Projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale - TOME III : Ville

OLIN (Nelly)

AVIS 91 - TOME III (2001-2002) - Commission des Affaires sociales

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Table des matières




N° 91

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

VILLE

Par Mme Nelly OLIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3262 , 3320 à 3325 et T.A. 721

Sénat
: 86 et 87 (annexe n° 19 ) (2001-2002)


Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le dernier budget de cette législature, le quatrième présenté par M. Claude Bartolone, n'affiche plus la progression spectaculaire qui avait été la sienne au cours des années passées. Au regard de la hausse de 70 % connue l'an passé, les crédits inscrits en faveur du ministère délégué à la ville, qui croissent de 1,3 % à 372 millions d'euros, semblent étales.

En 2002, l'Etat ralentit son effort tout en incitant ses partenaires à poursuivre le leur. Cette prudence est tempérée par l'arrivée, « en force », d'un nouveau partenaire dans la politique de la ville : les gestionnaires du 1 % logement.

En prévision des années à venir, le Comité interministériel des villes du 1 er octobre dernier a renforcé les dispositifs mis en oeuvre deux ans auparavant et proposé de tourner résolument la politique du logement vers la politique de la ville.

Sans doute le présent budget ne croît-il plus sur le même rythme qu'en 1999, 2000 et 2001.

Sans doute les choix retenus en matière de développement économique et de lutte contre le chômage devront-ils prouver leur efficacité.

Sans doute le financement des opérations de renouvellement urbain, et notamment la mobilisation du 1 % logement appellent-ils des éclaircissements.

Sans doute, si votre commission avait eu à se prononcer sur des crédits d'une politique de la ville élargie, englobant ceux destinés à la mise en oeuvre de la politique de sécurité, eût-elle affirmé plus fortement ses critiques, voire sa défiance.

Quelle ambition peut être en effet déployée pour une politique de la ville évoluant dans un contexte général de violence et de délinquance ?

Cette interrogation a été exprimée clairement par de nombreux membres de votre commission qui sont intervenus lors de l'adoption du présent avis.

Néanmoins, les dispositifs proposés par le Gouvernement concernant le renouvellement urbain affichent une ambition certaine. Seront-ils accompagnés des moyens nécessaires ? Le succès du dispositif des zones franches urbaines, aujourd'hui largement reconnu, enseigne que l'évaluation d'une politique de la ville se réalise à moyen et long termes.

Aussi, prenant acte des propositions faites pour la réhabilitation des quartiers et des dispositifs instaurés pour préserver les acquis d'une politique de zone franche, mise en oeuvre il y a maintenant cinq ans par une précédente majorité, votre commission a estimé qu'une sagesse prudente et critique devait être donnée à l'adoption du projet de budget pour la ville pour 2002.

I. APRÈS PLUSIEURS ANNÉES D'INTENSIFICATION, L'EFFORT EN FAVEUR DE LA VILLE MARQUE LE PAS

Depuis la création d'un ministère délégué à la ville en 1998, les crédits consacrés à cette politique avaient fortement augmenté.

Or, en 2002, hormis l'effort des collectivités locales, les dépenses en faveur de la politique de la ville décélèrent.

A. UNE FORTE CROISSANCE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AU COURS DE LA LÉGISLATURE

1. L'effort budgétaire de l'Etat a très sensiblement augmenté en cinq ans

D'un point de vue global, l'effort consacré par l'Etat affiche une progression significative sur la période 1998-2002.

Crédits du ministère de la ville

 

1998

1999

2000

2001

2002

Dépenses villes

115

152

216

367

372

(en millions d'euros)

Cette évolution est particulièrement nette pour les dépenses d'interventions et les subventions d'investissements.

 

Fonctionnement

Interventions

Investissements

Total

1998

13

67

35

115

1999

17

100

35

152

2000

19

150

47

216

2001

23

266

78

367

2002

15

295

62

372

(en millions d'euros)

Au-delà de l'analyse fine que requérrait cette évolution, la croissance affichée appelle deux observations de votre rapporteur.

Ainsi que l'écrivait notre collègue Alain Joyandet 1( * ) en 1999 :

« Une remarque : il est beaucoup plus facile d'afficher des hausses spectaculaires sur un budget de 750 millions de francs en 1998 que sur d'autres budgets, peut-être également prioritaires mais dont les montants se comptent en dizaines ou en centaines de milliards de francs. Quoi qu'il en soit, de l'avis de votre commission des Finances, il convient, même pour les « petits budgets », de faire prévaloir la rigueur des évaluations sur la recherche des arrondis symboliques , et cette obligation est particulièrement ardente dans une période d'économie budgétaire comme la nôtre ».

Cet accroissement des moyens de la politique de la ville n'a pas été le seul fait de l'Etat, puisque la part des financements provenant de ce dernier dans la politique de la ville est restée stable autour de 65 % , affichant même une légère diminution pour 2002.

Part de l'Etat dans le financement
de la politique de la ville

 

Etat

Total

 

1998

2.031

3.177

64 %

1999

3.195

4.797

67 %

2000

3.437

5.321

65 %

2001

4.054

6.234

65 %

2002

4.512

7.157

63 %

(en millions d'euros)

L'attention croissante dont a été l'objet la ville tient au fait qu'elle est au centre d'une politique contractualisée entre différents partenaires.

2. La contractualisation de la politique de la ville encourage le déploiement de financements croisés

De fait, les crédits consacrés aux actions en faveur de la ville proviennent de trois sources : l'Etat, les collectivités locales et d'autres partenaires parmi lesquels figurent notamment la Caisse des dépôts et consignations et l'Union européenne, par le biais de certains fonds.

Parallèlement aux sommes qu'il engageait, l'Etat a obtenu de ses partenaires un accroissement de leurs efforts.

Prioritairement concernés par la politique de la ville, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles figurent les communes, ont multiplié leurs efforts.

Par le biais des contrats de villes et des contrats Etat-régions, les collectivités territoriales ont quadruplé leurs contributions sur la période, passant d'environ 357 millions d'euros en 1998 à 1.110 millions d'euros en 2002 .

Encore cette estimation est-elle imparfaite puisqu'elle n'inclut pas les dépenses du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSCRIF) qui représentent un effort de solidarité des communes les plus favorisées vers les moins favorisées s'élevant à environ 140 millions d'euros en 2002.

Parmi les autres partenaires, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) se rend incontournable par le biais des prêts projets urbains (PPU) et du fonds de renouvellement urbain (FRU).

Engagements de la Caisse des dépôts et consignations

1998

2002

617

1158

(en millions d'euros)

Sur la période, l'évolution des contributions de l'Union européenne reste en revanche décevante.

Mais, au total, la politique de la ville a bénéficié d'un véritable élan pendant trois années. Or, en 2002, l'effort de l'Etat se relâche.

B. LE RALENTISSEMENT DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN 2002 : HALTE OU PANNE ?

1. Le rythme de progression des crédits consacrés par l'Etat à la politique de la ville ralentit même si l'effort global demeure tiré par les collectivités locales

a) Les « crédits ville » en hausse prudente

Les crédits propres au ministère délégué à la ville, retracé dans son fascicule budgétaire, n'augmentent que de 1,31 % pour 2002.

Les moyens affectés au fonctionnement des services (titre III) diminuent de 32 % essentiellement du fait d'une refonte des mesures inscrites à ce titre.

En 2002, les crédits relatifs au financement des groupements d'intérêt public et des emplois-insertion sont en effet transférés au titre IV. Or, ces dépenses représentent un montant de plus de 7,5 millions d'euros.

Les dépenses de fonctionnement enregistrent par ailleurs des économies sur les remboursements des frais de soins des appelés du contingent affectés à la politique de la ville, diminutions elles-mêmes engendrées par la fin du service national.

A contrario , sont rattachés au titre III les crédits relatifs aux frais d'études.

Les dépenses en intervention augmentent de 10 %, passant de 266 millions d'euros à 294 millions d'euros en 2002.

Cette hausse est provoquée par l'augmentation de 25 % des crédits du Fonds d'intervention pour la ville.

Dans ce contexte, les dépenses nouvelles restent modestes et ne concernent qu'une dotation supplémentaire pour les adultes-relais de 5 millions d'euros, une rallonge aux contrats de ville de 12,4 millions d'euros, et deux enveloppes en faveur respectivement de l'Institut des villes et du Festival des villes pour des montants de 1,52 million d'euros et 152.500 euros.

Les autorisations de programme (AP) figurant au titre VI augmentent de 29,8 % alors que, simultanément, les crédits de paiement (CP) associés diminuent de 20 %.

Il est vrai que sur certains chapitres, le taux de consommation des crédits de paiement est faible. Ainsi, le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. Philippe Bourguignon 2( * ) , constate que, sur le chapitre 67-10, subvention d'investissement, dont l'article 10 regroupe les crédits d'investissement destinés aux contrats de ville, seuls 48 % des crédits de paiement ont été consommés. Certains ont été reportés.

b) Un effort global de l'Etat en quasi-stagnation

Hors crédits du ministère délégué à la ville, l'effort global de l'Etat pour la politique de la ville 3( * ) ne progresse que de 1,27 % en 2001. Cette quasi-stagnation est d'autant plus regrettable que ces crédits représentent les 9/10 è de l'effort de l'Etat pour la ville.

Répartition des moyens consacrés à la politique de la ville selon les ministères

Les crédits consacrés à la ville par les autres ministères sont ainsi en hausse d'à peine 1 %.

Interventions des ministères pour la politique de la ville

2001

2002

2.423

2.441

(en millions d'euros)

Les dotations de solidarité augmentent de 4,5 % en 2002, mais cette évolution appelle une double remarque.

La dotation de solidarité urbaine est une composante de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée annuellement par l'Etat aux collectivités locales pour remplir les missions confiées par les lois de décentralisation. Il ne s'agit pas spécifiquement de politique de la ville.

Néanmoins, au titre de la dotation de solidarité urbaine, votre rapporteur souligne qu'il pourrait être envisagé d'intégrer dans son calcul, non seulement les logements en copropriété faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) mais également les logements relevant du 1 % patronal situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles (ZUS).

En outre, l'agrégat dotation de solidarité comprend, pour 20 % de son montant, le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSCRIF) qui est un effort des communes riches vers les communes les moins riches. L'Etat joue un rôle d'intermédiaire, mais n'y contribue pas.

L'effort de solidarité

 

2001

2002

Dotation solidarité urbaine

575

607

FSCRIF*

138

138

Total

713

745

(en millions d'euros)

* Dans l'attente du chiffrage définitif, reconduction du chiffre 2001.

L'évolution de l'effort global de l'Etat doit beaucoup à la stagnation des dépenses fiscales consenties par l'Etat.

Dépenses fiscales consenties par l'Etat
au titre de la politique de la ville

2001

2002

788,8

788,9

(en millions d'euros)

Alors que les dépenses relatives aux zones de redynamisation urbaines (ZRU) continuent de croître (+ 5,7 %), les exonérations fiscales consenties en zones franches urbaines (ZFU) régressent de 4 %.

Cette régression s'explique par la fin programmée de ce dispositif en loi de finances pour 2002.

Au regard de la part respective de chacune de ces composantes, zones de redynamisation (35 %) et zones franches (50 %) dans l'agrégat total, et dans l'attente d'une montée en charge d'un nouveau dispositif annoncé, les dépenses fiscales restent stables en 2002.

Au total, l'effort de l'Etat n'augmente guère en 2002, mais cette décélération est partiellement compensée par l'effort des collectivités territoriales.

c) Parmi les autres partenaires, les collectivités locales poursuivent leur effort

Hormis la stagnation maintenant traditionnelle des fonds européens, dont la contribution de 221,6 millions d'euros est reconduite d'une année sur l'autre, votre rapporteur doit constater en 2002 un ralentissement des interventions de la Caisse des dépôts et consignations qui croissent sur un rythme plus faible en 2002 (+ 4,4 %) qu'en 2001 (+ 26 %).

Interventions de la Caisse des dépôts et consignations

 

2001

2002

Prêts projet urbain (PRU)

503

503

Prêts renouvellement urbain (PRU)

491

503

Fonds renouvellement urbain

115

152

Total

1.109

1.158

(en millions d'euros)

En réalité, en 2002, le dynamisme de la politique de la ville reste soutenu par les collectivités territoriales dans leur ensemble puisque celles-ci ont accru leur participation de 13 % en 2002 après l'avoir augmentée de 34 % en 2001.

Certes, l'ampleur de l'augmentation est en 2002, avec 125 millions d'euros, moitié moindre qu'en 2001, (250 millions d'euros), mais elle demeure d'autant plus remarquable que cette présentation n'inclut pas les dépenses du FSCRIF.

En définitive, le budget ville pour 2002 est un budget nuancé, qui présente des éléments de satisfaction et de déception, et surtout soulève plusieurs interrogations.

2. Un budget nuancé

a) L'augmentation du Fonds d'intervention pour la ville (FIV)

Le Fonds d'intervention pour la ville est un outil souple entièrement déconcentré et libre d'emploi. En 2002, les crédits de ce fonds augmentent, dans la section intervention, de 25 %. Globalement, intervention et subvention d'investissement comprises, la progression du FIV est plus faible.

Evolution des crédits du FIV

L'augmentation du FIV-intervention pour 2002 provient de la fusion de l'article 20 (Ile-de-France) dans l'article 10, pour 15 millions d'euros, d'une dotation supplémentaire pour les actions inscrites dans les contrats de ville (12,3 millions d'euros), ainsi qu'au basculement des crédits consacrés aux maîtrises oeuvres urbaines et sociales des grands projets de ville (MOUS-GPV) et aux équipes emplois-insertion (9,15 millions d'euros). La hausse du FIV ne correspond en réalité qu'à un tiers de mesures nouvelles et à deux tiers de regroupements.

La dotation proposée pour les moyens d'intervention du FIV en 2002 s'élève à 182,13 millions d'euros contre 79,17 millions d'euros en subventions d'investissement.

La consommation des dotations du FIV est problématique puisqu'en 2001, il semble que seule une moitié des crédits disponibles serait consommée réellement .

De fait, votre rapporteur constate que l'arrêté du 14 novembre dernier procède à l'annulation de 3 millions d'euros en crédits d'intervention (titre IV) et à 3 millions d'euros en autorisations de programme dans la section des investissements (titre VI).

Les interventions du FIV

 

1997

1998

1999

2000

2001
(au 3 sept.)

Accompagnement et maîtrise d'oeuvre

107,45

114,21

125,59

151,31

27,75

Action artistique et éducation culturelle

83,78

87,89

104,24

138,83

49,49

Intervention en faveur de la jeunesse et des sports

71,32

67,56

85,20

92,69

23,63

Actions pour la promotion d'emploi

35,66

48,56

63,39

44,68

8,47

Structures d'insertion par l'économie

56,04

69,46

67,89

51,73

7,59

Action sociale en faveur des familles, de l'enfance et des jeunes

168,47

193,82

234,43

229,07

62,65

Prévention de la délinquance, de la récidive et aides aux victimes d'infractions pénales

63,42

89,91

87,53

99,90

21,69

Actions dans le domaine de la santé (1)

16,29

32,05

24,55

25,86

5,95

CAPS hors contrat de ville (2)

-

17,34

14,69

-

 

Modernisation des services publics (3)

-

-

-

4,48

1,96

Total

602,43

720,83

807,51

838,54

209,20

(en millions de francs)

(1) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 1996.

(2) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 1998.

(3) Article d'exécution créé dans la nomenclature pour 2000.

b) Les opérations ville-vie-vacances et les grands projets de villes : une certaine déception

La stagnation des crédits finançant les opérations ville-vie-vacances est une demi-surprise puisque l'enveloppe de ce programme est reconduite d'année en année sans majoration.

En 2000, plus de 800.000 jeunes ont bénéficié de ces opérations par le biais des 13.000 projets financés. Le nombre de jeunes bénéficiant de ces dispositifs a ainsi diminué.

Les activités proposées en 2001 ressortent de :

- la promotion du sport (20 %) et de la culture (12 %) ;

- l'organisation de sorties à la journée (22 %) et de chantiers (13 %).

Les services du ministère font valoir que le dispositif a été recentré sur cinq priorités :

recentrage sur les jeunes les plus en difficulté ;

association des familles ;

affectation de 10 % des sommes au financement d'actions de formation ;

développement de projets en faveur de jeunes « sous la main de la justice » ;

mise en oeuvre de plans d'accueil des jeunes dans les communes touristiques (PAJECOT).

Votre rapporteur ne désapprouve pas les orientations suivies en 2001 mais déplore la stagnation des crédits d'un dispositif qui a pour vocation de prévenir la délinquance .

Cette stagnation contraste singulièrement avec les annonces du Gouvernement en la matière.

Votre rapporteur ne souhaite pas voir l'Etat se décharger sur ses partenaires d'un dispositif qu'il a lui-même voulu ou qu'il prenne prétexte de la signature avec la CNAF d'une nouvelle convention d'objectif et de gestion, prévoyant l'extension des programmes de « contrats-temps libre » aux jeunes, pour réaliser des économies sur un poste de dépenses essentiel.

La seconde déception de ce budget est la stagnation des crédits nécessaires à la mise en oeuvre des grands projets de ville 4( * ) qui restent stables à 10,6 millions d'euros en interventions, soit 210.000 euros par projet, et le montant très modeste des crédits de paiement de la section investissement des grands projets de ville et des opérations de renouvellement urbain qui ne s'élèvent qu'à 23,8 millions d'euros.

Le prédécesseur de votre rapporteur, M. Paul Blanc 5( * ) , avait souligné que les grands projets relevaient d'une « démarche ambitieuse », mais que « les GPV sont au nombre de 50 et que les crédits disponibles, investissements et fonctionnement confondus, ne s'élèvent cette année qu'à 4,54 millions de francs par site ».

La stagnation des crédits inscrits cette année confirme l'analyse faite en dernier ressort par votre commission l'année dernière, à savoir que « l'effort en faveur des GPV devra être continu et de longue durée pour éviter le danger de la dispersion ».

Votre rapporteur conclurait donc à un premier bilan décevant sauf à constater que ces dispositifs sont en réalité financés de manière extra budgétaire.

c) L'interrogation de votre commission : vers un financement extra budgétaire de la politique de la ville

Les économies sur le remboursement des frais de soins dus aux appelés-ville suscitent une interrogation.

Ces appelés du contingent étaient affectés à la mise en oeuvre locale de la politique de la ville, notamment auprès des « sous-préfets-ville ». Or, la disparition du service national supprime ces effectifs qui trouvaient leur place au sein des « missions-ville » et étaient nécessaires à l'interface des services déconcentrés et des collectivités. Comment seront-ils remplacés ?

Mais, votre rapporteur s'interroge avant tout sur l'amorce d'une évolution inquiétante qu'il découvre dans le budget pour 2002 . Les collectivités locales fournissent un effort toujours accru alors que l'Etat, pour sa part, se contente de reconduire les dotations de l'an passé, notamment pour les programmes nouvellement mis en place.

La contractualisation est une méthode utile puisqu'elle permet la synergie des efforts.

Néanmoins l'Etat, dans un contexte de ralentissement économique et de difficultés budgétaires, pourrait connaître la tentation de reporter sur ses partenaires la totalité d'un effort dont il cherche, au moyen de dépenses de communication, à s'attribuer les fruits.

Votre commission restera attentive à ce que la contractualisation de la politique de la ville ne soit pas prétexte à sa débudgétisation.

A ce titre, les orientations annoncées en matière de renouvellement urbain, et notamment son financement, appellent à être éclaircies.

II. LES ORIENTATIONS EN FAVEUR D'UNE POLITIQUE DE RENOUVELLEMENT URBAIN CONFORTÉES PAR LE COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DES VILLES DU 1ER OCTOBRE 2001

Depuis 1999, le Gouvernement a confirmé à plusieurs reprises son intention de renouveler en profondeur le paysage urbain.

A. LA PREMIÈRE ÉTAPE DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DU 14 DÉCEMBRE 1999

Clarifiant les options déjà envisagées par le Gouvernement en matière de politique de la ville, le Comité interministériel du 14 décembre 1999 a privilégié deux types d'interventions inscrites dans les contrats de ville : les grands projets de ville (GPV) et les opérations de renouvellement urbain (ORU).

1. Les grands projets de ville

Les grands projets de ville (GPV), au nombre de 50 -qui s'inscrivent dans la lignée des grands projets urbains (GPU), lancés par Mme Simone Veil en 1993- ont pour objet de réaliser des opérations lourdes de requalification urbaine, afin de réinsérer un ou plusieurs quartiers dans leur agglomération, dans le cadre d'un projet global de développement social et urbain. Il s'agit de marquer, en profondeur et de manière durable, l'image et la perception d'un quartier, grâce à des opérations de restructuration du bâti, d'amélioration de l'environnement et de désenclavement des quartiers, et à des actions de revitalisation et de valorisation sociale.

Une enveloppe spécifique de 760 millions d'euros doit être dégagée jusqu'à 2006 pour le programme national de renouvellement urbain qui viendra compléter les 180 millions d'euros déjà contractualisé dans les contrats de plan Etat-Régions.

La conduite du projet est organisée autour d'un pilotage politique, d'un pilotage technique et d'une direction de projet. Cette organisation, pour être pleinement opérationnelle, doit être institutionnalisée sous une forme juridique claire, dédiée au GPV, et pérenne lui donnant une stabilité dans le temps au-delà des changements d'acteurs. Le groupement d'intérêt public (GIP) est la formule juridique qui a majoritairement été retenue dans les différentes propositions de GPV. Votre rapporteur déplore néanmoins qu'une trop grande partie des frais de fonctionnement des GIP et GPV incombe aux communes.

Les grands projets de ville, qui devaient être opérationnels à partir de 2001, doivent faire l'objet d'avenants aux contrats de ville.

A la fin du mois de juillet dernier, 35 conventions étaient signées et 9, déjà élaborées, devaient l'être avant la fin de l'année.

Or, le présent budget ne propose que 4,4 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement pour la ligne budgétaire aujourd'hui commune aux GPV et aux ORU.

2. Les opérations de renouvellement urbain

Les opérations de renouvellement urbain (ORU), initialement au nombre de 30, comportent des opérations d'investissement financées par les villes concernées et bénéficiant d'un appui renforcé de l'Etat, notamment grâce à des prêts à taux d'intérêt réduit.

L'objectif est de parvenir à une recomposition des équilibres urbains et à une revalorisation des territoires par une « transformation lourde » de certains quartiers à partir d'opérations de démolition de grande ampleur, une offre nouvelle de logements sociaux et une meilleure gestion urbaine de proximité.

Les ORU devaient bénéficier de crédits d'investissement spécifiques non contractualisés sur le budget de l'Etat à hauteur de 107 millions d'euros sur la période 2000-2006 ainsi qu'une enveloppe de 1,52 milliard d'euros de prêts « renouvellement urbain » (PRU) mise en place par la Caisse des dépôts et consignations à un taux de 3 %. Votre rapporteur souhaite à ce titre que les moyens libérés au titre des PRU et des GPV soient répartis avec un souci d'équité.

De 30 communes initialement, le dispositif a donc été étendu par le Comité interministériel du 1 er octobre dernier à 30 nouvelles communes, ce qui double la cible initiale.

Or, à la fin du mois de juillet dernier, seules 11 conventions sur 30 avaient été signées et communiquées à la Délégation interministérielle à la ville (DIV).

C'est dans un contexte de mise en place des premiers instruments que le Gouvernement a annoncé un plan en faveur de la réhabilitation des quartiers.

B. LE COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DES VILLES DU 1ER OCTOBRE 2001 : DES MOYENS EN APPARENCE MASSIFS POUR LA RÉHABILITATION DES QUARTIERS

Sous un intitulé médiatique, « tourner la page des cités dortoirs », le Gouvernement a annoncé lors de ce comité un quadruple renforcement du programme de réhabilitation des quartiers.

1. Une démarche ambitieuse ?

Lors de ce Comité interministériel, le Gouvernement a proposé un plan mettant en convergence la politique de la ville et celle du logement.

Afin de « tourner la page des cités dortoirs », le Gouvernement propose quatre axes essentiels.

L'accélération des programmes de démolitions reconstructions datait déjà de la signature, en octobre 1998, d'une circulaire commune par MM. Claude Bartolone et Louis Besson, demandant aux services de l'Etat de faciliter les procédures de destructions des grands ensembles. Les objectifs fixés pour 2001, à savoir 10.000 logements démolis, ont été atteints. En 2002, le Gouvernement se fixe un objectif de 15.000 destructions pour atteindre par la suite, un rythme annuel de 30.000 logements démolis.

Le Gouvernement propose par ailleurs de nouvelles opérations de renouvellement urbain en désignant 30 nouveaux sites prioritaires.

Les projets de 9 villes 6( * ) situées dans les agglomérations d'un grand projet de ville ont par ailleurs été retenus.

En troisième lieu, le Comité interministériel a annoncé des opérations de grands travaux de villes pour désenclaver les quartiers, afin de restaurer l'accessibilité de ces zones.

Dans son 7 e rapport annuel 7( * ) (2001), le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées rappelle que dans de nombreuses zones, lors de la phase d'expansion du logement social (1950-1977), la construction de logement était subordonnée à des impératifs quantitatifs et « dépourvus de services liés au logement (transport, services publics, commerces, espaces de vie...) ».

Le Haut Comité constate que depuis le début des années 1990, « l'éloignement des quartiers du centre ville et de ses services va entraîner des phénomènes de relégation, de zones en difficultés (politique des quartiers, zones urbaines sensibles) ».

Dans ce contexte, des aménagements de voiries ou d'infrastructures de transport existantes, la réalisation de franchissements ou de nouveaux axes de desserte sont utiles pour réintégrer les quartiers au sein de leurs agglomérations.

Enfin, le Gouvernement a annoncé un programme de rénovation des copropriétés dégradées, engageant un plan de sauvegarde concernant 21.000 logements.

Afin de financer ce programme, le Comité interministériel propose 1,52 milliard d'euros de subventions nouvelles d'ici 2006, notamment inscrites dans le budget des ministères de la ville et du logement auxquelles s'ajoutent 3,8 milliards d'euros de prêts à taux réduit, 1,52 milliard d'euros à 4,2 % et 2,3 milliards d'euros à 3,5 %.

A cette annonce, le Gouvernement ajoute la mobilisation, sur la période 2002-2006, du 1 % logement, à hauteur de 4,57 milliards d'euros, 2,3 milliards d'euros pour l'objectif de 30.000 démolitions et 2,3 milliards d'euros pour la construction de 10.000 logements supplémentaires par an.

Le contenu du projet de budget pour 2002 prévoit bien la mobilisation du 1 % à hauteur de 430 millions d'euros (2,8 milliards de francs), en recettes, mais votre rapporteur ne constate pas l'augmentation des moyens des ministères concernés tels qu'annoncés.

S'agirait-il d'un plan de financement trompe-l'oeil ?

2. Une démarche limitée ?

a) Un effort financier en trompe-l'oeil ?

Lors du débat relatif à la mobilisation du 1 % logement, à l'Assemblée nationale, M. Gilles Carrez déclarait :

« Des discussions approfondies ont été menées pendant l'été avec les partenaires sociaux du 1 % logement. Autrement dit, l'UESL a accepté de se faire plumer de 2,8 milliards.

« Avis aux initiés de l'UESL. A quoi tout cet argent est-il destiné ? Il doit aider à conduire des actions en matière de politique de la ville. Souvenez-vous : on a vu, fin septembre, le ministre de la ville, M. Bartolone, annoncer triomphant que la politique de la ville allait être dotée de 35 milliards de plus.

« Regardons-y de plus près. Le bon peuple extasié ne sait pas que, sur ces 35 milliards, on compte déjà 25 milliards de prêts. Cela vient, je pense, de la Caisse des dépôts et consignations... des prêts bonifiés. Le reste, une dizaine de milliards, est étalé sur cinq ans, ce qui fait deux à trois milliards par an. On pourrait imaginer que l'Etat va consentir un effort de deux à trois milliards par an. Pas du tout ! Il va chercher l'argent dans la poche des autres, en l'occurrence dans le 1 %. Et cela lui servira à détruire des logements sociaux. Je ne conteste pas que, dans le cadre de la politique de la ville, on ait besoin de dynamiter des tours, des barres construites dans les années 60 et où nos compatriotes ne veulent plus habiter. Mais il s'agit d'une politique d'Etat, qui ne devrait en aucun cas être financée par le 1 %. Le 1 % doit servir à la construction sociale, qu'elle soit en accession à la propriété ou en locatif. Il y a donc bien là un détournement de fonds. »

Qu'en est-il ?

Votre rapporteur constate en premier lieu que l'analyse faite par M. Gilles Carrez corrobore les craintes énoncées plus haut, à savoir d'une politique de la ville entièrement débudgétisée.

Sans doute l'intervention du 1 % logement dans le renouvellement urbain, avec comme contrepartie un rôle accru en matière de construction sociale ne va pas sans difficulté, notamment pour les organismes HLM.

Mais, la première contribution versée à l'Etat 8( * ) en 2002, s'élève à 430 millions d'euros (2,8 milliards de francs). La convention du 11 octobre dernier, signée entre l'UESL et l'Etat, qui justifie l'inscription de ce versement en loi de finances, stipule que : « pour tenir compte de la montée en puissance de ces actions nouvelles, le 1 % logement apportera un financement à hauteur de 2,8 milliards de francs au titre de 2002 pour faciliter la conduite d'actions concourant au renouvellement urbain (en particulier : aménagement urbain en GPV et ORU ; actions de démolition, de sécurisation des ensembles HLM et d'amélioration de la qualité de service dans les quartiers ; accession à la propriété bénéficiant d'une aide à la pierre ciblée dans les quartiers en difficulté ; réalisation de logements locatifs sociaux mieux financés pour accompagner les démolitions, actions en faveur des copropriétés dégradées...). Ce financement se fera par versement au budget général de l'Etat selon les modalités qui devront être précisées dans la convention d'application. »

Or, aucune inscription nouvelle n'est enregistrée en loi de finances pour les GPV et les ORU.

Mme Françoise Henneron, rapporteur de votre commission pour les crédits du logement social a, pour sa part, constaté que les crédits consacrés au logement diminuent.

Le prélèvement réalisé par l'Etat sur les fonds de l'UESL correspond à la totalité de l'effort ville en faveur du renouvellement urbain et alimente pour l'essentiel les recettes générales du budget.

Votre rapporteur ne souhaite pas présumer des moyens qui seront consacrés à l'avenir par l'Etat aux projets annoncés lors du dernier Comité interministériel des villes mais il constate que, pour 2002, le Gouvernement n'y prévoit pas d'enveloppe et détourne vers d'autres usages les fonds du 1 % logement prélevés pour être affectés à ces actions.

b) Une approche parcellaire

Le Gouvernement assigne à son projet l'objectif d'éliminer les « cités dortoirs ». Or, les mesures proposées ne touchent pas à l'essentiel.

En effet, les « cités dortoirs » sont nées de politiques de la ville qui ont organisé une ségrégation entre lieu de travail et lieu d'habitat.

Cette ségrégation s'est d'ailleurs accrue avec le temps, et notamment lors de la crise des années 1970 et au cours des années 1980.

La paupérisation des publics logés dans ces zones s'aggrave. Les habitants des cités sont confrontés à un taux de chômage deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale.

Le renouvellement des quartiers dégradés ne mettra fin aux « cités dortoirs » que si l'activité économique y est réimplantée.

Si les projets proposés présentent un véritable intérêt dans le domaine du paysage urbain -encore faut-il que le Gouvernement « ne mange pas le blé en herbe » en affectant à d'autres usages les fonds qui leur sont destinés- ceux proposés en revanche en matière de développement économique et de lutte contre le chômage ne présentent pas, en l'état, de garanties de succès.

III. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE RESTENT LES PARENTS PAUVRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

A. EN DÉPIT DE CRITIQUES ADRESSÉES AUX MESURES PRISES LORS DU PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE, LE GOUVERNEMENT NE PROPOSE PAS DE SOLUTIONS ALTERNATIVES CONVAINCANTES

Le dispositif du pacte de relance pour la ville

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a prévu un dispositif fiscal spécifique dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) au sein de la liste de 750 zones urbaines sensibles (ZUS) correspondant aux grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé souffrant d'un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi.

Les zones de redynamisation urbaine (ZRU) présentent des difficultés évaluées à partir de plusieurs critères, à savoir la population, le taux de chômage, la proportion de jeunes de moins de 25 ans, la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et le potentiel fiscal des communes de rattachement.

416 ZRU (dont 20 dans les DOM) ont été sélectionnées dans 343 communes et 76 départements parmi les 750 ZUS.

Le dispositif visant à conforter ou à recréer de l'activité économique dans ces quartiers très défavorisés est constitué pour l'essentiel d'exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises.

Les mesures applicables en ZRU sont les suivantes :

- exonération, compensée par l'Etat, de taxe professionnelle, pour les établissements nouveaux, ou déjà existants, pendant cinq ans sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 1 million de francs pour la création ou l'extension, et à 500.000 francs pour les établissements existants ( art. 1466 A 1 ter du code général des impôts ) ;

- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale les deux premières années puis dégressive les troisième, quatrième et cinquième années, sans plafonnement, pour les entreprises nouvelles ( art. 44 sexes du code général des impôts ) ;

- exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties, pendant deux ans, pour les entreprises nouvelles ou les établissements créés ou repris à une entreprise en difficulté ( art. 1383 du code général des impôts ) ;

- exonération sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

Les zones franches urbaines (ZFU) ont été déterminées, après appel à projet, parmi les quartiers de plus de 10.000 habitants présentant les caractéristiques les plus dégradées en termes de chômage des jeunes, de qualification professionnelle ou de ressources des communes.

Les ZFU, qui bénéficient des exonérations fiscales et de charges sociales les plus importantes, sont au nombre de 44, dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer. Elles sont déterminées par le législateur qui en a fixé la liste en annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 . La délimitation de ces zones a été fixée par deux décrets du 26 décembre 1996.

L'effort de l'Etat est particulièrement concentré et repose sur des mesures d'exonération fiscale et sociale renforcées :

- exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou déjà existants ou étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 3 millions de francs ( art. 1466 A I quater du code général des impôts ) ;

- exonération d'impôt sur les bénéfices totale pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an, pour les entreprises nouvelles ou existantes ( art. 44 octies du code général des impôts ) ;

- exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant cinq ans ( art. 1383 A du code général des impôts ).

- exonération des charges sociales sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

1. Des critiques concentrées sur le dispositif des zones franches urbaines dont les acquis devraient néanmoins être préservés par une sortie progressive

a) Des rapports officiels contradictoires

Par une lettre de mission en date du 31 janvier 1998, le Gouvernement a demandé aux trois inspections générales, Administration, Finances et Affaires sociales, de dresser un premier bilan, précoce, du dispositif des zones franches urbaines.

L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a dressé le plus sévère des bilans.

Ce rapport 9( * ) met notamment en exergue les effets d'aubaines dont ont profité des « entreprises boîtes aux lettres », le peu d'impact sur l'emploi -ou, pour expliquer le dynamisme soudain des zones franches, le caractère « pré-existant » de la reprise sur les zones concernées- et, en conséquence, dénonce le « coût par emploi créé ».

Le rapport de l'IGAS n'évalue par ailleurs pas les gains en termes de revitalisation du tissu économique, industriel et commercial, et les gains en termes de recettes fiscales induits pour l'Etat, notamment de TVA.

Le rapport remis conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'administration 10( * ) propose une évaluation plus globale, et sans doute plus objective, du dispositif des zones franches.

Il fait état des limites du dispositif, notamment de l'impact alors encore restreint sur le chômage, mais tient compte des effets positifs, par exemple en matière d'investissement, pour les villes, les offices HLM, sans évoquer toutefois l'investissement privé. Il met en valeur la création de guichets uniques et conclut à un effet bénéfique indéniable sur l'activité économique et à un effet d'entraînement sur la politique de la ville.

En matière de coût, les dépenses de l'Etat sont évaluées en soulignant les recettes de TVA induites et en rappelant qu'une partie des coûts serait de toutes façons prise en charge par l'Etat, si les ZFU n'existaient pas, au titre des allègements de charges sur les bas salaires. Le rapport conclut que le coût global reste faible au regard des crédits de la politique de la ville avec cependant une forte progression à prévoir.

Évaluant le coût du dispositif par emploi créé à 150.000 francs en zone franche, le rapport précise que l'échec ou la réussite ne se mesure pas sur le fondement de ce coût, mais sur celui du développement économique du quartier.

Des exemples de réussite sont cités : réouverture de centres commerciaux grâce à la zone franche urbaine, articulation avec les dispositifs locaux pour l'emploi, la zone franche renforçant les effets bénéfiques de la politique de la ville. Le rapport souligne cependant, à juste titre, que là où il n'y a pas de politique de la ville, la zone franche reste lettre morte et constitue une nouvelle occasion manquée .

Les difficultés rencontrées par les entreprises sont décrites : foncier insuffisant, problèmes de sécurité, services financiers parfois peu accueillants. L'approche du rapport n'est donc pas limitée à la seule évaluation du coût financier et du nombre d'emplois créés, la zone franche étant perçue comme un outil s'inscrivant dans une politique globale.

Les effets pervers sont également décrits mais de façon nuancée, notamment les distorsions de concurrence jugées limitées, voire sporadiques, l'intervention de « chasseurs de primes » qui peuvent intervenir dans certains secteurs, notamment dans le bâtiment, le nettoyage, le gardiennage et les transports, et le fait que les professions libérales peuvent bénéficier de la ZFU sans réelles contreparties.

Votre rapporteur s'interroge en conséquence sur les raisons d'une telle dissonance entre deux rapports qui, initialement, devaient être le fruit d'une mission commune.

L'IGAS justifie de s'être désolidarisée des deux autres inspections en ces termes :

« L'inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'administration ont choisi de signer, à la date prévue par lettre de mission mais avant le terme des investigations et exploitations indispensables, un rapport qui ne prend pas en compte, notamment :

« - l'exploitation du questionnaire adressé par la mission à toutes les préfectures concernées par les zones franches,

« - l'exploitation du questionnaire adressé par la mission à toutes les URSSAF concernées par les zones franches,

« - l'analyse par l'INSEE de l'évolution du tissu économique en zone franche,

« - l'enquête de l'UNEDIC sur l'emploi salarié dans plus de 6.000 entreprises en zone franche,

« - les données de la direction générale des impôts sur la taxe professionnelle, permettant en particulier de différencier les exonérations accordées aux entreprises créées, d'une part, aux entreprises existantes, d'autre part,

« - les données communiquées par la direction générale des collectivités locales,

« - les données de la DARES sur les effectifs recensés en ZRU,

« - les données de la CANAM sur les exonérations de cotisations maladie aux artisans et commerçants ;

« - les données de la CANAM sur les effectifs correspondants.

« L'inspection générale des affaires sociales n'a donc pas pu s'associer à la remise de ce document et a poursuivi pendant quelques jours ses travaux.
».

Pour sa part, le rapport de l'Inspection des finances et de l'Inspection générale de l'administration déclare sobrement que « l'IGAS estime au contraire que les travaux doivent être prolongés pour affiner les contacts et les propositions. C'est pourquoi le présent rapport n'est pas signé par son représentant qui poursuit ses travaux ».

Votre rapporteur s'interroge sur l'origine du désaccord entre des administrations dont les travaux bénéficient pourtant d'une très bonne réputation. Les rapports ont été remis tous deux dans la seconde quinzaine de décembre 1998. Comment un aussi bref délai supplémentaire, trois jours, a-t-il pu suffire à l'IGAS pour traiter une somme de statistiques d'une ampleur telle que cette inspection aboutisse à des conclusions à ce point différentes de celles de l'Inspection générale des finances ?

b) Un bilan qui satisfait les objectifs de départ

En créant le dispositif des zones franches urbaines, la loi du 14 novembre 1996 poursuivait trois objectifs essentiels : maintenir, voire redéployer l'activité, lutter contre la logique de ghettoïsation et créer au moins 500 emplois.

Le dernier rapport 11( * ) sur l'application de cette loi date du mois de juillet dernier et fait les constatations suivantes en matière d'emploi :

« - une augmentation du nombre de salariés en ZFU ;

- plus du quart des salariés ouvrant droit à exonération réside en ZFU ;

- trois établissements sur quatre se sont implantés en ZFU après le 1 er janvier 1997 ;

- 80 % des établissements employeurs concernés par la mesure ont au plus 9 salariés. Un établissement sur deux n'applique l'exonération que pour 3 salariés au plus ;

- sur la période 1997-2000, la taille moyenne des établissements a légèrement augmenté. En 1999, la proportion des établissements employant un seul salarié a baissé et plus d'un tiers des établissements a vu son effectif augmenter.
»

Votre rapporteur a entendu en audition les représentants de l'Association nationale des villes zones franches urbaines (ANZFU).

Ces derniers ont déclaré que la zone franche de Roubaix avait atteint les objectifs fixés en termes d'emplois à elle seule -5.800- et que la reprise de l'activité, d'un point de vue global était réel, avec un taux d'embauche local (35 %) supérieur au minimum imposé par la loi (20 %).

La présence d'effets d'aubaine doit donc être à relativiser.

c) La sortie progressive prévue par le projet de loi de finances pourrait préserver les acquis des zones franches urbaines

Sans doute les engagements européens et la nature du dispositif lui-même interdisaient sa pérennisation.

Sans doute, pour être efficace, un tel dispositif devrait-il être temporaire. Les politiques de « discrimination positive » ne sont utiles qu'en ce qu'elles permettent à terme de ramener les publics visés dans le droit commun.

Le coût des exonérations fiscales en zones franches était en outre élevé.

Le coût des exonérations en zones franches urbaines

 

2000

2001

2002

Exonérations de l'IS

70,13

76,22

80,8

Taxe professionnelle

48,78

50

50

Taxe foncière sur les propriétés bâties

10,06

10,98

10,98

Exonérations de cotisations patronales pour les 50 premiers salariés

242,11

263,68

243,92

Exonération de cotisation maladie des artisans et commerçants

4,57

5,64

5,64

Total

375,75

406,52

391,34

(en millions d'euros)

Afin d'éviter une sortie trop brutale pour les entreprises bénéficiant du dispositif, le présent projet de loi de finances propose une disparition progressive des avantages fiscaux.

Les entreprises déjà installées au 31 décembre 2001 bénéficieront pendant trois ans à taux dégressif 60 %, 40 % et 20 % des exonérations et ce, à l'issue des cinq ans de droits ouverts pour les trois prélèvements principaux : cotisations sociales, impôts sur les bénéfices et taxes professionnelles.

Ces dispositifs sont inscrits aux articles 71 et 71 bis du présent projet de loi.

Pour peu qu'elles ne donnent pas lieu par les services fiscaux et les URSSAF à une interprétation variable selon les départements, ces garanties devraient permettre de préserver les acquis des zones franches urbaines.

2. Des dispositifs alternatifs dont l'efficacité reste à prouver

Le volet relatif au développement économique des quartiers proposé par le Gouvernement joint les deux logiques de l'exonération fiscale et de la subvention, mais l'efficacité des instruments proposés n'est pas certaine.

a) Le régime unique d'exonération fiscale présente le risque de « diluer » l'effort

Au 1 er janvier 2002, le Gouvernement propose de généraliser un régime d'exonérations fiscales et sociales aux zones de redynamisation économique et aux entreprises installées en zone franche postérieurement au 1 er janvier 2002.

L'instauration de ce régime unique est mise en oeuvre par l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour son volet d'exonération de charges et par l'article 8 du projet de loi de finances pour son volet fiscal.

Ce nouveau dispositif est proche de celui proposé en zone de redynamisation.

Le constat d'échec des politiques de relances menées sur ces dernières n'est pourtant guère contesté.

Sans présumer des résultats du nouveau régime unique, votre rapporteur souhaite souligner que  les mécanismes de discrimination positive sont d'autant plus efficaces que les publics visés sont restreints et les moyens importants. Le succès de certaines zones franches doit s'analyser en ces termes.

A l'inverse, les résultats médiocres des zones de redynamisation traduisent les risques d'une dilution des moyens sur des territoires trop étendus.

Le risque n'est que potentiel mais il mérite d'être souligné.

Pour sa part, le second volet proposé par le Gouvernement en matière économique, le fonds de revitalisation économique (FRE), tarde à montrer son efficacité.

b) Un fonds de revitalisation économique encore largement inopérant

Lors de la présentation du programme gouvernemental, lors du Comité interministériel des villes du 14 décembre 1999, il a été précisé que, s'agissant des aides à l'investissement, une prime de revitalisation serait versée aux entreprises, prime qui correspondrait à 15 % de l'investissement pour un montant de 150.000 francs. En cas de créations d'entreprises, le montant minimum de la prime serait de 20.000 francs.

La loi du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), a créé un fonds de revitalisation économique (FRE) ayant pour objet de pérenniser et développer le tissu industriel et commercial dans les quartiers.

Une circulaire du ministère du budget en date du 13 décembre 2000 a précisé les modalités d'application de ces crédits, dont 85 % doivent être déconcentrés.

Or, les crédits du FRE sont peu utilisés, justifiant les annulations dont ils sont l'objet.

Annulation des crédits du FRE en 2001

 

Interventions (titre IV)

Investissement (titre VI) AP

Investissement (titre VI) CP

Arrêté du 21 mai 2001

 

7,62

7,62

Arrêté du 14 novembre 2001

3

5,41

4,57

Total

3

13,03

12,19

(en millions d'euros)

Aussi, en 2002, le projet de loi de finances se contente-t-il de reconduire les montants consacrés à la politique de la ville au même niveau qu'en 2001.

Au-delà de la complexité des procédures du FRE, votre rapporteur souscrit à la critique formulée par M. Paul Blanc 12( * ) , qui démontre, à un an d'intervalle, toute sa pertinence :

« Votre rapporteur souligne les limites de ce dispositif de subvention par rapport à un mécanisme d'exonération fiscale a priori. Cela revient à imposer une logique « administrative » à toute création d'entreprise dans les quartiers.

« Ces dernières seront chargées de présenter des dossiers sans avoir de garanties sur les délais d'instruction ou les conditions qui leur seront demandées.

« Aujourd'hui, les entrepreneurs ne veulent pas être considérés comme des « chasseurs de prime » : les entreprises ne réclament pas des subventions mais un allégement de leurs contraintes. Quelle administration peut aujourd'hui se faire juge de la viabilité économique d'un projet de création d'entreprises ?

« Le fonds de revitalisation économique ne saurait remplacer les exonérations fiscales parce que les montants engagés sont en réalité nécessairement insuffisants face aux besoins et parce qu'il obéit à une logique d'économie administrée qui semble dépassée. »

B. DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE L'EMPLOI QUI S'APPARENTENT À UN TRAITEMENT SOCIAL DU CHÔMAGE

Le Comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 prévoyait un double dispositif pour lutter contre le chômage dans les quartiers.

1. L'aide à l'insertion : les équipes emplois-insertion

Les équipes emplois-insertion (EEI) ont été créées suite à la décision prise lors du Comité interministériel du 14 décembre 1999.

Dans le cadre de la circulaire du 18 avril 2000, un appel à projet a été lancé au niveau national pour la création de 150 équipes dans les villes dotées d'un contrat de villes.

Les EEI ont la double mission d'assurer un appui de proximité aux chômeurs résidant dans les quartiers et d'organiser un relais avec les structures en place dans l'agglomération (missions locales, ANPE, Assedic, etc.).

Selon les éléments communiqués par la délégation interministérielle à la ville à votre rapporteur, la mission de ces équipes consiste à :

« - faciliter l'accès à l'information sur l'emploi et la formation,

« - offrir un premier niveau de service,

« - donner accès aux prestations des services de l'ANPE,

« - assurer le lien entre les interventions des différents secteurs concernés,

« - assurer une fonction de veille et de proposition à l'attention du service public et de l'Emploi. »

En 2000 et 2001, 63 équipes ont été financées par la DIV, qui précise que « ces équipes sont composées de quatre personnes à temps plein. Le noyau est constitué d'au moins un agent ANPE et d'un agent de la mission locale mis à disposition. L'équipe est renforcée par du personnel spécifique adapté aux besoins locaux. »

La DIV apporte un concours financier plafonné à 45.000 euros par an en complément de l'investissement des partenaires locaux, et notamment des collectivités locales.

D'autres acteurs, dont l'ANPE, les missions locales mais également l'Europe via le FEDER et le FSE, peuvent être mobilisés pour le financement de ces équipes.

Votre rapporteur est favorable à ce dispositif tout en formulant deux réserves fortes.

Le meilleur moyen de réduire le chômage est de favoriser le développement économique. La démarche « d'insertion » des populations qui se sont trop éloignées de l'emploi pour y revenir d'elles-mêmes est complémentaire et non substituable à un climat par ailleurs favorable à ce développement.

Votre rapporteur constate en second lieu que les EEI étaient en 2001 financées sur les crédits du titre III, c'est-à-dire qu'elles étaient considérées comme des « moyens des services ». En 2002, l'enveloppe leur étant destinée est transférée au titre IV. Les EEI deviennent donc une dépense d'intervention.

Les équipes emplois-insertion sont des moyens mis en oeuvre par la politique de la ville pour favoriser l'insertion des chômeurs. Il s'agit donc bien de dépenses de fonctionnement des services. Ce transfert budgétaire augure-t-il d'une déviance qui ferait des équipes emplois-insertions elles-mêmes les destinataires finaux du dispositif ?

2. L'extension des adultes-relais

A l'instar des EEI, le CIV du 14 décembre 1999 a décidé la création d'un dispositif nouveau, les adultes-relais, et l'a mis en oeuvre par la circulaire du 26 avril 2000.

Le programme s'est vu assigner les missions suivantes :

« - créer ou développer le lien social dans les quartiers par des actions de médiation sociale et culturelle,

« - mener des actions de prévention telles que décidées par le Conseil de sécurité intérieure,

« - favoriser le lien familles/écoles ou la prévention de la violence en milieu scolaire . ».

La DIV précise par ailleurs que :

« La mise en oeuvre de ce programme a véritablement démarré au cours du dernier trimestre 2000, après le vote des crédits en loi de finances rectificative en juin 2000.

« 100 millions de francs étaient inscrits au budget 2000 et 300 millions de francs au budget 2001 sur le chapitre 46-60 article 80 du budget du ministère délégué à la ville. ».

Qu'en est-il réellement ?

Au 31 décembre 2000, seuls 215 postes étaient créés.

Au 18 septembre 2001, on en comptait 1.089, chiffre atteignant à peine 30 % de l'objectif fixé pour 2001, à savoir 3.000 postes.

D'ailleurs, l'arrêté du 14 novembre dernier annule 4,57 millions d'euros en intervention pour les adultes-relais, soit peu ou prou le montant de la mesure nouvelle pour 2002 !

Ces résultats médiocres s'expliquent par l'étroitesse du dispositif initial.

Dans les réponses communiquées à votre rapporteur, la DIV apporte les précisions suivantes :

« La circulaire du 26 avril 2000 précitée ne permettait pas le recrutement des adultes-relais par les collectivités territoriales ni par les établissements publics locaux. Le programme est en effet essentiellement ouvert au tissu associatif. Cette non-ouverture au secteur public a constitué un frein au développement des adultes-relais, en particulier pour les actions de prévention en général ou de lutte contre la violence scolaire qui relèvent de la responsabilité des collectivités ou des établissements scolaires . Par ailleurs, les organismes publics d'HLM ne peuvent pas, aux termes de la circulaire du 26 avril 2000, recruter d'adultes-relais, alors que les sociétés anonymes d'HLM en ont la possibilité.

Pour répondre à l'urgence des besoins à satisfaire en ce domaine, et pour appuyer l'action déjà engagée par les associations, il est donc apparu nécessaire d'élargir le champ des employeurs aux collectivités locales et aux organismes publics. C'est pourquoi, la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre délégué à la ville ont signé la circulaire DIV/2001/316 du 4 juillet 2001 qui permettra ces recrutements par les collectivités locales et les établissements publics locaux, à titre provisoire jusqu'en fin d'année 2001, dans le cadre d'un contrat emploi consolidé (CEC) au taux de 80 %. Pour 2002, une disposition législative qui sera soumise au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, unifiera le dispositif et le rendra définitif.
»

Pour sa part, votre rapporteur reste sceptique quant à l'efficacité de ce dispositif et rappelle la réserve exprimée, non sans humour, par M. Paul Blanc 13( * ) :

« Au demeurant, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile de trouver des personnes directement employables dans les zones franches, ce type de dispositif risque fort de conduire à un enfermement des banlieues sur elles-mêmes.

« Votre rapporteur ne peut que souligner la pertinence d'un article paru en première page d'un « grand journal du soir » : pour les habitants des cités sensibles, « la multiplication des « médiateurs », des « personnes relais » ne fait qu'exacerber l'impression qu'ils constituent une population à part, à laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des Indiens dans leur réserve .

Même si la formule est sans doute excessive, il reste vrai qu'il faut éviter de développer un sentiment de stigmatisation des banlieues sensibles. »

Le présent projet de loi de finances prévoit, à l'article 72, l'élargissement du dispositif des adultes-relais.

IV. DANS L'ATTENTE DES PREMIERS RÉSULTATS DE LA POLITIQUE MENÉE, LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES HABITANTS DES QUARTIERS S'AGGRAVENT

A. DES QUARTIERS EN ATTENTE

1. Des difficultés concentrées

Les quartiers sensibles cumulent difficultés économiques et difficultés sociales.

La délégation interministérielle à la ville (DIV) a procédé, avec la collaboration de l'INSEE, au dépouillement des données fournies par le recensement général de 1999.

D'après cette enquête, les habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) représentent 4,46 millions de personnes en 1999, en diminution de 5,7 % par rapport à 1990. La population diminue mais la proportion de jeunes y demeure fortement supérieure à la moyenne nationale puisque, dans ces zones, plus d'une personne sur trois a moins de 20 ans, contre une sur quatre ailleurs, alors même que moins d'une personne sur six a plus de soixante ans contre une sur cinq en moyenne nationale.

Les difficultés se concentrent sur plusieurs fronts.

L'accès à la formation reste inégal même si cette inégalité s'est réduite sur la décennie. En 1990, 52,8 % des jeunes en ZUS étaient en cours d'études contre 62,2 % aujourd'hui. L'écart avec la moyenne nationale était alors de dix points. Elle s'est réduite à cinq points en dix ans.

Pour autant, peut-on en conclure que la situation des jeunes est satisfaisante ? Le niveau de diplômés supérieurs reste deux fois inférieur à la moyenne nationale et le nombre de titulaires d'un baccalauréat ou plus représente 24 % dans ces zones contre 37% ailleurs. Dans ce domaine, l'écart qui n'était que de six points en 1990 s'est creusé pour atteindre 12 points.

Sans doute les difficultés sont-elles moins celles des jeunes que celles des populations des quartiers dans leur ensemble.

La première de ces difficultés est celle de l'emploi . Les populations des ZUS ont un taux global d'activité de cinq points inférieur à la moyenne nationale. La situation s'est même aggravée en dix ans puisque ce taux était de 69,5 % en 1990, il n'est plus que de 68 % en 1999 alors que dans le même temps le taux d'activité global a crû de deux points, passant de 71 % à 73 %.

L'inégalité devant l'emploi est aussi celle de l'inégalité devant la qualité de l'emploi, les titulaires de contrats dits « précaires » y sont plus nombreux qu'ailleurs.

La configuration des emplois

 

Zones Urbaines Sensibles

Total national

 

1990

1999

1990

1999

CDD

7,1

10,6

5,4

8,6

Intérim

2,3

3,6

1,1

1,9

Emplois aidés

2,3

4,5

1,5

2,4

(en %)

D'un point de vue global, le taux de chômage reste en 1999 deux fois plus élevé que la moyenne nationale, 25,4 % contre 12,8 %. La diminution du chômage intervenue depuis, et constatée pour la moyenne nationale, ne présume pas de la situation de l'emploi dans les quartiers.

A ce titre, une diminution moins rapide du chômage y alimente un sentiment de frustration à l'égard de la croissance dont ces habitants, notamment les jeunes, s'estiment privés.

Il s'agit là d'un élément susceptible d'expliquer le mal profond des quartiers : une violence endémique.

2. Une violence persistante

A l'occasion de cet avis budgétaire, votre rapporteur rappelle quelques éléments relatifs à l'évolution de la violence, qui constitue une difficulté supplémentaire auxquels nos concitoyens sont confrontés.

Parmi les tendances de la délinquance, il faut discerner plusieurs orientations.

La part des vols dans la délinquance est passée d'un tiers dans les années 1950 à près de deux tiers en 1998. La tendance à la baisse constatée en 1999 tient surtout à la diminution des cambriolages et, dans une moindre mesure, à celle des vols de véhicules. Mais les vols avec violence augmentent .

L'émergence des dégradations et destructions de biens , à la fois publics et privés, est le phénomène le plus marquant de ces dernières années . Stable dans les années 1980, les dégradations ont brutalement augmenté dans les années 1990. En 1999, les dégradations et destructions s'élevaient à un demi million, soit 14 % de l'ensemble des crimes et délits. Aujourd'hui, ce phénomène de violence gratuite se place au deuxième rang des délits les plus constatés.

Les violences contre les personnes ont, elles aussi, fortement augmenté au cours de cette décennie, moins pour les homicides que pour les vols avec violences, les coups et blessures et, la presse s'en est fait l'écho, les viols notamment collectifs.

Enfin, le nombre d' infractions relatives à l'usage de stupéfiant a véritablement explosé . De quelques cas sanctionnés à la fin des années 1960, les infractions se sont élevées à plus de 100.000 en 1999. Sur la décennie, les chiffres relatifs à cette délinquance ont quasiment doublé. Cette évolution n'est pas sans lien sur l'évolution des conditions de vie dans les cités où une certaine économie parallèle a pu, par endroits, se développer.

Sans doute les évaluations citées ici sont-elles grandement minorées puisque les statistiques disponibles sont rares et imprécises. Une étude de l'Institut des hautes études en sécurité intérieure et de l'INSEE soulignait l'écart croissant entre les infractions vécues et les infractions réellement enregistrées.

Le sentiment d'inutilité d'une plainte mais aussi la crainte croissante de représailles instaurent un climat d'impunité favorable à l'extension de la délinquance.

L'enquête IHESI/INSEE

Catégories d'infractions

Le réel vécu

La déclaration aux services répressifs

L'enregistrement par les services répressifs

Rapport délinquance constatée/ insécurité vécue

 

Nombre de faits survenus

Taux d'incidence (1)

Nombre de déclarés

Taux de déclaration

Nombre de faits enregistrés

Taux d'enregistrement

Cambriolages de résidences principales

899.000

3,8 %

564.000

62,74 %

370.000

65,60 %

41,16 %

Vols de véhicules

771.000

3,3 %

695.000

90,14 %

639.000

91,94 %

82,88 %

Dégradations de véhicules

3.576.000

13,2 %

1.121.000

31,35 %

559.000

49,87 %

15,63 %

Menaces

4.167.000

6,1 %

683.000

16,39 %

63.000

9,22 %

1,51 %

Injures

2.886.000

4,3 %

236.000

8,18 %

25.000

10,59 %

0,87 %

(1) Le taux d'incidence est calculé par rapport aux ménages pour les atteintes aux biens (cambriolages, vols de véhicules, dégradations de véhicules) et par rapport aux individus de 15 ans et plus pour les atteintes aux personnes (menaces, injures).

Enfin, votre rapporteur souligne tout particulièrement l'inanité d'une politique de prévention qui viserait à dresser une sorte de « cordon sanitaire » autours des quartiers victimes de cette violence endémique. En effet, la diffusion de cette violence est un phénomène incontesté. Alors qu'ils demeuraient confinés dans les quartiers, victimes de leur déshérence, les délinquants parfois multirécidivistes, très souvent non punis, ont porté la violence sur des zones plus vastes.

Après les transports urbains, les groupes scolaires, les centres commerciaux, la violence gagne les artères de centre-ville, les stations de vacances, voire les espaces semi-ruraux, où la violence n'était jusqu'alors pas ou peu constatée.

L'organisation des services publics sociaux face à la violence : l'exemple de la Caisse nationale d'allocations familiales

Les Caisses d'Allocations Familiales doivent s'organiser face à la violence croissante à laquelle sont confrontés quotidiennement les agents et les usagers. La lettre circulaire du 26 octobre 2001, intitulé « Prévention et suivi des agressions des agents en contact avec le public » précise les mesures mises en oeuvre pour lutter contre la violence :

1. La mise en place d'une réflexion préalable au sein de l'organisme a pour objet d'éviter de réagir en situation de crise, de manière disproportionnée. A cette fin, la CNAF préconise une analyse locale des agressions dont ont pu être victimes les salariés, en particulier ceux isolés géographiquement, et ceux qui sont plus exposés, au titre de leurs missions. La CNAF rappelle à ce titre que toute agression doit faire systématiquement l'objet d'une plainte .

2. La mise en place de mesures de prévention :

p our les postes concernés par les risques d'agression (amélioration de l'accueil, présence continue de personnels dans les lieux d'accueil, organisation de ce dernier en plusieurs niveaux, régulation des flux du public, etc.) ;

pour la formation des salariés appelés à réagir en cas d'agression (amélioration de la formation dans le cadre du « livret d'accueil », apprentissage de la gestion des conflits et par la formation de l'encadrement gestionnaire de la maintenance et des achats, etc.) ;

pour l'adaptation des locaux en prenant en compte la localisation du centre, la taille des locaux, le confort des salles d'attentes, des possibilités « d'évacuation des personnels pour se soustraire rapidement aux agresseurs » , la modulation des couleurs et des lumières des locaux , le recours à la vidéo-surveillance, etc.) ;

3. La mise en place d'une procédure pour la prise en charge des victimes :

La CNAF préconise une action en trois temps :

Au moment de l'agression, la CNAF propose des mesures susceptibles d'entourer la victime (gestes, paroles, affections, « laisser la victime exprimer ses émotions » ).

Dans les jours qui suivent les CAF sont invitées à s'assurer du dépôt de plainte et à se constituer partie civile. Les caisses devront prendre en charge les frais de procédure.

Enfin, la CNAF énumère des mesures susceptibles de gérer le stress post traumatique.

Approuvant les mesures prises par la CNAF, votre rapporteur formule néanmoins deux observations. La mise en place de telles procédures s'avère in fine coûteuse ; l'organisation des locaux n'est plus fonction du confort des usagers mais de la prévention de la violence. Il est déplorable que certaines CAF doivent être « bunkerisées ».

La mise en oeuvre d'une telle procédure, à l'instar des maisons médicalisées, laisse à penser que les lieux de services publics sont à protéger par défaut, car l'Etat est incapable d'éliminer la violence en dehors de ces lieux.

Face à ce constat alarmant, votre rapporteur ne peut que constater la carence de l'action publique.

Lors du congrès de Villepinte 14( * ) , le Gouvernement avait proposé la mise en place de contrats locaux de sécurité (CLS) comme une réponse « tout terrain » opposée à la recrudescence de la délinquance. Or, après les diagnostics réalisés préalablement à la conclusion de ces contrats, peu de résultats tangents sont constatés, notamment au niveau du déploiement des moyens.

Le Gouvernement présente une doctrine paradoxale en matière de sécurité : il exige des collectivités locales un effort financier toujours accru mais exprime sa défiance à l'égard des dispositifs ponctuels, et notamment les services de police municipale que celles-ci souhaiteraient déployer pour assurer la sécurité dans les villes.

La répartition des adjoints de sécurité souligne par ailleurs l'impuissance publique face à la diffusion de la violence. Votre rapporteur déplore que les recrutements, d'ailleurs difficiles, ne soient pas à la hauteur des annonces et traduisent des carences de la formation des forces de l'ordre.

Après les tentatives de réorganisation territoriale (fermeture de commissariats, extension des zones de gendarmerie), votre rapporteur déplore que le Gouvernement traite de la violence comme d'un phénomène localisé aux villes aux difficultés alors qu'il s'est globalisé.

La violence exige la mobilisation de moyens croissants et non une simple redistribution entre zones.

Sans doute le présent rapport n'est-il pas le cadre d'une analyse détaillée des crédits relatifs à la police et à la justice mais votre rapporteur observe néanmoins que les efforts menés dans le cadre de la politique de la ville ne sauraient porter de fruits tant qu'une carence de grande ampleur demeure dans la lutte contre l'insécurité .

En revanche, votre commission des Affaires sociales ne saurait se désintéresser d'une question qui, après avoir fait des quartiers des zones de non-droit, les transforment en zones de non-soins.

B. ZONES DE NON-DROIT, ZONES DE NON-SOINS ?

1. Les professionnels de santé : une cible désignée

Depuis plusieurs mois, les représentants des professions de santé ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés rencontrées quotidiennement aussi bien par les médecins que par les auxiliaires médicaux amenés à exercer dans les quartiers.

Une première étude a été réalisée en 1995 dans l'Isère, à la demande du Conseil de l'Ordre des médecins de ce département.

Certes les résultats révélés par cette enquête sont parcellaires mais ils sont à bien des égards éclairants. Selon cette étude, 60 % des médecins agressés étaient des généralistes. Les incidents ont eu lieu à 62,5 % dans leur cabinet médical.

Même si ces formes ne sauraient être banalisées, les agressions verbales ont jusqu'ici largement prédominé. Elles représentent 48,4 % des cas contre 13,8 % pour les agressions physiques.

Motifs de l'agression

Pathologie psychiatrique

27,7 %

Toxicomanie

27,3 %

Non satisfaction d'une exigence

21,2 %

Autres

23,5 %

Source : Étude du Conseil de l'ordre de l'Isère

Cette étude est particulièrement inquiétante en ce qu'elle révèle que 8,2 % de la population médicale globale a été victime d'au moins une agression mais ces statistiques sont sous-estimées, en l'absence de déclaration systématique, sauf dans des cas particuliers, notamment, les cas de vols d'ordonnance et de produits médicaux.

La situation empirant, le Conseil national de l'ordre des médecins a mis en place un Observatoire national de la sécurité, afin de mesurer l'ampleur du phénomène et les conséquences pour la sécurité sanitaire de la population que ce phénomène engendre.

Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer la croissance de la violence. La première est générale ; il s'agit du contexte de violence des quartiers. Les services médicaux ne bénéficient pas d'un traitement particulier à ce titre. La seconde est propre aux professionnels ; il s'agit de l'extension de la toxicomanie. Les médecins sont en effet les seuls à disposer des moyens susceptibles de soulager un toxicomane en situation de dépendance douloureuse : formulaires d'ordonnance et médicaments.

Les difficultés sont encore accrues pour une partie des médecins, ceux exerçant de manière itinérante, en service d'appel d'urgence (SOS Médecins, etc.). Se rendant au domicile des patients, parfois de nuit, ces médecins que votre rapporteur a entendus déclarent qu'ils « allaient aux extrémités de ce qu'ils peuvent faire » mais que certains commençaient à refuser des déplacements jugés trop dangereux.

Gardes non assurées, quartiers où les services d'urgences ne peuvent plus se rendre sans risquer d'être agressés, les zones de non droit deviennent des zones de non soins.

2. Une première réponse timide des pouvoirs publics

La persistance de ces zones de non-droit devenant zones de non-soins est simplement inacceptable. Votre rapporteur rappelle à ce titre que les professions de santé sont contraints à un devoir d'assistance médicale par l'article L. 223-6 du code pénal. L'article 9 du code de déontologie professionnelle impose la sanction d'un médecin qui aurait refusé de se déplacer. Les pouvoirs publics ne peuvent en toute bonne foi exiger des professions de santé dans leur ensemble qu'elle remplissent leur devoir d'assistance sans pour autant mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour assurer leur protection.

Le rapport remis par l'Igas au ministre de l'emploi et de la solidarité le 6 novembre dernier corrobore l'analyse de votre rapporteur.

Afin d'apporter une première réponse, le Gouvernement a, en marge du Comité interministériel des villes du 1 er octobre dernier, annoncé la mise en oeuvre de trois mesures.

Le fonds de revitalisation économique , dont les crédits peinent à être utilisés, sera mis à contribution pour sécuriser les pharmacies et les cabinets : alarmes, rideaux de fer, sas de sécurité ou systèmes de vidéosurveillance. Ces crédits pourront être par ailleurs utilisés pour compenser les surcoûts lié aux dégradations et aux vols.

Certes, tel n'est pas l'objet initial de ce fonds mais son utilisation est par ailleurs si peu efficace que votre rapporteur se félicite que le dispositif trouve, un peu par hasard, une utilité.

Le ministère de la ville et la caisse nationale d'assurance maladie vont financer de manière conjointe des « maisons médicales » où les professionnels de santé pourront être rassemblés, afin de rompre l'isolement des médecins de quartier et inciter l'ensemble des professionnels de santé à se réimplanter.

Recrutés par le truchement de contrats emplois consolidés, ou par le biais du dispositif des adultes-relais, « des médiateurs santé » pourraient voir le jour afin d'accompagner les médecins dans les cités.

Là encore, si l'efficacité globale du dispositif des adultes-relais est incertaine, ils pourraient trouver dans ces médiateurs santé une utilité bienvenue.

Sans doute ces réponses ne sont que des pis-aller à une situation qui appellerait un effort de plus grande ampleur. Votre rapporteur ne peut que déplorer que, pour exercer, les professions de santé doivent se retrancher derrière de véritables « châteaux-forts ».

Sans doute ce dispositif mériterait-il d'être amélioré notamment concernant l'indemnisation des professionnels victimes d'une dégradation de leur véhicule durant une visite.

Sans doute la véritable réponse à cette question, comme à bien d'autres, réside dans la mise en oeuvre d'une politique globale et ambitieuse de sécurité que le Gouvernement ne se décide par ailleurs pas assumer.

*

* *

Votre commission a émis un avis de sagesse à l'adoption du projet de budget pour la ville pour 2002.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Art. 71
Disparition progressive des exonérations en zones franches urbaines

I - Le dispositif proposé

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative au pacte de relance pour la ville a prévu une liste de 44 zones franches bénéficiant de mesures d'exonération fiscale renforcées :

- une exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou déjà existants ou étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable plafonnée à 3 millions de francs ;

- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an pour les entreprises nouvelles ou existantes ;

- exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant cinq ans ;

- exonération de charges sociales sur douze mois des charges patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 SMIC.

Le Gouvernement propose, par le présent article, d'instaurer une sortie progressive de ce dispositif, sur trois ans, en complétant le V de l'article 12 de la loi du 14 novembre par 5 alinéas supplémentaires.

Pour l'ensemble des exonérations assurées, charges sociales, impôts sur les bénéfices, taxe professionnelle, les entreprises établies en zones franches bénéficieront d'une exonération dégressive de 60 %, 40 % et 20 % la dernière année, à l'issue des cinq années suivant l'embauche du salarié y ouvrant droit.

Ainsi le dispositif prendra fin au plus tard le 31 décembre 2009.

Le présent article propose néanmoins une faculté d'opter pour les exonérations de charges prévues dans le cadre du dispositif nouveau d'exonération pour les entreprises ayant réduit la durée du temps de travail de leurs salariés.

Cette exonération comprend une majoration annuelle de l'allègement de charges sociales de 1.400 francs par salariés, jusqu'à 1,8 fois le SMIC, sans limite de durée.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur a souligné, dans le cadre de l'exposé général, combien un mécanisme de sortie dégressive était nécessaire pour préserver les acquis des zones franches.

Néanmoins, le dispositif proposé par le Gouvernement appelle deux observations.

En premier lieu, il serait fortement souhaitable que ce dispositif fasse l'objet d'une application uniforme sur le territoire. A titre d'exemple, votre rapporteur rappelle, que sur le fondement d'une circulaire manifestement illégale, l'annexe 13 de la circulaire n° 97/2000, certaines URSSAF se livrent à une interprétation de la loi erronée, opposant à certaines entreprises que le dispositif n'aurait effet que jusqu'au 31 décembre 2001, et non pour une durée de cinq ans à dater de l'embauche. Il est primordial que l'Etat veille à une application uniforme du dispositif.

En second lieu, votre commission déplore le degré de progressivité retenu par le Gouvernement qui est encore « abrupt ». Sans doute des taux d'exonération légèrement plus élevés permettraient une sortie plus douce.

Cette dernière réserve motive l'avis de sagesse émis par votre commission des Affaires sociales sur l'adoption de cet article, sous réserve des amendements susceptibles d'être proposés par votre commission des Finances.

Art. 71 bis (nouveau)
Extension du mécanisme de sortie dégressive en zones franches urbaines aux commerçants et artisans

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit le présent article visant à compléter le dispositif de sortie dégressive exposé à l'article 71 pour ce qui concerne les artisans et les commerçants installés en zone franche urbaine.

Le présent article propose une sortie dégressive en trois ans dans les mêmes termes que pour les autres employeurs.

Enfin, conformément au nouveau régime d'aides applicable aux activités développées en zone de redynamisation urbaine, il prévoit un système d'exonération des cotisations sociales pour ces mêmes artisans et commerçants.

Sous réserve des observations formulées à l'article précédent, et sous réserve des amendements pouvant être proposés par votre commission des Finances, votre commission des Affaires sociales a émis un avis de sagesse quant à l'adoption de cet article.

Art. 72
Extension du dispositif des adultes-relais

I - Le dispositif proposé

L'article 72 propose d'inscrire, dans la loi, les orientations fixées par la circulaire du 4 juillet 2001 pour la mise en oeuvre des adultes-relais. En effet, cette circulaire, pour pallier le peu de succès de la mesure, invitait les préfet à inciter les collectivités territoriales et les établissements public à recourir à ces adultes-relais par le biais de contrats emplois consolidés.

Le présent projet de loi propose d'insérer un dixième chapitre au titre II du code du travail ouvrant le droit pour les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes morales de droit privé à but non lucratif ou chargées d'une mission de service public, de recruter des adultes-relais.

Les contrats adultes-relais sont de durée déterminée, ou de durée indéterminée. Conclus pour une durée de trois ans, les contrats adultes-relais à durée déterminée sont renouvelables une fois.

Les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public, hors EPIC, ne peuvent conclure que des contrats à durée déterminée.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article par sept amendements.


Sur proposition du Gouvernement, elle a adopté un amendement précisant que les adultes-relais seront recrutés sur le fondement de conventions passées entre l'Etat et les employeurs, afin de préciser les objectifs assignés à leurs activités.

Sur proposition de la commission des Finances, elle a ouvert aux titulaires de contrats emplois solidarités (CES) et de contrats emplois consolidés (CEC) l'accès à des postes d'adultes-relais sous réserve qu'ils ne puissent pas cumuler deux contrats aidés.

Toujours sur proposition de la commission des Finances, elle a élargi la condition de résidence exigée pour devenir adulte-relais à l'ensemble des territoires prioritaires des contrats de ville tels que définis à l'article 88 de la loi solidarité et renouvellement urbains.

Sur proposition du rapporteur spécial de la commission des Finances, l'Assemblée nationale a précisé le statut fiscal dont relèvent les aides versées par l'Etat, qui seront, à l'instar de celles versées pour les emplois-jeunes, exonérées de charges fiscales et parafiscales. Le Gouvernement a admis l'amendement tout en proposant un sous amendement prévoyant l'exclusion de cette exonération pour les employeurs assujettis à l'impôt sur les sociétés.

Sur proposition du Gouvernement, elle a adopté trois amendements précisant, d'une part, que l'aide reçue au titre d'un adulte-relais ne peut être l'objet d'un cumul avec d'autres aides de l'Etat à ce titre, d'autre part que les contrats à durée déterminée doivent être exemptés du versement de la prime de précarité et enfin que les contrats à durée déterminée, conclus pour une période de trois ans, pourront être interrompus à chaque échéance annuelle.

III - La position de votre commission

Complétant l'appréciation globale portée sur le dispositif figurant dans l'exposé général, et observant la convergence à présent très forte entre ce dispositif et le dispositif des emplois-jeunes, votre rapporteur rappelle que certaines associations sont assujetties à l'impôt sur les société en raison d'une fraction de leurs activités, qui sont lucratives. La réserve posée par le Gouvernement quant à l'exonération de charges fiscales des aides de l'Etat soulève donc une difficulté.

Sous le bénéfice de cette observation, et sous réserve des amendements susceptibles d'être proposés par votre commission des Finances, votre commission des Affaires sociales a émis un avis de sagesse sur cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 27 novembre 2001 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de Mme Nelly Olin sur le projet de loi de finances pour 2002 relatif aux crédits consacrés à la ville .

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général).

M. Nicolas About, président, a adressé ses félicitations à Mme Nelly Olin pour son premier rapport, très complet et très clair, sur la politique de la ville devant la commission.

M. Alain Gournac a partagé les inquiétudes du rapporteur pour avis quant au recul de l'Etat dans le financement de la politique de la ville. Il a salué la réussite des zones franches urbaines et regretté les difficultés rencontrées pour mettre en place les adultes-relais. Il a partagé l'avis de Mme Nelly Olin sur les carences statistiques en matière de sécurité, soulignant que beaucoup de victimes n'osaient pas porter plainte par crainte de représailles.

M. Guy Fischer s'est réjoui de la proposition de sagesse faite par le rapporteur pour avis, en soulignant l'expérience de terrain de cette dernière. Il a insisté sur les difficultés rencontrées par la mise en oeuvre de la politique de la ville en 2001-2002 déplorant notamment la faible consommation des crédits. Il a remercié le rapporteur pour avis d'avoir évoqué les difficultés auxquelles sont confrontés les médecins et a souhaité, de façon générale, que soient étudiées les propositions faites pour simplifier les procédures d'attribution des crédits.

Mme Gisèle Printz a remercié le rapporteur pour avis pour son rapport et a souligné la complexité des formalités.

M. Jean-Pierre Fourcade a observé que la violence n'était plus le seul lot des zones urbaines sensibles, mais s'était généralisée. Il a, à ce titre, déploré les difficultés d'organisation des forces de police. Il a enfin souligné la nécessité d'organiser l'évolution des emplois-jeunes utilisés dans le cadre de médiation et dont l'efficacité lui a semblé très satisfaisante.

En réponse aux intervenants, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a souligné les difficultés rencontrées par les sous-préfets à la ville dont le manque de moyens entrave l'action et a affirmé que les crédits annulés étaient consécutifs à une trop grande complexité des procédures et à l'incompatibilité de certains dispositifs.

Elle a enfin rappelé que la part communale dans certains projets, qui restait à 20 %, demeurait trop élevée.

M. Alain Vasselle s'est montré réservé sur l'évolution des crédits de la ville dès lors que leur efficacité était compensée par l'insuffisance des effectifs de police et de gendarmerie face à la montée de la délinquance. Il a en outre demandé au rapporteur pour avis le niveau des concours de l'Etat par rapport à ceux des collectivités locales dans le financement de la politique de la ville et si les dotations supplémentaires apportées par le 1 % logement avaient vocation à se substituer aux engagements de l'Etat.

M. Jean-Louis Lorrain a souligné que le projet de budget intervenait dans un contexte de hausse de la violence et qu'il symbolisait l'échec du Gouvernement en la matière.

En réponse à MM. Alain Vasselle et Jean-Louis Lorrain, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a déclaré que la politique de la ville ne se résumait pas aux aspects sécuritaires. Elle a dénoncé le manque de forces de police, mais a observé que les crédits de la politique de la ville étaient distincts de ceux du ministère de l'intérieur. Elle a annoncé qu'elle interviendrait lors du débat en séance publique sur les crédits relatifs à ce dernier. Elle a enfin souligné sa satisfaction de voir les acquis des zones franches préservés par une « sortie en sifflet ».

M. André Vantomme a salué l'objectivité du rapport et a déclaré que l'avis de sagesse proposé était en concordance avec la connaissance et l'expérience du rapporteur pour avis sur ce sujet. Il a souligné que la question de la délinquance ne saurait trouver une réponse dans une seule politique de répression et que l'avis de sagesse proposé par le rapporteur pour avis traduisait la difficulté du sujet et la complexité des solutions.

Il s'est ainsi interrogé sur les raisons qui conduisaient certains enfants de familles sans difficultés apparentes à glisser dans la délinquance.

M. Dominique Leclerc s'est déclaré sceptique sur le contenu du budget présenté. Il a affirmé que les résultats de la politique de la ville étaient mitigés, car l'insécurité quotidienne traduit les difficultés d'une police dont les moyens sont comptés. Il a enfin dénoncé l'angélisme avec lequel ces questions étaient souvent abordées.

M. Paul Blanc s'est félicité du rôle reconnu à l'insertion par le développement économique, atout véritable dans la lutte contre la délinquance. Il a néanmoins déploré que le budget ville traite des symptômes, et non des causes, des difficultés rencontrées dans les cités. Il a par ailleurs jugé nécessaire la mise en exergue de la responsabilité individuelle et le rôle des familles.

M. Jean Chérioux s'est associé aux nombreuses félicitations adressées au rapporteur pour avis et a salué sa compétence et son expérience. Il s'est interrogé, au regard des problèmes de sécurité, sur l'efficacité des moyens engagés dans la mise en oeuvre de la politique de la ville. Il a rappelé que la police n'avait pas pour seule fonction de réprimer les délits, mais surtout d'assurer la sécurité de chacun. Il a en conséquence déploré l'impasse faite sur le sort réservé aux victimes.

M. Jean-René Lecerf a partagé la conclusion et l'avis du rapporteur, mais a formulé trois observations. Il a en premier lieu déclaré que la crainte des représailles suite à des actes de délinquance minorait fortement le nombre de dépôts de plaintes conférant ainsi une véritable impunité aux auteurs de ces délits. Il a en deuxième lieu déploré le zonage trop restrictif de la politique de la ville. Il a enfin souligné le rôle tenu par la police municipale dont la formation relevait parfois de la gageure et a déploré l'intervention d'un décret désarmant les forces de l'ordre municipales.

M. Louis Souvet a dénoncé l'impunité des délinquants et s'est interrogé, dans ce contexte, sur l'avis de sagesse proposé par le rapporteur pour avis.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a observé que l'insécurité ruinerait tous les efforts faits pour le développement des quartiers si celle-ci n'était pas jugulée ; elle a confirmé qu'elle évoquerait cette question dans son intervention en séance publique, se faisant l'écho du débat très riche qui venait de se dérouler au sein de la commission.

La commission a alors, sur proposition du rapporteur pour avis, émis un avis de sagesse sur l'adoption des crédits de la ville pour 2002.


1 Alain Joyandet, rapport n° 65, Tome III ville p. 6, Sénat 1999.

2 Philippe Bourguignon, Assemblée nationale, rapport n° 3320, annexe 24, p. 35.

3 Effort global de la politique de la ville : dépenses de tous les ministères en faveur de la ville, dotations de solidarité et dépenses fiscales.

4 L'arrêté d'annulation du 14 novembre dernier supprime 500.000 euros d'AP.

5 Sénat, 2000-2001, rapport n° 96, Tome III, p. 25.

6 Les villes de Bron (Lyon), Hénin et Carvin (Lens Liévin), Canteleu et Saint-Etienne-de-Rouvray (Rouen), Clichy (Gennevilliers Villeneuve-la-Garenne), Pierrefitte (Saint-Denis), Gonesse (Sarcelles Garges), Le Lamentin (Fort-de-France).

7 Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, rapport remis au Président de la République le 22 octobre 2001, p. 9-10.

8 Cette contribution prend la forme d'un amendement déposé par le Gouvernement à l'article 12 du projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale et majore à due concurrence le montant des recettes non fiscales de l'Etat.

9 Inspection générale des affaires sociales, rapport du 18 décembre 1998, Rapport d'enquête sur le dispositif des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaines.

10 Inspection générale des finances et Inspection générale de l'administration, rapport du 15 décembre 1998, Rapport d'enquête sur le dispositif des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaines.

11 Rapport au Parlement présenté au nom du Gouvernement par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

12 Rapport précité, p.37.

13 Rapport précité, page 37.

14 Colloque « Des villes sûres pour des citoyens libres » à Villepinte, 25 octobre 1997.


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