B. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES

Dès 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait constaté qu'un grand nombre de détenus souffraient de troubles psychiatriques sérieux. Les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la justice devraient permettre d'améliorer la prise en charge de ces personnes.

1. Une situation inquiétante

Plusieurs études ont montré que de plus en plus de personnes détenues présentaient des troubles mentaux. Ainsi, une enquête sur la santé des entrants en prison, conduite en 1997, révélait que 8,8 % d'entre eux avaient fait l'objet d'un traitement ou d'une hospitalisation en psychiatrie dans l'année précédant l'incarcération.

Une étude récente 3( * ) sur les arrivants en prison examinés par les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) montre que 55 % d'entre eux présentent des troubles de la santé mentale . Parmi les principaux symptômes rencontrés figurent l'anxiété, mais aussi les addictions ou les troubles psychosomatiques.



Dans 48 % des cas, les médecins considèrent importants les troubles addictifs (sur une échelle : modéré, moyen, important). C'est également le cas de 15 % des troubles anxieux et de 25 % des troubles de conduite.

La forte proportion de troubles psychiatriques repérés à l'entrée dans les établissements est confirmée par des antécédents fréquents de prise en charge de ces détenus pour des problèmes de santé mentale. Au total, un entrant sur cinq a déjà été suivi par le secteur de psychiatrie. Cette proportion atteint 33 % pour les détenus dont un trouble est repéré à l'entrée. L'augmentation du nombre de détenus atteints de troubles psychiatriques s'est traduite par une multiplication par dix en moins de dix ans des hospitalisations d'office de personnes détenues . Elles ne concernaient que 100 personnes en 1994 contre plus de 1.000 depuis deux ans.

Enfin, il convient de rappeler que le nombre des suicides de détenus a fortement augmenté, passant de 59 en 1990 à 138 en 1996 avant de diminuer légèrement (104 en 2001). La France est l'un des pays d'Europe où le nombre de suicides en prison est le plus élevé.

Afin de disposer d'éléments plus complets, notamment sur l'incidence de la durée d'incarcération sur la santé mentale, le Gouvernement a décidé de lancer une enquête épidémiologique nationale sous l'égide de la direction générale de la santé concernant la santé mentale de la population carcérale. Les résultats en seront connus en 2004.

2. Des mesures d'amélioration de la prise en charge

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a apporté plusieurs améliorations au dispositif de prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques.

Elle dispose que l'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans leur consentement, sont réalisées dans des établissements de santé et non au sein des établissements pénitentiaires. Elle opère, pour les personnes détenues, la fusion des régimes d'hospitalisation sous contrainte (hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins.

En ce qui concerne les modalités de prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques, il convient de rappeler que les centres hospitaliers disposent de moins en moins de services fermés et qu'ils ne sont plus dès lors en mesure d'assurer de façon efficiente la garde des personnes détenues hospitalisées.

Certes, lorsque les malades mentaux détenus présentent une dangerosité psychiatrique pour autrui nécessitant des protocoles thérapeutiques intensifs et des mesures de sûreté particulières, ils peuvent être soignés dans l'une des quatre unités pour malades difficiles (UMD) existant sur le territoire : Villejuif, Cadillac, Sarreguemines et Montfavet. Cependant, l'orientation en UMD des personnes détenues ne peut se faire que si l'indication médicale impose cette prise en charge selon un protocole thérapeutique spécifique à raison de la particulière gravité des troubles psychiatriques et de la dangerosité qu'ils présentent.

Pour remédier à ces difficultés, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a posé le principe de l'hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux au sein d'unités spécialement aménagées des établissements de santé (L. 3214-1 du code de la santé publique).

Dix unités d'hospitalisation sécurisée de psychiatrie (UHSP) devraient être créées pour une capacité de 244 lits . La conception architecturale de ces unités reste à définir. Elle devra intégrer les spécificités pénitentiaires notamment en matière de sécurité et de maintien des liens familiaux. Le coût en investissement de la sécurisation de ces dix unités est évalué à 11,5 millions d'euros. Pour assurer les fonctions pénitentiaires de sécurité, de suivi et de coordination, enfin de maintien des liens familiaux, 140 emplois de personnels de surveillance devront être créés.

Après la création des UHSP, les SMPR seront progressivement recentrés sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers thérapeutiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page