TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le jeudi 25 octobre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M . Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants sur le projet de loi de finances pour 2002 (crédits consacrés aux anciens combattants).

M. Nicolas About, président
, a salué la présence de M. Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d'études des sénateurs anciens combattants, dont les membres sont traditionnellement conviés à l'audition, par la commission, du secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Indiquant que le projet de budget des anciens combattants s'élevait à 3,6 milliards d'euros pour 2002 et constituait toujours le onzième budget de l'Etat, M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a précisé que le périmètre du budget allait évoluer en 2002 du fait de l'intégration de la valorisation des rentes mutualistes. Il a néanmoins observé qu'à structure constante, les crédits diminuaient de 1,9 %, cette baisse étant principalement liée à la diminution du nombre d'ayants droit pensionnés et aux nombreuses sorties du fonds de solidarité. Il a toutefois signalé que la diminution des crédits était plus lente que celle du nombre de pensionnés.

Il a ensuite insisté sur les mesures nouvelles proposées indiquant qu'elles se montaient à 20 millions d'euros.

Il a ainsi souligné que le Gouvernement présentait des mesures fortes en faveur du droit à réparation.

A ce titre, il a indiqué que le budget prévoyait la fin du rattrapage de la valeur du point des plus grands invalides. Il a également considéré que la hausse de la majoration des pensions des veuves des grands invalides permettrait d'apporter une réponse à un vrai problème social, tout en estimant qu'il serait sans doute nécessaire d'aller au-delà à l'avenir, en instituant un programme de revalorisation annuelle. Il a enfin précisé que le projet de loi de finances permettrait de verser la retraite du combattant à partir de 60 ans pour les titulaires d'une pension militaire d'invalidité. A cet égard, il a indiqué qu'il était impossible de généraliser le versement de cette retraite à 60 ans dans le cadre de ce budget et qu'il n'avait pas souhaité moduler l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite en fonction des revenus pour ne pas transformer la retraite du combattant en une prestation sociale.

S'agissant du droit à réparation en général, il a estimé qu'il serait à l'avenir nécessaire de fixer dans la loi le contenu exact de ce concept, parfois trop flou, afin d'éviter toute remise en cause éventuelle et de garantir son respect dans la durée.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants , a également considéré que le projet de budget n'oubliait pas la reconnaissance et la solidarité. Il a ainsi précisé que le plafond majorable de la rente mutualiste serait augmenté pour atteindre 115 points d'indice, soulignant par ailleurs l'ampleur de l'effort consenti depuis 1998, date à laquelle le plafond n'atteignit que l'indice 95. Il a aussi souligné la consolidation budgétaire des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), ces crédits relevant précédemment pour partie de la réserve parlementaire. Il a à cet égard insisté sur leur importance dans le cadre d'une politique de proximité et de solidarité qui fait toute la force de l'ONAC.

Il a enfin observé que la politique de la mémoire bénéficierait d'une majoration substantielle des crédits de l'ordre de 20 %. Il a précisé que cette majoration permettrait notamment d'accorder une aide exceptionnelle en capital aux fondations de la mémoire de la résistance et de la déportation et une augmentation significative des crédits d'action pédagogique et de valorisation des lieux de mémoire.

Il a considéré que cette politique ne pouvait en aucun cas se résumer à une simple repentance mais devait viser en priorité à entretenir le souvenir des conflits passés, à faire des anciens combattants les artisans de la paix, à promouvoir les valeurs de la citoyenneté combattante et à conforter l'esprit de défense dans notre pays.

Il a par ailleurs indiqué qu'il souhaitait revoir les conditions d'application du rapport constant, rappelant que celles-ci étaient critiquées depuis de nombreuses années notamment pour leur opacité. Il a ainsi exprimé son souhait de choisir une nouvelle base de calcul et un nouvel indice d'évolution. Il a estimé qu'il proposerait de retenir l'indice général des salaires dans la fonction publique calculé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), considérant qu'il présentait le double avantage de suivre au plus près l'évolution économique de la nation et d'être calculé mensuellement, ce qui permettrait alors d'éviter la procédure trop complexe du rattrapage annuel.

M. Jacques Floch a enfin souligné les avancées intervenues depuis cinq ans en faveur des anciens combattants. Il a ainsi considéré que le Gouvernement avait permis de régler la plupart des problèmes en suspens souvent depuis de longues années et précisé que, sur la période, l'effort budgétaire par pensionné avait augmenté de 12,6 %.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a pour sa part regretté qu'en dépit de plusieurs mesures positives intervenues pendant la législature, de nombreuses questions n'aient pu être résolues. Il a alors estimé qu'une meilleure utilisation des marges de manoeuvre budgétaires induites par la diminution des crédits liée aux évolutions démographiques aurait permis de régler la plupart des difficultés qui demeurent.

Il s'est alors interrogé sur les intentions du Gouvernement en faveur des veuves de guerre et des veuves d'anciens combattants, constatant que le budget ne prévoyait de mesures nouvelles qu'en faveur des veuves des plus grands invalides.

S'agissant des veuves d'anciens combattants , M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants , a indiqué qu'il ne souhaitait pas autoriser la réversion de la retraite du combattant. Rappelant qu'une telle mesure était actuellement la seule revendication exprimée par les veuves d'anciens combattants, il a considéré qu'elle aurait pour conséquence de transformer la retraite du combattant en une prestation sociale et de l'exclure alors du champ du droit à réparation. Il a jugé que, dès lors, la mobilisation des crédits sociaux de l'ONAC apparaissait comme la seule solution pour améliorer la situation des veuves en tenant compte de la réalité des situations individuelles.

S'agissant des veuves de guerre, il a indiqué qu'il souhaitait étudier en détail les niveaux de revenus de celles-ci avant d'arrêter une quelconque mesure. Il a souligné que les pensions des veuves de guerre représentaient déjà un tiers des pensions versées et que leur montant variait de 23.000 à 73.000 francs par an, montant constituant souvent un complément de revenu conséquent.

Il a néanmoins reconnu que leur situation restait parfois fragile et qu'il serait nécessaire d'étudier à l'avenir de nouvelles mesures en leur faveur. Il a ainsi estimé qu'il faudrait sans doute revaloriser les pensions de réversion plus rapidement que le coût de la vie et majorer progressivement le nombre de points dans le cadre d'un programme pluriannuel.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis des crédits consacrés aux anciens combattants, a souligné les conséquences dommageables de l'arrêté du 25 juillet 2001 qui entraîne une importante diminution de l'indemnité d'hébergement des pensionnés invalides de guerre effectuant une cure thermale. Il s'est alors interrogé sur les conditions d'élaboration de cette décision et sur une éventuelle remise en cause de cette mesure à l'occasion de la discussion budgétaire.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a rappelé que le conseil d'Etat, suite à une action en justice engagée par un ancien combattant à titre individuel, avait jugé que le dispositif de prise en charge des frais d'hébergement était dépourvu de base légale et, en conséquence, que les anciens combattants devaient se voir appliquer le tarif de droit commun de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'il avait alors engagé des négociations avec le ministère du budget afin d'assurer un meilleur remboursement et que l'arrêté du 25 juillet dernier était la conséquence des arbitrages interministériels. Il a toutefois précisé qu'il espérait pouvoir dégager des crédits supplémentaires au cours de la discussion budgétaire afin de porter ce remboursement forfaitaire aux alentours de 3.500 ou 4.000 francs contre les 3.000 francs prévus actuellement par l'arrêté.

Plus généralement, il a estimé que la prise en charge des cures thermales devait faire partie intégrante du droit à réparation mais que, dans le cas présent, il avait été juridiquement impossible de la rattacher à celui-ci. Il a alors considéré que cet exemple soulignait avec force la nécessité de mieux définir dans notre législation le contenu du droit à réparation.

M. Marcel Lesbros s'est ensuite interrogé sur une éventuelle revalorisation progressive du montant de la retraite du combattant.

M. Jacques Floch a observé que le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant avait très fortement augmenté ces dernières années parallèlement à l'assouplissement des conditions d'attributions de la carte du combattant et que cela s'était traduit par une forte augmentation des crédits budgétaires ces dernières années.

Il a néanmoins estimé que le montant actuel de la retraite restait faible et qu'il serait nécessaire de trouver à l'avenir des modalités plus performantes de revalorisation. Il a considéré qu'il serait sans doute possible de revaloriser la retraite du combattant dès que le nombre de bénéficiaires sera stabilisé, c'est-à-dire en 2002 ou 2003.

S'agissant de l'attribution des titres, il a rappelé que le Gouvernement avait fait un effort considérable depuis quatre ans et qu'il serait sans doute difficile d'aller plus loin pour la troisième génération du feu. Il a toutefois estimé qu'il fallait porter une attention particulière à la situation des 30.000 anciens combattants ayant passé moins de quatre mois en Algérie.

M. Marcel Lesbros s'est ensuite interrogé sur les perspectives d'évolution en matière de décristallisation.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a jugé que la France s'honorerait en levant cette injustice. Il a reconnu que la mise en place de la commission prévue par la loi de finances pour 2001 avait été très tardive mais qu'elle devait rendre prochainement ses propositions. Il a estimé qu'il serait sans doute nécessaire de revaloriser les pensions et retraites versées dans le cadre d'un rapprochement des pouvoirs d'achat. A cet égard, il a jugé que l'indice de parité des pouvoirs d'achat établi par l'Organisation des nations unies pourrait servir de référence. Il a néanmoins précisé que le nombre d'anciens combattants concernés restait relativement limité : 30.000 pensionnés et 60.000 titulaires de la carte du combattant.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis des crédits consacrés aux anciens combattants, s'est interrogé sur la faiblesse des concours budgétaires de l'Etat à l'entretien des sépultures des morts pour la France dans les carrés communaux, remarquant que l'Etat n'accorde depuis 1980 que 8 francs par tombe et par an pour un coût annuel d'entretien de 38 francs.

M. Marcel-Pierre Cléach s'est, pour sa part, interrogé sur les conditions d'entretien des tombes des morts pour la France situées à l'étranger et sur le financement budgétaire y afférant.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants , a reconnu que la contribution budgétaire de l'Etat par tombe était effectivement faible. Il a toutefois précisé que 3,5 millions d'euros de crédits seraient disponibles en 2002 pour l'entretien des tombes et que le chapitre 31-90 du budget de la défense comportait des crédits nécessaires au recrutement du personnel d'entretien des cimetières militaires français à l'étranger. Il a également indiqué qu'il allait étudier l'opportunité de la mise en place d'un service chargé de contrôler l'entretien des nécropoles, voire d'équipes régionales directement chargées de l'entretien.

M. Marcel-Pierre Cléach a demandé au ministre de communiquer le nombre de personnes ayant bénéficié de la mesure instituée à l'article 109 de la loi de finances pour 2001 qui autorise les anciens combattants d'outre-mer à toucher la retraite du combattant à taux cristallisé et d'indiquer si cette mesure était applicable en Indochine.

M. Jacques Floch, après avoir confirmé que la mesure était applicable en Indochine, a précisé qu'environ 600 personnes en avaient jusqu'à présent bénéficié.

M. Marcel-Pierre Cléach a souhaité savoir si les anciens combattants d'Algérie et d'Indochine ayant séjourné sur les théâtres d'opérations peu après la signature des cessez le feu et bénéficiant à ce titre du titre de reconnaissance de la nation pouvaient accéder au fonds de solidarité.

M. Jacques Floch a indiqué que les conditions d'accès de ces personnes au fonds de solidarité pouvaient varier selon les départements mais que les textes actuels régissant le fonds de solidarité ne leur permettaient théoriquement pas d'en bénéficier. Il a alors souhaité un règlement rapide de ces difficultés considérant qu'elles ne concernent que quelques centaines de personnes pour des sommes minimes.

M. Marcel-Pierre Cléach s'est inquiété d'un risque éventuel de fiscalisation de la rente mutualiste du combattant indiquant que certains services fiscaux l'avaient intégrée pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a indiqué que des instructions avaient été notifiées aux services fiscaux afin de rappeler l'absence de fiscalisation de la rente mutualiste mais qu'il importait de rester vigilant pour l'avenir.

M. Marcel-Pierre Cléach , rappelant que le ministre avait cosigné une proposition de loi tendant à faire du 19 mars une journée de recueillement et de mémoire en souvenir des victimes de la guerre d'Algérie mais que cette question divisait profondément le monde combattant, s'est interrogé sur sa position actuelle sur ce sujet.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants , a estimé que le temps était venu de discuter le plus sereinement possible d'une date pour honorer les victimes de la guerre d'Algérie. Il a indiqué qu'il allait proposer au Premier ministre d'inscrire, d'ici à la fin de la session parlementaire, ladite proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il a toutefois considéré qu'une telle proposition nécessitait un très large consensus au sein de la représentation nationale et ne devait pas diviser le monde combattant. Pour ces raisons, il a précisé que le texte ne serait soumis au Sénat que s'il était adopté par une très large majorité des députés.

M. Gilbert Chabroux , après avoir observé que le projet de budget permettait de poursuivre et d'approfondir les nombreuses avancées réalisées depuis 1998 et avoir souhaité que la commission y donne un avis favorable, a désiré que l'inauguration du monument en faveur des victimes de la guerre d'Algérie soit l'occasion d'engager enfin un débat serein autour de ce conflit. Il s'est également interrogé sur l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.

M. Jean-Louis Lorrain s'est, à son tour, interrogé sur l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a indiqué que le mémorial de la guerre d'Algérie devrait être inauguré au courant du dernier trimestre 2002 tout comme le monument du Mont Valérien. Il a précisé que les travaux allaient débuter très prochainement, l'appel d'offre devant être lancé dans les jours à venir.

S'agissant des incorporés de force, il a exprimé le souhait que la fondation « Entente franco-allemande » procède à l'indemnisation, observant qu'elle disposait des moyens financiers nécessaires. Il a ajouté que l'Etat était prêt à apporter une aide administrative à la fondation pour l'instruction des dossiers et pour le versement des indemnités.

M. Nicolas About, président, a souhaité attirer l'attention du ministre sur la situation des veuves divorcées non remariées des grands invalides de guerre. Il a ainsi observé que celles-ci ne pouvaient bénéficier de la réversion de la pension militaire d'invalidité de leur mari à son décès si celui-ci s'est entre-temps remarié. Il a estimé que la législation actuelle laissait alors ces conjoints survivants dans des situations matérielles souvent très précaires. Il a alors indiqué qu'il venait de déposer une proposition de loi afin d'autoriser le partage de la pension de réversion entre les différents conjoints survivants au prorata temporis de la durée de chaque mariage mais seulement à partir de la date d'origine de l'invalidité.

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants , a jugé cette proposition intéressante car elle permettait de corriger une injustice tout en prenant en compte la spécificité des pensions d'invalidité. Il a ainsi jugé souhaitable de mieux prendre en considération les conséquences du divorce dans le code des pensions militaires d'invalidité. Il s'est toutefois interrogé sur les conditions d'intégration de cette disposition dans un texte et de son examen par le Parlement.

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