C. UN MANQUE DE POLICIERS SUR LE TERRAIN MAL COMPENSÉ PAR DE DIFFICILES REDÉPLOIEMENTS

Une politique de proximité nécessite des moyens importants en personnels placés au contact des populations . Or, si les effectifs de policiers sont stables depuis 1995, ils sont à l'heure actuelle lourdement grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite. En outre, de multiples policiers ne sont pas en contact avec les populations du fait de l'accomplissement de tâches purement administratives, de gardes statiques ou de tâches " indues " ne relevant pas en principe des missions de la police.

Une étude menée à titre privé, publiée au début de l'année 1999 5 ( * ) , avait fait ressortir que, par le biais des récupérations, des absences et des vacances de postes diverses, il n'y aurait, sur un total de 20 000 agents affectés à la sécurité publique, que 5 000 policiers présents sur le terrain à un moment donné de la journée. Le ministre de l'intérieur conteste fermement ces chiffres, ses services comptabilisant, quant à eux, 14 000 fonctionnaires disponibles sur la voie publique dans la journée et 6 000 la nuit. Cette polémique a néanmoins eu l'intérêt de mettre l'accent sur les difficultés rencontrées en la matière.

Afin de mieux gérer la présence policière par tranche horaire, en fonction des rythmes de travail propres à chaque unité et des récupérations d'heures supplémentaires, la police nationale a développé le programme GEOPOL. L'alimentation de ce programme ne semble cependant pas encore suffisamment automatisée pour être parfaitement crédible.

En tout état de cause, il semble que la montée en puissance de la politique de proximité s'accompagne de difficultés réelles pour mettre en place dans les zones sensibles les policiers nécessaires à la réussite de cette politique. Plusieurs voies ont pourtant été recherchées.

1. Les redéploiements territoriaux entre la police et la gendarmerie nationale

A la suite du rapport de nos collègues MM. Jean-Jacques Hyest et Roland Carraz, le Gouvernement avait, lors du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998, retenu le principe d'un redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie qui aurait permis d'affecter un plus grand nombre de policiers et gendarmes dans les zones sensibles. Ce plan aurait notamment conduit à la fermeture de 94 commissariats.

Devant les oppositions exprimées à ce projet, tant par les élus concernés que par les personnels, le gouvernement avait, dans un premier temps, chargé M. Guy Fougier de mener des consultations complémentaires.

Le Premier ministre a en définitive annoncé, le 20 janvier 1999, l'abandon du projet global de redéploiement, indiquant que les concertations seraient menées au cas par cas avec les élus concernés .

Au cours de l'année 2000, cinq circonscriptions de sécurité publique ont été transférées à la gendarmerie , à savoir Les Andelys (Eure), Aubusson (Creuse), Vitry-le-François (Marne), Hirson (Aisne), Bagnière-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). Le transfert de la circonscription de Saint-Junien (Haute-Vienne), est en cours.

Des décrets en Conseil d'État auront été nécessaires dans trois cas (Bagnière-de-Bigorre, Vitry-le-François et Saint-Junien) du fait de l'avis défavorable des conseils municipaux.

Sont également intervenus des ajustements du ressort des circonscriptions de sécurité publique à la suite de transferts de responsabilité entre la police et la gendarmerie nationale touchant 13 communes réparties dans les départements de l'Oise, du Gard, de la Haute-Marne et de la Haute-Savoie. 9 de ces communes sont passées sous la responsabilité de la gendarmerie nationale et les 4 autres sous celle de la police nationale. Sont en cours des opérations de ce type sur 24 communes supplémentaires réparties dans l'Isère, les Bouches-du-Rhône, l'Essonne, les Yvelines, le Val d'Oise et le Doubs.

Les opérations de transfert de compétence réalisées concernent 197 fonctionnaires de police qui feront l'objet d'un déplacement vers les circonscriptions de police les plus proches de leurs anciennes affectations.

Le décret n° 2000-252 du 15 mars 2000 a institué une indemnité exceptionnelle d'aide à la mobilité dans le cadre de ces transferts de compétences calculée en fonction de l'éloignement de la nouvelle affectation par rapport au domicile familial.

2. La fidélisation des forces mobiles

Le Conseil de sécurité intérieure du 19 avril 1999 a retenu le principe d'une fidélisation dans les zones sensibles de forces de CRS et de gendarmerie mobile à hauteur de 1500 CRS et 1500 gendarmes sur une période de trois ans.

Cette fidélisation s'accompagnera de la dissolution des compagnies départementales d'intervention dont les effectifs pourront être redistribués au bénéfice de la police de proximité.

Concernant les CRS, il est prévu d'affecter, pendant six mois consécutifs, cinq compagnies à résidence, par roulement de compagnies implantées sur un même site. Les départements concernés sont les Bouches du Rhône (CRS n° 53 à 55), la Haute Garonne (CRS n° 26 et 27), le Nord (CRS n° 11 et 12), le Rhône (CRS n° 45 et 46) et l'Essonne (CRS n° 5 et 8).

Des détachements d'intervention à résidence de 60 fonctionnaires seront créés dans douze autres compagnies. Ils seront également fidélisés pour six mois par roulement des effectifs affectés dans les unités concernées.

Le dispositif a été mis en place au 1 er octobre 1999 concernant les cinq compagnies sur sites et deux détachements à résidence (CRS n°2 à Vaucresson et CRS n° 61 à Vélizy). Six autres détachements sont en cours de création dans les Alpes-Maritimes, l'Ille-et-Vilaine, la Loire, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Les quatre derniers détachements seront créés en 2001 en Meurthe-et-Moselle, en Moselle et en Seine-Maritime.

Cette opération ne rencontre pas véritablement l'adhésion des personnels. Ces derniers font ressortir que la non perception de l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) n'est pas entièrement compensée par l'indemnité représentative d'heures supplémentaires dont ils bénéficient. Ils répugnent par ailleurs à rester six mois en place, estimant qu'une période de quatre mois serait suffisante et permettrait de modifier d'une année sur l'autre les périodes de sédentarisation.

Il semble que conformément au souhait des personnels, la durée de sédentarisation soit sur le point d'être réduite à quatre mois.

3. L'externalisation de certaines tâches

Le ministre de l'intérieur souhaite encourager l'externalisation de certaines charges, concernant principalement la maintenance informatique et les ateliers de réparation de véhicules. La Cour des comptes a en effet relevé le nombre important de policiers se consacrant à ces tâches. Des consignes ont été données par une circulaire du 3 juin 1999 pour encourager le recours au secteur privé. Dans un premier temps ne sont concernées que les réparations automobiles mais sera menée en 2001, dans 3 secrétariat généraux pour l'administration de la police, une expérience de gestion pour compte du parc automobile de la police par des prestataires privés.

4. La limitation des charges indues

Par ailleurs, la réflexion qui s'était engagée à l'occasion du vote de la loi d'orientation du 21 janvier 1995 concernant la suppression de nombreuses " charges indues ", s'agissant notamment des gardes statiques, des transferts de détenus, de la garde des détenus hospitalisés ou de l'établissement des procurations de vote, n'a pas encore abouti.

Le conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 a cependant prévu de transférer à l'administration pénitentiaire les escortes de détenus consultants médicaux ainsi que la garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées inter-régionales actuellement en cours de création. En outre, une expérience, actuellement menée par la chancellerie, de rationalisation des missions d'extraction des détenus devrait être généralisée.

Il est également envisagé de limiter les gardes statiques de bâtiments en ayant davantage recours aux systèmes de vidéo-surveillance. Ces gardes ont en effet représenté 1,8 millions d'heures-fonctionnaire en 1999, soit une diminution de 2% par rapport à 1998.

5. Le recours à des personnels administratifs

Les recrutements de personnels administratifs devant permettre de décharger les policiers sont intervenus en nombre insuffisant par rapport aux prévisions de la loi d'orientation du 21 janvier 1995. Alors que cette loi avait prévu la création de 4 300 emplois administratifs en 5 ans, moins de 500 créations de poste sont intervenues entre le 1 er janvier 1995 et le 1 er janvier 2000. Les 550 emplois créés dans le budget 2001 ne permettront pas de rattraper le retard.

Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport paru en janvier 2000, le coût d'un agent administratif est de 50% inférieur à celui d'un policier actif. Or, la police française apparaît sous administrée comparée aux polices étrangères : le ratio des personnels administratifs par rapport aux actifs y est inférieur à 10% alors qu'il est de 20% aux Pays-Bas, de 30% en Allemagne et de 32,5% au Royaume-Uni. Il est indispensable de décharger davantage les policiers de tâches administratives de manière à ce qu'ils puissent se consacrer pleinement à leurs missions proprement policières sur le terrain.

6. L'indemnisation plutôt que la récupération des heures supplémentaires

Plus de 5 millions d'heures supplémentaires sont dues aux personnels de la sécurité publique. Ces derniers ont pris l'habitude de les récupérer sous forme de repos compensateurs. Or, cette forme de récupération grève considérablement la capacité opérationnelle sur le terrain, principalement quand les agents choisissent de capitaliser les heures en fin de carrière, bénéficiant ainsi d'une retraite avancée sans pouvoir être remplacés. Une expérimentation a été conduite dans deux arrondissements parisiens et deux départements pour indemniser les heures supplémentaires des agents du corps de maîtrise et d'application sur la base de 56,28 F l'heure plutôt que d'en prévoir la récupération. Cette expérience, conduite sur le principe du volontariat, a connu un échec, seuls 8 fonctionnaires au total ayant opté pour le paiement des heures qui leur étaient dues. Sa généralisation demeure donc très hypothétique.

* 5 M. Alain Bauer : Où sont les policiers ? La gazette des communes, 8 février 1999.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page