IV. LE CONTEXTE INTERNATIONAL : LE DOSSIER DE LA RÉFORME DE LA PAC

L'actualité agricole internationale a été particulièrement riche pendant l'année qui vient de s'écouler : adoption par les Etats-Unis d'une nouvelle loi agricole (dont le contenu vous est présenté en annexe 1), poursuite laborieuse des négociations agricoles dans le cadre de l'OMC , bouclage des pourparlers dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays.

Votre rapporteur pour avis choisit ici de présenter l'état du dossier de la réforme de la PAC, dans la mesure où il est à la croisée de toutes ces questions.

A. UN RENDEZ-VOUS À MI-PARCOURS FIXÉ PAR LES ACCORDS DE BERLIN

Les accords de Berlin du 26 mars 1999 sur l'Agenda 2000 ont entériné une réforme de la PAC, en même temps qu'ils définissaient le cadrage budgétaire de cette politique pour la période 2000-2006.

Ils prévoyaient, toutefois, un rendez-vous à mi-parcours de cette période ( mid-term review ), destiné à faire le point sur les décisions prises en 1999 et, le cas échéant, à procéder aux adaptations nécessaires .

Cinq marchés sont, a priori, concernés par des clauses de rendez-vous , insérées dans les différents règlements sectoriels :

- l'organisation commune de marché relative aux grandes cultures, pour laquelle il doit être décidé si une réduction supplémentaire du prix d'intervention des céréales est nécessaire ;

- le secteur des oléagineux , qui doit faire l'objet d'un rapport, éventuellement assorti de propositions tendant à empêcher la dégradation du potentiel de production ;

- le secteur laitier , dont la poursuite de l'OCM au delà de 2006 doit être réexaminée.

En outre, des mesures peuvent être prises, en cas de besoin, dans le secteur de la viande bovine , afin de remédier à d'éventuelles perturbations de marché.

Enfin, est prévue la présentation par la Commission européenne d'un rapport sur l'évolution des dépenses agricoles , assortie le cas échéant de propositions, afin de garantir une stabilisation à 40,5 milliards d'euros.

B. LA PROPOSITION DE RÉFORME PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE EN JUILLET 2002

Mettant à profit la clause de rendez-vous à mi-parcours, la Commission européenne a présenté, le 10 juillet dernier, un projet de révision de la PAC, articulé autour des propositions suivantes :

- le découplage des aides directes aux productions

Cette proposition vise à substituer à l'ensemble des paiements directs aux agriculteurs une aide au revenu unique, non liée au volume de production et qui serait définie en référence aux « paiements historiques », c'est-à-dire aux aides perçues antérieurement. L'attribution de cette aide ne serait conditionnée à aucune obligation de produire, de sorte que les choix de production des exploitations seraient orientés selon les seuls signaux du marché.

La Commission propose que cette aide soit instaurée pour l'ensemble des productions, -y compris pour le lait, en compensation d'une baisse des prix. Toutefois, des aides spécifiques pourraient être maintenues pour garantir un niveau minimal de production pour des produits tels que le riz, les fruits à coque ou les protéagineux.

Elle justifie cette disposition par un souci de simplification et par la volonté de ne plus inciter à l'accroissement de la production, mettant, en outre, en avant sa plus grande compatibilité par rapport aux règles de l'OMC.

- la conditionnalité des aides directes

L'attribution des aides directes serait désormais subordonnée au respect de règles environnementales, de sécurité sanitaire et de bien-être animal, un audit devant permettre de faire le point sur la situation, au regard de ces règles, de chaque exploitation percevant plus de 5.000 euros d'aides.

- le développement du deuxième pilier de la PAC

Dans cette optique, la Commission européenne propose de transférer au développement rural des fonds prélevés sur le premier pilier, grâce à une systématisation de la modulation . Il s'agirait de réduire progressivement les paiements directs, jusqu'au taux maximal de 20%. En outre, le montant des aides directes perçues après l'application de la modulation serait plafonné à 300.000 euros.

Les crédits supplémentaires du deuxième pilier pourraient servir à relever les taux du cofinancement européen des mesures de développement rural, à élargir le champ d'application des mesures existantes ou encore à instaurer de nouvelles mesures, telles que des aides à la qualité ou au respect des normes, par exemple en matière de bien-être animal.

- des mesures sectorielles

En ce qui concerne les secteurs pour lesquels il existe une clause de révision, la Commission propose une réduction supplémentaire de 5 % du prix d'intervention des céréales . S'agissant du secteur laitier, elle définit, dans un rapport séparé, quatre scénarios d'évolution possibles.

Elle va cependant plus loin que ne le prévoyaient les accords de Berlin, en proposant de supprimer l'intervention pour le seigle et d'en réduire le prix de moitié pour le riz. Elle suggère également de diminuer l'aide supplémentaire pour le blé dur et de supprimer l'aide aux fourrages séchés .

Enfin, elle propose que le dispositif de gel rotationnel des cultures soit remplacé par une jachère obligatoire fixe de 10 ans sur 10% des terres arables, sur lesquelles la production de biocarburants serait encouragée (instauration d'une aide aux cultures énergétiques).

Ce projet de réforme outrepasse largement le cadre de la révision à mi-parcours défini en 1999 par les Etats membres . Outre qu'il met en cause le fonctionnement d'organisations communes de marché pour lesquelles aucune réforme n'était prévue, il tend à engager , notamment par les propositions relatives au découplage et au transfert de crédits entre le premier et le deuxième pilier, une véritable remise à plat de la PAC .

Une telle réforme a, il faut le noter, la faveur d'Etats membres tels que les Pays-Bas, la Suède, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui souhaitent une réduction globale des dépenses agricoles , dans la perspective de l'élargissement, prévu pour 2004, aux pays d'Europe centrale et orientale.

Il est vrai que l'interférence de ce rendez-vous avec le dossier de l'élargissement de l'Union a favorisé un raidissement des positions , l'Allemagne refusant, par exemple, le principe de l'attribution des aides directes aux agriculteurs des nouveaux pays sans réduction, en contrepartie, des crédits de la PAC.

Votre rapporteur pour avis, qui est également rapporteur de la mission d'information sur la réforme de la PAC mise en place au printemps 2002 par la Commission des affaires économiques, considère que la réforme proposée en juillet par la Commission européenne est prématurée .

Ce projet bouleverserait, trois ans seulement après la réforme de 1999, le cadre juridique et budgétaire de nombreux marchés agricoles, alors que, faut-il le rappeler, les agriculteurs, comme les autres acteurs économiques, ont besoin d'un minimum de stabilité et de visibilité.

Votre rapporteur pour avis constate également que des sujets d'importance, comme les réformes à apporter au secteur viticole ou la politique à engager dans le domaine des oléo-protéagineux, sont passés sous silence.

Il s'étonne, en outre, que la Commission puisse demander aux Etats membres de se prononcer sur une proposition qui n'est assortie d'aucune étude d'impact , comme si une réforme de cette ampleur pouvait être conduite à l'aveugle.

Enfin, votre rapporteur pour avis trouve hasardeux que l'Union européenne réforme sa politique agricole alors même que les négociations conduites dans le cadre de l'OMC n'ont pas encore abouti , car cela l'expose au risque de devoir procéder, par la suite, à de nouvelles concessions.

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