SUISSE



La responsabilité médicale est appréciée selon les règles du droit commun de la responsabilité et les dossiers d'indemnisation sont, en principe, réglés par les tribunaux.

Toutefois, afin de favoriser les transactions amiables, la Fédération des médecins helvétiques a institué, en 1982, deux bureaux d'expertises extrajudiciaires, qui mettent à la disposition des parties un réseau d'experts chargés d'établir si la responsabilité civile du médecin est engagée.

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

En l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la responsabilité s'applique.

La relation entre patient et médecin est soumise aux règles des articles 394 et suivants du code des obligations, qui régissent le contrat de mandat . Le mandat est " un contrat par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis ". Dans le domaine médical, l'intervention thérapeutique constitue l'objet du contrat.

Le mandataire est " responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat ", ce qui exclut toute obligation de résultat.

Bien que le code des obligations pose le principe de la présomption de faute lorsqu'une obligation n'est pas exécutée ou ne l'est qu'imparfaitement, le patient qui veut établir la responsabilité du médecin doit apporter la preuve de la violation du contrat, c'est-à-dire du manque de diligence du médecin, ainsi que du dommage subi et du lien de causalité. En revanche, le médecin peut se disculper en établissant qu'aucune faute ne lui est imputable.

Si le médecin agit hors du cadre conventionnel, sa responsabilité délictuelle peut être engagée. Le patient doit alors prouver que le médecin a commis un acte illicite, c'est-à-dire un acte " qui viole des ordres ou défenses édictées pour la protection des droits atteints " et une faute, qui est définie comme un manque de diligence blâmable imputable à son auteur. Il doit aussi établir qu'il a subi un dommage et qu'il existe un rapport de causalité entre la faute et le dommage.

Ces actions permettent d'obtenir réparation du préjudice physique et, à un degré moindre, du préjudice moral.

La pratique médicale dans le secteur public (hôpitaux cantonaux) relève des règles cantonales sur la responsabilité de l'Etat et de ses agents. Chaque canton a la liberté d'aménager le régime de la responsabilité des fonctionnaires et employés publics pour les dommages qu'ils causent dans l'exercice de leurs fonctions.

2) Le mécanisme d'indemnisation

La Fédération des médecins helvétiques (FMH), qui regroupe environ 90 % du corps médical, a institué, en 1982, deux bureaux d'expertises extrajudiciaires , l'un pour la Suisse alémanique et le Tessin, et l'autre pour la Suisse romande. Ils siègent respectivement à Berne et à Lausanne. Ces bureaux mettent à la disposition des parties un réseau d'experts, qui sont chargés d'élucider le plus rapidement possible, avant un éventuel procès, les erreurs de diagnostic ou de traitement invoquées et de fournir ainsi les bases d'un arrangement amiable. Tout médecin membre de la FMH est tenu de se soumettre à ces procédures d'expertises . La FMH a édicté un règlement concernant l'expertise extrajudiciaire en cas de responsabilité civile du médecin .

La plupart du temps, le bureau d'expertises est saisi par le patient qui s'estime victime d'une faute médicale, mais il peut aussi l'être par le médecin soupçonné d'avoir commis une erreur, à moins que le patient ne s'y oppose. La saisine est exclue si une expertise a déjà été produite, si une procédure judiciaire est en cours, si un jugement a déjà été rendu, ou si le droit à d'éventuels dommages et intérêts est prescrit au moment de la requête (6( * )) . En outre, dans le cas où la responsabilité d'un tiers pourrait être mise en cause, celle du canton dans le cas d'un hôpital public par exemple, l'accord de ce tiers est requis.

Le bureau d'expertises de la FMH n'accepte cependant d'intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

" - le patient a subi ou subira une atteinte à sa santé en raison d'une faute présumée de diagnostic ou de traitement ;

" - le médecin conteste l'existence d'une faute diagnostique ou thérapeutique ;

" - il existe une certaine probabilité qu'une faute de diagnostic ou de traitement a réellement eu lieu ;

" - on peut supposer que l'expertise sur la faute présumée de diagnostic ou de traitement contribuera dans une large mesure à élucider le droit du patient d'invoquer la responsabilité civile de la partie adverse. "

Le bureau d'expertises de la FMH est en mesure d'apprécier ces conditions, dès qu'il est saisi. En effet, le patient requérant doit alors lui communiquer les documents et les informations qu'il détient, se tenir à sa disposition pour un examen médical, et libérer le médecin concerné du secret professionnel, à son égard comme à l'égard de toute partie à la procédure.

L'expertise est peu onéreuse, puisque le patient ne doit, en principe, acquitter, que les frais d'ouverture du dossier, d'un montant de 500 CHF (soit environ 2 000 FRF). Dans les cas qui lui paraissent douteux, la FMH peut réclamer une avance de frais de 2 000 CHF, qui n'est pas restituée si l'expertise confirme les doute initiaux ou si le requérant refuse de coopérer.

L'expert est désigné par le bureau d'expertises en accord avec, d'une part, le patient ou ses ayants cause, ainsi que le médecin concerné, et, d'autre part, l'assureur de ce dernier.

L'expert a de larges pouvoirs d'investigation : il vérifie si le dossier est complet et le fait compléter si nécessaire. Il peut convoquer le patient pour une consultation ou avoir un entretien avec ses proches, si celui-ci est décédé.

La procédure est contradictoire : l'expert donne à toutes les parties l'occasion de s'exprimer et recueille l'avis de l'assureur du médecin. De plus, les parties peuvent lui transmettre, par l'intermédiaire du bureau d'expertises, des questions qu'elles sont tenues, dans la mesure du possible, d'élaborer en commun, et qui sont rédigées selon un schéma élaboré par la FMH.

L'expert se prononce exclusivement sur l'existence d'une faute de diagnostic ou de traitement qui a causé ou qui causera des dommages à la santé du patient. Il n'évalue pas l'importance du préjudice.

L'expertise est assez rapide, puisque le rapport, rédigé sur la base d'un canevas établi par la FMH, est transmis sous pli fermé dans un délai de trois à quatre mois au bureau d'expertises, qui le remet immédiatement aux parties.

Les parties ne sont pas liées par les conclusions de l'expert. Cependant, dans la très grande majorité des cas, celles-ci servent de base à un arrangement amiable. En cas d'échec de la procédure extrajudiciaire, elles peuvent aussi être utilisées devant un tribunal.

* *

*

Seule une minorité de patients a recours à ces expertises extrajudiciaires : entre 1982 et fin 1998, ces bureaux ont traité un peu plus de 2 000 dossiers. Une faute thérapeutique ou de diagnostic a été révélée dans un peu moins de 30 % des cas.

L'indépendance de ces bureaux, ainsi que la rapidité et l'objectivité de leurs conclusions sont unanimement reconnues.

ANNEXE

Statistiques relatives au fonctionnement de l'assurance des patients au Danemark
(1)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Affaires soumises à l'Association pour l'assurance des patients

178

840

1269

1658

2111

2575

2405

2790 (2)

Décisions rendues par l'Association pour l'assurance des patients

52

555

933

1433

2099

2361

2446

2613

Indemnités accordées (en millions de couronnes)

0

5,67

21,83

65,37

83,51

101,06

115,12

127,51

Saisines de la commission de recours

0

70

187

341

568

700

850

790

(1) Ces chiffres proviennent du rapport d'activité pour 1999 de l'Association pour l'assurance des patients.

(2) L'augmentation par rapport à l'année précédente résulte de l'adoption en 1999, d'une loi spécifique, relative à l'indemnisation des dommages provoqués par le ciment Boneloc, utilisé pour certaines prothèses de genou et de hanche.

Répartition des indemnités en fonction de leur montant

Montant de l'indemnité

Pourcentage

Inférieure à 10 000 couronnes

3,7 %

Compris entre 10 000 et 50 000

57,8 %

Compris entre 50 000 et 100 000

15,2 %

Compris entre 100 000 et 250 000

8,8 %

Compris entre 250 000 et 500 000

6,7 %

Compris entre 500 000 et 1 000 000

5,2 %

Supérieure à 1 000 000

2,6 %

Dans environ 75 % des cas, l'indemnisation est inférieure à 100 000 couronnes (soit environ 90 000 FRF).

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