B. LA PRÉVENTION, LA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ADDICTIVES ET LE SIDA : UN DÉSENGAGEMENT PROGRESSIF DE L'ETAT

Les crédits prévus pour ces programmes de santé publique constituent traditionnellement un poste important du budget de la santé. Ils sont répartis au sein des chapitres 47-11 (programmes de santé publique) , 47-12 (Evaluation et gestion des risques sanitaires liés à l'environnement et aux milieux de vie) , 47-15 (Programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives) , 47-16 (Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie) et 47- 18 (Lutte contre le sida et les maladies transmissibles) .

Dans le projet de loi de finances initial déposé à l'Assemblée nationale, ces crédits diminuent en 2001 de 121,8 millions de francs pour s'établir à 1,83 milliard de francs (- 6,5 %). Cette évolution recouvre deux mouvements contradictoires :

- 164 millions de francs de débudgétisation aux dépens de l'assurance maladie ;

- 20 millions de francs supplémentaires affectés à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) ;

- 23,6 millions de francs supplémentaires affectés à la prévention et à la promotion de la santé.

1. De nouvelles débudgétisations au détriment de l'assurance maladie

S'agissant des programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives (chapitre 47-15), les dépenses de ce chapitre diminuent fortement de 82,1 millions de francs (- 9,4 %) en raison du transfert à l'assurance maladie de la prise en charge des consultations d'alcoologie menées dans les CHRS, pour 89 millions de francs.

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a intégré parmi les organismes relevant de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie (CHAA) qui avaient été créés à partir de 1983 par voie de circulaire. Ces centres, devenus des institutions sociales et médico-sociales à part entière, ont pris la nouvelle appellation de centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA).

L'article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a prévu que les dépenses médico-sociales des CCAA devaient être prises en charge par l'assurance maladie.

M. Charles Descours, rapporteur, avait alors souligné que ce transfert n'allait pas de soi : en effet, il appartient à l'Etat d'assurer une mission générale d'organisation et de coordination de la prévention et du traitement de l'alcoolisme ; c'est en vertu de cette compétence que le financement des CHAA, créés dans le cadre de la circulaire de 1983, était pris en charge par le budget de l'Etat sur un chapitre budgétaire relatif aux programmes de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.

L'article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale dispose que les CCAA peuvent assurer leurs missions dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) destinés aux personnes ou aux familles en détresse.

Dans la mesure où il est précisé à l'article L. 3111 du code de la santé publique (ancien) que les CCAA sont des institutions sociales et médico-sociales financées par l'assurance maladie, cette disposition aboutit en fait à transférer le financement des consultations alcoologiques des personnes accueillies en CHRS du budget de l'Etat vers l'assurance maladie dans le cadre de l'ONDAM médico-social.

S'agissant de la lutte contre le SIDA et les maladies transmissibles (chapitre 47-18), les crédits inscrits à ce chapitre diminuent de 89 millions de francs en raison essentiellement du transfert à l'assurance maladie, pour 74 millions de francs, de la prise en charge des appartements de coordination thérapeutiques (ACT) qui accueillent des malades du SIDA.

Les appartements de coordination thérapeutique (ACT) ont été créés de manière expérimentale à partir de 1995. Il s'agit de structures à vocation sociale et médico-sociale qui permettent aux victimes du syndrome immunodéficient acquis (SIDA) de bénéficier d'une prise en charge, non seulement médicale, mais aussi sociale : ouverture de droits sociaux pour l'attribution de l'allocation adulte handicapé (AAH) ou du revenu minimum d'insertion (RMI), aide à l'insertion sociale, accompagnement psychologique.

Le dispositif actuel comprend 431 places en ACT dont 391 sont destinées aux malades et 40 permettent d'assurer indirectement le financement des personnels d'accompagnement. Les places des malades sont financées par une participation du budget de l'Etat mais aussi par l'assurance maladie.

Cette disposition figurait également à l'article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Votre commission a eu, au moment de l'examen de ce texte, l'occasion de dénoncer ces transferts de charge injustifiés aux dépens de l'assurance maladie.

Ces opérations de débudgétisation constituent désormais une pratique récurrente en loi de finances : les transferts vers l'assurance maladie qui s'effectueront en 2001 viennent s'ajouter aux 100 millions de francs que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a déjà transférés de l'Etat à l'assurance maladie pour financer l'intégralité des dépenses des centres de dépistage anonyme et gratuit, des centres de planification ou d'éducation familiale ainsi que les dépenses de désintoxication des toxicomanes réalisées avec hébergement dans les établissements de santé.

Mû cependant par une forme de remords, le Gouvernement a fait adopter, lors de l'examen des crédits de la santé par l'Assemblée nationale, le 17 novembre, un amendement augmentant les crédits destinés à la lutte contre le SIDA et les maladies transmissibles de 45 millions de francs (article 20 du chapitre 47-18) et réduisant à due concurrence les crédits du RMI (article 20 du chapitre 46-83).

Le Gouvernement a expliqué qu'il avait entendu ainsi revenir sur le transfert à l'assurance maladie de l'intégralité des dépenses liées à la prise en charge des appartements de coordination thérapeutique et souhaité continuer à faire supporter par l'Etat les frais d'hébergement dans ces appartements. Le Gouvernement a rétabli en conséquence 45 millions de francs de crédits, " gagés ", pour la forme, sur les crédits du RMI.

2. Des crédits en faible progression pour la lutte contre le SIDA et les pratiques addictives

Les dépenses en faveur des programmes de santé publique, dispositifs de prévention et de promotion de la santé (chapitre 47-11) augmentent en 2001 de 23,6 millions de francs pour s'élever à 275,3 millions de francs (+ 9,4 %) afin principalement de financer des actions déconcentrées (196,7 millions de francs), de renforcer les moyens des observatoires régionaux de santé (21,6 millions de francs) et les actions menées au plan national (57 millions de francs).

Le programme national de lutte contre le cancer
(2000-2005)

Les grandes orientations du programme national de lutte contre le cancer, annoncé en février 2000, visent à inscrire la lutte contre le cancer au premier rang des priorités du Gouvernement en matière de santé publique. Le programme, construit pour cinq ans, permettra d'inscrire la politique de prévention, de dépistage et de thérapeutique à long terme dans un processus méthodologique systématique. Il s'agit de promouvoir la qualité à chaque étape de la prévention au traitement, d'assurer la justice sanitaire en rendant accessible à tous les meilleurs soins disponibles, et de renforcer les droits des personnes malades.

Le programme a cinq objectifs :

Le premier consiste à réduire les risques de cancers par une prévention adaptée, en luttant contre le tabagisme et contre l'abus d'alcool, en prévenant les mélanomes, en s'intéressant aux liens, mal connus, entre nutrition et cancers.

Le deuxième vise à généraliser des programmes de dépistage performants du cancer du sein, du cancer du col de l'utérus, et du cancer du côlon et du rectum.

Le troisième a pour but de favoriser en permanence la qualité de la prise en charge : réduire les inégalités en améliorant l'organisation des soins, favoriser l'accès aux techniques innovantes, améliorer l'offre de greffons, mieux prendre en compte l'évolution de la chimiothérapie et de la radiothérapie, améliorer la prise en charge initiale, l'accès aux tests de prédisposition génétique au cancer, les pratiques, et la prise en charge à domicile.

Le quatrième consiste à améliorer les conditions de vie et garantir les droits des malades. Pour cela il est prévu d'améliorer l'information, la prise en charge psychologique, de mieux prendre en charge l'ensemble des besoins des personnes cancéreuses, et notamment de prendre en charge les nutriments oraux, de développer la pratique des soins palliatifs et la prise en charge de la douleur, de reconnaître le cancer comme maladie professionnelle dans les cas où il l'est.

Le cinquième vise à mieux connaître pour mieux agir, en consolidant le dispositif de surveillance des cancers, en évaluant le dépistage et son impact sur la maladie, en développant les connaissances sur le rôle des facteurs d'environnement, en améliorant l'effort de recherche et la coordination.

La mise en oeuvre du plan s'appuiera sur le travail des groupes du comité de suivi qui s'est réuni pour la première fois le 30 mai 2000. Les propositions que feront ces groupes sur les techniques innovantes, les greffes, la génétique, les soins de chimiothérapie et de radiothérapie ainsi que la pluridisciplinarité de la prise en charge, permettront l'application de plusieurs propositions concrètes du programme national de lutte contre le cancer.

Dès le mois de septembre 2000, 6 millions de francs auront été déconcentrés dans le cadre de l'appel à projets de la circulaire DGS/2000/305 du 5 juin 2000 relative au financement d'actions visant à la prise en charge précoce de certains cancers, prévu dans le troisième objectif du programme.

S'agissant des programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives (chapitre 47-15), à structure constante, c'est-à-dire hors opération de débudgétisation, les crédits augmentent de 8,8 millions de francs et sont orientés à titre principal (777,4 millions de francs sur un total de 784,9) au financement d'actions déconcentrées.

Votre rapporteur regrette à cet égard la modification de nomenclature budgétaire intervenue en 1999 qui a eu pour objet de rassembler au sein d'un même chapitre 47-15 les crédits de la lutte contre la toxicomanie et ceux de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Ce chapitre ne comportant que deux articles respectivement consacrés aux dépenses déconcentrées et aux dépenses non déconcentrées, il devient désormais difficile d'analyser de manière détaillée l'effort consenti dans ces domaines qui se trouvent de fait budgétairement " fongibles ".

S'agissant de l'action interministérielle de lutte contre la toxicomanie (chapitre 47-16), les crédits, qui sont gérés par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), augmentent en 2001 de 20 millions de francs à 298,2 millions de francs. Ils sont répartis en trois composantes : subventions directement accordées par la MILDT, subventions déconcentrées à des chefs de projet départementaux, et crédits répartis entre les ministères.

S'agissant de la lutte contre le SIDA et les maladies transmissibles (chapitre 47-18), les crédits augmentent, hors opération de débudgétisation susvisée, de 6 millions de francs, soit 4,2 %. Ils atteignent 435,9 millions de francs dans le projet de loi déposé et 480,9 millions de francs après l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale.

Evolution des crédits du chapitre 47-18

(en millions de francs)

Lutte contre le sida

Lutte contre le VIH le VHC et les autres maladies transmissibles

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Variation

art. 10

177

161,6

185,2

160,2

133

art. 10

144,7

140,6

-4,1

art. 20

72,5

212,3

244,2

290,1

316,1

art. 20

343,2

347,7

+4,5

art. 30

18,1

18,1

20,6

23,6

23,6

art. 30

26,6

0

-26,6

art. 40

14

15,4

+1,4

art. 50

21

+21

Total

267,7

392,1

450,1

474

472,8

Total

528,6

524,8

-3,8

Champ 2000 (hors CDAG 1 )

502

524,8

+22,8

(1) Centres de diagnostic anonyme et gratuit.

La comparaison avant et après 1999 ne peut être faite directement en raison des modifications de nomenclature. Pour comparer 1999 et 2000, il faut neutraliser le montant des CDAG transférés à l'assurance maladie en 2000 dans les crédits 1999.

Le SIDA en France

D'après les données de l'InVS, il y avait au 30 juin 1998 2 ( * ) 48.453 malades du SIDA. Le nombre de décès cumulés à la même date est estimé entre 34.500 et 37.500.

2262 cas de SIDA avéré ont été diagnostiqués en 1997 et 979 au 1 er semestre 1998. La diminution du nombre de nouveaux cas de SIDA observée de façon brutale au second semestre de 1996 (baisse de 31 % entre les deux semestres 1996 puis de 17 % entre le 1 er semestre 1997 et le précédent) se poursuit mais à des taux de plus en plus faibles (baisse de 6 % entre le second semestre 1997 et le premier semestre 1998).

Le nombre des décès, de 2.833 en 1996, puis 1.097 en 1997, est de 343 au 1 er semestre 1998. La diminution des décès (baisse de 34 % entre les deux semestres 1996, puis de 40 % entre le second semestre 1996 et les premier semestre 1997) se poursuit donc (baisse de 27 % entre le 1 er semestre 1998 et le précédent).

Cette diminution des nouveaux cas de SIDA et des décès par SIDA est liée aux nouvelles stratégies thérapeutiques (multithérapies). La baisse plus soutenue des décès fait que le nombre des personnes vivantes ayant développé un SIDA continue d'augmenter. Au 30 juin 1998, le nombre de personnes vivantes atteintes de SIDA est estimé entre 19.500 et 21.500

Il faut noter que parmi les cas déclarés au 1 er semestre 1998, 44,2 % des personnes n'avaient pas été dépistées avant le stade SIDA et que 31 % n'étaient pas traitées alors que leur infection était connue.

La diminution du nombre de cas de SIDA n'a pas intéressé de façon égale les trois principaux groupes de transmission : plus importante et continue chez les homo-bisexuels que chez les hétérosexuels. C'est pourquoi, pour la première fois depuis le début de l'épidémie, la répartition des nouveaux cas de SIDA déclarés au 1 er semestre 1998, selon le mode de contamination, montre une prédominance de la contamination hétérosexuelle :

- 29,1 % par relation homosexuelle ou bisexuelle ;

- 22 % par usage de drogues ;

- 35,2 % par relations hétérosexuelles.

Ces tendances concernent les formes tardives de l'infection par le VIH, qui ne se développent que plus de 10 ans après la contamination pour la moitié des individus en l'absence de traitement. Les tendances de l'épidémie de SIDA avéré reflètent les inégalités d'accès au dépistage et à la prise en charge. Elles ne reflètent pas l'évolution actuelle des nouvelles contaminations.

Le nombre de personnes séropositives n'est connu que par estimation. La dernière estimation faite en 1995 était de 110.000 personnes. L'évolution actuelle (baisse des décès et relative stabilité des contaminations) porte l'estimation à 120.000 personnes. Ceci devra être affiné quand les modalités de surveillance de l'infection auront été modifiées pour tenir compte de la modification introduite par les nouveaux traitements (surveillance de la séropositivité qui doit être mise en place fin 2000-début 2001).

Le nombre de nouvelles contaminations est également une estimation. Il serait de 5.000 par an. Tous les indicateurs plaident en faveur d'une stabilité.

La dynamique de diffusion du virus selon le mode de contamination a été différente. L'épidémie a progressé très rapidement chez les homosexuels et les usagers de drogue. Les résultats de la modélisation permettent d'estimer approximativement la date à laquelle le nombre annuel de nouvelles contaminations a été le plus important. Cette date se situerait entre 1983 et 1986 pour les homosexuels/bisexuels et entre 1984 et 1987 pour les usagers de drogue. Depuis cette date, le nombre de nouvelles contaminations diminue chaque année et de façon particulièrement nette chez les usagers de drogue. En revanche, l'épidémie chez les hétérosexuels a commencé en même temps que celle des homosexuels, mais a été beaucoup plus lente. Le nombre de nouveaux cas a augmenté faiblement mais régulièrement chaque année.

L'étude des personnes pour lesquelles il est possible de " dater " l'infection (test positif avec test négatif antérieur) semble montrer qu'actuellement le nombre de personnes infectées lors de pratiques homosexuelles égale celui des personnes infectées lors de pratiques hétérosexuelles. Cependant, étant donné la taille des différentes populations, le risque de contamination demeure 400 fois plus important pour un usager de drogues par voie intraveineuse que pour un hétérosexuel et 5 fois plus important pour un homosexuel que pour un hétérosexuel.

Malgré tout, compte tenu de la taille de la population hétérosexuelle en activité sexuelle (18 millions d'hommes et 19 millions de femmes), et malgré la lenteur de la diffusion de l'infection dans cette population., il est assez probable que le nombre de nouveaux cas annuels de contamination par le VIH chez les hétérosexuels tende à dépasser celui trouvé chez les homosexuels/bisexuels ou chez les usagers de drogue. C'est ce qu'indiquent déjà certaines données de surveillance des RESORS-VIH (systèmes régionaux de surveillance de la séropositivité maintenus jusqu'en 1998, mais qui ne couvraient qu'un nombre limité de régions et pas l'Ile-de-France).

Les modifications du système de surveillance de l'infection à VIH (notification à visée épidémiologique des séropositivités, du SIDA avéré et des décès) permettront seules d'affiner l'ensemble des données sur l'évolution récente de l'épidémie à VIH actuellement approchées à travers des systèmes d'observation partiels ou par estimations. Cette notification sera mise en place fin 2000 ou début 2001.

* 2 On ne dispose pas de données nouvelles depuis cette date.

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