2. Les Alliances françaises

L'Alliance française est une association qui a été créée à Paris en 1883, puis reconnue d'utilité publique, et qui s'est donné pour mission de développer l'enseignement du français et la diffusion de notre culture dans le monde.

Suivant son exemple, des associations se sont constituées au long du siècle dernier, sur tous les continents. D'initiative locale, elles doivent obtenir l'approbation de leurs statuts par l'Alliance française de Paris (AFP), dépositaire du nom. Le principe est simple : autonome et de droit local, chaque Alliance est gérée par des responsables bénévoles . La plupart des grandes associations assurent elles-mêmes, grâce aux recettes des cours de français, la majeure partie du financement nécessaire à leurs activités. C'est ainsi que le réseau des Alliances du Mexique, qui accueille 36 000 élèves de français, ne reçoit qu'un cinquième de son budget global du gouvernement français.

ALLIANCES FRANCAISES DU MEXIQUE

Les Alliances françaises du Mexique, sous la présidence de M. Agustin Legorreta, ont repris leur progression en 1999 et sont devenues la première fédération du monde. Le réseau mexicain compte 29 alliances (91% des effectifs d'élèves) et 21 centres associés (dix créations en trois ans), qui enseignent tous la langue française. Le ministère des Affaires étrangères met 16 agents expatriés et 2 volontaires internationaux à la disposition du réseau.

Les cours de langue connaissent une forte progression : l'effectif d'élèves a augmenté de 40% et atteint en 2002 près de 35 000 personnes. Le nombre d'heures de cours a augmenté de 54 % pour la même période. Pour garantir la qualité des cours, des  formations ( initiale et continue)  à l'intention des 400 enseignants sont organisées dans les centres. 3 grands stages nationaux annuels rassemblent jusqu'à 180 participants, et des enseignants de 20 alliances ont reçu une formation en français des affaires en juillet 2002.

Les alliances remplissent aussi une fonction de diffusion et d'échanges culturels : expositions d'artistes, résidence d'artistes mexicains en France, 106 concerts et spectacles vivants de groupes et compagnies françaises et mexicaines en 2002.  Ces actions contribuent à la promotion d'une image dynamique et actuelle de la France et placent les alliances au rang de partenaires privilégiés de la vie culturelle dans leurs régions respectives.

L'alliance de Mexico est la plus importante, suivie de celle de Monterrey. Toutes les alliances et les centres associés s'autofinancent. De ce fait, la subvention annuelle du ministère des affaires étrangères est consacrée, pour l'essentiel, à des projets de développement sous la forme de contrats sur objectif passés avec le service culturel de l'ambassade.

De tels résultats ne peuvent être atteints que grâce à l'implication de très nombreux mexicains, qui assument bénévolement des responsabilités dans les conseils d'administration, organisent les levées de fonds et gèrent le patrimoine immobilier. Les 400 enseignants et le personnel administratif sont très majoritairement mexicains, et la plupart des français sont recrutés locaux. La langue et la culture françaises vivent et se diffusent au Mexique grâce à des mexicains francophiles qui partagent notre idéal de diversité culturelle et auxquels la France doit beaucoup.

L'organisation compte aujourd'hui des Alliances françaises réparties dans 129 pays. Les plus importantes (263) ont passé des conventions de partenariat avec le ministère des Affaires étrangères , et peuvent être considérées comme des centres culturels et linguistiques, offrant des cours, des ressources documentaires, des spectacles, des expositions et une vie associative autour des valeurs qu'incarne notre pays. Le ministre des affaires étrangères s'efforce de soutenir tout particulièrement les établissements situés dans les zones géographiques où les centres culturels sont peu nombreux (Amérique du Nord et du Sud, Asie et Océanie).

Les subventions accordées, respectivement, aux Alliances et aux Centres culturels depuis 1998 sont récapitulées dans le tableau suivant :


ANNÉES

MONTANTS
(en millions de francs)

ALLIANCES FRANÇAISES

CENTRES ET INSTITUTS

1998

52,30 MF

328,3 MF

1999

68,00 MF

388,50 MF

2000

11.647.104 €
(76,40 MF)

65.461.608 €
(429,40 MF)

2001

11.447.396 €
(75,09 MF)

67.748.343 €
(444,40 MF)

2002

11.838.759 €

68.103.223 €

Le déséquilibre entre les subventions accordées aux Alliances et celles attribuées aux établissements culturels s'explique par deux raisons principales :

* Les établissements, étant des services extérieurs de l'Etat, reçoivent -pour les 2/3 du total- des subventions de fonctionnement du titre III.

* Les Alliances sont des organismes de droit privé local se finançant sur fonds propres qui reçoivent uniquement des subventions d'interventions du titre IV pour des actions ponctuelles (en application de « conventions de partenariat » qu'elles passent avec le Poste diplomatique. De ce fait, seules les très grandes Alliances offrent une palette d'activités équivalente à celles des centres culturels.

Il faut souligner que les alliances françaises s'autofinancent en moyenne à hauteur de 75 %, et que les 25 % de crédits à la charge du ministère des affaires étrangères représentent les salaires des 270 agents détachés qui assurent l'encadrement . L'imputation budgétaire de ces crédits évolue dans le projet de budget pour 2003, et passe du titre III au titre IV, ce qui provoque des craintes parmi les responsables de l'Alliance française de Paris. Ces craintes sont suscitées par la fragilisation ainsi induite face aux attachés culturels, car ces crédits du titre IV relèvent de la programmation des postes diplomatiques. Ces postes pourraient être tentés de substituer aux personnels de direction détachés des recrutés locaux -pour disposer des crédits découlant des différences de rémunération-, ce qui aboutirait à un sous-encadrement des grandes alliances.

Pour s'assurer du caractère «  non fongible » de ces crédits, relevant désormais du titre IV, il pourrait être envisagé qu'ils soient mis à la disposition de l'Alliance française de Paris pour qu'elle rémunère ainsi ses agents expatriés dans les mêmes conditions juridiques que l' AEFE le fait pour les siens.

La grande qualité de ce réseau tient à sa forte réactivité à l'évolution interne des pays où il est implanté.

Ainsi, l'alliance française de Bombay vit au rythme de cette mégapole.

ALLIANCE FRANCAISE DE BOMBAY

Le président de cette alliance, Nadir Godrej, est l'un des grands noms de l'industrie indienne, c'est grâce à de nombreux financements locaux, (ACCOR, MOS Legrand, TOTAL FINA, BNP Paribas, Godrej et Franco-Indian Pharmaceuticals...), que l'Alliance assure à Bombay une forte présence culturelle française.

En 2001, elle a accueilli environ 2 700 étudiants différents dans ses 3 centres d'enseignement, et enregistre d'ores et déjà une augmentation de 25% pour 2002. Pour répondre à la demande, un quatrième centre a été ouvert dans une banlieue éloignée de cette ville immense, et les cours en entreprise et dans les universités se multiplient (80% d'inscriptions de plus qu'en 2001). L'Alliance française met également en place un stage accéléré de formation de professeurs dans son centre régional de formation pour enseignants de français langue étrangère, l'un des trois en Inde.

L'Alliance de Bombay est également un véritable centre culturel, qui annonce chaque mois dans Impressions , son magazine culturel, de nombreuses activités gratuites et ouvertes à tous. Elle présente des conférences liées à l'actualité des idées, comme à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, pour lequel elle a publié un texte d'Anne-Marie Butzbach « Victor Hugo, aventurier de l'infini », ou portant sur des thèmes sensibles de la culture indienne; c'est ainsi qu'Olivier Assouly, auteur des « Nourritures Divines », va y donner une conférence sur les interdits alimentaires.

Elle organise d'importantes tournées artistiques, comme celle du spectacle « Charmes », de Karine Saporta, programmé en février 2003 dans la plupart des grandes villes indiennes où l'Alliance est présente. Cette tournée sera le prélude d'une nouvelle création de la chorégraphe, réunissant des danseurs français et indiens.

Un autre exemple de réactivité nous est donné par l'Alliance française de Washington. Dans une ville où la majorité de la population est noire, il fallait aller dans les quartiers noirs défavorisés pour faire connaître notre langue à ceux que leurs conditions de vie empêchent de venir spontanément vers elle.

Elle a ainsi lancé le projet suivant :

PROGRAMME ÉDUCATIF « ANNE BUJON » À WASHINGTON

L'Alliance française de Washington a commencé en janvier 2002 à envoyer à titre gracieux l'un de ses professeurs dans une école publique élémentaire située dans un quartier défavorisé de Washington. Plusieurs aspects de la culture et de la société françaises ont été couverts, notamment grâce à des activités ludiques, des chansons, un échange avec une école de la région parisienne, des ateliers avec le théâtre francophone de Washington, et une visite de l'Alliance. Les enfants ont ainsi pu découvrir un monde qui leur était totalement inconnu, et prendre conscience du vaste éventail de ressources qui pouvaient leur être offertes grâce à l'apprentissage d'une langue étrangère.

Le succès de cette initiative est tel que l'Alliance a décidé de le développer, avec le soutien du département de l'éducation de la ville de Washington ( District of Columbia Public Schools - DCPS), auprès d'autres écoles publiques élémentaires situées dans des quartiers défavorisés.

Si la première mission de l'Alliance française est de promouvoir la langue et la culture française et francophone, une autre mission que se donne l'Alliance de Washington (qui est autofinancée à 100 %) est de partager son expérience et ses succès avec les communautés locales qui en ont le plus besoin. Elle espère aussi servir d'exemple auprès d'autres organisations culturelles internationales locales, ainsi qu'à d'autres Alliances situées sur le territoire américain.

Quelles que soient les vertus du modèle, l'Alliance française et nombre des associations qui la constituent connaissent des difficultés .

Le label a probablement été trop largement donné dans le passé. Des centaines  d' «  alliances » fonctionnent en réalité comme des clubs, des cercles d'amitié, sans donner de cours de langue, sans faire d'animation culturelle. En Grande-Bretagne, le problème a été bien résolu : aux côtés des alliances telles que celles de Londres, Oxford, Manchester, vivent des cercles d'amitié franco-britannique affiliés à l'Alliance française. Ils bénéficient de son soutien, et lui apportent le leur sans pour autant contribuer à dissoudre son identité dans un mode de fonctionnement qui ne correspond pas vraiment aux statuts de l'Alliance.

Les statuts juridiques des Alliances affiliées ne semblent pas être toujours soumis à un examen suffisamment approfondi à Paris . Leur conformité avec l'esprit des statuts de l'Alliance française ( il n'est pas question de demander une conformité à la lettre) devrait être plus affirmée. Il serait très opportun qu'une charte des Alliances destinée à préciser leur mode d'organisation, leurs relations avec les postes diplomatiques, les responsabilités qui doivent être confiées aux directeurs détachés mis à leur disposition soit présentée au colloque annuel des Alliances au mois de janvier 2003.

Votre rapporteur appelle à une vigilance accrue sur ces questions de statuts. De nombreux textes trop imprécis, ni conformes à la législation du pays d'implantation ni à la loi française de 1901. Ils ne disent rien des conditions de convocation de l'assemblée générale, du quorum, des procurations, des attributions respectives du président et du directeur détaché, du niveau à partir duquel des engagements financiers doivent être soumis à l'approbation du conseil d'administration, et ouvrent la voie à toutes les dérives, conflits d'intérêts et abus de pouvoir divers. Il faudrait aussi envisager des questions telles que la limitation du nombre des mandats successifs, la représentation et l'information du personnel...

Votre rapporteur estime donc qu'il serait judicieux de renforcer le siège à Paris afin de le mettre en mesure de mieux accompagner la création et le développement des alliances, de mieux sélectionner, en partenariat avec le ministère, ses agents expatriés et de leur donner, en formation initiale et continue, les compétences indispensables en matière de gestion, de pédagogie, d'encadrement. Pourquoi ne pas explorer les voies d'un fonctionnement plus autonome de l'Alliance française ? Au moment où on envisage à nouveau de donner l'autonomie financière à chaque centre culturel, pourquoi ne pas permettre à l'Alliance de gérer l'ensemble des crédits qui lui sont affectés dans le cadre d'un contrat d'objectif avec le ministère des affaires étrangères ?

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