SUISSE



L'évaluation des politiques publiques a fait l'objet de réflexions très approfondies : à l'automne 1987, le Département fédéral de la justice et de la police a institué le groupe de travail interministériel AGEVAL , chargé de proposer les mesures nécessaires pour renforcer l'évaluation prospective et rétrospective des effets de la législation.

Le rapport final de l'AGEVAL, rendu à la fin de l'année 1991 et intitulé " Mieux connaître les effets de l'action étatique ", concluait notamment à la nécessité de créer une conférence fédérale de l'évaluation, administrativement rattachée au Département fédéral de la justice et de la police, mais autonome dans l'exercice de ses fonctions. Cette conférence devait coordonner l'ensemble des activités d'évaluation au sein de l'administration, ainsi qu'entre l'administration et le Parlement.

Le gouvernement a pris connaissance du rapport mais, à ce jour, aucune mesure concrète n'a été prise malgré une motion votée par les deux chambres du Parlement demandant au gouvernement de prendre les mesures institutionnelles préconisées par le groupe AGEVAL.

Cependant, il existe plusieurs dispositifs permettant au Parlement d'évaluer les politiques publiques, parmi lesquels l' office parlementaire de contrôle de l'administration .

I - L'EVALUATION PROSPECTIVE

Les messages et rapports présentés par le Conseil fédéral constituent le seul élément d'évaluation prospective dont dispose le Parlement.

L'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les Conseils prévoit la fourniture obligatoire au Parlement de certains renseignements :

" 1. Pour chaque projet qu'il soumet à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral expliquera la relation existant avec les grandes lignes de la politique gouvernementale et le plan financier (...)

2. (...)

3. Dans ses messages et ses rapports, il indiquera :

a) Les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel qu'aura pour la Confédération l'application des règles et mesures proposées, en particulier la manière dont les frais seront couverts et l'influence qu'ils exerceront sur la planification financière ;

b) Les frais qui s'ensuivront pour les cantons et les communes ;

c) Les conséquences qui en résulteront pour l'économie ;

d) Dans la mesure du possible, la relation entre l'utilité des règles et mesures proposées, et les frais causés pour leur application ; (...) "


L'information ainsi fournie concerne donc les charges financières nouvelles et les effets prévisibles sur l'économie.

Les exigences posées par la loi ont été précisées en 1988 par le " schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale " : non seulement les différents points de l'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les conseils font l'objet d'un commentaire détaillé mais il est également précisé que, indépendamment des conséquences financières et des effets en matière de personnel, les messages doivent " mentionner brièvement, dans un chapitre spécial, d'autres effets que pourrait avoir un projet, à moins que ce point n'ait déjà été traité auparavant dans le message. Dans la partie générale de celui-ci, il est de règle de préciser les effets souhaités, c'est-à-dire les objectifs que les mesures proposées visent ou les résultats qu'elles cherchent à obtenir. On peut en tout cas s'y référer. Cependant, il faudrait également souligner les effets accessoires éventuels (souhaités ou non souhaités, dans le domaine voulu ou hors de celui-ci), ainsi que les conséquences lointaines des mesures.

Il convient notamment de préciser les effets qui paraissent importants sur les plans sociologique, social, économique et écologique, ainsi que du point de vue de l'aménagement du territoire et de la politique régionale. Il s'agit aussi de mentionner les conséquences importantes pour les relations internationales entretenues par la Suisse. Sur le plan économique, les répercussions peuvent être importantes pour la situation des entreprises, surtout petites et moyennes.

Il faut de plus indiquer les bases sur lesquelles s'appuient les déclarations concernant les effets probables des mesures (expérience de l'administration, audition d'experts, enquêtes fondées sur des méthodes scientifiques, etc ...).
"

Dans les faits, on reproche l' absence de rigueur de l'évaluation fédérale : l'AGEVAL qui, pendant sa mission, a analysé plusieurs messages du Conseil fédéral a conclu que les exigences sont respectées formellement, mais beaucoup moins en ce qui concerne leur contenu.

En outre, l'obligation d'évaluation ne vaut que pour les projets de lois et d'arrêtés fédéraux. Elle ne concerne pas les projets normatifs de rang inférieur parmi lesquels les ordonnances, qu'il s'agisse des ordonnances d'exécution ou des ordonnances prises en vertu d'une délégation législative.

II - L'EVALUATION RETROSPECTIVE

Elle est réalisée par l'organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) créé par la loi fédérale du 22 juin 1990, en vigueur depuis le 1er octobre 1990, et qui a modifié la loi sur les rapports entre les conseils .

L'O.P.C.A. a été créé à la suite d'une initiative des commissions de gestion des deux assemblées. Elles avaient d'ailleurs envisagé la constitution d'un organe commun au Parlement et au Conseil fédéral, mais le gouvernement a estimé, dans l'avis qu'il a rendu sur l'initiative parlementaire, que la distinction des fonctions exécutives et législatives s'opposait à la création d'un organe commun.

Aux termes de la loi, l'organe parlementaire de contrôle de l'administration est un auxiliaire des commissions de gestion (3( * )) des deux chambres, elles-mêmes chargées " d'examiner les rapports de gestion du Conseil fédéral, des entreprises et établissements de la Confédération et des tribunaux fédéraux, ainsi que d'examiner et de surveiller l'activité de l'administration fédérale et des organes judiciaires ".

L'O.P.C.A. " examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité.
"

Le terme choisi " mandat particulier " exclut toute autorisation générale de procéder à des contrôles. L'O.P.C.A. travaille donc dans le cadre d'un programme annuel approuvé ou sur demandes particulières.

L'O.P.C.A. décrit ainsi lui-même ses attributions : " réaliser des évaluations au sujet :

- des interactions entre le Parlement et le Gouvernement, y compris son administration,

- de la mise en oeuvre de programmes administratifs,

- du rendement et de l'efficacité de l'organisation, ainsi que des moyens engagés,

- des effets des activités étatiques sur la société. "


L'O.P.C.A. a les mêmes pouvoirs de contrôle que les commissions de gestion et peut donc exiger la remise des documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Opérationnel depuis le milieu de l'année 1991, l'O.P.C.A. est administrativement rattaché au secrétariat des commissions de gestion. Il emploie 5 personnes. Il dispose d'un budget annuel variant entre 200.000 CHF (4( * )) et 300.000 CHF.

L'O.P.C.A. peut recourir à des experts externes. Différents modes de collaboration sont possibles, depuis la simple consultation orale jusqu'à l'élaboration complète d'une expertise qui constitue la base du jugement de l'O.P.C.A.

L'O.P.C.A. établit des rapports " scientifiques " destinés aux commissions de gestion. Ces dernières adressent ensuite des rapports politiques au Conseil fédéral.

Depuis sa création, l'O.P.C.A. a publié 3 rapports :

- sur les mesures transversales susceptibles d'améliorer l'efficacité de l'administration fédérale en octobre 1993,

- sur l'évaluation de la coordination des politiques de la Confédération ayant des effets régionaux en mars 1994,

- sur l'évaluation de la réglementation extra-parlementaire en matière de prévoyance professionnelle en octobre 1994.

Page mise à jour le

Partager cette page