B. UN EFFORT DE COORDINATION DEMEURE INDISPENSABLE AVEC LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Le premier volet de l'effort de coordination nécessaire avec l'absorption du ministère de la coopération par celui du ministère des affaires étrangères, suscite encore -on l'a vu- certaines interrogations. Le second volet, lié à une harmonisation des politiques respectives du Quai d'Orsay et de Bercy dans l'aide publique au développement, requiert à coup sûr des progrès.

Ce travail de rapprochement apparaît indispensable car le ministère de l'économie et des finances gère encore une part essentielle de l'aide bilatérale. Or les mécanismes de coordination interministérielle demeurent insuffisants. Enfin, alors que la priorité devrait s'attacher à renforcer l'efficacité de note aide, votre rapporteur s'interrogera sur le rôle et la place du Haut Conseil de la coopération internationale au sein de notre dispositif.

. La part essentielle du ministère de l'économie et des finances dans la gestion de l'aide bilatérale

Même si sa part s'est quelque peu réduite en 2000, le ministère de l'économie et des finances continue de gérer 36 % de l'aide publique bilatérale contre 47,3 % pour le ministère des affaires étrangères.

Répartition par ministère des crédits d'aide publique au développement
(en millions de francs)

1999

2000

Budgets

Total
DO/CP

Total
DO/CP

Evolution

Affaires étrangères

9 193,7

9 050,1

- 1,6 %

Agriculture et pêche

290,0

278,0

- 4,1 %

Aménagement du territoire et environnement

Environnement

10,9

11,9

9,4%

Culture et communication

17,4

17,5

0,5 %

Charges communes

1 663,0

1 460,0

- 12,2 %

Economie, finances et industrie

7 782,4

6 913,4

- 11,2 %

Enseignement national, recherche et technologie

Enseignement scolaire

0,6

0,6

Enseignement supérieur

23,5

25,2

7,4 %

Recherche et technologie

1 231,9

1 270,4

3,1 %

Emploi et solidarité

Emploi

12,0

12,0

Equipement, transports et logement

Services communs

2,8

2,8

Transports terrestres

Transports aériens et météorologie

4,7

4,7

1,1 %

Mer

1,0

1,0

2,1 %

Intérieur et décentralisation

75,6

76,8

1,5 %

Jeunesse et sport

4,1

4,2

4,2 %

TOTAL GENERAL

20 313,6

19 128,7

- 5,8 %

. Une coordination encore insuffisante

Il revient au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) institué dans le cadre de la réforme de la coopération par le décret du 4 février 1998 de conférer une inspiration commune à une politique de coopération souvent commandée par des logiques distinctes entre Bercy et le Quai. Cette tentative n'avait rien d'inédit. Rappelons-le, elle faisait suite au comité interministériel d'aide au développement (CIAD) dont les résultats s'étaient avérés décevants.

La nouvelle instance se réunit une fois par an, dans une formation assez lourde 3 ( * ) . Constitue-t-elle dès lors le cadre le plus adapté pour assurer une direction politique commune à l'aide au développement ? Votre rapporteur réitère sur ce point les doutes qu'il avait déjà exprimés l'an passé.

Le CICID s'est réuni une deuxième fois le 22 juin 2000. Il a retenu trois orientations principales :

- la configuration de la zone de solidarité prioritaire ne sera pas modifiée d'ici 2001 ; le Premier ministre a confirmé que l'intensité de la coopération avec les différents Etats concernés pouvait varier en fonction de leur comportement tant sur le plan interne que sur le plan international ;

- l'augmentation de l'effort consacré à l'annulation de la dette -dans le cadre notamment de l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés- ne devra pas avoir pour contrepartie une baisse des autres types de financement d'aide ;

- l'adoption du programme de relance de notre coopération en faveur des pays du Maghreb destiné notamment à donner une nouvelle impulsion à note coopération dans les domaines de l'éducation, de la formation et de l'emploi et à adapter d'une manière plus efficace notre soutien au développement économique de ces pays.

Les travaux du CICID en 2000 devraient porter, en particulier, sur les thèmes de l'environnement et du développement durables, l'expertise en coopération et la promotion de l'offre française de formation supérieure à l'étranger.

Un groupe de travail interministériel a, par ailleurs, été chargé de remettre chaque année au CICID un rapport d'évaluation sur l'efficacité de la coopération internationale de la France. Jusqu'à présent, le système d'évaluation de l'aide française apparaît très insuffisant. Le Comité d'aide au développement l'avait d'ailleurs souligné dans son rapport sur l'aide française au développement. Il serait donc très opportun qu'une large diffusion puisse être faite de ce rapport. L'information du Parlement a bénéficié cette année de la communication des notes de travail, souvent remarquables, de la direction du développement et de la coopération technique. Elle doit encore être complétée et améliorée.

Il est nécessaire que la coordination puisse s'organiser sur le terrain. A cet égard, un rôle pilote doit revenir à notre ambassadeur. Dans le cadre d'une expérience conduite dans six pays, les postes ont été invités en avril dernier, à préparer un " document stratégique pays " destiné à approfondir la réflexion sur les objectifs de notre coopération et l'articulation de notre coopération avec les actions menées par les autres bailleurs de fonds. Ce document devrait ensuite faire l'objet d'une concertation interministérielle et contribuer à éclairer les choix du CICID. Il sera très intéressant pour le Parlement, de suivre les résultats de cette expérience dont le principe pourrait progressivement se généraliser.

. La place du Haut Conseil pour la coopération internationale

Le Haut Conseil pour la coopération internationale a été créé dans le cadre de la réforme de la coopération. Autorité indépendante, rattachée au Premier ministre, il se compose de soixante membres choisis pour leur engagement personnel en faveur de la coopération. Il s'est vu confier quatre missions principales :

- il émet et formule des recommandations sur les politiques bilatérales et multilatérales de la France ainsi que sur l'action des opérateurs privés en matière de coopération internationale ;

- il propose toute mesure de nature à faciliter les échanges sur les diverses actions publiques et services de coopération ;

- il remet chaque année un rapport, rendu public ;

- il organise éventuellement une conférence de coopération internationale regroupant l'ensemble des acteurs publics et privés.

Quelle sera la portée des avis du Haut Conseil ? Dans quelle mesure ces recommandations seront-elles prises en compte par les pouvoirs publics ? Il est sans doute encore trop tôt pour répondre à ces interrogations ; cependant, au moment où cette institution doit s'attacher à se présenter comme un partenaire crédible de la politique de coopération, elle doit chercher à concentrer sa réflexion sur les moyens de rendre plus efficace notre aide. Le premier avis rendu par le Haut Conseil sur la coopération avec la Russie au regard des événements en Tchétchénie, n'apparaît sans doute pas, de ce point de vue, comme la démarche la plus pertinente.

Il serait regrettable que la coopération suive les voies de la francophonie avec la multiplication d'institutions dont le rôle n'apparaît pas toujours clairement et dont les compétences se recoupent.

S'il est légitime de mieux associer les représentants de la société civile à la politique de coopération internationale de la France, compte tenu de leur rôle souvent remarquable en faveur de l'aide au développement, il apparaît également aujourd'hui opportun de s'interroger sur la part exacte que le gouvernement entend donner à ces nouveaux acteurs dans sa politique de coopération.

A cet égard, deux membres du Haut Conseil ont d'ailleurs ouvert un débat sans doute utile : " ne serait-il pas temps -écrivaient-ils récemment 4 ( * ) - de faire un bilan global des entreprises de " microdéveloppement " que conduisent les ONG, françaises ou non ? Nous en connaissons tous qui ont à leurs acquis des résultats incontestables, malgré des environnements économiques désastreux. Mais, parfois leur intervention a été loin de produire les effets d'entraînement souhaités. Au-delà des bons sentiments, ne faut-il pas évaluer l'emploi réel de ces actions ? "

* 3 Le comité interministériel réunit, sous la présidence du Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de la recherche, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé de l'environnement, le ministre chargé de la coopération, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de l'outremer, ainsi que, le cas échéant, les ministres intéressés par les questions inscrites à l'ordre du jour.

* 4 Pascal Boniface et Jean-Luc Domenach. Y a-t-il une politique de coopération, Libération, 12 septembre 2000.

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