II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le jeudi 24 octobre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About , président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Nelly Olin sur le projet de loi de finances pour 2003 (crédits consacrés à la ville ) .

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a rappelé d'emblée que la Cour des comptes avait, en février dernier, dressé un bilan décevant des résultats et des modes d'action de la politique de la ville et avait mis en cause son efficacité et a souligné que ce rapport confirmait qu'un changement en profondeur était indispensable, d'autant que s'amplifiaient les problèmes auxquels étaient confrontées aujourd'hui les villes en difficulté.

Elle a estimé que le projet de budget pour 2003, premier de la nouvelle législature, se devait de comporter des orientations fortes annonçant le déploiement d'une nouvelle politique.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a convenu qu'il présentait toutefois le caractère d'un budget de transition, puisque l'exercice 2003 s'inscrivait nécessairement dans la perspective de la prochaine loi de programmation et d'orientation, annoncée par le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, qui donnera à la politique de la ville, en l'associant à celle du logement social, les moyens de son ambition.

Elle a rappelé que cette grande loi d'orientation et de programmation ferait l'objet d'une communication le 30 octobre en Conseil des ministres, qu'elle prévoyait la destruction de 200.000 logements insalubres, remplacés par de nouvelles constructions ; 1,5 milliard d'euros supplémentaires sur cinq ans seraient débloqués par l'Etat, permettant, par effet de levier, la mobilisation de 30 milliards d'euros auprès de tous les financeurs habituels de la ville et du logement social réunis au sein d'un guichet unique.

Abordant le projet de budget, elle a indiqué que les crédits de la ville pour 2003 s'élevaient à 371 millions d'euros, soit une légère progression de 0,6 % par rapport à 2002, exercice qui avait marqué la fin d'une période de forte croissance de ces crédits.

Elle a précisé que, au sein de cette enveloppe, les évolutions apparaissaient contrastées : les dépenses d'intervention, traditionnellement les plus importantes, affichaient une baisse de 11,9 % du fait de la nette diminution de la section fonctionnement du fonds de revitalisation économique ; à l'inverse, les subventions d'investissement augmentaient de 54,1 % en raison d'un effort important en faveur des grands projets de ville et du renouvellement urbain.

Elle a indiqué que les crédits consacrés aux actions en faveur de la ville provenaient essentiellement de trois sources : l'Etat, les collectivités locales et les autres partenaires, parmi lesquels figuraient notamment la Caisse des dépôts et consignations et, par le biais de certains fonds, l'Union européenne.

Elle a observé que, si la participation de l'Union européenne, à hauteur de 221 millions d'euros chaque année, n'évoluait guère, celle des collectivités locales restait importante (plus d'un milliard d'euros), tandis que la Caisse des dépôts et consignations augmentait la sienne de 14,2 % et a regretté que, dans ce contexte, l'effort de l'Etat en faveur de la ville, tous ministères confondus, diminue de 3 % en 2003.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a affirmé que le projet de budget lui semblait néanmoins bon, car il se voulait efficace.

Elle a insisté, à cet égard, sur le fort rattrapage des crédits de paiement, en progression de 54 %, qui prouvait que le Gouvernement se donnait les moyens d'agir concrètement. Dans un contexte budgétaire contraint, les dispositifs mis en place pourraient ainsi tous fonctionner de manière satisfaisante.

Elle s'est ensuite félicitée qu'au vu de leur succès sur le terrain, les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain connaissent une importante augmentation de leurs crédits. Elle a mis l'accent sur le doublement de leur dotation en investissement et le triplement de celle allouée au fonctionnement. Elle s'est déclarée particulièrement satisfaite de cette dernière évolution particulièrement bienvenue pour les communes en difficulté, qui avaient bien souvent du mal à assumer les frais de fonctionnement de ce dispositif.

Enfin, le projet de budget lui est apparu efficace par la réforme qu'il comporte du fonds de revitalisation économique. Peu utilisé car trop complexe, le fonds de revitalisation économique voyait, en effet, sa section investissement intégrée au fonds d'intervention pour la ville dans un souci de simplification, et sa section de fonctionnement dotée d'un budget plus raisonnable de 20 millions d'euros.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a convenu qu'il restait naturellement des points moins satisfaisants qui devraient être améliorés à l'avenir.

Elle a indiqué qu'il était en effet fondamental de développer plus avant la présence de l'Etat dans les quartiers, afin d'améliorer véritablement la vie quotidienne de leurs habitants.

Elle a également regretté que les opérations « ville-vie-vacances », qui avaient pourtant pour objet de prévenir la délinquance, n'aient pas vu leurs crédits augmenter.

Elle a, en outre, fait valoir qu'une simplification des procédures et des dispositifs de la politique de la ville s'avérait de plus en plus indispensable aux communes et aux associations, afin de leur permettre de mener leurs actions dans de bonnes conditions administratives et financières.

Elle a indiqué, par ailleurs, que, compte tenu des reproches justifiés de la Cour des comptes, il paraissait indispensable de développer un dispositif performant d'évaluation des actions menées, au niveau tant national que local.

Elle a enfin estimé qu'il restait à améliorer le système de la dotation de solidarité urbaine pour l'orienter en faveur des villes les plus en difficulté, en renforçant ses effets péréquateurs et en modifiant son mode de calcul. Elle a proposé que celui-ci prenne en compte, non seulement les logements en difficulté faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat, mais également les logements relevant du 1 % patronal situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles.

Elle a reconnu toutefois que cette vaste question n'avait pas vocation à être résolue immédiatement dans le cadre d'un premier budget.

Au-delà de l'analyse des crédits, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a souhaité insister sur la nécessité de reconduire le dispositif de zones franches urbaines pour permettre une réelle relance économique des zones concernées.

Elle a constaté que les dispositifs alternatifs de développement économique des quartiers, les zones de redynamisation urbaine et le fonds de revitalisation économique s'étaient révélés peu efficaces, tandis que le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) et l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) avaient montré leurs insuffisances, au regard de l'importance et de l'urgence des besoins.

Elle a souligné qu'à l'inverse, les zones franches urbaines, instituées par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, avaient montré toute leur utilité et leur efficacité.

Elle a précisé que le dernier rapport, remis au Parlement en juillet 2001, confirmait une augmentation du nombre de salariés en zone franche urbaine, faisait apparaître que plus du quart des salariés ouvrant droit à exonération résidait dans ces zones et montrait que 75 % des établissements s'étaient installés après la mise en oeuvre du dispositif.

Aussi Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, s'est-elle prononcée en faveur d'une relance des zones franches.

Elle a indiqué que, pour être efficace et crédible, en particulier vis-à-vis de la Commission européenne dont le gouvernement devra prendre l'attache, cette relance devait obéir à certaines conditions et ne pas concerner de nouvelles zones. Une relance pour une durée de cinq ans, identique à celle du premier dispositif, semblait raisonnable. Ces cinq années supplémentaires laisseraient aux zones concernées le temps de consolider leurs acquis, en termes d'emplois et de créations d'entreprises, et permettraient à ces quartiers de se développer durablement sans les enfermer dans un système économique dérogatoire du droit commun.

Elle a considéré que, pour être respectueux des engagements européens, ce nouveau dispositif devrait conserver une échelle locale d'aide aux petites structures de moins de 50 employés, dans la limite de 100.000 euros par entreprise sur trois ans, et s'appliquer à des zones qui ne se superposent pas à celle de la prime d'aménagement du territoire.

Elle a également observé que cette relance des zones franches devait coïncider avec une précision des contours de la loi.

Elle a regretté, à cet égard, que les réticences et les divergences d'interprétation de la loi de 1996 par certaines unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) aient été un frein à la bonne marche des zones franches urbaines.

Elle a ajouté que les raisons évoquées avaient été notamment le manque de précision des conditions d'exonération de charges sociales au regard du territoire d'embauche.

Il lui a semblé indispensable d'assouplir la règle de la localisation des emplois dans la zone franche urbaine, notamment pour les entreprises qui travaillaient dans les secteurs du transport, du bâtiment, ou encore du nettoyage. Si ces entreprises cherchaient un tant soit peu à se développer, elles ne pouvaient, en effet, cantonner leur activité à l'intérieur du strict périmètre de la zone franche.

Elle a proposé que les entreprises bénéficiaires des exonérations soient encadrées par un contrat de bonne conduite avec la zone franche dans laquelle elles se sont installées, afin d'éviter les phénomènes regrettables de « boîtes aux lettres » ou de départ de la société quand les aides arrivent à leur terme.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a mis l'accent sur l'efficacité des zones franches qui faisait ressortir a contrario l'inefficacité des autres dispositifs de relance économique de la politique de la ville.

Elle a indiqué qu'il était urgent de démultiplier l'effort considérable des pouvoirs publics en favorisant l'initiative privée. Elle a souhaité que l'effet de levier de la politique de la ville soit amplifié pour faire face aux enjeux essentiels que constituaient l'activité économique et l'emploi dans les quartiers en difficulté.

Elle a déploré l'existence de freins et d'obstacles de toute nature, notamment réglementaire, mais aussi idéologique. Elle a déclaré qu'il convenait de s'y attaquer avec détermination pour que l'initiative privée accompagne plus fortement celle des acteurs publics et le prolonge durablement.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a enfin souhaité attirer l'attention des commissaires sur la question des métiers de ville, système complexe et lacunaire, dont elle a estimé que, s'il répondait à de vrais besoins, il n'en devait pas moins être réformé en profondeur.

Elle a estimé que les métiers de la ville, rouage indispensable au bon fonctionnement de la politique de la ville, apparaissaient souvent comme une nébuleuse aux fonctions mal définies.

Elle a constaté que l'appellation « métiers de ville » regroupait, en effet, une réalité mouvante, intégrant tant les chefs de projets que les équipes opérationnelles, les fonctionnaires de l'Etat qui oeuvraient dans ces métiers, ou encore les métiers de la médiation ou de l'animation.

Elle a indiqué que, sans nier l'utilité de certaines missions proposées dans le cadre de la politique de la ville, il apparaissait que la multiplicité des statuts, le manque de formation de certains des personnels concernés et l'insuffisante précision des missions nuisaient à la qualité des services et pouvaient laisser la place à toutes les dérives possibles.

Elle a déploré, en outre, que, en n'accompagnant pas son programme « nouveaux services emplois-jeunes » d'un volet formation obligatoire et en faisant des adultes-relais un dispositif sans garantie d'insertion, le précédent gouvernement ait enfermé les métiers de la ville dans une fiction d'emplois protégés, sans les rendre solvables par le secteur marchand.

Elle a estimé que, sans qu'elle ne devienne un droit, la voie de l'intégration dans la fonction publique voit ses règles clarifiées par l'organisation d'une préparation à certains concours pour les emplois-jeunes travaillant dans le domaine de la ville, par exemple.

Elle a enfin affirmé qu'il fallait aujourd'hui redonner une place au secteur et aux emplois privés dans la politique de la ville. Elle a indiqué qu'il fallait également revaloriser les métiers déjà existants qui oeuvraient dans les quartiers, comme ceux de l'éducation nationale ou de la police, par exemple.

En conclusion, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a constaté que les réformes à engager étaient multiples et a considéré que, si le présent budget de transition ne répondait pas à toutes les attentes, la priorité qu'il donnait à l'efficacité était le gage d'une ambition nouvelle pour les villes en difficulté.

Aussi a-t-elle proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la ville.

M. Gilbert Chabroux a estimé que Mme Nelly Olin avait du mérite à défendre un budget auquel le ministre lui-même ne semblait pas croire, au vu des propos que, selon un hebdomadaire satirique, il aurait tenus lors des assises des travailleurs sociaux le 19 octobre à Marseille.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, a rappelé qu'elle s'était prononcée pour un avis de sagesse en 2002, alors que le budget contenait de nombreux points négatifs.

Elle a estimé qu'en matière de politique de la ville, il ne devrait pas y avoir de rivalités politiques, mais beaucoup d'humilité devant l'ampleur des problèmes à résoudre.

Mme Gisèle Printz a évoqué le problème des femmes battues et du manque de perspectives d'avenir pour les chefs de mission de la politique de la ville. Elle a également déploré la suppression des contrats emplois-solidarité dans les associations et les quartiers.

M. Guy Fischer a regretté que les moyens de l'action de l'Etat en faveur de la ville soient globalement en baisse de 3 %.

Il a mis l'accent sur l'augmentation des problèmes de ségrégation, en particulier au niveau scolaire et a déploré la remise en cause des emplois-jeunes qui apportaient une aide dans les quartiers, en particulier en tant que médiateurs.

Il s'est également inquiété des lacunes de la politique du logement social et de l'absence, au sein du gouvernement, d'un portefeuille consacré spécifiquement au logement

Il a évoqué les phénomènes de paupérisation et de communautarisation des commerces dans les grands quartiers populaires, et ce malgré les zones franches urbaines dont il a estimé le bilan contrasté.

M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué qu'il fallait rester attentif au respect des engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, et vérifier que l'utilisation faite du 1 % soit réellement sociale.

Il s'est étonné des propos du rapporteur sur les zones franches urbaines et a souhaité que celles-ci ne voient pas leur périmètre figé si le dispositif était relancé. Il a souhaité qu'un état des lieux soit fait avant une telle relance.

M. André Lardeux a rappelé qu'il s'agissait d'un budget de transition et qu'il n'était pas nécessaire de dépenser plus, mais qu'il s'agissait de dépenser mieux.

Il a constaté que d'autres partenaires intervenaient dans la politique de la ville, à l'instar des collectivités locales, et a souhaité que la politique de la ville soit pilotée au niveau des communautés de villes. Il a déploré que beaucoup de règlements soient trop rigides pour permettre une utilisation de tous les crédits.

Mme Valérie Létard a affirmé que la mixité sociale passait par la rénovation urbaine. Elle a souhaité que, dans le cadre du programme de démolitions-reconstructions, ne soit pas oubliée la question des loyers de sortie après les réhabilitations, afin que ceux-ci ne soient pas supérieurs au plafond des aides à la personne.

Elle a estimé que les métiers de la ville devaient faire l'objet d'un vaste chantier. Elle a regretté que leur financement soit précaire et que soient souvent mis en première ligne des professionnels débutants ou des emplois associatifs à faible niveau de qualification, face à des populations difficiles à prendre en charge. Elle a proposé que ces postes soient réservés à des personnels compétents et que soit mis en place un système de tutorat pour les plus jeunes.

Elle a affirmé la nécessité de contrats pluriannuels entre l'Etat et les associations pour qu'un financement de l'Etat soit garanti en échange d'un engagement de la part des associations sur leurs actions et la formation de leurs personnels.

Mme Sylvie Desmarescaux a affirmé qu'il était nécessaire de mettre en place une politique de la ville efficace et simplifiée et s'est félicitée, à cet égard, de la mise en place d'un guichet unique de financement.

M. André Vantomme a fait valoir que voter contre le présent projet de budget serait rendre service au ministre, car une augmentation de 0,6 % des crédits n'était pas à la hauteur des ambitions annoncées.

M. Jean Chérioux a mentionné le problème des locaux commerciaux au pied des immeubles qui restent sans preneur du fait d'une politique absurde des loyers menée par les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte (SEM).

Mme Gisèle Printz a souhaité que soit développée l'accession sociale à la propriété pour changer l'aspect des quartiers.

Après avoir entendu les réponses de Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003.

Au cours de sa réunion du 24 octobre 2002, la commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003.

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