dissolution du mariage, modifiée par les lois du 19 mai 1975 et du
6 mars 1987, prévoit un type de divorce pour lequel le juge a
un pouvoir limité de contrôle.
En effet, le divorce différé pour séparation
consensuelle est ouvert aux époux qui vivent séparés
depuis trois années au moins et qui sont d'accord sur le principe du
divorce. Il donne lieu à une procédure gracieuse devant le
tribunal.
La procédure se caractérise par :
· un contrôle formel du juge ;
· l'exigence d'un délai de séparation relativement long.
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La demande
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La
demande doit indiquer le motif pour lequel le divorce est invoqué. Pour
le divorce par consentement mutuel, il s'agit de la séparation
consensuelle ayant duré au moins trois ans. Avant la loi de 1987, cette
durée était de cinq ans.
La demande peut être déposée conjointement ou par l'un
seulement des époux si l'autre a donné son accord.
Les conjoints indiquent les arrangements trouvés sur les effets
accessoires du divorce (pension alimentaire, garde des enfants).
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La procédure
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Les
époux sont convoqués à une audience de tentative de
conciliation, à laquelle ils doivent comparaître en personne.
Toutefois, si la comparution des époux doit toujours être
ordonnée, la loi n'assortit cette obligation d'aucune sanction.
Le juge peut donc renoncer à tenter une conciliation lorsque les faits
allégués constituent objectivement une cause de divorce et que
les parties montrent par leur comportement qu'elles souhaitent
véritablement divorcer.
De plus, lors d'une procédure de divorce par consentement mutuel, cette
phase se déroule de manière très abrégée et
simplifiée : le tribunal, après avoir vérifié
en chambre du conseil le respect des conditions légales, prononce le
divorce par un jugement.
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Le règlement des effets du
divorce
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Les
époux peuvent régler conventionnellement les questions relatives
à leurs relations patrimoniales et aux enfants.
Le tribunal se borne à entériner les accords entre les parties.
Le divorce est accordé immédiatement lorsque les arrangements des
époux sont satisfaisants pour l'intérêt des
enfants.
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SUEDE
La
loi n° 645 du 5 juin 1973, entrée en vigueur en 1974,
a sensiblement simplifié la procédure du divorce en supprimant le
divorce pour faute et en rendant facultative la médiation entre les
époux.
Malgré une procédure très
" administrative ", la Suède a opté, à la
différence du Danemark et de la Norvège, pour une
compétence judiciaire en matière de divorce.
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La demande
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Le
divorce est un droit inconditionnel de chacun des époux. Aucune preuve
du caractère définitif de l'échec du mariage n'est requise.
Le tribunal doit examiner si le divorce peut être prononcé
sur-le-champ. C'est notamment le cas :
- si le mariage a été contracté en violation des
règles relatives à l'empêchement (par exemple en cas de
bigamie) ;
- si les époux vivent séparés de fait depuis au moins
deux ans ;
- lorsque les époux sont d'accord sur le principe du divorce.
Toutefois, un délai de réflexion de six mois leur est
imposé s'ils le demandent ou s'il y a des enfants de moins de seize ans.
Dans le cas où un délai de réflexion doit être
respecté, un époux doit reformuler une demande de divorce
à l'issue des six mois. Si une telle demande n'est pas effectuée
dans l'année qui suit, la procédure est réputée
caduque.
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La procédure
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La
procédure est entièrement écrite. Les époux ne
sont pas obligés de comparaître devant le tribunal puisque la
tentative de conciliation obligatoire a été supprimée.
Cependant, la Suède a organisé un système de
médiation volontaire et créé des services de conciliation
publics et gratuits.
Cette procédure étant facultative, le médiateur ne peut
obliger les parties à comparaître devant lui. Il doit chercher la
cause du différend et tenter de le résoudre avec le couple.
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Le règlement des effets du
divorce
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Le
juge n'exerce aucun contrôle sur le contenu des accords passés
entre les époux, sauf lorsqu'il s'agit de la garde des enfants. En
effet, il peut, dans ce cas, refuser les arrangements manifestement contraires
à l'intérêt de l'enfant.
Les services de médiation jouent un rôle important pour les
problèmes de garde et de droit de visite. Les parents peuvent
s'entretenir avec des experts et des travailleurs sociaux. Les discussions ont
souvent lieu avant la procédure devant le tribunal.
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ETATS-UNIS (ETAT DE LOUISIANE)
Le taux
élevé de divorces aux Etats-Unis a incité certains Etats
à chercher des solutions pour renforcer les liens du mariage.
Des initiatives législatives tentent notamment :
· de rendre le divorce plus difficile, en supprimant le divorce sans
faute ;
· d'éviter les mariages hâtifs en proposant aux couples des
programmes laïcs de préparation au mariage.
L'Etat de Louisiane s'est engagé dans une autre voie. La Covenant
Marriage Law du 15 juillet 1997 propose aux couples
désireux de se marier le choix entre un contrat de mariage classique,
qui leur permet de divorcer par consentement mutuel, ou un nouveau type de
contrat (covenant marriage) par lequel ils s'engagent à ne
divorcer qu'au bout d'une séparation de fait de deux ans minimum ou sous
certaines conditions restrictives.
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Le mariage
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Avant de
contracter un covenant marriage, le couple doit signer une
déclaration qui indique que :
- le mariage est l'engagement de vivre ensemble comme mari et femme pour
toujours ;
- les futurs époux se sont choisis soigneusement et ont
révélé l'un à l'autre tout ce qui pourrait affecter
leur décision de se marier ;
- ils ont reçu des conseils pré-maritaux ;
- ils s'engagent à faire tous les efforts possibles pour
préserver leur mariage en cas de difficulté et notamment à
consulter un conseiller conjugal ;
- ils doivent, avant le mariage, recevoir des conseils d'un prêtre, d'un
rabbin, d'un pasteur...
Après avoir discuté du sens du mariage avec un conseiller, les
époux doivent signer une deuxième déclaration sous serment
attestant qu'ils mesurent l'importance du mariage, engagement pour la vie. Par
ce document, ils s'engagent à demander des conseils extérieurs en
cas de difficulté pendant leur mariage et à respecter les cas
limités dans lesquels ils peuvent demander le divorce.
Ces deux déclarations forment la déclaration d'intention qui doit
être présentée lors du mariage civil.
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Le divorce
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Les
couples qui ont choisi un covenant marriage s'engagent, d'une part,
à s'adresser à un conseiller conjugal en cas de
difficultés pendant le mariage et, d'autre part, à ne demander
le divorce que pour des causes précises :
- l'adultère ;
- l'accomplissement d'un crime par l'un des époux et la condamnation
à une peine d'emprisonnement, de travaux forcés ou une peine de
mort ;
- l'abandon du domicile conjugal depuis une année au moins ;
- l'abus physique ou sexuel sur l'époux ou un enfant ;
- la séparation de fait depuis au moins deux ans ;
- la séparation judiciaire ou légale, après le respect
d'un délai variable. Ce délai est d'un an ; il est
porté à dix-huit mois lorsqu'il y a des enfants mineurs.
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L'initiative anti-divorce de l'Etat de Louisiane est très
critiquée. Les opposants à cette réforme soulignent
notamment qu'elle favorise les couples les plus aisés, qui peuvent
toujours déménager dans un autre Etat où le divorce est
plus facile, et qu'elle complique inutilement la tâche d'un couple qui a
échoué dans son projet conjugal, sans qu'il y ait
nécessairement faute de la part d'un des époux.
De plus, elle rend encore plus difficile et onéreuse la procédure
de divorce dont la complexité et le coût amènent
déjà les parties à " négocier dans l'ombre
de la loi " pour régler les conflits familiaux.