B. LA RÉFORME INTROUVABLE DU PREMIER CYCLE

1. Une réforme pourtant urgente

Si la réforme du deuxième et du troisième cycles des études médicales est essentielle, force est de constater que celle du premier cycle est sans doute la plus urgente, mais aussi la plus difficile.

Paradoxalement, celle-ci est absente du dispositif proposé par le gouvernement : le premier cycle apparaît ainsi comme le chaînon manquant d'une réforme globale, ambitieuse et nécessaire des études médicales.

On rappellera que les difficultés rencontrées en premier cycle résultent pour l'essentiel de deux réalités contradictoires : le libre accès des bacheliers aux études médicales posé par la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur, et le numerus clausus 1 ( * ) limitant le nombre des médecins afin d'éviter une surmédicalisation. Un tel système conduit à repousser la sélection après un ou deux ans d'études.

Il en résulte aujourd'hui que 27 000 étudiants s'inscrivent chaque année en première année de médecine : 12 % réussissent le concours d'entrée en deuxième année, 60 % redoublent et la plus grande part d'entre eux recourent à des préparations privées coûteuses.

Ce constat vaut aussi pour les étudiants de pharmacie et d'odontologie, même si leur taux de réussite est légèrement supérieur.

Par ailleurs, l'existence d'un tel numerus clausus tend à privilégier le bachotage des matières fondamentales qui se prêtent mieux à la sélection par la méthode dite de questionnaire à choix multiple (QCM) : celle-ci consiste, comme on le sait, à répondre à des questions en cochant des cases ensuite analysées par informatique, au détriment de l'apprentissage même de la médecine.

Un tel système exclut en conséquence les bacheliers littéraires, même brillants, au profit des " forts " en maths, physique et chimie et alimente le ressentiment de nombreux " reçus-collés " qui échouent avec des notes pourtant supérieures à la moyenne ; dans la majorité des cas, ces étudiants après deux ou trois ans d'échec sont obligés de s'orienter vers d'autres filières sans avoir la possibilité de valider leurs acquis, à l'exception de quelques équivalences accordées pour entrer en deuxième année de DEUG d'une autre discipline.

2. L'idée d'un DEUG " Santé "

Afin de remédier à un système injuste, stérile, et à ce " gâchis humain ", l'ancien ministre de l'éducation, M. Claude Allègre, a mis en chantier un projet de réforme du premier cycle des études médicales, pharmaceutiques et odontologiques, qui seraient fédérées avec d'autres filières scientifiques et de santé dans une préparation commune : le DEUG Sciences de la vie, option Santé.

Ce système devait permettre un décloisonnement des disciplines, une formation commune, un accès des littéraires aux études médicales, des débouchés plus ouverts, ainsi que la validation de deux années d'études par la délivrance d'un diplôme.

Il prévoyait par ailleurs, dans un souci de préserver le nécessaire numerus clausus, que les lauréats de ce DEUG, reçus avec mention, désireux d'accéder à ces études médicales, pharmaceutiques ou odontologiques, devraient passer un concours sur dossier et entretien ; une année supplémentaire était par ailleurs prévue pour absorber le surnombre d'étudiants suscité par le passage entre les deux systèmes.

Force est de constater que ce projet pourtant cohérent a suscité de vives réactions aussi bien de la part des étudiants, que des enseignants et des syndicats qui ont dénoncé un allongement des études, un concours sur dossier susceptible d'ouvrir la voie au favoritisme et un décloisonnement attentatoire à la spécificité des diverses filières.

Afin de surmonter cette situation de blocage, un comité de réflexion sur la réforme des études de santé a été créé, toujours à l'initiative de M. Claude Allègre, présidé par le professeur Alain Carpentier ; en conservant l'idée d'un DEUG médecine-pharmacie-odontologie, celui-ci a proposé d'abandonner certaines modalités controversées (allongement de la durée des études, décloisonnement disciplinaire, sélection sur dossier et entretien...) : il suggérait en revanche un enseignement partagé entre les trois filières, une révision du cursus de formation, un système d'orientation destiné à supprimer la sélection par l'échec en organisant des débouchés au niveau du DEUG, en développant la pharmacie hospitalière et en identifiant de manière plus satisfaisante de nouveaux métiers de la santé.

* 1 Afin de compenser la vague de départs à la retraite de médecins, prévue à partir de 2010, on notera cependant que le nombre d'étudiants en médecine admis en deuxième année a enregistré récemment une augmentation significative : il sera de 4 100 en 2001, soit une augmentation de 250 par rapport aux années antérieures, et alors que ce nombre était déjà en légère progression depuis deux ans. Selon le président de la conférence des doyens de faculté, ce chiffre devrait être porté à 4 500 dans les deux ans à venir.

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