TITRE III
DISPOSITIONS FACILITANT
LE PASSAGE À L'EURO FIDUCIAIRE

Article 9
(art. 113-10, 442-5, 442-15 nouveaux du code pénal)
Protection de l'euro contre le faux monnayage -
Adaptation des règles relatives au blanchiment lors du passage à l'euro

Cet article tend à adapter le droit pénal français dans la perspective de la mise en circulation de l'euro fiduciaire, notamment pour tenir compte des décisions relatives à la protection de l'euro adoptées par le Conseil de l'Union européenne.

1) Le droit en vigueur en matière de faux monnayage

Le code pénal contient des dispositions très complètes concernant le faux monnayage. Ainsi, les articles 442-1 à 442-7 du code pénal répriment :

- la contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France (crime puni de trente ans de réclusion criminelle et 3 000 000 F d'amende) ;

- le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation de signes monétaires contrefaits ou falsifiés (délit puni de dix ans d'emprisonnement et 1 000 000 F d'amende, qui devient un crime lorsqu'il est commis en bande organisée) ;

- la contrefaçon ou la falsification de pièces ou de billets n'ayant plus cours légal ou n'étant plus autorisés (délit puni de cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende) ;

- la mise en circulation de tout signe monétaire non autorisé (délit puni de cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende) ;

- l' emploi ou la détention sans autorisation des matières et instruments spécialement destinés à la fabrication des pièces et des billets (délit puni d'un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende) ;

- la fabrication, la vente, la distribution de tous objets présentant avec les signes monétaires ayant cours légal une ressemblance de nature à faciliter leur acceptation (délit puni d'un an d'emprisonnement et 1000 000 F d'amende) ;

- la remise en circulation de signes monétaires contrefaits ou falsifiés reçus pour bons (délit puni de 50 000 F d'amende).

Le code pénal punit également la tentative de ces infractions, prévoit une exemption de peine pour les personnes qui, après avoir tenté de commettre les infractions, ont averti l'autorité administrative et permis d'éviter la réalisation des infractions. Enfin, l'article 442-14 prévoit la responsabilité des personnes morales.

Malgré le caractère très complet de ces dispositions, le prochain passage à l'euro et les décisions adoptées dans ce contexte par le Conseil de l'Union européenne impliquent une adaptation des règles en vigueur.

2) Les décisions du Conseil de l'Union européenne

Le règlement n° 974/98 du 3 mai 1998 concernant l'introduction de l'euro a fixé au 1 er janvier 2002 le début de la mise en circulation de l'euro fiduciaire et fait obligation aux Etats membres d'assurer des sanctions adéquates contre la contrefaçon et la falsification des billets et des pièces libellés en euros.

Le 28 mai 1999, le Conseil de l'Union européenne a adopté une résolution visant à renforcer le cadre pénal pour la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro . Dans cette résolution, le Conseil estime notamment que la réglementation prévue par la convention internationale pour la répression du faux monnayage du 20 avril 1929 constitue un standard minimal commun de protection pénale contre le faux monnayage pour l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. En pratique, la France satisfait aux obligations de cette convention qu'elle a ratifiée par décret du 10 juillet 1958.

Enfin, le 29 mai 2000, le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision-cadre visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro . Certaines des dispositions de cette décision-cadre ne sont pas satisfaites par les dispositions du code pénal français et les dispositions du présent article ont pour objet essentiel de corriger cette situation.

3) Les dispositions du projet de loi

- Le paragraphe I tend à modifier l'article 442-5 du code pénal qui, dans sa rédaction actuelle, punit « l'emploi ou la détention sans autorisation des matières et instruments spécialement destinés à la fabrication des pièces de monnaie et des billets de banque ».

L'article 3 de la décision-cadre du 29 mai 2000 invite les Etats membres à réprimer le fait frauduleux de fabriquer, de recevoir, de se procurer ou de posséder :

« - des instruments, des objets, des programmes d'ordinateurs et tout autre procédé destinés par leur nature à la fabrication de fausse monnaie ou à l'altération des monnaies ;

« - des hologrammes ou autres éléments servant à protéger la monnaie contre la falsification ».

Pour tenir compte de ces exigences, le présent paragraphe tend à compléter l'article 442-5 pour :

- sanctionner la fabrication , au même titre que l'emploi et la détention, d'instruments destinés à la fabrication des billets de banque et des pièces de monnaie ;

- mentionner explicitement les programmes informatiques qui auraient pour objet la fabrication de fausse monnaie ;

- sanctionner la fabrication, l'emploi ou la détention d' instruments destinés à la protection contre la contrefaçon ou la falsification des billets de banque ou des pièces de monnaie (les hologrammes par exemple).

Le texte proposé tend par ailleurs à porter les peines encourues d'un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (196 500 F environ). Une telle aggravation paraît justifiée au moment où doit entrer en circulation une nouvelle monnaie.

- Le paragraphe II tend à insérer dans le chapitre du code pénal consacré à la fausse monnaie un article 442-15, afin de prévoir l'application des principales dispositions de ce chapitre en cas de contrefaçon ou falsification de billets ou de pièces n'ayant pas encore cours légal ou n'ayant pas encore été émis.

Une telle disposition est rendue nécessaire par les prescriptions de l'article 5 de la décision-cadre du 29 mai 2000 du Conseil de l'Union européenne. Les infractions concernant les billets ou pièces n'ayant pas encore cours légal ou n'ayant pas encore été émis seront sanctionnées de la même manière que les atteintes aux pièces et billets en circulation.

Ainsi, la contrefaçon ou la falsification de ces pièces et billets sera passible de trente ans de réclusion criminelle et 3 000 000 F d'amende conformément à l'article 442-1 du code pénal.

Une telle disposition est particulièrement destinée à combattre la contrefaçon de l'euro avant le 1 er janvier 2002. Il est regrettable qu'elle soit proposée si peu de temps avant l'entrée en vigueur effective de l'euro.

Dans sa résolution du 28 mai 1999, le Conseil de l'Union européenne a constaté que « l'euro sera particulièrement exposé aux risques de contrefaçon et de falsifications en raison de son importance mondiale » et s'est déclaré « conscient que des comportements frauduleux concernant l'euro ont d'ores et déjà été constatés ».

- Le paragraphe III tend à mettre en oeuvre l'article 7 de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 29 mai 2000, qui prévoit notamment que les Etats membres ayant adopté l'euro prennent les mesures appropriées pour s'assurer que la contrefaçon, tout au moins à l'égard de l'euro, est passible de poursuites indépendamment de la nationalité de l'auteur de l'infraction et du lieu où elle a été commise.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 113-10 du code pénal prévoit notamment que la loi pénale française s'applique à la falsification et à la contrefaçon de pièces de monnaie et de billets de banque réprimées par l'article 442-1 commises hors du territoire de la République.

Le présent paragraphe tend à prévoir une telle application de la loi pénale française hors du territoire de la République non seulement en cas de contrefaçon ou de falsification de pièces ou de billets ayant cours légal en France, mais également en cas de transport ou mise en circulation de tels pièces et billets (art. 442-2 du code pénal), d' emploi ou détention des matières ou instruments destinés à la fabrication de pièces et billets (art. 442-5 du code pénal tel que modifié par le présent projet de loi) et d' infractions concernant des pièces ou billets pas encore émis ou n'ayant pas encore cours légal (art. 442-15 nouveau du code pénal).

Le présent paragraphe prévoit aussi la compétence des juridictions françaises pour les infractions prévues à l'article 442-8 du code pénal lorsqu'elles sont commises à l'étranger. L'article 442-8 punit la tentative de l'ensemble des infractions prévues par le chapitre du code pénal sur le faux monnayage. Or, le présent projet de loi ne prévoit pas une compétence des juridictions françaises pour l'ensemble des infractions de ce chapitre lorsqu'elles sont commises à l'étranger. Dans ces conditions, l'adoption sans modification du présent paragraphe aurait pour effet de donner compétence aux juridictions françaises pour la tentative de certaines infractions lorsqu'elle a lieu à l'étranger sans donner compétence à ces juridictions pour les infractions elles-mêmes, ce qui serait absurde.

Par un amendement , votre commission vous propose de supprimer la référence à l'article 442-8 du code pénal dans le présent paragraphe. Non seulement, la mention de cet article créerait une situation de confusion juridique, mais elle est en outre inutile. En effet, dès lors que le législateur prévoit la compétence des juridictions françaises pour certaines infractions commises à l'étranger, il est clair que cette compétence concerne également la tentative des mêmes infractions.

Le projet de loi initial visait également d'autres articles du code pénal, mais l'Assemblée nationale a heureusement supprimé ces références dès lors que les articles concernés ne définissaient pas d'infractions.

- Le paragraphe IV a un objet sensiblement différent des précédents. Il tend en effet à donner une interprétation des règles pénales relatives au blanchiment dans la perspective de l'échange des pièces et billets en francs.

L'article 324-1 du code pénal dispose dans son deuxième alinéa que « constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit » .

Or, dans un laps de temps assez court, des milliards de pièces et de billets en francs vont être échangés contre des euros. Il existe donc un risque que des banques puissent être mises en cause pour blanchiment dans le cadre de ces opérations d'échange, dans la mesure où elles ne pourront à l'évidence pas exercer un contrôle approfondi sur l'ensemble des opérations effectuées dans ce cadre.

Dans ces conditions, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, le présent paragraphe « vise à protéger les représentants, agents et préposés des établissements de crédit, des institutions et services visés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier ainsi que les changeurs manuels visés à l'article L. 520-1 du même code, d'une éventuelle responsabilité pénale pouvant être engagée sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 324-1 du code pénal, relatif au délit de blanchiment, à l'occasion d'une opération d'échange de pièces et billets en francs contre des euros, pour un montant inférieur ou égal à 10 000 euros, qu'ils seront amenés à effectuer entre le 1 er janvier et le 30 juin 2002 ».

Les institutions et services mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier sont le Trésor, la Banque de France, les services financiers de La Poste, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'Institut d'émission d'outre-mer et la Caisse des dépôts et consignations.

Le texte du présent paragraphe précise que « ces dispositions ne dispensent pas les personnes qui y sont soumises du respect des obligations de vigilance mentionnées au titre VI du livre V du code monétaire et financier ».

Parmi ces obligations figure celle de déclarer à un service du ministère de l'Economie et des finances, TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins), les sommes qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées. Les obligations des organismes financiers en matière de blanchiment ont récemment été modifiées par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure Mme Nicole Bricq, a modifié la date à laquelle serait mise en oeuvre l'exonération de responsabilité prévue au présent paragraphe pour faire référence au 1 er décembre 2001 et non au 1 er janvier 2002, date de mise en circulation des pièces et billets en euros. La date du 1 er décembre 2001 a été retenue car elle correspond au moment où les banques et les commerces commenceront à être alimentés en euros. Au cours du débat, Mme Nicole Bricq a fait valoir que cette modification de la date pourrait « inciter nos compatriotes à procéder à l'échange entre francs et euros le plus tôt possible » .

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 9 ainsi modifié .

Article 10
(art. 56 et 97 du code de procédure pénale)
Collecte d'informations relatives à la contrefaçon de l'euro

Une proposition de règlement du Conseil relatif à la protection de l'euro contre le faux monnayage, présentée par la Commission européenne en juillet 2000 et en cours de négociation, prévoit notamment la création d'une unité de lutte contre le faux monnayage de l'euro qui serait gérée en tant qu'entité administrative d'Europol.

Elle prévoit en outre que les données techniques relatives aux faux billets et aux fausses pièces en euros en provenance des Etats membres sont collectées et répertoriées par les autorités nationales compétentes et sont communiquées à la Banque centrale européenne en vue d'y être stockées et traitées.

Les autorités nationales compétentes aux fins de la détection ou du recueil des faux billets en euros devraient remettre sans délai à un organisme national habilité des exemplaires de chaque type de faux billet en euro pour analyse et identification ainsi que les informations de nature technique et statistique dont elles disposent. L'organisme habilité devrait transmettre à la Banque centrale européenne tout nouveau type de faux correspondant aux critères adoptés par celle-ci.

Le texte en discussion précise que cette procédure s'appliquerait également au cours des enquêtes judiciaires sauf s'il y a un besoin impératif d'utiliser tous les faux comme éléments de preuve.

Le présent article tend à compléter les articles 56 et 97 du code de procédure pénale, relatifs aux saisies et perquisitions au cours d'enquêtes de flagrance ou d'informations judiciaires pour prendre en considération le dispositif de collecte d'informations au niveau européen en cours d'élaboration.

En cas de saisie de billets de banque ou pièces libellées en euros, l'officier de police judiciaire au cours d'une enquête de flagrance, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui au cours d'une information judiciaire devrait transmettre pour analyse et identification au moins un exemplaire de chaque type de billets ou pièces suspectés faux au centre d'analyse national habilité à cette fin.

Le centre d'analyse pourrait procéder à l'ouverture des scellés dont il dresserait inventaire dans un rapport. Le rapport et les scellés seraient ensuite déposés dans les mains du greffier de la juridiction compétente.

Cette procédure ne serait pas applicable dans les cas où n'existerait qu'un unique exemplaire d'un type de billets ou de pièces suspectés faux , aussi longtemps que celui-ci serait nécessaire à la manifestation de la vérité.

Le projet de loi initial excluait toute transmission de pièces ou billets dont un seul exemplaire aurait été découvert, mais l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure, Mme Nicole Bricq, a estimé souhaitable que la transmission au centre d'analyses soit effectuée dans l'hypothèse où la pièce ou le billet en cause ne seraient plus utiles à la manifestation de la vérité.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 10.

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