D. 2001-2002 : UNE PÉRIODE DIFFICILE POUR LA PRESSE

Après deux années d'euphorie, la presse écrite française, comme la plupart de ses homologues européennes, traverse une période difficile. Elle doit en effet affronter simultanément le retournement brutal du marché publicitaire et la diminution progressive du nombre d'exemplaires vendus.

a) 2001 : l'année du retournement
(1) Un chiffre d'affaires en baisse de 1%

Après deux années de forte croissance (+ 7,1 % en 1999 et + 4,5 % en 2000), le chiffre d'affaires des éditeurs de presse a reculé de 1 % en 2001 pour s'établir à 10,62 milliards d'euros.

• Les recettes publicitaires ont reculé de 4,5 %

La chute du chiffre d'affaires des éditeurs est essentiellement liée à la baisse des recettes publicitaires.

Après avoir largement bénéficié, en 1999 comme en 2000, de son exceptionnel dynamisme (respectivement + 10,8 % en 1999 et + 9 % en 2000), la presse française fait donc les frais du brusque retournement du marché publicitaire.

Cette morosité n'épargne aucune des deux composantes du chiffre d'affaires publicitaire :

- les recettes tirées de la publicité commerciale ont ainsi baissé de 3,8 % en 2001. Ni le lancement d'importantes campagnes de communication financière (1999), ni la mise en oeuvre des plans de communication des entreprises de la net-économie (2000) ne sont cette année venus dynamiser un marché désespérément morose. Au contraire, l'éclatement de la bulle spéculative et, par la suite, les incertitudes liées au contexte international, ont, pour un temps, découragé les annonceurs.

- les petites annonces n'ont pas été épargnées. L'interruption de la baisse du chômage notamment, a fortement réduit leur nombre. Leur chiffre d'affaires pour 2001 chute de 7 %.

Alors qu'en 2000 la publicité n'avait jamais autant participé au financement de la presse depuis le début de la décennie 90 (45,5 % du chiffre d'affaires, taux proche du niveau record de 1990, 47,5 %), sa contribution régresse de manière significative en 2001. Elle atteint désormais 43,6 % du chiffre d'affaires de la presse (contre 56,4 % pour les ventes).

• Les recettes de ventes ont progressé de 1,9 %

Dans ces conditions, c'est la bonne tenue des ventes, dont les recettes ont progressé de 1,9 % qui a permis de contenir la chute du chiffre d'affaires de la presse.

Cette augmentation ne résulte pas pour autant de la progression des recettes des ventes au numéro, qui régressent pour la deuxième année consécutive (- 0,2 %). C'est en effet une nouvelle fois le dynamisme des abonnements, dont les recettes bondissent de 5,9 %, qui tire le total des recettes vers le haut.

CHIFFRE D'AFFAIRES DE L'ENSEMBLE DE LA PRESSE

Toutes catégories de presse réunies

(en milliards d'euros)

1999

99/98

2000

00/99

2001

00/01

Chiffre d'affaires Presse

10,36

7,1 %

10,73

3,5 %

10,62

- 1,0 %

Ventes au numéro

3,81

4,4 %

3,79

- 0,5 %

3,78

- 0,2 %

Ventes par abonnement

2,04

4,5 %

2,08

2,2 %

2,21

5,9 %

Total Ventes

5,85

4,4 %

5,87

0,4 %

5,99

1,9 %

Publicité commerciale

3,55

9,4 %

3,79

6,6 %

3,64

-3,8 %

Petites annonces

0,96

16,3 %

1,06

11,2 %

0, 99

- 7,0 %

Total publicité

4,51

10,8 %

4,85

7,6 %

4,63

- 4,5 %

Cette situation d'ensemble doit être toutefois précisée par les tableaux catégoriels suivants.

PRESSE NATIONALE D'INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE

(en milliards d'euros)

1999

99/98

2000

00/99

2001

00/01

Chiffre d'affaires Presse

1,74

8,2 %

1,87

7,1 %

1,74

- 7,0 %

Ventes au numéro

0,57

- 0,6 %

0,56

-2,8 %

0,58

4,1 %

Ventes par abonnement

0,32

2,3 %

0,33

3,2 %

0,34

3,3 %

Total Ventes

0,89

0,4 %

0,89

-0,6 %

0,92

3,8 %

Publicité commerciale

0

16,5 %

0,76

19,0 %

0,64

- 15,1 %

Petites annonces

0,22

21,6 %

0,22

3,5 %

0,17

- 22,2 %

Total publicité

0,85

17,8 %

0,98

15,1 %

0,82

- 16,7 %

PRESSE LOCALE D'INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE

(en milliards d'euros)

1999

99/98

2000

00/99

2001

00/01

Chiffre d'affaires Presse

2,87

8,3 %

2,96

3,1 %

2,98

0,7 %

Ventes au numéro

1,18

4,6 %

1,17

-0,2 %

1,19

1,6 %

Ventes par abonnement

0,47

2,1 %

0,48

3,9 %

0,51

5,1 %

Total Ventes

1,64

3,9 %

1,66

0,9 %

1,70

2,6 %

Publicité commerciale

0,85

13,5 %

0,85

-0,4 %

0,83

- 1,8 %

Petites annonces

0,38

18,2 %

0,45

20,3 %

0,45

- 1,8 %

Total publicité

1,23

14,9 %

1,30

5,9 %

1,28

- 1,8 %

(2) Une diffusion en baisse de 0,28 %

Après deux années de progression, la diffusion payée en France de la presse grand public (quotidienne, hebdomadaire et magazine) connaît un léger fléchissement. Au total 4 603 749 189 exemplaires de presse ont été vendus en 2001, soit une baisse de 0,28 % (18 941 exemplaires) par rapport à l'année précédente.

Les grandes tendances de l'année 2001 par catégorie de presse peuvent être résumées de la façon suivante :

- La presse quotidienne nationale d'information politique et générale , dont la diffusion recule de 1,02 % sur l'ensemble de l'année, connaît des situations fortement contrastées. La plupart des quotidiens généralistes ont su, en effet, tirer profit de l'actualité. Les attentats du 11 septembre 2001 et les opérations militaires en Afghanistan ont ainsi dopé les ventes du Monde (+ 3,03 %), du Figaro (+ 1,16 %), de Libération (+ 1,53 %), d' Aujourd'hui en France (+ 10,86 %) et de La Croix (+ 1,49 %). En revanche, L'Humanité et France Soir restent en mauvaise posture et peinent à enrayer la chute de leurs ventes.

- Si l'actualité à servi la diffusion de la plupart des quotidiens généralistes, elle a, en revanche, pénalisé celle des quotidiens économiques . En effet, la crise des marchés boursiers n'est pas étrangère à la contre-performance de La Tribune et des Echos qui connaissent tous deux, une fois n'est pas coutume, une légère baisse de leur diffusion en 2001.

- La diffusion de la presse quotidienne régionale et départementale , après deux années difficiles, progresse légèrement en dépit de la baisse de celle de titres comme les Dernières Nouvelles d'Alsace (- 0,36 %) ou La Voix du Nord (- 0,23 %). Ouest-France, dont la diffusion a progressé de 0,79 %, (773 478 exemplaires payés en 2001), confirme, en revanche son statut de premier quotidien du pays et de 11 ème d'Europe.

- La presse magazine enfin, connaît un tassement de sa diffusion (0,28 %). C'est certainement la famille de presse qui connaît, en son sein, les disparités les plus importantes. En effet, alors que la diffusion des newsmagazines a fortement progressé à l'image des ventes de Courrier International (+ 21,09 %), du Point (+ 8,74 %) et du Nouvel Observateur (+8,32 %), celle des magazines économiques, en revanche, a beaucoup souffert.

ÉVOLUTION SUR 3 ANS DE LA DIFFUSION FRANCE PAYÉE
(en  % )

1998/1999

1999/2000

2000/2001

Presse grand public

0,39

0,32

- 0,28

Presse quotidienne

- 0,33

- 0,67

- 0,17

Presse quotidienne nationale

0,44

0,12

- 1,02

Presse quotidienne régionale
et départementale

- 0,58

- 0,94

0,12

Presse magazine

1,42

- 0,10

- 0,23

Source diffusion contrôle

LES PLUS FORTES DIFFUSIONS OJD 2001 DE LA PRESSE QUOTIDIENNE

Diffusion totale
Payée par n°

Dont France
Payée par n°

Ouest France

773 549

773 478

Le Monde

405 982

358 977

L'Equipe édition générale

370 661

359 598

Le Figaro

366 528

352 956

Le Parisien

361 663

361 663

Source diffusion contrôle

LES PLUS FORTES DIFFUSIONS OJD 2001 DE LA PRESSE MAGAZINE

Diffusion France payée par n°

Télé 7 Jours

2 326 471

Télé Z

2 254 922

Télé Loisirs

2 006 207

Télé Star

1 683 915

Femme actuelle

1 443 117

Source diffusion contrôle

b) 2002 : des perspectives inquiétantes

La presse s'apprête à vivre une deuxième année difficile. En effet, d'après les premiers éléments disponibles, ni les ventes ni le marché publicitaire ne se redresseront cette année.

(1) Une diffusion décevante

• Le faible impact des élections sur les ventes

Alors que les années électorales sont traditionnellement propices pour la diffusion de la presse, l'année 2002 pourrait bien contredire cette règle. En effet, contrairement aux occasions précédentes, les dernières élections, en dépit de leur nombre et de leur importance, n'ont pas fait décoller les ventes des quotidiens.

Certes, quelques records ont été battus au lendemain du premier tour de la présidentielle. Ouest France a ainsi réalisé un record historique de ventes avec une diffusion totale de 1 000 073 exemplaires pour un tirage de 1 111 075 exemplaires. A titre de comparaison, la diffusion moyenne du titre en 2001 était de 796 376 exemplaires. De même, le numéro de Libération daté du 22 avril s'est écoulé à quelques 700 000 exemplaires (dont plus de 610 000 en kiosque), soit quatre fois la diffusion payée moyenne. La « une » (barrée d'un  « NON ») de ce numéro restera par ailleurs certainement gravée dans les mémoires.

Mais si les présidentielles ont permis à la presse quotidienne de réaliser quelques « coups », ce ne fut pas le cas des élections législatives. Loin d'avoir dopé les ventes des principaux quotidiens, ces élections se sont avérées extrêmement décevantes en terme de ventes. Selon les chiffres Diffusion-Contrôle, des titres comme Les Dernières Nouvelles d'Alsace ou Sud-Ouest ont même vu leurs taux d'invendus progresser durant cette période.

• Une diffusion en baisse

En résumé, la tendance pour les premiers mois de 2002 est mauvaise.

La presse quotidienne régionale subit ainsi un décrochage brutal de ses ventes au premier semestre (- 2,24% par rapport au premier semestre de l'an dernier).

La presse magazine n'est pas épargnée par la crise. La vente au numéro, pour le premier trimestre 2002, affiche ainsi un recul de 7 % des volumes NMPP distribués et une baisse de 4 % des volumes MLP.

(2) Un marché publicitaire toujours déprimé

Le principal motif d'inquiétude réside pourtant dans l'état du marché publicitaire. En effet, alors que les investissements publicitaires dans les autres médias donnent des signes de reprise, la presse ne semble pas profiter de cette embellie.

Les chiffres publiés par le syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) confirment cette analyse. En effet, pour la période janvier-août 2002, le chiffre d'affaires publicitaire consolidé de la PQR recule de 1,5 % par rapport à la même période de 2001 et ce, malgré le sursaut de la publicité commerciale (- 1 % pour les recettes de la publicité commerciale locale mais + 13,6 % pour celles de la publicité commerciale extra-locale). C'est en fait la baisse de 6,5 % des recettes tirées des annonces classées qui est en grande partie responsable de cette situation.

Si la PQR voit les investissements publicitaires augmenter (+ 29 % sur la période janvier-juin selon les chiffres SECODIP), il n'en va pas de même pour les autres catégories de presse. Selon les chiffres SECODIP, entre janvier et mai 2002 les quotidiens nationaux connaissent une chute de 16 % de leur pagination publicitaire.

De même, la mauvaise santé du marché du travail continue à peser sur le nombre d'annonces d'offres d'emplois publiées. L'indice Manpower d'avril 2002, calculé à partir des annonces d'offres d'emploi à durée indéterminée parues dans six hebdomadaires et dans 24 quotidiens (nationaux et régionaux), chute ainsi de 33 % par rapport à avril 2001. Sur la même période, l'indice « cadres » recule quant à lui de 40 %.

(3) La mise en place d'une succession de plans d'économies

Dans ces conditions, les éditeurs sont obligés de réagir. Touchés par la baisse des recettes publicitaires et le ralentissement des ventes, nombreux sont ceux qui ont dû se résoudre à mettre en place des plans d'économies.

La situation de l'Humanité et de France Soir , dont la disparition porterait un rude coup au pluralisme de la presse française, demeure particulièrement préoccupante. La santé financière du quotidien créé par Jaurès, grâce à la mise en place d'un plan social drastique, à l'octroi d'un prêt porté par la Banque de développement des PME mais aussi grâce à la générosité de ses lecteurs (réunis au sein de l'Association des Lecteurs de l'Humanité ), de la Société des amis de l'Humanité et de la Société Humanité Investissement Pluralisme, semble consolidée. L'avenir de France Soir , devenu par ailleurs éligible au Fonds de soutien pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires, reste, lui, plus incertain. Bien qu'il ait baissé son prix de vente de 25 % fin janvier 2002 et mis en place un plan de restructuration, le quotidien peine toujours à retrouver les faveurs du public.

Dans une moindre mesure, certains autres quotidiens nationaux ont mis en oeuvre des plans d'économies. Tel est le cas du Figaro , qui dès l'été 2001 a engagé un plan de départs volontaires pour les salariés situés dans une tranche d'âge de 57 à 62 ans. Libération s'est engagé dans la même direction : depuis 2001, deux plans d'économies d'un montant global de 95 millions de francs ont été engagés.

La PQR n'échappe pas à la règle. En octobre 2002, La Dépêche du Midi et Sud Ouest ont annoncé quasi simultanément la mise en place de plans de redressement.

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