Accéder au dossier législatif

Avis n° 97 (2000-2001) de M. José BALARELLO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2000

Disponible au format Acrobat (149 Koctets)

N° 97

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Par M. José BALARELLO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 33 ) (2000-2001)

Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir procédé à l'audition de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le mercredi 22 novembre 2000, la commission des Lois, réunie le 22 novembre 2000 sous la présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. José Balarello, les crédits du projet de loi de finances pour 2001 consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Au- delà de l'analyse des crédits consacrés à ces départements et collectivités par les ministères de l'outre-mer, de l'intérieur et de la justice, elle a concentré ses observations sur les problèmes concernant la justice, la maîtrise de l'immigration et la fonction publique, ainsi que sur l'intégration à l'Union européenne et les perspectives d'évolutions statutaires ou institutionnelles.

Elle a ainsi déploré l'état lamentable des juridictions et des établissements pénitentiaires outre-mer, tout en s'interrogeant sur les effets négatifs du maintien du système des surrémunérations des fonctionnaires pour les collectivités locales des départements d'outre-mer.

S'agissant des relations avec l'Union européenne, la commission des Lois a souligné l'importance des crédits communautaires et la nécessité d'une plus grande rigueur dans leur utilisation.

En outre, la commission des Lois a regretté que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, présenté en novembre 1998 par M. Jean-Jacques Queyranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer, comme la plus importante réforme institutionnelle depuis les lois de décentralisation, ne réponde finalement pas aux aspirations d'évolution institutionnelle ou statutaire manifestées dans les départements d'outre-mer.

Elle a souligné l'avenir incertain des mesures phares du projet, la bidépartementalisation de la Réunion, refusée par le Sénat, ayant été retirée du texte en lecture définitive en raison des risques d'inconstitutionnalité, tandis que le Conseil constitutionnel a été saisi en particulier de la disposition tendant à créer un congrès chargé de proposer des évolutions institutionnelles.

La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis est consacré aux crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2001 aux départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et la Réunion) et aux deux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Terres australes et antarctiques françaises) et à la Nouvelle- Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis de votre commission des Lois, présenté par notre collègue M. Jean- Jacques Hyest.

Cette année a été marquée par l'examen du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Une délégation de votre commission des Lois, conduite par M. le président Jacques Larché, avait dans cette perspective effectué une mission d'information de douze jours en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'une autre à Mayotte et à la Réunion, conduite à votre rapporteur 1 ( * ) .

Après avoir présenté l'évolution des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la compétence de votre commission des Lois : sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique. Le présent rapport évoquera en outre les apports de l'intégration des départements d'outre-mer à l'Union européenne, ainsi que les perspectives d'évolution institutionnelle ou statutaire qui doivent notamment être mises en oeuvre par la loi d'orientation adoptée le 15 novembre dernier en dernière lecture à l'Assemblée nationale.

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER

Seul l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur globalité les moyens budgétaires consacrés, d'une part, aux départements d'outre-mer et, d'autre part, aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En effet, l'ensemble des ministères contribue à l'effort financier en faveur de l'outre-mer, les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer représentant moins de 11 % des moyens budgétaires aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer pour 2001, moyens qui atteignent un montant total de 50,11 milliards de francs (dépenses ordinaires et crédits de paiement).

Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de ces départements et collectivités se caractérise par une progression de 6,81 milliards de francs (+ 6,94 %).

Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission des Lois s'attachera également à analyser les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice ainsi qu'à analyser la budgétisation des dépenses induites par la loi d'orientation outre-mer.

Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle des moyens de paiement et autorisations de programmes.

Moyens de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)

2000

2001

montant

part
du total

montant

part
du total

évolution
en  %

ensemble des ministères dont:

45.724,487

100 %

50.114,934

100 %

+ 9,60 %

-  outre-mer

4.950,077

10,83 %

5.431,492

10,84 %

+ 9,73 %

-  intérieur et décentralisation

7.864,118

17,2 %

9.058,000

18,07 %

+ 15,18 %

-  justice

775,981

1,7 %

833,353

1,66 %

+ 7,39 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

Autorisations de programme destinées
aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon

2000

2001

montant

part
du total

montant

part
du total

évolution en  %

ensemble des ministères dont:

4.920,908

100 %

5.223,829

100 %

+ 6,16 %

-  outre-mer

1.339,370

27,22 %

1.715,150

32,83 %

+ 28,06 %

-  intérieur et décentralisation

1.134,426

23,05 %

1.056,774

20,23 %

- 7,35 %

-  justice

69,188

1,41 %

121,417

2,32 %

+ 75,49 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

On observe donc une progression tant des autorisations de programme destinées aux départements d'outre-mer que des crédits ordinaires.

Malgré tout, comme la loi d'orientation, ce budget s'avère insuffisant.

1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Les dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des départements et collectivités d'outre-mer connaissent une progression marquée (+ 9,73 %) en ce qui concerne les moyens de paiement qui atteignent plus de 5,43 milliards de francs pour 2001, les autorisations de programme progressant quant à elles de 28,06 %. La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement affectés aux départements d'outre-mer stagne à 10,84 %.

-  La loi d'orientation bénéficie d'un financement spécifique, une dotation de 325 millions de francs ayant été inscrite au budget de l'outre-mer pour sa mise en oeuvre 2 ( * ) .

Cette enveloppe budgétaire figure sur le FEDOM (chapitre 44-03) à hauteur de 290 millions de francs. Elle servira au financement de 10.000 projets initiatives jeunes (dotation de 100 millions de francs), 10.000 allocations de retour à l'activité (dotation de 90 millions de francs), de 1.200 primes à la création d'emploi (pour un montant de 10 millions de francs), de 3.000 congés-solidarité (à hauteur de 40 millions de francs), tandis que la baisse de la créance consécutive à l'alignement progressif du RMI sur trois ans sera compensée par une augmentation en loi de finances initiale de l'enveloppe du FEDOM (+ 50 millions de francs) et de la dotation de la ligne budgétaire unique (LBU) de 250 millions de francs en autorisations de programme.

Sont également prévus au chapitre 41-91 3 millions de francs destinés à la mise en place d'un office de l'eau et 32 millions de francs au chapitre 46- 94 pour la mise en place d'un fonds de promotion des échanges avec la métropole et les pays de la région(12 millions de francs) et la création de trois fonds de coopération régionale (Antilles, Guyane, Réunion) en lieu et place de l'ancien fonds interministériel Caraïbes.

-  Le soutien à l'emploi représente la part la plus significative du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, soit 39 %.

La dotation du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) se situe à 2,64 milliards de francs, en hausse de 25,6 % par rapport au budget 2000.

Cependant, cette politique est caractérisée par son manque de cohérence, une douzaine de dispositifs étant financés sans qu'aucune évaluation ne soit intervenue.

Outre les 290 millions de francs qui permettront de financer les 24.200 mesures pour l'emploi correspondant aux nouveaux dispositifs prévus par la loi d'orientation, les contrats aidés traditionnels seront renouvelés en 2001. Ainsi, le nombre de mesures d'insertion s'élèvera à 63 800, correspondant à une enveloppe de 35.000 contrats emploi-solidarité, 2.800 contrats emploi-consolidé, 15.000 contrats d'insertion par l'activité, 7.500 contrats d'accès à l'emploi et 500 primes à la création d'emploi. Par ailleurs, 3.000 nouveaux emplois-jeunes pourront être financés sur le FEDOM, ce qui portera le nombre d'emplois-jeunes à près de 13.200.

Entre les 24.200 mesures de la loi d'orientation et les 63.800 mesures d'insertion, ce sont 88.000 nouvelles mesures qui seront financées en 2001, l'emploi devant par ailleurs être favorisé par le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales.

Le service militaire adapté, créé en 1971 afin d'adapter le service national à la situation particulière de l'outre-mer et modifié par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, fait désormais appel au volontariat. Il poursuit sa professionnalisation commencée en 1999. Aux 1.100 emplois de volontaires créés en 1999 et 2000 s'ajouteront 900 emplois nouveaux en 2001.

-  La politique d'aide au logement , qui est la grande absente de la loi d'orientation pour l'outre-mer malgré l'importance des besoins en matière de logement et de l'évolution démographique, constitue le deuxième poste de dépenses du budget, avec 1,35 milliard de francs (+ 22,7 %) en autorisations de programme et 950 millions de francs (+ 3,5 %) en crédits de paiement.

Cependant, l'augmentation de 250 millions de francs en autorisations de programme correspond largement à la compensation de la baisse d'un tiers du montant de la créance de proratisation 3 ( * ) en cours d'année, du fait du relèvement partiel du RMI dès 2001. La hausse des autorisations de programme n'est donc en fait que de 0,5 %.

La ligne d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, dotée de 1.190 millions de francs, permettra de financer la réhabilitation et la construction d'environ 15.000 logements, contre 13.400 en 2000, tandis que la résorption de l'habitat insalubre sera financée à hauteur de 130 millions de francs.

Enfin, 30 millions de francs seront affectés à l'aide exceptionnelle aux ménages pour l'acquisition de terrains situés dans la zone des 50 pas géométriques 4 ( * ) , permettant la régularisation de 500 nouveaux dossiers.

La nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions (CPER) dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte est prise en compte et inscrite sur le chapitre 68- 01 " Fonds d'investissement dans les départements d'outre-mer " (FIDOM) et le chapitre 58-01 " Infrastructures de Guyane ". La dotation du FIDOM est portée à 340,5 millions de francs (+ 55 %) en autorisations de programme et 250,15 millions de francs en crédits de paiement (+ 15 %).

Pour Mayotte , 4,7 millions de francs sont inscrits aux chapitres 31-98 et 34-96 dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2000- 219 du 8 mars 2000 relative à l'état-civil mahorais. Ces crédits serviront pour le fonctionnement de la commission de réforme de l'état-civil ainsi que pour le recrutement pendant 5 ans d'une quarantaine d'agents contractuels . Restera à réaliser la réforme foncière.

2. Une hausse contrastée de la contribution du ministère de l'intérieur et une très forte progression des crédits du ministère de la justice

-  Les crédits de paiement provenant du ministère de l'intérieur et de la décentralisation , qui représentent environ 18 % de l'effort financier global de l'Etat en faveur des département d'outre-mer, (9,05 milliards de francs pour 2001), sont en forte progression (+  15, 18 %), tandis que les autorisations de programme diminuent de 7,35 %.

Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux collectivités locales.

Ces dotations aux collectivités locales sont de deux natures :

D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes, pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation de développement rural (DDR), le fonds national de péréquation (FNP), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et la dotation spéciale instituteurs (DSI).

Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par des dotations figurant au budget du ministère de l'intérieur. Il s'agit des dotations suivantes : dotation générale de décentralisation (DGD), dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation globale d'équipement (DGE), ainsi que des crédits de mise en sécurité des écoles.

-  En ce qui concerne la contribution du ministère de la justice , on observe une forte progression du montant des autorisations de programme (+ 75,49 %) qui atteignent 121,417 millions de francs, ainsi qu'une progression de 7,39 % des moyens de paiement.

Les autorisations de programme, qui avaient connu un important recul en 1998 et 1999, avant de progresser de 140 % en 2000, continuent donc leur augmentation, mais à un rythme moindre. Ceci apparaît encore faible au regard de l'importance des besoins des juridictions et des établissements pénitentiaires des départements et collectivités d'outre-mer, que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de sa mission en Guyane, aux Antilles, à la Réunion et à Mayotte.

Ces crédits devraient notamment permettre la poursuite du renforcement des effectifs des juridictions et des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Un effort a été fait en vue de développer les maisons de justice et du droit, qui constituent un moyen adapté de traitement de la petite et moyenne délinquance. Plusieurs maisons existent déjà à la Réunion, une maison a été ouverte en juin 1999 à Fort-de-France tandis qu'un projet est en cours de réalisation en Guyane.

D'importants investissements immobiliers sont par ailleurs prévus pour les juridictions des départements d'outre-mer ainsi que pour les établissements pénitentiaires 5 ( * ) .

II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ETAT

Dans les départements d'outre-mer, peut-être plus encore qu'en métropole, une priorité doit être donnée au renforcement des moyens destinés à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat.

En effet, les résultats constatés en matière de sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration sont loin d'être satisfaisants.

1. L'aggravation de la délinquance et du trafic de drogue

Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du secrétariat d'Etat à l'outre-mer (qui concernent l'année 1999), avec un total de 92.245 crimes et délits constatés en 1999, le taux de la criminalité des quatre départements d'outre-mer subit une nette croissance (+ 6,30 % en 1999 contre + 0,07 % au plan national) .

Cette tendance résulte de la hausse des diverses infractions de voie publique (+ 4,96 %) et plus particulièrement concernant les stupéfiants et les délits à la police des étrangers (+ 13,25 %), l'évolution étant particulièrement forte en Guyane (+ 23,7 %).

La criminalité organisée et spécialisée, qui regroupe notamment les homicides à l'occasion de vols, les vols avec armes à feu et le trafic et la revente sans usage de stupéfiants, progresse de 32,59 % en 1999 (10,22 % en 1998) et représente 1,98 % des faits constatés dans les départements d'outre-mer.

L'indice de criminalité et l'évolution de la délinquance présentent des spécificités très marquées dans chacun des départements d'outre-mer.

Ainsi, si les départements de la Réunion (37,71 ) et de la Martinique (57,05 ) enregistrent en 1999 un taux de criminalité pour 1000 habitants inférieur au taux moyen national (60,97 ), la Guyane (108,71 ) et la Guadeloupe (63,33 ) se situent en revanche, comme les trois années précédentes, au-dessus de cette moyenne.

n La Guadeloupe connaît un niveau élevé d'insécurité qui continue de s'accroître (+ 0,9 % en 1999), cette hausse de la délinquance résultant d'une augmentation de plus de 10,4 % des faits constatés en zone gendarmerie.

A l'exception de l'année 1996, la délinquance a été en augmentation constante en Guadeloupe au cours des cinq dernières années, progressant de 6,41 % sur la période.

La catégorie des vols subit une hausse de 8,9 % en 1999 du fait notamment de l'augmentation des vols à main armée (+ 31,9 %) et des vols avec violences (+ 14 %) tandis que les crimes et délits contre les personnes en hausse de 48,16 % sur 5 ans baissent en 1999 de 4,4 %.

La catégorie des autres infractions (dont stupéfiants) a augmenté de 10,15 % de 1995 à 1999. En 1999, elle chute nettement (- 22,10 %) en raison de la baisse de 61,1 % des délits à la police des étrangers.

n En Martinique , la délinquance a progressé de 5,79 %, faisant suite à la nette augmentation de 1998 (+ 17,09 %) qui avait contrarié la tendance positive des années précédentes. Cette hausse est sensiblement plus importante en zone gendarmerie (+ 9,1 %).

Après une très forte hausse en 1998 (+ 35,38 %), les infractions économiques et financières se stabilisent en 1999, ainsi que les crimes et délits contre les personnes (qui ont néanmoins progressé de 3,87 % depuis 1995), les homicides baissant de 30,8 %, les atteintes aux moeurs de 27,5 %. La délinquance de voie publique connaît de 1995 à 1999 une progression de 12,98 %, augmentant en 1999 de + 7,5 %.

La catégorie des autres infractions (dont stupéfiants) décroît pour sa part de 14,92 % sur 5 ans. Cependant en 1999, cette rubrique augmente de 13,3 % en raison des délits à la police des étrangers (+ 31,4 %), des destructions et dégradations (+ 26,8 %). Seuls les délits à la législation sur les stupéfiants baissent de 6 %.

n En Guyane , les crimes et délits constatés en 1999 ont connu une augmentation de 23,7 %.

La forte augmentation des délits à la police des étrangers (+ 58,9 %) et des infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 45,17 %) a contribué à la hausse significative de la délinquance générale constatée en 1999, alors que sur 5 ans, elle diminue nettement (- 35,78 %). Les infractions économiques et financières ont diminué de 78,32 % depuis 1995, principalement en raison du recul du nombre d'infractions touchant au travail clandestin (- 88 %), tandis que les crimes et délits contre les personnes subissent une hausse de 32,22 % de 1995 à 1999, malgré une baisse de 15,6 % en 1999.

Point sur l'évolution du trafic de drogue dans la Caraïbe

La Caraïbe connaît une évolution inquiétante ces dernières années. Géographiquement situés entre les régions de production, localisées en Amérique du sud et les régions de consommation de l'Amérique du Nord et de l'Europe, les départements français d'Amérique se trouvent aujourd'hui au centre du trafic de stupéfiants.

La moitié des saisies a eu lieu dans le département de la Guyane s'agissant de la cocaïne (au total 175 kilos en 1998), le trafic de crack (produit dérivé de la cocaïne obtenu par adjonction d'ammoniaque ou de bicarbonate de soude) se développant de manière inquiétante en Martinique. La Guadeloupe se trouve dans une situation délicate du fait de l'important trafic international se développant à partir de l'île de Saint-Martin .

Sa partie néerlandaise, Sint-Maarten, appartient à la fédération des Antilles néerlandaises et jouit d'une grande autonomie vis à vis des Pays-Bas (elle a le statut de pays et territoire associé -PTOM- à l'Union européenne). Elle connaît un problème important de blanchiment d'argent par le biais des neuf casinos, en grande majorité contrôlés par les clans mafieux de la Camorra, Cosanostra et N'Drangheta.

Votre rapporteur souhaite que, dans le cadre de la coopération européenne, cette question puisse être évoquée avec les Pays-Bas.

Le fait nouveau concerne l'augmentation inquiétante du trafic à destination de la consommation locale . Les effets du crack sur l'évolution de la délinquance sont connus : la dépendance quasi-immédiate qu'il entraîne explique la recrudescence des vols à main armée et des vols avec violence. Cette forme de délinquance a connu une progression particulièrement importante.

Face à cette situation, les moyens mis à la disposition des forces de police ont été renforcés (effectifs du SRPJ Antilles-Guyane accrus, installation du fichier Canonge à Fort-de-France, installation d'un centre interministériel de formation anti-drogue à Fort-de-France).

En réponse à une question de votre rapporteur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que la coopération internationale avait été particulièrement renforcée grâce à une structure de coopération spécifique à la zone, le Bureau des liaisons opérationnelles, implanté au sein du SRPJ, mis en place afin de développer l'analyse et l'échange du renseignement opérationnel, ainsi qu'au réseau Interpol, au service de coopération technique internationale de police (SCTIP) et à l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), avec la mise en place d'un réseau de délégations et d'antennes internationales.

Si la présence de TRACFIN permet de prévenir et réprimer le blanchiment d'argent dans les départements d'outre-mer, il serait utile que son action s'étende à l'ensemble de la zone.

Un programme européen (Project Management Office -PMO-), auquel participent les pays intéressés de la zone ainsi que la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne permet, avec la collaboration américaine, de mieux coordonner les moyens de coopération maritime, un projet d'accord bilatéral entre la France et les Etats-Unis ainsi qu'un accord de coopération multilatérale proposé par les Pays-Bas étant en outre en cours de négociation.

L'Union européenne a engagé 35 millions d'euros sur cinq ans pour les actions de lutte contre la drogue dans la région.

Grâce à ces mesures, la lutte contre les stupéfiants a obtenu des résultats en progression : en 1999, les saisies de cannabis en Martinique ont augmenté de 50 %, ainsi que les saisies d'héroïne et de crack en Guadeloupe, tandis que les interpellations augmentaient de 27% de 1998 à 2000.

Cependant, votre rapporteur estime que les moyens mis à la disposition des forces de l'ordre chargées des frontières (notamment fluviales et maritimes), doivent être considérablement renforcés.

n La Réunion a connu une hausse des crimes et délits constatés dans le département de 2,96 %, confirmant celle de 1998 (+ 0,8 %).

Les crimes et délits enregistrés à la Réunion ont augmenté de 1984 à 1997 de 59,3 % . Cette augmentation est due à l'essor des crimes de sang et les viols, liés à l'alcool, la pauvreté et la précarité, ainsi qu'aux efforts récents de signalement des viols à caractère incestueux, qui représentent près des deux tiers des condamnations criminelles. 47,6 % des détenus en 1997 l'étaient pour affaires sexuelles.

Les crimes et délits contre les personnes, après la progression de 12,37 % en 1998 chutent à 4,3 % en 1999 en raison de la spectaculaire diminution des homicides (- 50 %) et des atteintes aux moeurs (- 17,3 %).

Cette hausse des crimes et délits s'observant principalement dans les zones plus urbanisées, un contrat local de sécurité associant, sous l'autorité du préfet, les services de police et les acteurs locaux de sécurité devrait être élaboré à Saint-Paul, après la signature d'un contrat local de sécurité à Saint-Denis en février 2000.

Afin de mieux traiter la délinquance des mineurs, un centre de loisirs jeunes (CLJ) de la police nationale a été ouvert en janvier 2000.

Par ailleurs, on constate une forte augmentation du taux des infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 51,7 %) et des délits divers (+ 33,9 %).

n A Mayotte , bien que le taux de délinquance reste faible (40 , soit la moitié du taux national enregistré en zone police), le nombre des faits constatés par la sécurité publique a connu une augmentation de 51 % en 1999.

Cette tendance résulte de l'augmentation de 72 % des atteintes aux biens, ce qui a un impact psychologique important et développe un sentiment d'insécurité. Elle résulte d'une croissance démographique importante dans la zone urbaine défavorisée de Mamoudzou, qui connaît une certaine dérive vers le " phénomène de groupes ". L'absence à Mayotte de structure d'accueil et de traitement de ces jeunes constitue une carence grave, alors que 15 % de personnes mises en cause sont des mineurs.

-  A Saint-Pierre-et-Miquelon , situé en zone gendarmerie, la délinquance est quasi dérisoire, l'archipel (3.600 habitants) ne connaissant que des troubles d'ordre public liés à des problèmes économiques et sociaux.

-  Ainsi, malgré des évolutions contrastées de la criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les départements d'outre-mer fait donc ressortir une progression sensible des crimes et délits contre les personnes, de la délinquance de voie publique et du trafic de drogue.

Au demeurant, les statistiques doivent être interprétées avec prudence, compte tenu du découragement croissant des victimes dissuadées de porter plainte par le taux réduit d'élucidation et le nombre élevé de classements sans suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié.

2. Une activité soutenue des juridictions installées dans des locaux inadaptés

Votre rapporteur regrette tout d'abord que les dernières statistiques disponibles concernent l'année 1998.

-  L'évolution globale de l'activité des juridictions situées dans les départements d'outre-mer est caractérisée par une augmentation supérieure à la moyenne nationale, en particulier en matière civile .

Le nombre d'affaires civiles nouvelles a progressé entre 1994 et 1998 de 12,2 % à la cour d'appel de Basse-Terre (Guadeloupe) et de 19,9 % au tribunal de grande instance de Pointe à Pitre (Guadeloupe), alors que ce nombre diminuait légèrement à la cour d'appel de Fort-de-France (Martinique ;- 5,6 %) et s'accroissait de 8,6 % au tribunal de grande instance de Fort-de-France (TGI). Il a en outre faiblement décru (- 2 %) au TGI de Cayenne (Guyane) qui dépend du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France.

A la Réunion , l'augmentation du flux d'affaires civiles nouvelles sur cette même période a été particulièrement forte : + 17,9 % à la cour d'appel, + 13,9 % au TGI de Saint-Pierre.

Au cours de ces cinq années, le stock d'affaires civiles en cours s'est accru de 6 % à la cour d'appel de Basse-Terre, de 26,8 % à la cour d'appel de Fort-de-France et de 38,2 % à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.

Les délais moyens de traitement des affaires civiles restent néanmoins légèrement inférieurs à la moyenne nationale pour les cours d'appel qui s'établit à 17,4 mois en 1998 : 13,6 mois à la cour d'appel de Fort-de-France, 10,3 mois à la cour d'appel de Basse-Terre et 13,1 mois à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. En revanche, ces délais dépassent nettement la moyenne nationale dans certains tribunaux de grande instance : 10,7 mois au TGI de Fort-de-France et 14,6 mois au TGI de Pointe-à-Pitre, contre une moyenne nationale de 8,6 mois.

- Certaines juridictions doivent également faire face à une augmentation importante de l'activité pénale ; ainsi, le nombre d'affaires correctionnelles nouvelles s'est accru, entre 1994 et 1998, de 9,6 % au TGI de Pointe-à-Pitre, de 38,3 % au TGI de Saint-Denis de la Réunion et de 33 % au TGI de Saint-Pierre.

- Les seuls chiffres disponibles pour 1999 concernent l'activité des tribunaux administratifs et traduisent une augmentation de 6,7 % des entrées nettes dans les départements d'outre-mer (alors qu'elles baissent de 5,5 % en métropole), ce qui entraîne une augmentation du stock de 6,2 % contre + 0,5 % en métropole.

Les juridictions doivent faire face à cette augmentation de l'activité alors même que les conditions matérielles sont fortement dégradées. Cependant, un effort d'acquisition de matériels audiovisuels numériques et d'équipement informatique individuel des magistrats a été accompli.

Face à la difficile situation immobilière des juridictions, de nombreuses mesures de modernisation ont été programmées au titre des exercices 1999 et 2000.

S'agissant de la cour d'appel de Basse-Terre, deux architectes ont été désignés fin 1999, les études postérieures au concours, (d'une durée d'un an), venant de débuter. Les travaux se dérouleront sur 4 ans en deux phases : à partir de 2001, édification du bâtiment neuf et ensuite réhabilitation et restructuration du palais de justice actuel. (coût global estimé à 106 millions de francs).

Sur le site de la cour d'appel de Fort-de-France, un nouveau bâtiment devrait être achevé fin 2001 (les études de conception ayant été engagées en 1996) et la réhabilitation de l'actuel palais de justice est prévue dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études à partir de 2003 et 2004 pour les travaux, estimés à 60 millions de francs).

S'agissant du site du Lamentin (en Martinique), la consultation des entreprises en vue de la construction d'un nouveau bâtiment doit être engagée avant la fin de l'année 2000.

Comme votre rapporteur pour avis le faisait déjà observer en 1999, il apparaît urgent que le palais de justice de Cayenne soit réhabilité. Cette opération a été incluse dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études à partir de 2001 et travaux, actuellement estimés à 50 millions de francs, dans la continuité). Il est envisagé de construire un nouveau palais de justice pour les juridictions du premier degré et de réhabiliter le palais actuel au profit de la chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France.

Malgré les efforts financiers importants consentis, la réalisation d'un programme dure en moyenne 6 ans (passation du marché public, réalisation d'études et enfin phase de travaux).

3. La persistance d'une surpopulation carcérale aggravée par la vétusté des établissements

En dépit de la mise en service récente de nouveaux établissements pénitentiaires, le nombre de détenus dans les établissements pénitentiaires des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon s'élevait au 1er janvier 2000 à 2880 personnes pour une capacité opérationnelle de 2.216 places, soit un taux d'occupation de 128 %, supérieur au taux national moyen de 118 %.

Dans l'ensemble des départements d'outre-mer, la population pénale a continué à augmenter de près de 3 % par rapport à 1999 ainsi que le taux d'occupation des établissements en l'absence de nouvelles possibilités d'accueil.

Cette situation concerne la quasi-totalité des établissements (à l'exception de celui de Baie-Mahault).

L'importance de la toxicomanie (qui concerne 56 % des détenus contre 32 % en moyenne nationale) qui induit un comportement souvent agressif s'ajoute aux difficultés de gestion résultant des importants taux d'occupation et de la vétusté de certains établissements.

- Aux Antilles , malgré la mise en service fin 1996 de deux nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation sont encore de 132,2 % en 2000 (contre 115,1 % en 1999) en Martinique et 140 % (contre 117,9 % en 1999) en Guadeloupe.

- En Guyane , l'ouverture en avril 1998 du nouvel établissement de Remiré-Montjoly avait permis de ramener en 1999 le taux d'occupation record de 1997 de 279 % à 85,7 %. Cependant, le centre pénitentiaire a du être en partie fermé à la suite des destructions provoquées par la mutinerie de l'été 1999. Les travaux de sécurisation complémentaires (dont le coût est estimé à 10 millions de francs) engagés en 2000 devraient permettre de procéder à la réouverture progressive du quartier maison d'arrêt à partir de novembre 2000, l'établissement retrouvant sa pleine capacité début 2001.

- A la Réunion , la situation reste très préoccupante dans les trois établissements pénitentiaires où les taux d'occupation atteignent respectivement 160,2 % (Le port), 210,9 % (Saint-Denis) et 209,1 % (Saint-Pierre).

La maison d'arrêt de Saint-Denis, qu'une délégation de votre commission des Lois, conduite par votre rapporteur, avait visitée, est située dans un bâtiment colonial très vétuste et présente une situation particulièrement préoccupante puisqu'elle comptait 192 détenus au premier juin 2000 pour une capacité de 92 places.

Interrogé par votre rapporteur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que la construction d'un nouvel établissement constituait une priorité. Une mission technique diligentée en octobre 1999 a été chargée d'examiner avec les services de la préfecture les disponibilités foncières localisées en vue de la construction d'un nouvel établissement d'environ 600 places dont le coût est estimé à 450 millions de francs. 200 millions de francs ayant été obtenus en loi de finances rectificative pour 1999, le financement du solde devrait être demandé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2000. Les concertations se poursuivent, un site sur la commune de Sainte-Marie ayant été pressenti. La mise en service de cet établissement permettra de fermer celui de Saint-Denis.

La mission a par ailleurs proposé des opérations d'équipement pour les trois établissements existants qui ont été retenues dans le cadre du programme d'équipement 2000. Elles devraient permettre d'augmenter la capacité d'accueil de ces établissements de 165 nouvelles places de détention d'ici le 31 décembre 2000.

- A Mayotte , le centre pénitentiaire construit en 1994 connaît un taux d'occupation de 191 % au 1 er mai 2000. En application de la convention de développement liant l'Etat à la collectivité territoriale de Mayotte, il a reçu une subvention de plus de 7 millions de francs.

Un schéma directeur de restructuration des structures pénitentiaires est en cours de réalisation. La création d'une unité médicale de consultation et de soins ambulatoires, ainsi que d'un quartier des mineurs, devrait être réalisée d'ici trois ans.

- A Saint-Pierre-et-Miquelon en revanche, le centre pénitentiaire connaît un taux très bas d'occupation.

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé en octobre 2000 un programme important de réhabilitation et de construction d'établissements pénitentiaires, qui devrait également concerner l'outre-mer. Ce programme de rénovation pénitentiaire devrait s'étaler sur 6 ans pour un coût total de 10 milliards de francs et concerner 130 petits et moyens établissements. Un milliard de francs sera d'ores et déjà inscrit en loi de finances pour 2001 et un établissement public chargé de superviser l'opération sera créé.

4. La persistance d'une immigration difficilement contrôlable malgré des évolutions positives

Les départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés à une importante immigration irrégulière, qui s'explique largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de protection sociale considérablement plus élevés que dans les Etats environnants.

D'après le rapport établi par Mme Eliane Mossé, 6 ( * ) le PIB par habitant atteignait, en 1996, 13 121 $ en Martinique et 10 531$ en Guadeloupe, mais seulement 3 642 $ à Cuba, 3 908 $ à la Dominique, 4 540 $ en République dominicaine, 664 $ à Haïti, et 4 322 $ à la Jamaïque. En Guyane française, il s'élevait à 15 882 $ mais n'était que de 6 571 $ au Brésil, 2 422 $ au Guyana et 4 809 $ au Surinam.

- Les Antilles françaises subissent donc une forte immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et parfois des tensions politiques.

Les nationalités concernées soumises à l'obligation de visa pour entrer sur le territoire français sont les Haïtiens, Saint-Luciens, Dominicains, ressortissants de Saint-Domingue. Cette immigration utilise essentiellement la voie maritime, par nature difficilement contrôlable.

En Martinique , la population étrangère est évaluée à 6.500 personnes. S'y ajoutent entre 300 et 500 étrangers en situation irrégulière. 224 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées en 1999 contre 192 en 1998, ainsi que 27 mesures d'expulsion, contre 24 en 1998.

En Guadeloupe , la population étrangère est évaluée à 23.047 personnes (contre 10.596 en 1996). La régularisation des étrangers intervenue depuis trois ans en application des réformes sur l'entrée et le séjour des étrangers a permis de diminuer de moitié la population clandestine, évaluée à moins de 10.000 personnes en 1999. 795 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées en 1999 (753 en 1998) ainsi que 111 expulsions (102 en 1998).

A Saint-Martin , le problème de l'immigration clandestine est particulièrement délicat en raison de la localisation de l'aéroport international dans la partie néerlandaise et de l'absence de contrôle à la frontière entre les deux parties de l'île.

Sur une population totale de 29.000 habitants, 8.000 sont des étrangers auxquels s'ajoutent 2.000 étrangers en situation irrégulière. La population étrangère est composée à 60 % de Haïtiens et à 20 % de Dominicains.

En 1999, 218 mesures de reconduite à la frontière sur les 795 comptabilisées pour toute la Guadeloupe ont été exécutées à Saint-Martin.

L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle conjoint dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la France le 20 juillet 1995, devait faciliter l'éloignement des étrangers non admis et se trouvant en situation irrégulière mais son entrée en vigueur est subordonnée à la ratification par les Pays-Bas.

Votre rapporteur pour avis renouvelle son souhait qu'une concertation plus approfondie soit menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union européenne.

Face à cette situation, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile prévoit des dispositions dérogatoires en faveur de la Guyane et de la commune de Saint-Martin, en maintenant le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière et en renvoyant à cinq ans le rétablissement des commissions du titre de séjour.

n La Guyane , frontalière du Surinam et du Brésil, subit une forte immigration en provenance du Brésil, de Guyana, du Surinam et d'Haïti.

La lutte contre l'immigration clandestine est une priorité de l'action de l'Etat en Guyane, d'autant plus qu'elle est un facteur important d'insécurité, en particulier dans l'agglomération de Cayenne.

Pour une population estimée à 157.274 habitants, on dénombre environ 20.000 étrangers en situation régulière (dont 37 % d'Haïtiens, 20 % de Brésiliens et 20 % de Surinamiens) et on estime à 30.000 le nombre de personnes en situation irrégulière.

La localisation de la plus grande partie du territoire guyanais dans la forêt amazonienne rend difficile le contrôle de l'accès du territoire français. Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de parvenir à un contrôle plus efficace des flux migratoires :

-  avec 1.070 policiers et gendarmes, le département de la Guyane possède un ratio de représentants des forces de l'ordre de 6,8 pour 1.000 habitants, pour une moyenne nationale de 3,7. Cependant, la Guyane, plus grand département de France, cumule une façade maritime difficile à contrôler avec d'importants fleuves frontaliers. L'effectif total de la police aux frontières, porté en 1999 de 119 à 138 agents dont 45 (contre 35 en 1998) à Saint-Laurent du Maroni, paraît donc largement dérisoire.

- un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique (plans " Alizé bis " et " Galerne ") a été mis en place sur les fleuves Maroni et Oyapock, comportant des patrouilles fluviales et une surveillance des rives.

Il serait souhaitable que ses moyens soient considérablement renforcés car, ainsi que l'a reconnu M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, interrogé à ce propos par votre rapporteur, la lutte contre l'immigration clandestine demeure largement illusoire.

- un centre de rétention, destiné à faciliter la gestion des reconduites à la frontière (50 % du total des reconduites aux frontières françaises) a été construit en 1996 près de l'aéroport de Rochambeau. En 1999, 6.967 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées. Les mesures de reconduite à la frontière diminuent d'une année sur l'autre dans la mesure où le dispositif de contrôle aux frontières permet une progression constante des refoulements à la frontière.

- Par ailleurs, depuis un accord franco-brésilien de 1984, des réunions bilatérales où la France est représentée par le préfet de la Guyane permettent d'examiner les problèmes liés à l'immigration clandestine brésilienne et facilitent les rapports entre les services de police. Cette coopération semble cependant encore bien timide.

-  Enfin, si la Réunion reste aujourd'hui relativement à l'abri des grands flux migratoires, il n'en est pas de même de Mayotte , confrontée à une forte pression migratoire en provenance des îles composant la république fédérale islamique des Comores et plus particulièrement d'Anjouan, due à l'élévation du niveau de vie.

La population étrangère représente 25 % des 131.000 habitants de l'île contre 7 % en métropole. Le nombre d'étrangers en situation régulière est de 20.000 personnes. 15 à 20.000 personnes d'origine comorienne seraient en situation irrégulière.

La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte pour le développement économique, mais aussi pour la préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux. Le coût de l'immigration clandestine à Mayotte est de 100 millions de francs au minimum par an, dont 76 millions pour les services de santé.

Face à cette situation, une politique active de contrôle de l'immigration a été mise en place depuis quelques années. En 1999, 7.885 reconduites à la frontière ont été opérées (contre 5.611 en métropole) , soit une augmentation de plus de 30 % par rapport à l'année passée. L'obligation de visa préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à Mayotte a été rétablie depuis 1995 et les moyens de surveillance des côtes renforcés.

Le régime en matière de conditions d'entrée et de séjour des étrangers étant obsolète et inadapté au contexte de l'immigration dans cette collectivité, l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte , qui entrera en vigueur le premier mai 2001, et s'inscrit dans le cadre de l'Accord sur l'avenir de Mayotte, signé à Paris le 27 janvier 2000, a prévu la mise en place de procédures de maintien en zone d'attente, d'expulsion et d'interdiction du territoire ainsi qu'un arsenal de sanctions pénales.

Enfin, les pouvoirs publics s'efforcent de lutter contre l'important trafic de faux documents par la réforme de l'état civil et la création de fichiers, la mise en place de la carte nationale d'identité sécurisée et la sécurisation du passeport et des titres de séjour étant à l'étude.

Plus fondamentalement, votre rapporteur souligne l'urgence de programmes d'aide sanitaire en direction de l'île d'Anjouan afin de freiner l'exode massif de ses habitants, et notamment des plus jeunes, vers Mayotte.

5. Les questions relatives aux fonctions publiques d'Etat et territoriale

a) la question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires

En application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer (qu'ils soient affectés depuis la métropole ou résidents permanents de la collectivité) est affecté d'un coefficient multiplicateur qui, fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53 % à la Réunion. Ce coefficient est servi sans limitation de durée et s'applique également aux agents titulaires des fonctions publiques locales .

De plus, une indemnité d'éloignement est servie si l'affectation a donné lieu à un déplacement réel des fonctionnaires de l'Etat . Les résidents permanents n'en bénéficient donc pas . Au contraire du coefficient multiplicateur, il s'agit d'un élément temporaire versé au taux plein sur la base d'une durée de service de quatre ans (correspondant à un an de traitement indiciaire de base, 16 mois pour la Guyane). En raison de la montée en charge progressive des recrutements locaux, sa part dans le volume total des majorations ainsi que le nombre d'attributaires n'ayant cessé de se réduire.

Les différents rapports élaborés à la demande du Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi d'orientation formulaient différentes propositions de réforme.

Considérant que le différentiel de prix effectivement constaté entre les départements d'outre-mer et la métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifiait pas le maintien des surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport établi par Mme Eliane Mossé 7 ( * ) proposait notamment la limitation des surrémunérations au double du différentiel de prix, la suppression de la seule indemnité d'éloignement, ou encore la suppression ou la réduction de l'avantage fiscal relatif à l'impôt sur le revenu 8 ( * ) .

Le rapport de M. Bertrand Fragonard 9 ( * ) proposait pour sa part une réduction progressive du taux de majoration applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux nouvelles embauches.

MM. Claude Lise et Michel Tamaya indiquant que le niveau de l'indemnité d'éloignement ne leur semblait plus se justifier, avaient préconisé un plafonnement de l'indemnité d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A, les sommes ainsi économisées étant affectées à un fonds spécifique d'aide à la création ou au fonctionnement des PME.

M. Bernard Pêcheur évaluait en 1996 le coût global des surrémunérations à près de 8 milliards de francs par an, dont plus de 4 milliards de francs pour les 66.500 fonctionnaires civils de l'Etat, soit 17,3 % de plus que le budget total du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2001.

Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs années le coût exorbitant de ce régime de surrémunérations des fonctionnaires dans les départements d'outre-mer et tout particulièrement à la Réunion, ainsi que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement économique de ces départements.

M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait cependant déclaré au cours d'un voyage aux Antilles que cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement, M. Jean- Jack Queyranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer, indiquant pour sa part que cette question, par ailleurs très sensible, relevait du domaine réglementaire et non de la loi.

Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer déposé par le Gouvernement ne comprenait donc aucune disposition relative à cette question. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement proposé par M. Elie Hoarau, M. Claude Hoarau et Mme Huguette Bello, députés de la Réunion, prévoyant la suppression par décret dans les trois mois suivant la promulgation de la loi d'orientation des indemnités d'éloignement allouées aux fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer, le Gouvernement s'en étant pour sa part remis à la sagesse de l'Assemblée nationale. Cette disposition a ensuite été votée conforme par le Sénat en première lecture.

Votre rapporteur a, lors de la discussion en nouvelle lecture au Sénat, attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prévoir des mesures transitoires dans le cadre du décret d'application, afin que cette disposition s'applique aux seuls fonctionnaires affectés après l'entrée en vigueur de la présente loi. M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé que cette mesure ne serait pas rétroactive et ne prendrait son plein effet qu'avec un décret d'application qui n'interviendrait qu'à l'issue d'une intense concertation.

Des premiers résultats d'une étude sur l'impact de la mesure de suppression de l'indemnité d'éloignement, il ressort que pourraient être concernés annuellement plus de 3.000 fonctionnaires pour une économie induite de 100 millions de francs.

b) l'importance du nombre des agents non titulaires des communes des départements d'outre-mer du fait de ces surrémunérations

Deux tiers des agents des communes des départements d'outre-mer (contre un tiers en métropole) sont des contractuels 10 ( * ) , alors que la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale réserve les emplois permanents des collectivités locales aux fonctionnaires.

Ce phénomène s'explique par le coût du recrutement de fonctionnaires titulaires en raison de l'application de la surrémunération par les collectivités locales.

Suite au protocole d'accord sur la résorption de l'emploi précaire dans les fonctions publiques du 10 juillet 2000, M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a déposé au Sénat un projet de loi qui doit être discuté le 22 novembre 2000 en première lecture.

S'agissant de la fonction publique territoriale, il prévoit que les agents recrutés entre 1984 et l'organisation du premier concours d'accès au cadre d'emplois correspondant pourront se voir offrir une titularisation sur titres. D'autre part, les agents non titulaires recrutés postérieurement au 14 mai 1996 dans les cadres d'emplois pour lesquels un concours a été organisé, pourront bénéficier de concours réservés.

En outre, il est déjà possible d'intégrer des contractuels sans concours dans les cadres d'emplois dotés de l'échelle de rémunération la plus basse.

D' éventuelles titularisations seraient coûteuses pour les communes, compte tenu en particulier de l'existence de surrémunérations . Le surcoût pour les communes de la seule Réunion d'une intégration dans la fonction publique territoriale avec la surrémunération et l'étalement sur quinze ans du rachat des cotisations de retraite serait de 646 millions de francs par an (soit une augmentation de près de 60 % de la masse salariale).

Le rapport de M. Bertrand Fragonard soulignait cette difficulté et préconisait que le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer précise que la régularisation éventuelle des agents contractuels se ferait sans application des coefficients de majoration afin de ne pas peser sur les finances locales, le rapport de MM. Claude Lise et Michel Tamaya excluant expressément l'hypothèse d'une intégration et préconisant la création par la loi de " statuts d'agents territoriaux contractuels " dans lesquels seraient intégrés les non titulaires en fonction aujourd'hui, mais qui ne pourrait servir de cadre à de nouveaux recrutements.

Néanmoins, le Conseil d'Etat, dans un avis du 16 avril 1996, a indiqué que les surrémunérations relevaient du régime indemnitaire. En application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, les collectivités locales pourraient donc décider de ne pas accorder la surrémunération aux fonctionnaires territoriaux, ou de retenir un taux inférieur à celui dont bénéficient les fonctionnaires d'Etat.

Par ailleurs, l'article 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations permet de recruter en contrat à durée indéterminée les agents de catégorie C non titulaires des collectivités locales travaillant dans l'entretien et la restauration administrative avant la promulgation de cette loi.

Répondant à une question de votre rapporteur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué qu'une éventuelle campagne de titularisation des agents contractuels ne serait pas compensée par l'Etat, en dépit de son impact pour les finances des collectivités locales.

6. Bilan de l'intégration régionale

a) dans la zone Caraïbe et en Guyane

Créée en juillet 1994, l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC) regroupe 25 pays membres et trois membres associés (dont la France au titre des départements français d'Amérique et les Antilles néerlandaises), soit au total un ensemble de 100 millions d'habitants.

La France a la qualité de membre associé au titre des départements français d'Amérique (DFA) (la ratification de l'accord de mai 1996 étant intervenue le 20 février 1998). Elle est généralement représentée à la conférence ministérielle annuelle de l'organisation par l'un des présidents des trois conseils régionaux des DFA.

Dans le cadre de l'AEC, qui poursuit des objectifs de libéralisation des échanges et de développement d'une politique régionale en matière de tourisme, de protection de l'environnement, de lutte contre les catastrophes naturelles, de transports, d'éducation et de culture, ont été signés un protocole d'accord sur la création de la zone de tourisme durable de la Caraïbe ainsi qu'un accord de coopération régionale en matière de catastrophes naturelles lors du deuxième sommet de Saint-Domingue tenu les 16 et 17 avril 1999.

La loi d'orientation pour l'outre-mer permettra aux conseils régionaux d'outre-mer de devenir, avec l'accord des autorités de la République, des observateurs ou des membres associés d'organisations régionales.

b) dans la zone de l'océan Indien

Cette coopération s'exerce principalement dans le cercle des cinq pays membres de la Commission de l'océan Indien (COI) créée en 1982 (Comores, Maurice, Madagascar, France, Seychelles). La France, qui a rejoint la COI en 1986 au seul titre de la Réunion, y est ordinairement représentée par le préfet de la Réunion et par des élus du conseil général et du conseil régional.

Les travaux concernent particulièrement le dialogue politique, le maintien de la paix et de la sécurité régionale, l'intégration économique et le développement durable, ainsi que la coopération culturelle.

Pour développer les échanges commerciaux intra-régionaux, la COI a mis en place un programme régional intégré de développement des échanges (PRIDE) en 1996. Financé par l'Union européenne à hauteur de 9,3 millions d'euros, il vise pour 5 ans, par la suppression des barrières réglementaires et tarifaires, la création à terme d'une zone de libre-échange.

En outre, l'Association des Pays Riverains de l'océan Indien pour la Coopération régionale (IOR/ARC) est la concrétisation de l'idée, née en 1993, d'une Organisation regroupant des pays riverains de l'océan Indien et rassemblant des zones telles que l'Australie, l'Asie du Sud-Est, le sous-continent indien et l'Afrique australe et orientale.

Elle vise à fonder un vaste regroupement économique auquel la France a officiellement déposé sa candidature dès mars 1997. Cette demande a été rejetée en mars 1999 puis en janvier 2000. Le Gouvernement poursuit ses efforts en vue d'une prochaine participation.

III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE

A la différence des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont un statut d'association à l'Union européenne, les départements d'outre-mer sont pleinement intégrés à l'Union européenne, ce qui leur permet de bénéficier largement des crédits des fonds structurels européens, dont le montant a été substantiellement accru pour la période 2000- 2006.

1. Un cadre juridique spécifique précisé par l'article 299- 2 du traité d'Amsterdam

A l'article 227-2 du Traité de Rome, qui ne concernait que les départements d'outre-mer français, a été substitué un nouvel article 299- 2, introduit par le Traité d'Amsterdam, qui reconnaît désormais les handicaps structurels des régions ultra-périphériques que constituent les départements d'outre-mer français, ainsi que les Açores, Madère et les îles Canaries, et autorise expressément le Conseil des ministres européen à adopter à la majorité qualifiée des " mesures spécifiques " en faveur de ces régions qui pourront intervenir dans l'ensemble des matières couvertes par le Traité, ces mesures ne devant cependant pas " nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes ".

Ce nouvel article permet de consolider la position des départements d'outre-mer mise à mal depuis quelques années par la jurisprudence restrictive de la Cour de Justice des Communautés Européennes, notamment au regard de la fiscalité particulière pour le rhum et du régime de l'octroi de mer.

Après le Conseil européen de Cologne (3 et 4 juin 1999), la Commission a présenté le 14 mars 2000 un rapport sur les mesures destinées à mettre en oeuvre ce nouvel article 299- 2, accompagné d'un calendrier indicatif prévoyant que les thèmes prioritaires seraient les productions traditionnelles, la relance économique des régions ultra-périphériques, l'environnement international et la coopération régionale.

Ce programme a connu une première application concrète en juillet 2000 avec la possibilité d'octroyer des aides au fonctionnement non dégressives et non limitées dans le temps dans le cadre des aides d'Etat à finalité régionale.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que ce dossier constituait la priorité de son ministère et qu'avaient ainsi été inscrits à l'initiative du Gouvernement à l'ordre du jour du collège des commissaires du 29 novembre 2000 la révision du POSEIDOM, la modification du règlement relatif aux fonds structurels et de celui concernant le développement rural.

Le conseil européen de Nice devra examiner les progrès réalisés en décembre 2000. Il visera également à une accélération du calendrier des travaux de la Commission en ce qui concerne les dossiers encore en cours d'instruction. Ces propositions viseront de manière plus générale à inciter la présidence suédoise, a priori moins sensible à la question des régions ultra-périphériques, à traiter avec diligence ce dossier.

2. Une intégration à l'Union européenne largement bénéfique

a) POSEIDOM

Des régimes d'aides spécifiques en leur faveur ont été mis en place, essentiellement dans le cadre du programme POSEIDOM (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des DOM) créé en 1989.

Outre un volet pêche introduit en 1993 et un volet environnement, il comporte depuis 1991 un volet agricole, qui doit être révisé, l'adoption de la nouvelle réforme de la PAC au 1 er janvier 2000, avec ses objectifs de limitation des productions, étant en décalage avec la situation des départements d'outre-mer dans lesquels l'auto-suffisance est loin d'être assurée.

Le mémorandum présenté par le Gouvernement en décembre 1999 propose, dans la perspective d'une renégociation du POSEIDOM, sa consolidation et sa simplification.

Cette révision a cependant pris du retard en raison des restructurations intervenues à la suite de la démission de la commission de M. Jacques Santer.

b) les fonds structurels : un atout remarquable pour le développement des départements d'outre-mer

Les départements d'outre-mer reçoivent en outre d'importantes dotations au titre des fonds structurels européens . Ils restent en effet éligibles à " l'objectif 1 " 11 ( * ) qui s'adresse aux régions dans lesquelles le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Ils bénéficient dans ce cadre de financements communautaires regroupés dans le document unique de programmation (DOCUP) qui rassemble les crédits émanant des Fonds européen de développement régional -  FEDER, Fonds social européen -  FSE, Fonds européen d'orientation et de garantie agricole -  FEOGA, et l'Instrument financier d'orientation pour la pêche -  IFOP, le programme d'initiative communautaire Régis II destiné aux régions isolées ayant été supprimé.

Le montant global des fonds ainsi alloués aux départements d'outre-mer, qui s'est élevé à près de 12 milliards de francs pour la période 1994-1999 , dont 44 % pour la Réunion, 23 % pour la Guadeloupe, 22 % pour la Martinique et 11 % pour la Guyane, a été porté lors du Sommet européen de Berlin (24 mars 1999) pour la période 2000-2006 à plus de 22 milliards de francs (les programmes étant cependant prévus pour 7 ans au lieu de 6 précédemment).

Les DOCUP pour 2000-2006 ne sont cependant pas encore sortis, à l'exception de celui de la Réunion, à la suite du retard accumulé par la Commission européenne.

L'attribution de crédits européens est soumise à un principe d'additionnalité, les collectivités locales et l'Etat devant également contribuer au financement des opérations programmées. Le taux d'engagement des opérations dépend ainsi dans la pratique dans une large mesure du taux de cofinancement. Les règles concernant le co-financement ont été définies dans le règlement du conseil n° 1260- 1999 du 21 juin 1999. Celui-ci s'établit entre 35 et 75 % selon le type d'investissements envisagé.

Le montant des crédits disponibles pour l'investissement dans les départements d'outre-mer sera donc considérable.

3. La nécessité de veiller à une consommation optimale des crédits communautaires

Dans certains cas, on constate des difficultés à programmer les opérations d'investissement et à mobiliser les crédits correspondants, ce qui aboutit à une sous-consommation des crédits communautaires tout à fait regrettable, les fonds structurels constituant un atout essentiel pour le développement économique des départements d'outre-mer, étant donné le niveau élevé de chômage dans ces départements.

Votre rapporteur ne peut que regretter l'absence de statistiques concernant l'état de la consommation des crédits européens pour l'année 1999, qui ne permet pas de porter de véritable jugement sur cette consommation puisque le programme portait sur 1994- 1999 inclus.

Cependant, des statistiques partielles permettent de constater que les taux de consommation varient selon les départements.

En Guadeloupe , l'ensemble des opérations agréées a permis de programmer sur la durée du programme 5,2 milliards de francs, soit 93 % des crédits prévus au titre du DOCUP (données arrêtées au 31 décembre 1999).

Au niveau du FEDER (qui mobilise 2,739 milliards de francs de crédits publics), le taux d'engagement est de 91 % au 30 décembre 1999, alors qu'en matière d'emploi, le FSE a été mobilisé à hauteur de 689,8 millions de francs, soit un taux d'engagement de 98 %. Au titre du FEOGA, 943,785 millions de francs de crédits publics ont été mobilisés.

En Martinique, 2,7 milliards de francs ont été programmés au titre du programme actuel, dont 1,4 milliard de francs au titre du FEDER, 25 % au titre du FSE (dont 78 % ont été engagés) et 381,3 millions de francs au titre du FEOGA (soit un taux d'engagement de 85,6 %)

En Guyane , les taux d'engagement et de programmation des fonds sont globalement satisfaisants  : 85  % pour le FEDER et le FEOGA, le taux d'engagement de REGIS II restant inférieur en raison du retard pris dans l'exécution du programme.

A la Réunion , les crédits communautaires sont globalement plus importants que dans les autres départements d'outre-mer avec environ 5,2 milliards de francs répartis entre d'une part le DOCUP et d'autre part le PIC REGIS II.

Pour le FEDER, le niveau d'engagement du DOCUP se situe à 94 %, celui de REGIS II à 70 %. Les crédits du FEOGA ont été engagés à 95 % pour le DOCUP et les crédits FSE à 110 % 12 ( * ) .

Il est important de noter, en outre, que ces taux positifs de consommation des crédits sont pour la plupart obtenus grâce un report sur l'année 2000 des crédits non utilisés, ce qui fausse l'appréciation à ce sujet.

De plus, au-delà des simples aspects quantitatifs, il importe avant tout de veiller à la pertinence de l'utilisation qui est faite de ces crédits communautaires.

Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre afin de répondre à cette nouvelle orientation.

Tableau 1

Etat d'exécution des programmes -  1997 et 1998 dans la programmation 1994- 1999 des DOM (en millions €)

Programme

crédits publics

dont crédits européens

Engagements 1997

Engagements 1998

Engagements
1994- 1998

taux d'engagement

Paiements
1997

Paiements
1998

Paiements
1994- 1998

taux de paiement

DOCUP Guadeloupe

783,90

357,50

78,40

21,10

212,70

59,50  %

160,80

16,70

177,50

49,65  %

DOCUP Guyane

299,30

164,90

21,30

44,70

117,00

70,95  %

61,90

25,10

87,00

52,76  %

DOCUP Martinique

680,80

337,10

37,10

50,30

185,70

55,09  %

95,30

16,00

111,30

33,02  %

DOCUP Réunion

1.281,90

673,20

0,00

171,10

441,70

65,61  %

247,70

79,70

327,40

48,63  %

TOTAL

3 . 045,90

1 . 532,70

136,80

287,20

957,10

62,45  %

565,70

137,50

703,20

45,88  %

Tableau 2
Répartition par département des fonds structurels européens bénéficiant aux départements d'outre-mer pour 2000- 2006
Plan de financement indicatif Objectif 1 -  Période 2000- 2006 (en millions de francs)

Région

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Total

Guadeloupe

117, 59

118, 55

119, 26

119, 50

108, 49

111, 36

113, 76

808, 54

Martinique

97, 99

98, 79

99, 39

99, 59

90, 40

92, 80

94, 80

673, 78

Guyane

53, 89

54, 33

54, 66

54, 77

49, 72

51, 04

52, 14

370, 58

Réunion

220, 48

222, 28

223, 62

224, 07

203, 42

208, 80

213, 30

1 516, 00

TOTAL DOM

489, 96

493, 96

496,95

497, 95

452, 04

464, 02

474, 00

3 368, 91

Une circulaire du Premier ministre de mai 1998 a prévu l'instauration d'une cellule Europe dans chaque département, suivant l'exemple de la Réunion.

Par ailleurs, la loi d'orientation sur l'outre-mer consacre dans la loi (à l'initiative de votre rapporteur), l'existence dans chacun des départements d'outre-mer d'une commission 13 ( * ) de suivi de l'utilisation des fonds structurels européens , instance de concertation réunissant l'ensemble des partenaires intéressés 14 ( * ) .

Dans le cadre de l'Agenda 2000, la Commission européenne a prévu un certain nombre de mécanismes destinés à améliorer la gestion et la consommation des crédits communautaires.

Ainsi, 4 % des crédits seront mis en réserve en début de période et reversés à mi-parcours aux programmes les plus performants. Par ailleurs, les engagements seront effectués de façon annuelle au plus tard au 30 avril et la part des engagements qui n'aura pas fait l'objet de paiement à la fin de la deuxième année après celle de l'engagement sera dégagée d'office par la Commission.

Enfin, il faut prendre conscience qu'un tel montant de fonds structurels ne sera plus envisageable dans la perspective d'un élargissement à 25 membres de l'Union européenne et qu'une vingtaine de régions devra alors sortir de l'objectif 1. La Commission européenne compte réunir au deuxième trimestre 2001 les 212 présidents de région des Etats membres pour débattre de l'avenir des fonds structurels dans une Europe élargie.

4. L'évolution du statut de PTOM de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

Les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon , qui n'ont pas le statut de département d'outre-mer, ne peuvent bénéficier des fonds structurels européens.

Leur statut de pays et territoires d'outre-mer (PTOM) associés à l'Union européenne leur permet toutefois de bénéficier des aides du Fonds européen de développement (FED), dont le montant est cependant sans commune mesure avec celui des fonds structurels 15 ( * ) . Le montant du 9 ème FED (à partir de 2001) a été fixé à 175 millions d'euros pour l'ensemble des PTOM, soit une augmentation de 25% par rapport au 8 ème FED. La répartition n'était pas encore intervenue à la mi-novembre 2000.

La décision d'association du 25 juillet 1991, modifiée le 24 novembre 1997, est arrivée à expiration le 29 février 2000. En raison du retard pris par la Commission européenne, elle a été prorogée d'un an, soit jusqu'au 28 février 2001.

Dans cette perspective, la Commission européenne vient d'adopter, le 15 novembre 2000, une proposition qui définit les modalités de sa future association avec les PTOM pour la période du 1 er mars 2001 au 31 décembre 2007. Cette proposition doit désormais être transmise au Conseil et au Parlement.

Les présidents des régions ultra-périphériques de l'Union européenne, reprochant à ce régime son trop grand parallélisme avec celui des pays ACP, demandent que les PTOM reçoivent un traitement financier de même nature que celui des autres régions périphériques, par la création d'un fonds d'aide au développement spécifique alimenté par le budget communautaire.

Il appartiendra également au Gouvernement de veiller à ce que le libellé du dispositif européen ne soit pas tel qu'il empêche des évolutions institutionnelles des régions concernées.

IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES

1. La poursuite de la modernisation du droit applicable à l'outre-mer par ordonnances

Une première loi n° 98- 145 du 6 mars 1998 avait habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, les ordonnances prises en conséquence ayant été ratifiées par les lois n° 99- 1038 du 9 décembre 1999, n° 99- 1121, 99- 1122 et 99- 1123 du 28 décembre 1999.

Par ailleurs sont intervenues huit ordonnances autorisées par la loi n° 99- 1071 du 16 décembre 1999 portant habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative de certains codes.

Une nouvelle loi n° 99- 899 du 25 octobre 1999 a autorisé le Gouvernement à prendre une deuxième série de 18 ordonnances, notamment s'agissant du statut des agences d'insertion, de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), du droit électoral, ainsi que, d'autre part, du régime de l'état civil, de l'organisation du système de santé et des conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

L'ordonnance portant adaptation pour les départements d'outre-mer de la législation relative aux transports intérieurs n'ayant pu être prise dans les délais, des dispositions transitoires ont été introduites dans la loi d'orientation.

Trois projets de loi de ratification des ordonnances ont été déposés sur le bureau du Sénat les 13 et 19 juillet 2000.

2. Réflexions sur des évolutions statutaires ou institutionnelles

Depuis les lois de décentralisation, aucune grande réforme institutionnelle n'avait concerné les départements d'outre-mer. L'annonce par M. Jean-Jack Quyeranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer, d'un projet de loi d'orientation pour l'outre-mer lors de la discussion budgétaire de l'automne 1998 a donc entraîné de nombreuses réflexions sur d'éventuelles évolutions statuaires ou institutionnelles.

a) le rapport Lise-Tamaya

Ainsi, MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et M. Michel Tamaya, député de la Réunion, ont été chargés par le Premier ministre d'une mission sur l'approfondissement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer.

Le rapport qu'ils ont remis au Premier ministre en juin 1999, intitulé : " Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité ", contenait des propositions dont un bon nombre a été repris par le Gouvernement dans le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, qu'il s'agisse des évolutions institutionnelles ou des mesures à caractère économique, social et culturel.

Le rapport préconisait ainsi la création d'un congrès qui, outre la charge de proposer des évolutions statuaires ou institutionnelles, serait l'instance de décision de droit commun s'agissant des compétences partagées entre la région et le département.

Cependant, après l'avis du Conseil d'Etat considérant qu'une assemblée permanente ayant de telles missions aboutirait à la création d'une troisième assemblée et serait inconstitutionnelle, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer n'a retenu (en l'encadrant) que le pouvoir de proposition d'évolution institutionnelle.

Le développement des compétences du conseil régional et du conseil général dans le domaine de la coopération régionale figurait également dans les propositions du rapport de MM. Claude Lise et Michel Tamaya.

b) les réflexions en Guyane

A été adopté le 27 février 1999 par les assemblées régionale et départementale de Guyane réunies en " congrès ", le " pacte de développement pour la Guyane ", qui préconise l'instauration d'une collectivité territoriale unique et d'un pouvoir législatif et réglementaire local autonome.

Par ailleurs, M. Gorges Othily, sénateur de la Guyane, a rédigé (mais non déposé) en mars 2000 une proposition de loi " d'orientation pour le développement réel et durable de la Guyane ". Cette proposition de loi, qui s'inspire du statut corse défini par la loi du 13 mai 1991, vise à substituer au département et à la région une collectivité dotée de compétences élargies, ainsi qu'à créer quatre provinces qui exerceraient les attributions incombant traditionnellement aux établissements publics de coopération intercommunale, ainsi qu'une partie des anciennes attributions départementales.

Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que les propositions concernant les institutions en Guyane devraient être examinées dans le cadre mis en place par la loi d'orientation pour l'outre-mer et a invité les élus et les partis à une table ronde à Paris le 18 décembre prochain.

c) la déclaration de Basse-Terre et les départements français d'Amérique

Les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, Martinique, et Guyane, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Alfred Marie-Jeanne et M. Antoine Karam, ont, par la déclaration de Basse-Terre du 1 er décembre 1999, demandé l'instauration d'un régime d'autonomie interne en réclamant " une modification législative, voire constitutionnelle, visant à créer un statut nouveau de région d'outre-mer , dotée d'un régime fiscal et social spécial, dans le cadre de la République française et de l'Union européenne " .

Ce projet, qui emprunte sans le dire aux statuts de la Corse et de la Polynésie française, mais également au texte sur l'Assemblée unique dans les régions monodépartementales d'outre-mer, déclaré non conforme à la Constitution en 1982, se réfère aussi, explicitement cette fois, aux statuts des collectivités autonomes des Canaries, de Madère et des Açores (qui font partie des régions ultra-périphériques).

Les régions d'outre-mer auraient la possibilité de légiférer dans leurs domaines de compétence (qui seraient considérablement étendus, l'Etat ne conservant que la justice, la police, la santé, la défense et la monnaie), et notamment en matière fiscale, sociale et de contrôle de l'immigration.

Cette revendication ne semble cependant pas être partagée par les populations antillaises et guyanaises.

d) l'avenir institutionnel de Saint- Barthélémy

Le rapport " Saint-Martin, Saint-Barthélémy : quel avenir pour les îles du Nord de la Guadeloupe ", remis en décembre 1999 au secrétaire d'Etat à l'outre-mer par M. François Seners constatait notamment que les responsables locaux aspirent à une évolution du statut de l'île (actuellement une commune du département de la Guadeloupe) qui mette le droit en conformité avec la réalité, c'est à dire la très forte autonomie de gestion acquise par la commune.

S'il considérait que la commune pouvait faire face à la perte de crédits résultant de sa sortie du département de la Guadeloupe, ce rapport concluait aussi que les projets locaux de collectivité locale sui generis sur le fondement de l'article 72 de la Constitution ne permettraient pas à l'île d'exercer des compétences fiscales, ceci requérant son érection en territoire d'outre-mer doté, selon l'article 74 de la Constitution, d'une " organisation particulière ".

Il estimait par ailleurs que si une telle évolution statutaire n'était pas contraire à la Constitution, elle ne pouvait cependant être engagée qu'après consultation de la population locale.

Cependant, la transformation de Saint-Barthélémy en territoire d'outre-mer n'est pas envisagée par le Gouvernement qui s'est orienté vers l'insertion de dispositifs particuliers dans la loi d'orientation pour l'outre-mer.

Une possibilité originale de transfert de compétences (dans les domaines de la formation professionnelle, de l'action sanitaire, de l'environnement, du tourisme, des ports maritimes de commerce et de pêche ou des aéroports, de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, des transports, de la culture et du sport - et à l'initiative du Sénat de la voirie classée en route départementale) pour une durée déterminée de la région ou du département à la commune de Saint-Barthélémy a ainsi été prévue, le département ou la région étant cependant laissés libres d'y souscrire, ce qui en limite singulièrement la portée.

Le texte adopté en lecture définitive le 15 novembre 2000 prévoit aussi la possibilité de voter une taxe de séjour dans les mêmes conditions qu'à Saint-Martin, une taxe additionnelle à la taxe régionale sur les cartes grises, ainsi, à l'initiative du Sénat, qu'une taxe sur les carburants et une taxe sur les débarquements de passagers par voie maritime.

3. La loi d'orientation pour l'outre-mer

Cette année a surtout été marquée par la présentation du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer en mai 1999, projet finalement adopté en dernière lecture par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000.

Ce projet de loi d'orientation a été préparé à partir des propositions formulées dans plusieurs rapports établis à la demande du Gouvernement

Cette loi d'orientation comporte tout d'abord un premier volet économique et social qui a pour objet de favoriser la création d'emplois dans les départements d'outre-mer.

Le deuxième volet de la loi, de caractère institutionnel, tend à favoriser une meilleure insertion de ces territoires dans leur environnement régional en rendant possible la coopération décentralisée des régions ou de départements avec les Etats voisins, et à transférer des compétences et des ressources nouvelles aux collectivités territoriales. Il doit également permettre d'ouvrir le débat sur les questions institutionnelles afin de rompre avec l'uniformité.

S'agissant de la coopération internationale , un président de conseil général ou régional pourra recevoir un pouvoir afin de signer des accords internationaux avec les Etats (ou organismes régionaux) voisins dans les domaines relevant de la compétence de l'Etat. Il pourra en outre être autorisé à représenter la France au sein des organisations régionales. Un président de conseil général ou régional pourra également participer, sur sa demande, aux négociations avec l'Union européenne relatives aux mesures spécifiques tendant à préciser les conditions d'application de l'article 299- 2 du Traité d'Amsterdam. Les conseils régionaux d'outre-mer (et les conseils départementaux dans la rédaction du Sénat rejetée par l'Assemblée nationale) pourront en outre participer en tant que membres associés ou observateurs aux organisations internationales régionales . Par ailleurs seront mis en place quatre fonds de coopération régionale.

En ce qui concerne les aspects institutionnels (titres V, VI et VII), votre commission des Lois a jugé nettement insuffisantes les dispositions prévues par la loi d'orientation eu égard à la situation constatée dans les départements d'outre-mer au cours des deux récentes missions d'information effectuées dans les départements d'outre-mer.

La délégation de votre commission des Lois conduite par M. le président Jacques Larché, dont faisait partie votre rapporteur pour avis, avait alors mis en lumière la nécessité d'une meilleure prise en compte des spécificités locales (du " cousu  main "), celles-ci apparaissant à l'intérieur même de chaque département (comme le montre la situation des communes intérieures de la Guyane et des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy).

Les élus de Saint-Martin ayant notamment fait part à la mission des problèmes posés par leur dépendance vis à vis de la Guadeloupe pour l'attribution des crédits disponibles au titre du contrat de plan Etat-régions ou des fonds structurels européens. La loi d'orientation prévoit (sur proposition de votre rapporteur) l'instauration de chapitres spécifiques à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin dans le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région de la Guadeloupe.

Les deux principales dispositions du projet de loi d'orientation ouvrant la perspective d'une évolution institutionnelle substantielle, à savoir la bidépartementalisation de la Réunion (article 38) et la création d'un congrès dans les départements français d'Amérique (article 39), ont fait l'objet de vives controverses qui ont conduit le Sénat à les supprimer.

S'agissant de la bidépartementalisation, le Sénat a notamment constaté l'avis défavorable du conseil général comme du conseil régional et l'hostilité de la population réunionnaise consultée par sondages.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a en nouvelle lecture profondément modifié cet article, en adoptant un amendement portant article additionnel de 33 paragraphes prévoyant les modalités de la bidépartementalisation et en l'avançant au 1er janvier 2001. En lecture définitive, les députés réunionnais, suivis par l'Assemblée nationale, prenant acte de l'inconstitutionnalité de telles modifications à ce stade de la procédure, ont supprimé ces dispositions, renvoyant le projet de bidépartementalisation au dépôt d'une proposition de loi qu'ils espèrent voir aboutir au 1 er janvier 2001.

Votre rapporteur se félicite de la confirmation par l'Assemblée nationale de la suppression de cette mesure.

Interrogé par votre rapporteur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que s'il était toujours favorable à ce projet de bidépartementalisation de la Réunion, une éventuelle proposition de loi en ce sens ne pourrait de toute façon être adoptée avant les élections municipales et cantonales de mars 2001.

Le Sénat a également constaté que le projet de création du congrès dans les régions monodépartementales, réunissant le conseil général et le conseil régional et ayant vocation à délibérer de toute proposition d'évolution institutionnelle , le Gouvernement pouvant alors déposer un projet de loi prévoyant la consultation des populations intéressées sur ces propositions, avait suscité l'avis défavorable de six des huit assemblées locales concernées, que la procédure envisagée serait particulièrement lourde, risquant d'aboutir de fait à la création d'une troisième assemblée locale au rôle ambigu et la constitutionnalité douteuse (malgré le changement de dénomination en nouvelle lecture -  " congrès des élus départementaux et régionaux "-  répondant à une objection de votre rapporteur).

Saisi de ce dispositif, le Conseil constitutionnel aura à se prononcer dans les prochains jours sur sa constitutionnalité.

4. Le nouveau statut de Mayotte

Mayotte, seule île des Comores à avoir souhaité rester au sein de la République française en 1974, vit depuis 24 ans avec un statut provisoire issu de la loi du 24 décembre 1976.

Deux groupes de travail mis en place en 1996, l'un à Paris sous la présidence de M. le Préfet Bonnelle et l'autre à Mayotte, coordonné par M. le Préfet Boisadam ont rendu un rapport de synthèse en vue d'une évolution progressive du statut actuel de collectivité territoriale vers celui de département d'outre-mer, conformément aux souhaits des élus locaux.

A la suite de ce rapport, une mission interministérielle s'est rendue à Mayotte en décembre 1998 et juillet 1999 afin de mener des discussions avec les principales formations politiques, les élus et les représentants de la société civile, aboutissant à l'élaboration d'un " document d'orientation " signé au mois d'août 1999 par les représentants de l'ensemble de formations politiques mahoraises, mais non par le député et le sénateur représentant la collectivité territoriale de Mayotte.

Sur cette base, l'accord de Paris a été signé le 27 janvier 2000 par le président du conseil général, les représentants des principaux partis politiques représentés au conseil général et le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Consulté sur cet accord, l'électorat mahorais s'est prononcé à 73 % en sa faveur le 2 juillet 2000 (le taux de participation ayant atteint 70 %).

Aux termes de l'accord, Mayotte passera du statut de " collectivité territoriale " à celui de " collectivité départementale ".

Celle-ci se verra attribuer des compétences nouvelles, proches de celles exercées par les conseils généraux et régionaux d'outre-mer. L'exécutif sera transféré du représentant du Gouvernement au président du conseil général. Les compétences des communes se rapprocheront de celles de droit commun (les lois de décentralisation ne s'appliquant pas à Mayotte à l'heure actuelle). Une dotation de rattrapage et une dotation de premier équipement viendront appuyer ce rapprochement. Une fiscalité locale sera progressivement instaurée, l'Etat continuera à aider les collectivités locales en matière d'enseignement primaire et préélémentaire.

Mayotte, pour laquelle un effort sensible d'actualisation et de modernisation du droit applicable a été mené notamment par le biais d'ordonnances, continuera de bénéficier de la spécialité législative mais l'identité législative sera progressivement instaurée, avec l'objectif de la généraliser en 2010, étant donnée l'importance des particularismes économiques, sociaux et culturels d'une île fortement marquée par l'Islam, dont la grande majorité de la population ne relève pas du statut civil de droit commun, mais d'un statut civil de droit local.

Une clause de rendez-vous, fixée en 2010 , prévoit que le Gouvernement et les principales forces politiques de Mayotte feront ensemble le bilan de l'application de ce nouveau statut. Le conseil général pourrait alors proposer au Gouvernement de nouvelles évolutions institutionnelle pour la collectivité départementale de Mayotte.

Le premier comité de suivi de l'accord s'est réuni à Paris du 6 au 8 septembre 2000. Après une phase de concertation locale, deux nouvelles réunions permettront de préparer un avant-projet de loi qui sera adopté par le Conseil des ministres fin décembre 2000 ou début janvier 2001 .

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2001, ramenés le cas échéant aux montants proposés par la commission des Finances.

.

ANNEXE

_____

ANNEXE

population 1999

évolution 89/99

superficie

taux de chômage

Martinique

381.427

+ 6,08 %

1 128 km 2

32,80 %

Guadeloupe

422.496

+ 9,18 %

1 703 km 2

34,20 %

* dont Saint-Martin

29.078

+ 1,96 %

53 km 2

2.300 chômeurs

* dont Saint-Barthélémy

6.852

+ 36,38 %

21 km 2

non significatif

Guyane

157.213

+ 37,09 %

78.606 km 2

30 %

Réunion

706.300

+ 18,15 %

2.504km 2

41,60 %

Mayotte

131.320

+ 95,40 %

374 km 2

41 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

6.316

+ 1,23 %

242 km 2

12,80 %

Tableau réalisé à partir des résultats du recensement de mars 1999 (données INSEE) et pour Mayotte à partir des données du recensement du 5 août 1997 (évolution par rapport à 1985)

* 1 Voir le rapport de mission " Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion : la départementalisation à la recherche d'un second souffle " (n° 366, Sénat 1999- 2000)

* 2 le financement du nouveau dispositif d'exonérations de cotisations sociales relevant du ministère de l'emploi et de la solidarité.

* 3 Cette créance résulte de la différence de niveau entre le montant du RMI outre-mer et celui du RMI métropolitain. Elle est affectée aux crédits d'insertion ainsi qu'à la ligne budgétaire unique (LBU) qui permet de financer le logement dans les départements d'outre-mer. Elle est amenée à disparaître avec le relèvement du RMI DOMien sur celui de la métropole.

* 4 Cette zone fait partie du domaine maritime de l'Etat. En Martinique et en Guadeloupe, la loi du 30 décembre 1996 relative à la zone des cinquante pas géométriques a prévu la création d'une Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de cette zone qui donne un avis sur les cessions à titre gratuit de terrains à des communes ou organismes d'habitat social ainsi que sur les cessions à titre onéreux aux occupants sans titre installés avant le 1 er janvier 1995.

* 5 Ces différentes questions font l'objet de développements p.13 à 15

* 6 " Quel développement économique pour les départements d'outre-mer ? " de mars 1999

* 7 Quel développement pour les départements d'outre-mer ?

* 8 Les habitants des DOM bénéficient d'un abattement de 30 % de l'impôt sur le revenu, cet abattement étant porté à 40 % en Guyane, une majoration des retraites intervenant à la Réunion.

* 9 Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi.

* 10 Selon le rapport Lise-Tamaya de juin 1999, les non titulaires représentent 83% des agents communaux de la Martinique et 80% de ceux de la Réunion, la proportion des non titulaires sur la totalité des agents des collectivités territoriales étant de 57% en Guadeloupe, 69% à la Martinique, 71% en Guyane et 75% à la Réunion.

* 11 " promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement "

* 12 Tous ces chiffres valant au 31 octobre 1999

* 13 Le comité de suivi existant actuellement dans chaque région est prévu par une simple circulaire ministérielle du 3 janvier 2000 prise en application d'un règlement communautaire CE n° 11260- 1999 du Conseil du 21 juin 1999. Il publie d'ores et déjà un rapport annuel sur la consommation des crédits européens.

* 14 Cette nouvelle commission, co-présidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil général, aurait en outre été composée des parlementaires de la région, d'un représentant de l'association des maires, de représentants des chambres consulaire, de représentants des services techniques, l'Assemblée nationale ayant rajouté à cette composition un représentant du conseil économique et social régional ainsi qu'un représentant du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement.

* 15 Les PTOM français ont reçu durant la période 1994- 1999 50 millions d'euros soit environ 330 millions de francs, à comparer avec les 12 milliards de francs reçus par les quatre départements d'outre-mer français.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page