EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 22 mai 2001 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président , la commission a examiné le rapport pour avis de MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot et Jacques Valade sur le projet de loi n° 322 (2000-2001) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

La commission a tout d'abord entendu M. James Bordas, rapporteur pour avis, sur le titre IV et sur l'article 16 du projet de loi.

Elle a ensuite adopté les amendements proposés par son rapporteur pour avis.

Puis, elle a entendu M. Jacques Valade, rapporteur pour avis, sur l'article 12 du projet de loi.

Un large débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle s'est déclaré favorable à tout système permettant d'engager des expérimentations dans un système universitaire qui est trop souvent figé, ainsi qu'à une consolidation législative du statut et de l'autonomie de l'Institut d'études politiques de Paris.

Il a cependant jugé quelque peu contradictoire de refuser de valider une expérience devant entrer en vigueur à la prochaine rentrée universitaire et qui permettrait de diversifier le recrutement à Sciences Po.

Il s'est en revanche rallié à la proposition du rapporteur pour avis consistant à permettre l'extension de ce dispositif à l'ensemble des universités, après expérimentation.

M. Roger Karoutchi a estimé indispensable de valider le décret de 1985 afin d'établir de manière incontestable l'autonomie de l'IEP de Paris, mais a exprimé ses réserves quant à la suppression du paragraphe II de l'article 12, celle-ci pouvant être mal interprétée par l'opinion.

M. Ivan Renar a déclaré partager une grande partie des préoccupations exprimées par le rapporteur à l'égard d'une telle procédure dérogatoire mais a souligné le caractère généreux de la démarche engagée par l'IEP de Paris, qui s'inscrit d'ailleurs dans le problème plus général de l'égal accès de tous les élèves à l'enseignement supérieur. Il a également fait observer que le dispositif prévu par le conseil de direction était aujourd'hui expérimental, mais qu'il avait vocation à être étendu.

M. André Maman a souligné l'intérêt de l'initiative prise par l'actuel directeur de Sciences Po, un tel dispositif expérimental devant, selon lui, faire l'objet d'une évaluation ultérieure.

Il a par ailleurs rappelé que la troisième voie d'accès à l'Ecole nationale d'administration ne pouvait être considérée comme une réussite. Il a fait remarquer que de nombreux étudiants américains suivaient une année d'études à Sciences Po dans le cadre de leur parcours universitaire. Il s'est enfin inquiété de l'application du dispositif prévu pour l'IEP de Paris aux autres Instituts d'études politiques de province.

Après avoir rappelé la qualité des enseignements dispensés à Sciences Po, qui vont très au-delà de la seule formation générale, Mme Danièle Pourtaud est convenue que toutes les tentatives engagées pour diversifier le recrutement de Sciences Po n'avaient enregistré qu'un succès relatif ; un tel constat ne saurait justifier selon elle le refus de valider le dispositif proposé par le conseil de direction car les candidats potentiels à cette procédure de recrutement dérogatoire sont en effet déjà informés des nouvelles possibilités qui leur seraient offertes ; une position négative du Sénat, sur ce point, risquerait, à son sens, d'être interprétée de manière négative.

S'associant aux réserves exprimées par M. Jean-Claude Carle, elle a par ailleurs estimé qu'il ne convenait pas d'étendre trop rapidement un tel dispositif à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur.

Ajoutant que ce dispositif dérogatoire pouvait être démotivant pour certains élèves de classes préparatoires préparant le concours d'entrée de droit commun, et après avoir souligné le rôle de la culture générale pour la réussite à ce concours, elle a indiqué qu'elle était favorable à l'article 12 tel que celui-ci a été voté par l'Assemblée nationale.

M. Jacques Legendre a exprimé son attachement à la démocratisation de l'enseignement supérieur et a rappelé que la loi Haby, dont il avait été le rapporteur à l'Assemblée nationale, prévoyait, outre une réforme du collège, la mise en place de baccalauréats optionnels permettant une orientation plus satisfaisante à l'université.

Il s'est rangé à la position proposée par le rapporteur pour avis, celle-ci permettant de conférer des prérogatives incontestables au conseil de direction de l'IEP de Paris, notamment pour diversifier le recrutement des élèves et d'éviter que le Parlement ne soit invité chaque année à valider un nouveau dispositif.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé qu'il convenait d'abord de s'en prendre aux causes des inégalités sociales plutôt qu'à leurs conséquences. Il a indiqué qu'il était favorable à des expérimentations tendant à élargir le recrutement de sciences Po à condition que celles-ci ne portent pas atteinte au principe d'égalité. Il a par ailleurs exprimé sa préférence en ce domaine pour une formule de concours de type troisième voie, qui définirait les mêmes conditions d'accès à l'Institut, pour tous les candidats, quels que soient leur lycée ou leur académie d'origine.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Valade, rapporteur pour avis, a notamment apporté les précisions suivantes :

- l'IEP de Paris souhaite donner une valeur législative à un décret contestable dont la validité n'a pas été contestée depuis seize ans ;

- la suppression du paragraphe II de l'article n'empêchera pas l'Institut d'expérimenter des formules nouvelles permettant de diversifier le recrutement de ses élèves, puisqu'il y sera autorisé au titre du paragraphe I ;

- à l'inverse, la validation des résolutions prises en mars dernier par le conseil de direction de l'IEP de Paris, prévue par le paragraphe II, conduirait nécessairement le Parlement à intervenir chaque année pour donner force de loi à tous les dispositifs dérogatoires ;

- une fois la loi promulguée, le conseil de direction aura toute latitude pour expérimenter de nouvelles formules d'accès à l'IEP sous le contrôle du juge administratif ;

- le maintien du paragraphe III de l'article 12 devrait permettre aux universités, ainsi d'ailleurs qu'aux IEP de province, d'expérimenter des dispositifs de type IEP de Paris, alors que cette possibilité leur était interdite, le développement de classes préparatoires auprès de ces établissements pouvant constituer une modalité de démocratisation du recrutement des élèves ;

- le dispositif issu des deux résolutions prises par le conseil de direction de l'IEP de Paris introduit incontestablement un élément discriminant en dispensant certains élèves sélectionnés de passer le concours, alors que les bacheliers méritants des lycées hors ZEP y resteront soumis.

Convenant de la logique de la position du rapporteur pour avis, M. Jean-Claude Carle a toutefois fait observer que la suppression du paragraphe II de l'article 12 conduirait nécessairement à différer d'un an la mise en oeuvre de la réforme.

M. Adrien Gouteyron, président , a indiqué que la validation du paragraphe I était essentielle pour l'IEP de Paris et que le dispositif résultant de la délibération du conseil de direction de mars dernier, adoptée en faveur des lycéens de ZEP, pourrait être repris et applicable à la prochaine rentrée universitaire, la loi devant être promulguée avant la fin de la présente session parlementaire.

Il a également estimé que le paragraphe III de l'article 12 ouvrait des perspectives intéressantes pour l'ensemble de notre système universitaire.

La commission a ensuite adopté l'amendement proposé par le rapporteur pour avis.

La commission a enfin entendu M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , sur les dispositions du projet de loi relatives à la communication audiovisuelle et à la culture.

Le rapporteur pour avis a tout d'abord analysé les dispositions du projet de loi relatives à la communication audiovisuelle.

Un débat a suivi son exposé.

Mme Danièle Pourtaud a noté que l'exposé du rapporteur pour avis traduisait une logique politique différente de celle du gouvernement. La télévision numérique de terre, a-t-elle indiqué, ne répond pas à une demande du marché mais à une demande des citoyens. Son objectif, de nature effectivement politique, est d'offrir à la majorité de nos concitoyens, non câblés ou non abonnés au satellite, la possibilité d'accéder aisément à un grand nombre de services de télévision. Il s'agit d'une démarche d'aménagement du territoire conforme aux préoccupations traditionnelles du Sénat. Aussi Mme Danièle Pourtaud s'est-elle déclarée surprise du caractère essentiellement économique des analyses du rapporteur pour avis. Celui-ci, a-t-elle noté, souhaite que les grands groupes historiques de télévision pilotent le lancement de la télévision numérique de terre, ce qui revient à accepter l'uniformité des programmes et à retirer au CSA la mission de veiller à la satisfaction des besoins des téléspectateurs.

Le gouvernement a proposé de revenir sur la règle des 49 % car le maintien de celle-ci en l'état écarterait de l'offre numérique de terre des services existants pouvant intéresser l'ensemble des téléspectateurs. Le groupe socialiste avait d'ailleurs posé ce problème au cours du débat précédant l'adoption de la loi du 1 er août 2000.

M. Henri Weber a relevé l'existence d'un accord sur la nécessité d'adapter la règle des 49 %, et a rappelé que le groupe socialiste avait déposé un amendement dans ce sens lors de la discussion de la loi du 1 er août 2000. Il a rappelé que la diffusion hertzienne terrestre numérique effacerait progressivement la pénurie des capacités de diffusion disponibles. La lutte contre le processus de concentration suivre cette évolution.

Il a aussi rappelé l'avancée continuelle des techniques, notant que l'industrie était actuellement en mesure de mettre sur le marché, pour quelques 1.100 francs, des décodeurs permettant l'accès aux 36 chaînes de la télévision numérique de terre.

Il a noté que les candidats à l'entrée dans la télévision numérique de terre étaient nombreux et dynamiques : c'est ainsi que le groupe Lagardère envisage de diffuser cinq chaînes. Or le régime juridique choisi par le gouvernement est destiné à favoriser les nouveaux entrants et à faciliter l'effacement du système oligopolistique qui permet actuellement aux diffuseurs d'imposer leurs conditions aux producteurs de programmes.

Il s'est enfin déclaré optimiste à l'égard du lancement du numérique de terre, estimant que les différents vecteurs se spécialiseraient peu à peu. Le câble sera le vecteur des services de télécommunications et d'Internet, le satellite sera le vecteur principal des services payants et la télévision numérique de terre permettra à l'ensemble des Français d'accéder rapidement à une offre de quelques trente chaînes. A ce propos, Télédiffusion de France a annoncé qu'elle était en mesure d'assurer en un an l'accès de 50 % de la population à la télévision numérique de terre.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a indiqué qu'il y avait au sein de la commission un large accord sur l'opportunité de permettre l'accès de l'ensemble de la population à l'offre audiovisuelle élargie rendue possible par le numérique de terre, et que seule la voie retenue pour y aboutir faisait l'objet de choix divergents.

Il a estimé que l'octroi au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'un rôle pilote pour l'élaboration de l'offre faisait peser sur la puissance publique la responsabilité de la réussite du projet. Chacun sait par exemple que la couverture de la moitié de la population sera aisément effectuée, mais que les coûts, au-delà, progresseront de façon exponentielle. Or, personne ne peut dire à l'heure actuelle qui, de l'État ou des diffuseurs, prendra en charge le coût de l'indispensable extension de la couverture.

C'est pour des raisons de cet ordre qu'il aurait été opportun d'inciter les grands opérateurs historiques à prendre en charge le lancement de la télévision numérique de terre en créant un modèle économique viable, dans le respect des objectifs d'intérêt général qui ont conduit le législateur à prendre une initiative.

Le rapporteur pour avis a également souligné les risques d'inconstitutionnalité du dispositif proposé pour adapter à la télévision numérique de terre la règle interdisant à une même personne de détenir plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre.

Mme Danièle Pourtaud , tout en notant la complexité du problème, a estimé que la solution proposée par le rapporteur bâtissait une « usine à gaz » et que sa complexité ferait obstacle à l'entrée des opérateurs dans la télévision numérique de terre. Elle a aussi exprimé un doute sur l'interprétation, proposée par le rapporteur, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notant que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale avait été inspiré par le dispositif anti-concentration appliqué avec succès aux radios par la loi du 30 septembre 1986. Elle a noté par ailleurs que la jurisprudence citée par le rapporteur pour avis concernait la presse et non l'audiovisuel, et a jugé que le critère, proposé par lui, de la participation des programmes à l'information politique et générale, n'était pas approprié compte tenu de l'opportunité d'adopter un dispositif s'appliquant à l'ensemble des chaînes numériques, quelle que soit la tonalité du programme. Elle a enfin estimé que l'amendement avait été conçu pour résoudre le problème de LCI.

M. Henri Weber a noté que l'argument de l'inconstitutionnalité était souvent développé et a jugé inopportun de construire sur mesure une règle destinée à résoudre le problème de LCI.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a rappelé la difficulté de concilier la prise en compte de l'existant et le respect des principes clairement posés par le Conseil constitutionnel. Il a estimé que le texte dont il proposait l'adoption n'était en aucune manière plus compliqué que la rédaction proposée par le gouvernement. Il a enfin noté qu'il n'était pas possible de rapprocher le mécanisme proposé par le gouvernement, fondé sur le dépassement d'un seuil d'audience, et le système anti-concentration applicable aux services radiophoniques, fondé sur la prise en compte de bassins géographiques d'audience. Dans le premier cas, ce sont les choix des auditeurs qui provoquent le franchissement du plafond fixé par la loi, dans le second cas, le franchissement du plafond résulte de phénomènes de concentration industrielle. Le Conseil constitutionnel n'a nullement exclu, dans ce second cas, la création par la loi de plafonds dont le dépassement oblige le propriétaire du capital des entreprises concernées à diminuer sa participation.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté les amendements proposés par son rapporteur pour avis à l'article 13 du projet de loi.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a ensuite analysé les dispositions de l'article 18 (nouveau) du projet de loi modifiant l'article 27 du code de l'industrie cinématographique relatif aux formules d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Henri Weber a déploré que celui-ci ne se soit pas déclaré favorable à la partie du dispositif, adopté par l'Assemblée nationale, qui tend à permettre la prise en compte de la situation particulière des exploitants de salles de taille intermédiaire.

Il a estimé que ceux-ci constituaient déjà, en pratique, une catégorie à part, dont il convenait de reconnaître l'existence, même si elle ne regroupe encore actuellement qu'un petit nombre d'exploitants, car la dynamique d'un secteur en pleine évolution est susceptible, à l'avenir, de lui permettre d'étoffer ses effectifs.

La commission a ensuite adopté l'amendement proposé par le rapporteur pour avis.

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Puis, la commission a donné, sous réserve de l'adoption des amendements proposés, un avis favorable à l'adoption du titre IV et des articles 12, 13, 14, 16, 17 et 18 du titre V du projet de loi.

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