EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 5
Habilitation à simplifier les relations entre usagers
et administration fiscale, et à rationaliser les modalités
d'option pour certains régimes
fiscaux
Commentaire : l'habilitation accordée par le
présent article a pour objet de revenir sur des dispositions devenues
obsolètes ou sans objet, de simplifier la déclaration et le
paiement de certains impôts, de clarifier la formulation d'actes
administratifs liés à l'assiette ou au recouvrement de
l'impôt, et d'assouplir les modalités d'option pour certains
régimes fiscaux spécifiques. Aux termes d'un amendement
adopté à l'Assemblée nationale, cette habilitation devrait
également pourvoir au respect de la présomption d'innocence en
matière fiscale.
I. LA CONDITION DES USAGERS DE L'ADMINISTRATION FISCALE PEUT ÊTRE ENCORE
LARGEMENT AMÉLIORÉE
Il convient de ne pas s'exagérer l'ingratitude de la situation des
contribuables. L' « antifiscalisme », encore
prégnant dans les années soixante-dix, n'a plus vraiment cours.
Les améliorations apportées ces dernières années
à la qualité des relations entre l'administration fiscale et les
contribuables ont incontestablement porté leurs fruits ; pour
autant, la situation des usagers n'est pas idyllique.
Certes, les grandes entreprises disposent depuis le 1
er
janvier 2002
d'un interlocuteur fiscal unique, et le programme Copernic, initié en
2000, doit permettre la mise en place d'un « compte fiscal
simplifié » d'ici à 2008, devant permettre aux usagers
d'accéder à leur situation fiscale et d'effectuer les
opérations fiscales courantes, sans contraintes géographiques ni
horaires. Le contrat d'objectifs et de moyens entre la direction
générale des impôts et la direction du budget, conclu pour
la période 1999-2002, a utilement privilégié la
qualité du service rendu aux usagers. Par ailleurs, il convient de noter
la suppression bienvenue de nombreuses taxes à faible rendement,
intervenue par la voie législative.
Mais il faut mentionner l'échec de la « mission
2003 », chargée de préparer la réforme de
l'administration fiscale en privilégiant le point de vue des usagers,
qui n'a pas permis la mise en place d'une administration fiscale unique.
Nonobstant l'échec de cette réforme d'envergure, les pistes
d'amélioration apparaissent encore fort nombreuses.
La partie législative du code général des impôts et
du livre des procédures fiscales connaît, depuis quinze ans, un
alourdissement continu. Ainsi, il est particulièrement bienvenu que la
législation fiscale et les modalités de recouvrement de
l'impôt constituent aujourd'hui un axe majeur de l'oeuvre de
simplification administrative.
Le Conseil des impôts a ainsi constaté que l'empilement des
articles et leur complexité rédactionnelle égarent le
lecteur et compromettent la sécurité juridique.
Par ailleurs, le potentiel de simplification offert par les nouvelles
technologies de l'information et de la communication est loin d'être
pleinement utilisé.
II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LE DISPOSITIF INITIALEMENT PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
Les mesures que le gouvernement sera susceptible de prendre par ordonnance
pourront s'inspirer, notamment, des éléments d'orientation
figurant dans le vingtième rapport du Conseil des impôts, paru en
2002, qui traite des relations entre les contribuables et l'administration
fiscale.
Dans le cadre du présent article, elles constituent en grande partie la
déclinaison « fiscale » des ordonnances de
simplification générales prévues à l'article 1 du
présent projet.
v Le gouvernement envisage ainsi d'abroger les dispositions fiscales devenues
sans objet et d'adapter celles qui sont obsolètes, ce qui correspond
à un besoin patent.
v Le gouvernement serait également autorisé à revenir sur
les formalités de déclaration et de paiement, en raison de leur
complexité ou de leur obsolescence. Il est aussi prévu de
simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt, ce qui vise,
en particulier, les modalités de calcul de certains acomptes, et le
choix des moyens de paiement.
v Par ailleurs, il est envisagé de « clarifier la formulation
d'actes administratifs résultant de dispositions de forme
législative et relative à l'assiette ou au recouvrement de
l'impôt ».
v Enfin, et il s'agit là de l'habilitation potentiellement la moins
neutre sur le plan fiscal, le gouvernement serait habilité à
« élargir les possibilités et assouplir les
modalités d'option pour des régimes fiscaux
spécifiques ».
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. Une modification rédactionnelle
Un amendement proposé par notre collègue député,
rapporteur au nom de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, a réuni le 3° et le 4° de l'article 5
dans un même alinéa, s'agissant de dispositions semblables qui
concernent la simplification des relations des usagers avec l'administration
fiscale.
2. Une modification emblématique
Un amendement proposé par nos collègues députés
Lionel Luca, Jean-Pierre Gorges, Hervé Novelli et Jean-Michel Fourgous,
auquel notre collègue député, rapporteur de la commission
des lois de l'Assemblée nationale et le gouvernement ont opposé
un avis défavorable, a été néanmoins adopté.
Il habilite le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure
modifiant le code général des impôts et le livre des
procédures fiscales pour «
respecter le principe de la
présomption d'innocence en matière fiscale
».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LE CHAMP DES MESURES ENVISAGÉES OUVRE LA VOIE À DES
PROGRÈS SUBSTANTIELS
L'obsolescence de nombreuses dispositions du code général des
impôts est patente, et l'on observe que certains dispositifs figurant
dans le livre des procédures fiscales ne sont plus utilisés.
Ainsi, l'avis de mise en recouvrement collectif, qui figure à l'article
L. 256 du livre des procédures fiscales, est devenu obsolète. Le
code général des impôts se réfère volontiers
à des professions disparues, ou recourt à des concepts vieillis
et peu juridiques comme celui d' « indigence » afin de
justifier, par exemple, certaines remises d'impôts.
Les formalités de déclaration et de paiement peuvent être
utilement allégées ou supprimées en raison de leur
complexité ou de leur obsolescence. Dans ce cadre, l'utilisation par les
organismes sociaux de données fiscales pour éviter les
déclarations multiples serait souhaitable.
Concernant les modalités de recouvrement, il pourrait être mis un
terme à l'exigence, portée par l'article L. 256 du livre des
procédures fiscales, d'un courrier recommandé avec avis de
réception pour l'expédition des avis de mis en recouvrement. Le
paiement par timbre, qui se caractérise par une grande lourdeur de
gestion, pourrait être également remis en cause. D'une
façon générale, si la recherche d'une efficacité
maximale en matière de paiement doit tendre vers une
dématérialisation croissante, la liberté de choix du
contribuable devra être, dans la mesure du possible,
préservée.
La plupart des contribuables peuvent constater
de visu
la
nécessité de clarifier la formulation d'actes administratifs
concernant l'assiette ou le recouvrement de l'impôt. Dans un sondage
réalisé en juillet 2002 par le Conseil des impôts, les
contribuables interrogés sur leurs souhaits en matière
d'amélioration de leurs relations avec l'administration fiscale,
privilégiaient la «
simplification des formulaires et du
vocabulaire administratif
» (61 % des premiers choix).
D'après les statistiques de la direction générale de
impôts, plus d'un million de contribuables se font assister par ses
services pour remplir leurs déclarations de revenus. D'ores et
déjà, un groupe de travail a été mis en place par
le gouvernement pour rechercher des intitulés plus accessibles afin que
les contribuables soient en mesure d'apprécier le contenu et
d'évaluer les conséquences des pièces de
procédures. De nombreux articles législatifs, d'où
dérivent ces pièces, devraient alors être modifiés.
Concernant la perspective d'élargir les possibilités et
d'assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux
spécifiques, elle est justifiée, en particulier, par le fait que
les options offertes aux entreprises concernant les différents
régimes fiscaux engagent ces dernières sur des durées
différentes, dont l'harmonisation semble souhaitable. Il apparaît
également que les périodes au cours desquelles certaines options
peuvent être exercées sont trop limitées.
Votre rapporteur souligne cependant que les aménagements à venir
ne rendront pas moins utile une refonte du code général des
impôts, entreprise que le Conseil des impôts appelle de ses voeux
dans son rapport précité, au regard de «
l'objectif
de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité
de la loi
», selon les termes mêmes de la décision
du Conseil constitutionnel
7(
*
)
. En
effet, les textes des articles du code général des impôts
sont souvent obscurs, longs, peu cohérents, et usent de nombreux
renvois, souvent emboîtés, que compliquent encore une
numérotation complexe et le décompte manuel des alinéas.
Ainsi, selon les termes du Conseil des impôts, «
La faible
lisibilité du Code général des impôts justifie la
mise en oeuvre d'un processus de recodification, indépendant des
simplifications de fond [...]
».
B. CERTAINES PRÉCISIONS SEMBLENT UTILES
1. La présomption d'innocence en matière fiscale n'a pas besoin
d'être instaurée : elle existe déjà
La rédaction de l'amendement proposé par nos collègues
députés Lionel Luca, Jean-Pierre Gorges, Hervé Novelli et
Jean-Michel Fourgous, adopté par l'Assemblée nationale semble
inspirée par une représentation des rapports de force entre le
contribuable et l'administration fiscale qui renvoie à une
époque, heureusement, révolue.
En effet, la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant le livre des
procédures fiscales a notamment
inversé la charge de la
preuve, qui incombe désormais à l'administration
, introduit
une procédure contradictoire, et organisé une meilleure
information
8(
*
)
du
contrôlé sur ses droits.
Par ailleurs, l'administration a développé depuis 1999 la notion
d' «
application mesurée de la loi
fiscale
», qui favorise une application réaliste de textes
fiscaux, invitant ainsi les vérificateurs à faire preuve de
«
bon sens et de mesure
» lors des contrôles,
de telle sorte que la poursuite du dialogue avec le contribuable ne soit pas
compromise par un formalisme excessif.
Il convient d'ajouter que la direction générale des impôts
s'est engagée, aux termes du contrat d'objectifs et de moyens, à
alléger sa présence dans les entreprises vérifiées
en recourant à des types d'intervention plus rapides et en
proportionnant mieux les investigations aux enjeux.
Au total, s'il ne faut pas cacher que certaines petites et moyennes entreprises
ressentent encore difficilement le contrôle fiscal, il doit être
souligné que moins d'un contrôle sur dix donne lieu à un
contentieux juridictionnel.
Autant il n'est jamais souhaitable d'occulter les difficultés, autant,
en l'espèce, il semble dommageable de tendre à ressusciter -
à tort - un « sentiment de persécution »
auquel les contribuables répréhensibles trouveraient d'abord
à se rattacher.
Certes, il figure dans le rapport précité du Conseil des
impôts que «
la culture du dialogue est insuffisamment
développée
» en cas de persistance d'un
désaccord à l'issue de la procédure
contradictoire
9(
*
)
(après
un redressement définitif), mais il n'y a pas ici d'atteinte au principe
de la présomption d'innocence.
Ainsi, il semble raisonnable de
supprimer une habilitation inutile
(susceptible d'affaiblir les habilitations nécessaires).
2. Les mesures prises dans le cadre de l'habilitation ne doivent pas donner
lieu à de nouvelles dépenses fiscales
Le vecteur naturel - mais non exclusif - de la législation en
matière fiscale est la loi de finances, dans la mesure où les
dispositions considérées ont une incidence directe sur les
ressources de l'Etat. En revanche, il est souhaitable que les débats sur
la loi de finances ne se trouvent pas alourdis par l'examen de textes ayant
purement vocation à simplifier la vie du contribuable.
Dans cette perspective, et compte tenu, par ailleurs, de la dégradation
des soldes budgétaires, il a semblé utile à votre
rapporteur de
préciser que les mesures prises dans le cadre du
présent article ne pourront pas entraîner de dépenses
fiscales nouvelles.
Du reste, c'est bien de cette manière que le gouvernement comprend la
portée de l'habilitation. M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat
à la réforme de l'Etat a ainsi déclaré lors de
l'examen du présent article à l'Assemblée nationale :
«
Les dispositions que nous prendrons par ordonnance sont
modestes. [...] Pour l'essentiel, d'ailleurs, les mesures de simplification
n'ont pas d'impact budgétaire. Celles qui se traduiraient par de
moindres recettes relèveront de la loi de finances
».
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi modifié.
ARTICLE 18
Habilitation à prendre diverses mesures relatives
à la réalisation et à l'utilisation des enquêtes
statistiques obligatoires concernant les
professionnels
Commentaire :
le présent article propose
d'habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures
visant à réduire le nombre des enquêtes statistiques
obligatoires pesant sur les professionnels et, dans le respect des
règles de protection de la liberté individuelle et de la vie
privée établies par la législation relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à rénover
les conditions d'utilisation des données ainsi recueillies.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose, «
afin de réduire le
nombre des enquêtes statistiques d'intérêt
général obligatoires
» auxquelles sont astreintes
les personnes morales de droit public et de droit privé, les
entrepreneurs individuels et les personnes exerçant une profession
libérale, d'autoriser le gouvernement à prendre par
ordonnance
toutes mesures :
- «
permettant de déterminer celles des enquêtes
statistiques qui doivent revêtir un caractère
obligatoire
»,
- «
et, dans le respect des règles de protection de la
liberté individuelle et de la vie privée établies par la
législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés, d'organiser la cession aux services statistiques des
données recueillies, dans le cadre de leurs missions par les
administrations de l'État, les collectivités territoriales, les
établissements publics et les personnes morales de droit privé
chargées d'une mission de service public
»,
- «
ainsi que de définir les conditions d'exploitation de
ces données à des fins de recherche scientifique
».
Les objectifs poursuivis par ces trois séries de mesures sont
précisés ci-après.
A. LA RÉDUCTION DU NOMBRE DES ENQUÊTES OBLIGATOIRES
Il résulte de la rédaction actuelle de la loi n° 51-711
du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en
matière de statistiques :
- d'un côté, que toute enquête statistique publique,
à l'exclusion des travaux statistiques d'ordre intérieur, doit
s'inscrire dans le cadre du programme de travail établi par le Conseil
national de l'information statistique (CNIS) et arrêté par le
ministre dont relève l'Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE), d'une part, doit être soumise
au visa préalable du ministre dont relève l'INSEE, ainsi qu'au
visa du ministre duquel ressortent les intéressés, d'autre
part ;
- de l'autre, que «
les personnes physiques ou morales sont
tenues de répondre avec exactitude, et dans les délais
fixés, aux enquêtes statistiques
» revêtues du
visa précité.
En d'autres termes, la réponse à toutes les enquêtes
statistiques publiques est
a priori
obligatoire
.
«
En cas de défaut de réponse après mise en
demeure [...] ou de réponse sciemment inexacte
», les
personnes physiques ou morales peuvent ainsi faire l'objet, dans un
délai d'au plus deux ans et sur décision motivée, d'une
amende administrative prononcée par le ministre dont relève
l'INSEE sur avis du CNIS réuni en comité du contentieux des
enquêtes statistiques obligatoires. Le montant de la première
amende encourue ne peut dépasser 150 euros. Cependant, en cas de
récidive dans le délai de trois ans, le montant de l'amende est
porté à 300 euros au moins et 2.250 euros au plus pour chaque
infraction.
Ces dernières dispositions sont appliquées : plus d'un
millier d'amendes sont ainsi infligées à des professionnels
chaque année.
Ce
dispositif coercitif
est d'autant plus mal ressenti par les
professionnels que le nombre d'enquêtes statistiques auxquelles ils sont
assujettis tend à augmenter, notamment sous l'impulsion des
règlements européens.
C'est la raison pour laquelle le CNIS a été conduit à
distinguer désormais dans son programme de travail des enquêtes
obligatoires qui sont revêtues du visa du ministre et s'inscrivent de ce
fait pleinement dans le cadre de la loi précitée du 7 juin 1951,
d'une part ; des «
enquêtes d'intérêt
général
» qui ne sont pas revêtues du visa du
ministre et reposent sur un fondement législatif incertain, d'autre part.
C'est à cette incertitude juridique que le gouvernement entend
remédier : ne demeureraient ainsi obligatoires que les seules
enquêtes répondant aux règlements européens, les
enquêtes essentielles ou les enquêtes pour lesquelles un taux
élevé de réponse est scientifiquement indispensable (le
taux de réponse étant naturellement plus élevé pour
les enquêtes obligatoires que pour les autres enquêtes).
B. LA RATIONALISATION DE L'UTILISATION DES FICHIERS DE DONNÉES
EXISTANTS
L'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951
précitée sur l'obligation, la coordination et le secret en
matière de statistiques, modifié par la loi n° 92-1336
du 23 décembre 1992 dispose que «
les informations
relatives aux personnes physiques, à l'exclusion des données
relatives à la santé ou à la vie sexuelle, et celles
relatives aux personnes morales, recueillies, dans le cadre de sa mission, par
une administration, un établissement public, une collectivité
territoriale ou une personne morale de droit privé gérant un
service public
peuvent
être cédées,
à des
fins exclusives d'établissement de statistiques
, à l'INSEE ou
aux services statistiques ministériels
». Ces dispositions
s'appliquent, sous réserve de l'article L. 777-3 du code de
procédure pénale,
« nonobstant toutes dispositions
contraires relatives au secret professionnel
».
Ces transmissions de fichiers administratifs à des fins statistiques
sont encadrées. En effet, les cessions portant sur des informations
nominatives sont soumises aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6
janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés. En outre, les informations transmises en application du
présent article et permettant l'identification des personnes physiques
ou morales auxquelles elles s'appliquent ne peuvent faire l'objet d'aucune
communication de la part du service bénéficiaire, dont les agents
sont, par ailleurs, soumis au
secret professionnel
.
Cependant, l'expérience suggère que certaines administrations
demeurent réticentes à transmettre leurs fichiers administratifs
à des services statistiques publics, qui ne disposent alors d'aucun
autre moyen de recueillir les données concernées que de lancer
des enquêtes, ce qui astreint les professionnels concernés
à transmettre une seconde fois les mêmes informations.
C'est pourquoi le gouvernement envisagerait de transformer en obligation la
faculté de transmission par une administration de ses fichiers
administratifs à l'INSEE ou aux services statistiques
ministériels.
C. LA DIFFUSION DES FICHIERS ADMINISTRATIFS À DES FINS DE
RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Le droit existant permet aux chercheurs indépendants d'accéder
aux séries statistiques établies par les services statistiques
publics, ainsi qu'aux fichiers administratifs retraités par l'INSEE ou
par les services statistiques ministériels auxquels ils ont
été transmis dans le cadre de la procédure exposée
ci-avant.
En revanche, ces chercheurs ne disposent en pratique que d'un accès
restreint aux fichiers administratifs eux-mêmes, ce que l'administration
justifie notamment par le fait que les dispositions ayant créé au
sein du CNIS le comité du secret statistique qui examine les demandes
d'accès à ces fichiers à des fins scientifiques sont
d'ordre réglementaire et n'ont donc pas pu soumettre ces chercheurs au
régime de sanction du secret professionnel prévu par le code
pénal, mais seulement à une déclaration sur l'honneur
selon laquelle ils utiliseront ces fichiers conformément à leurs
engagements.
C'est pourquoi le gouvernement se propose dans le présent article de
«
définir
[par ordonnance]
les conditions
d'exploitation de ces données à des fins de recherche
scientifique
» : cette définition législative
permettrait en fait de développer l'exploitations de ces données
à des fins scientifiques par des chercheurs indépendants,
notamment en les assujettissant en contrepartie au secret professionnel.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur se
félicite
de la double intention
exprimée par le gouvernement au travers du présent article :
- d'une part, de réduire « l'impôt
administratif » prélevé sur les professionnels à
des fins statistiques, notamment en reportant des obligations de transmission
des professionnels vers les administrations détenant déjà
des fichiers de données, ce qui relève à la fois d'un
impératif d'efficacité économique et d'un souci de
rationalité budgétaire ;
- d'autre part, de faciliter l'exploitation à des fins scientifiques par
des chercheurs indépendants des fichiers constitués par
l'administration dans le cadre de ces missions. Certains de ces fichiers,
notamment ceux des services fiscaux ou du ministère de l'emploi
(notamment le fichier issu de la remontée des déclarations
annuelles de données sociales -DADS-, qui précisent pour chaque
salarié des caractéristiques d'état civil, la
catégorie socio-professionnelle, les périodes d'emploi et les
rémunérations) jouent en effet un rôle croissant en
matière de recherche et le renforcement de leur diffusion est la
condition
sine qua non
pour le développement de
l'évaluation par des institutions indépendantes de
l'efficacité des politiques publiques dans le champ économique ou
social.
Votre rapporteur souligne que cette seconde orientation répond
d'ailleurs à l'une des préconisations formulées en 2001
par notre collègue Joël Bourdin dans son rapport
10(
*
)
au nom de la délégation
du Sénat pour la planification intitulé
« De la
démocratie budgétaire en Amérique
», et
sous-titré «
L'information économique aux
Etats-Unis : quels enseignements pour la France ?
».
On peut rappeler qu'après avoir montré que «
les
États-Unis connaissent une situation enviable en matière
d'information économique nécessaire à la décision
publique et aux choix démocratiques »
et que,
«
par contraste la situation de la France en matière
d'information économique semble moins
satisfaisante
», notre collègue concluait :
«
ce contraste entre la France et les États-Unis
reflète pour partie des différences constitutionnelles et
culturelles, notamment des visions différentes du rôle de
État. Ce contraste s'explique aussi par des différences de
moyens : la dimension et la richesse des États-Unis favorisent,
toutes choses égales par ailleurs, le pluralisme de l'information. Pour
autant, l'étude de l'information économique aux États-Unis
suggère que la France dispose certainement de marges de progrès
en matière d'information économique.
Cette conclusion est d'ailleurs confortée par l'étude
rétrospective des préconisations et des espoirs formulés
en 1979 par MM. René Lenoir et Baudoin Prot dans un rapport
commandé par le Président de la République. En effet,
vingt ans après, les ambitions du rapport Lenoir-Prot de 1979 sont
largement inabouties Certes, la France jouit aujourd'hui d'un plus grand
pluralisme en matière de prévisions et d'analyses
macro-économiques, mais elle connaît aussi un manque
évident de contre-expertise indépendante des administrations dans
des domaines aussi essentiels que l'éducation, la fiscalité,
l'analyse micro-économique, les politiques sociales et
l'évaluation des politiques publiques. Ce manque de
contre-expertise indépendante nuit à la qualité des
débats politiques et sociaux et restreint l'éventail des
préoccupations prises en compte. Il freine les progrès de
l'analyse économique : le pluralisme et la concurrence des experts
sont en effet source de progrès. Ce manque de pluralisme est
également préjudiciable aux administrations d'État
elles-mêmes. D'un côté, leurs analyses portent souvent un
« poids » politique trop élevé. De l'autre,
elles sont parfois sujettes à une certaine suspicion
».
A partir de ces conclusions et des « bonnes pratiques »
américaines, le rapport formulait ensuite nombre de
préconisations dont certaines, exposées dans l'encadré
ci-après, concernaient notre système statistique.
Extraits des préconisations relatives au système statistique français du rapport d'information de mai 2001 de notre collègue Joël Bourdin sur « L'information économique aux Etats-Unis : quels enseignements pour la France ? ».
Les
institutions et les pratiques américaines ne sont évidemment pas
transposables telles quelles en France. Pour autant, l'étude
détaillée de l'organisation et du fonctionnement des institutions
économiques américaines est riche de deux types d'enseignements
pour l'amélioration de l'information économique en France.
En premier lieu, l'étude des États-Unis souligne de
manière générale l'interdépendance des bonnes
pratiques : pour améliorer l'information économique et pour
accroître effectivement la pluralité des analyses
économiques, il est nécessaire de développer
simultanément la transparence des administrations publiques, la
diffusion des informations statistiques, les transferts d'expertise des
administrations publiques vers les institutions indépendantes et les
moyens de fonctionnement de ces institutions indépendantes. Telle
était d'ailleurs déjà l'analyse du rapport
Lenoir-Prot : la création de nouveaux instituts d'analyse
économique entre 1979 et 1981 participait alors du même
élan, aujourd'hui stoppé, que la loi du 17 juillet 1978 relative
à l'accès du public aux documents administratifs [...].
En second lieu, l'étude détaillée du fonctionnement des
institutions économiques américaines invite à l'ouverture
d'un débat sur l'adaptation de certaines bonnes pratiques. [...] :
4) Mieux distinguer, pour la Banque de France comme pour les principaux
ministères, entre la communication institutionnelle et politique,
l'information factuelle du grand public et les études
économiques, qui sont parfois présentés de manière
étroitement entremêlée, notamment sur leurs sites Internet.
[...]
6) Diffuser plus largement les fichiers de micro-données fiscales et
sociales nécessaires à l'évaluation des politiques
publiques. Les réticences des administrations État et de la CNIL
vis-à-vis de la transmission des fichiers de données statistiques
individuelles à des chercheurs indépendants ne sont pas sans
fondements juridiques, éthiques et scientifiques. Pour autant, le
développement d'une réelle contre-expertise en matière
fiscale et sociale suppose que ces fichiers de données soient
accessibles aux chercheurs indépendants. En tout état de cause,
ces fichiers devraient être transmis sur demande, selon des
modalités à définir, à la Banque de France et aux
experts mandatés par le Parlement. [...]
11) Diffuser gratuitement les modèles économiques utilisés
par l'administration et encourager l'accessibilité des
économistes et des statisticiens de l'administration, afin de favoriser
les transferts d'expertise. [...]
16) Prendre en compte les impératifs d'une meilleure évaluation
des politiques publiques lors de la construction de ces systèmes
d'information des administrations publiques. Il est ainsi surprenant que le
projet Copernic de refonte des systèmes d'information de la direction
générale des impôts n'ait pas aussi pour objectif de
permettre une meilleure appréciation des effets économiques de la
fiscalité. [...]
Tout en soulignant la pertinence de la démarche proposée par le
présent article, ces analyses suggèrent par ailleurs que les
mesures que le gouvernement entend prendre par voie d'ordonnance ne constituent
qu'une première étape en vue du renforcement de l'expertise
indépendante sur les politiques publique.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces
observations, votre commission émet un avis favorable sur cet article.
4° et 5° de l'ARTICLE 21
Habilitation à prendre
diverses mesures de simplification du droit des
sociétés
Commentaire : l'habilitation accordée par le
présent article a notamment pour objet de simplifier et d'unifier le
régime applicable aux valeurs mobilières des
sociétés commerciales, et d'assouplir le régime applicable
à la société à responsabilité limitée
(SARL).
I. L'UNIFICATION DU RÉGIME DES VALEURS MOBILIÈRES DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Le quatrième alinéa du présent article prévoit de
prendre par ordonnance des mesures visant à simplifier le régime
applicable aux valeurs mobilières des sociétés
commerciales. Ce champ
a priori
vaste se voit compliqué par le
fait qu'il n'existe pas de définition unique et acceptée par tous
des valeurs mobilières, mais
il s'agit précisément
d'unifier un droit qui se caractérise par une accumulation de strates
législatives et est de surcroît facteur d'insécurité
juridique pour les acteurs économiques
.
A. COMPLEXITÉ, LACUNES ET INADAPTATION DE LA RÉGLEMENTATION
ACTUELLE
Les valeurs mobilières constituent une catégorie d'instruments
financiers depuis la loi n° 96-597 de modernisation des activités
financières du 2 juillet 1996. La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966,
qui est codifiée dans le code de commerce et constitue la pierre
angulaire du droit des sociétés, recourt fréquemment
à cette notion mais
ne la définit pas
précisément
, puisque son article 263 (article L. 228-1
du code de commerce) se contente de disposer que «
les valeurs
mobilières émises par les sociétés par actions
revêtent la forme de titres au porteur ou de titres
nominatifs
».
Une définition tardive mais
contingente
, c'est-à-dire valable pour son seul support
législatif, figure dans l'article L. 211-2 du code monétaire
et financier, qui a codifié les dispositions de l'article premier de la
loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières, et dispose que les valeurs
mobilières sont «
les titres émis par des personnes
morales, publiques ou privées, transmissibles par inscription en compte
ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie
et donnent accès, directement ou indirectement, à une
quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un
droit de créance général sur son
patrimoine
». Le même article dispose également que
les parts des fonds communs de placement et des fonds communs de
créances constituent des valeurs mobilières.
Le doute subsiste
néanmoins sur la validité
erga omnes
de cette
définition, qui n'est pas reprise par le code de commerce et n'est pas
non plus exempte d'ambiguïtés
11(
*
)
. La question de la définition
des valeurs mobilières, si importante soit-elle sur le plan de la
théorie juridique, n'exerce cependant pas un impact déterminant
sur les pratiques et ne doit pas occulter le problème plus
déterminant du morcellement du régime.
La doctrine
12(
*
)
et les
praticiens ont maintes fois souligné
l'hétérogénéité du droit des valeurs
mobilières, qui relève d'une double logique fiscale et
commerciale et comprend des régimes distincts pour chaque
catégorie de titres
, quand ce n'est deux régimes pour une
même catégorie
13(
*
)
.
Notre collègue Philippe Marini, dans son rapport sur la modernisation du
droit des sociétés
14(
*
)
, rappelait également que la
réforme de ce droit opaque constituait une question récurrente du
débat sur l'actualisation du droit des sociétés, et
précisait ainsi que «
les dispositions régissant
l'émission des différentes catégories de valeurs
mobilières résultent d'une succession de textes qui a certes
permis aux sociétés de disposer progressivement des instruments
adaptés à leur développement mais a également
abouti à une législation complexe, pas toujours cohérente,
et à des différences injustifiées dans les régimes
applicables. La multiplication des catégories de valeurs
mobilières conduit les dirigeants de sociétés à
demander aux actionnaires des autorisations d'émission portant
pratiquement sur la totalité des titres susceptibles d'être
créés, avec ou sans maintien du droit préférentiel
de souscription, aux termes de résolutions extrêmement
détaillées et complexes qui contribuent à alourdir les
assemblées et à obscurcir le choix des
actionnaires
».
Le droit actuel prévoit ainsi des règles particulières
pour chaque type de valeur : actions de priorité, actions à
dividende prioritaire sans droit de vote, certificats d'investissement,
obligations avec bons de souscription d'action, obligations convertibles en
actions...
Cette situation apparaît préjudiciable à la
sécurité juridique des émetteurs et aux droits des
porteurs, et conduit le législateur à adopter une
réglementation au « coup par coup » dans une
matière où l'inventivité et les innovations sont
légion, particulièrement dans le contexte actuel de
raréfaction du crédit bancaire et de surendettement de nombre
d'entreprises
. Le délai de mise en oeuvre
a posteriori
de
chaque réglementation, après qu'une innovation financière
s'est diffusée et pérennisée, fait courir le risque
d'abus, d'incertitude juridique (en particulier si le nouveau type de valeur
mobilière apparaît largement distinct des instruments financiers
existants) et d'obsolescence rapide de la législation, dont le rythme
d'évolution n'est pas en phase avec celui des instruments financiers. Le
cas des
obligations convertibles
est aujourd'hui particulièrement
significatif : les avatars de ce véhicule, très
utilisé, de financement sur les marchés sont nombreux depuis deux
ans, une des pratiques les plus récentes consistant à modifier
unilatéralement les caractéristiques des émissions en
cours de vie (prolongation de la durée de l'emprunt, interruption du
paiement des intérêts, modification de la parité de
conversion...), au risque d'aggraver la situation financière
généralement tendue des émetteurs et de porter
préjudice aux droits des porteurs.
B. LA RATIONALISATION ATTENDUE DU RÉGIME DES VALEURS
MOBILIÈRES
La présente habilitation doit donc contribuer à mettre en place
un
régime cadre
, avec la collaboration des autorités de
régulation et des instances représentatives de la place. Ce
dispositif général porterait sur la définition, les
caractéristiques, les conditions d'émission et les
opérations relatives aux valeurs mobilières, et impliquerait
vraisemblablement l'abrogation des actuelles sections régissant chaque
catégorie de valeur mobilière. L'ordonnance pourrait s'appuyer
sur un fondement juridique préexistant en
reprenant la majeure partie
des dispositions de l'article 29 du projet de loi n° 346 (2000-2001)
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
,
déposé au Sénat le 30 mai 2001 mais jamais inscrit
à l'ordre du jour. La typologie des valeurs mobilières
s'inspirerait également de celle retenue dans le rapport
précité de notre collègue Philippe Marini et retiendrait
donc
deux grandes catégories de valeurs mobilières
:
celles donnant, directement ou indirectement, accès à terme au
capital, et celles ne donnant pas accès au capital et constituant des
titres de créances. Un régime de sanctions plus adapté
serait enfin prévu, en appliquant la logique déjà
initiée d'une
dépénalisation
plus prononcée
des peines, afin de privilégier des sanctions disciplinaires et
pécuniaires considérées comme plus aisées à
mettre en place et, au moins, aussi dissuasives. Les sanctions pour les
infractions les plus graves ne seraient pas nécessairement
renforcées.
Sur le fondement de l'article 29 du projet de loi précité,
le
régime juridique de l'augmentation de capital pourrait également
être réformé
afin de faciliter le développement
des sociétés et leur accès aux marchés financiers.
La portée de la délégation de pouvoir consentie par
l'assemblée générale des actionnaires au conseil
d'administration ou au directoire serait à cet égard
étendue
(
voir encadré ci-dessous
) et contribuerait
à accorder davantage de souplesse et de rapidité à
l'augmentation de capital.
Le texte proposé par l'article 29 du projet de loi
précité pour l'article L. 225-129 du code de commerce
disposait ainsi :
« I. - L'assemblée générale extraordinaire est
seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil
d'administration ou du directoire, selon le cas, une augmentation de capital.
Elle peut déléguer cette compétence au conseil
d'administration ou au directoire dans les conditions fixées au III du
présent article.
« L'augmentation de capital doit, sous réserve des dispositions
prévues au III du présent article et à l'article L.
225-138, être réalisée dans le délai de cinq ans
à compter de cette décision ou de cette délégation.
Ce délai ne s'applique pas aux augmentations de capital à
réaliser à la suite de l'exercice d'un droit attaché
à une valeur mobilière donnant accès au capital ou
à la suite des levées d'options prévues à l'article
L. 225-177.
« II. - Lorsque l'assemblée générale extraordinaire
décide l'augmentation de capital, elle peut déléguer au
conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de fixer les
modalités de l'émission des titres.
« III. - Lorsque l'assemblée générale extraordinaire
délègue au conseil d'administration ou au directoire sa
compétence pour décider de l'augmentation de capital
, elle
fixe la durée, qui ne peut excéder vingt-six mois, durant
laquelle cette délégation peut être utilisée, et le
plafond global de cette augmentation
. (...)
« Le conseil d'administration ou le directoire dispose des pouvoirs
nécessaires pour fixer le montant des émissions et la nature des
titres émis, constater la réalisation des augmentations de
capital qui en résultent et procéder à la modification
corrélative des statuts.
« IV. - Toute délégation de l'assemblée
générale est suspendue en période d'offre publique d'achat
ou d'échange sur les titres de la société, sauf si
l'assemblée générale, préalablement à
l'offre, a expressément autorisé l'augmentation de capital
pendant ladite période d'offre publique d'achat ou d'échange et
si l'augmentation envisagée n'a pas été
réservée ».
Il ne s'agirait pas pour autant de dessaisir les actionnaires de leur
compétence, car la délégation serait encadrée et
sollicitée par l'assemblée générale
elle-même. Cette disposition devrait en outre se montrer cohérente
avec l'évolution actuelle de la perception du rôle des
assemblées d'actionnaires, dont les récents rapports sur le
gouvernement d'entreprise ont, à juste titre, déploré
l'effacement, et qui implique une meilleure consécration juridique de
leurs attributions. Enfin le dispositif proposé devrait être
compatible avec les orientations communautaires, et plus
particulièrement avec la future directive sur les offres publiques
d'acquisition, dont les négociations se révèlent
aujourd'hui complexes et témoignent de l'attachement français aux
droits de vote doubles
15(
*
)
.
Des dispositions sont enfin prévues tendant à
simplifier le
régime des titres de créances
(obligations et titres de
créances négociables), qui seraient du ressort du conseil
d'administration ou du directoire (l'assemblée générale ne
se prononçant que sur les valeurs mobilières donnant à
terme accès au capital), et dont l'utilisation désormais massive
et banalisée plaide en faveur d'un moindre formalisme juridique.
II. L'AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DES SARL
L'assouplissement du régime de la SARL, qui constitue le statut
privilégié des petites entreprises, se ferait selon deux
orientations : un meilleur accès aux moyens de financement non
bancaires et un assouplissement de certaines modalités du statut.
Ces
dispositions reprendraient ainsi une bonne partie des propositions de notre
collègue Philippe Marini
16(
*
)
, qui témoignaient de la
« montée en grade » de cette forme sociale, bien que
l'aménagement du régime de la société par actions
simplifiée par la loi du 12 juillet 1999, en vue de la rendre plus
accessible aux petites entreprises, ait modifié le cadre juridique
depuis 1996, année de publication du rapport.
A. UNE NOUVELLE FACULTÉ D'ÉMISSION DE TITRES
OBLIGATAIRES
Aux termes de l'article L. 223-11 du code de commerce, les SARL ne peuvent
émettre des valeurs mobilières ni garantir une émission,
à peine de nullité de l'émission ou de la garantie.
Les
SARL connaissent toutefois de réelles difficultés de
financement
, car elles sont fortement dépendantes d'un crédit
bancaire devenu aujourd'hui beaucoup plus restrictif, notamment en termes de
taux d'intérêt, de privilèges et de sûretés.
L'habilitation porterait donc sur un nouveau régime d'émission
d'obligations par les SARL,
qui se ferait sans appel public à
l'épargne et serait par conséquent destinée aux seuls
investisseurs qualifiés
, définis à l'article L. 411-2
du code monétaire et financier. La SARL serait également tenue
d'avoir un commissaire aux comptes.
Ce régime pourrait notamment
s'inspirer de celui applicable à certaines associations
régies par la loi du 1
er
juillet 1901, qui aux termes de
l'article L. 213-8 du code monétaire et financier, peuvent
émettre dans certaines conditions des obligations lorsqu'elles exercent,
exclusivement ou non, une activité économique effective depuis au
moins deux années. Ces émissions peuvent toutefois être
effectuées avec appel public à l'épargne.
B. L'ASSOUPLISSEMENT DU STATUT
L'habilitation proposée par le présent article a pour objet de
permettre une plus grande liberté statutaire et se situe dans la
continuité de la volonté manifestée par le gouvernement de
faciliter la création d'entreprise, qui s'est notamment traduite dans le
récent projet de loi pour l'initiative économique par la
possibilité de créer une SARL avec un apport symbolique (un euro)
de capital. Les aménagements pressentis concerneraient trois
étapes de la vie des SARL :
- la
constitution
de la SARL : le plafond du nombre
d'associés, qui constitue une originalité française au
sein de l'Union européenne, serait relevé, vraisemblablement
à
cent
au lieu de cinquante aujourd'hui (article L. 223-3 du
code de commerce), et non pas supprimé comme le préconisait le
« rapport Marini » précité ;
- la
gestion
: une nouvelle modalité d'organisation
pourrait être ouverte aux associés, qui pourraient choisir entre
la gérance traditionnelle et une gestion avec gérants et
conseil de surveillance
. Notre collègue Philippe Marini
recommandait que la constitution d'un tel conseil soit rendue obligatoire
au-delà d'un certain seuil de capital ou de nombre d'associés, et
que l'organisation interne du conseil soit fixée non par la loi mais par
les statuts.
Les conditions de révocation du gérant seraient
en outre assouplies
et pourraient reprendre les propositions de notre
collègue Philippe Marini, consistant en l'établissement d'une
symétrie entre nomination et révocation : l'une et l'autre
seraient décidées à la majorité des parts sociales,
les statuts ayant toutefois la possibilité de prévoir une
majorité renforcée. Enfin la création de parts assorties
de droits préférentiels serait rendue possible ;
- la
cession des parts sociales à des tiers
: le
caractère nécessairement
intuitu personae
des SARL
occasionne parfois des désagréments et blocages lors de la
cession des parts, de telle sorte qu'il devient parfois nécessaire de
dissoudre préalablement la société. La
réglementation actuelle prévoit que les parts sociales sont
librement cessibles entre associés, sauf clause statutaire limitant la
cessibilité, mais ne peuvent être cédées à
des tiers qu'avec le consentement de la majorité des associés,
représentant au moins les trois-quarts des parts sociales (article L.
223-14 du code de commerce).
Cette exigence stricte pourrait être
abrogée au profit d'une fixation par les statuts
, dans un sens plus
libéral ou au contraire plus restrictif et dans la limite de la
moitié des parts. Les statuts pourraient en outre aménager la
majorité requise pour les transmissions de parts dues à un
décès ainsi que la procédure suivie en cas de limitation
de la cessibilité des parts entre associés.
Décision de la commission : votre commission émet un avis
favorable sur le 4° et le 5° de l'article 21.
10° de l'ARTICLE 21
Habilitation à instaurer un seuil de
sensibilité pour les affaires du ressort du Conseil de la concurrence,
et à relever le seuil de contrôle des
concentrations
Commentaire : le 10° du présent article
tend
à autoriser le gouvernement à simplifier :
- les procédures d'examen par le Conseil de la concurrence des affaires
relevant de ses attributions contentieuses (ententes et abus de position
dominante) qui pourraient être accélérées,
s'agissant de montants inférieurs à un seuil
déterminé ;
- le contrôle par le ministère de l'économie, après
consultation éventuelle du Conseil précité, des
opérations de concentration, au-delà d'un seuil de chiffre
d'affaires, fixé par l'article L. 430-2 du code de commerce, dont le
relèvement
serait autorisé.
Votre commission des finances a souhaité se saisir des présentes
dispositions car elles concernent une partie du droit du commerce qu'elle avait
déjà examinée lors de la discussion du projet de loi
relatif aux nouvelles régulations économiques
17(
*
)
.
Ce dernier texte a profondément modifié, sur les
différents points en question, l'ordonnance n° 86-1243 du
1
er
décembre 1986, précédemment en
vigueur, compte tenu des évolutions du droit communautaire et afin de
lutter plus efficacement contre certains abus facilités, notamment, par
la position dominante de la grande distribution, la mondialisation de
l'économie ou l'utilisation des nouvelles technologies d'information et
de communication.
A plusieurs reprises, votre commission des finances a souligné, lors de
la discussion du projet de loi précité, l'importance qu'elle
attachait au maintien, au renforcement ou à l'introduction, en
matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, ou de
contrôle de concentrations, de procédures allégées
susceptibles de rendre plus aisés à la fois l'accomplissement de
leurs missions par le conseil de la concurrence et l'administration, et la vie
des entreprises.
S'agissant de la codification du droit national de la concurrence,
l'intégration dans le code du commerce de l'ordonnance du 1
er
décembre 1986 constitue déjà un acquis important.
I. L'ACCÉLÉRATION DE L'EXAMEN PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
DES AFFAIRES INFÉRIEURES À UN SEUIL DÉTERMINÉ
S'agissant de l'accélération des procédures d'examen par
le Conseil de la concurrence des affaires portant sur un montant
inférieur à un seuil déterminé, il peut être
tout d'abord observé que l'habilitation donnée au gouvernement
par le présent projet de loi est, à première vue,
très large et doit être conciliée, dans l'exercice des
attributions contentieuses de l'autorité visée, avec le respect
des droits de la défense.
A. LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES EXISTANTES
D'ores et déjà :
- les articles L. 463-3 et L. 464-5 du code de commerce autorisent que
certaines affaires soient jugées par le conseil sans
établissement préalable d'un rapport, à condition que la
sanction pécuniaire n'excède pas 750.000 euros pour chacun
des auteurs de pratiques prohibées ;
- l'article L. 464-6 du même code prévoit la possibilité de
ne pas mener à son terme une procédure
«
lorsqu'aucune pratique de nature à porter atteinte
à la concurrence sur le marché n'est
établie
».
Lors de la mise au point de la rédaction actuelle de ces articles,
à l'occasion de la discussion du projet de loi précité,
relatif aux nouvelles régulations économiques (NRE), votre
commission des finances avait souhaité en outre, sans succès,
que :
- des affaires urgentes, pouvant justifier des sanctions plus lourdes, puissent
continuer à être traitées par la commission permanente du
Conseil selon la procédure normale ;
- des dossiers puissent être classés sans suite en l'absence
d'atteinte « substantielle » à la concurrence sur le
marché, ce qui avait fait alors redouter par l'Assemblée
nationale que la situation des plus petites entreprises ne s'en trouve quelque
peu négligée.
B. L'INSUFFISANCE DES MOYENS DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Le stock de dossiers en cours représentait en 2001 deux années
d'activités, preuve de l'engorgement de l'instance
considérée.
On a constaté toutefois :
- une diminution, en 2001, du total des saisines (136 en 1999, 144 en 2000, 127
en 2001) ;
- un nombre élevé, cette même année, de
décisions d'irrecevabilité et de rejet, liées à
l'entrée en vigueur de la loi NRE
18(
*
)
précitée.
Plus encore que de la simplification des procédures d'examen des
affaires inférieures à un certain seuil,
l'accélération, à qualité égale ou
améliorée, de l'instruction par le Conseil des dossiers dont il a
la charge, dépend cependant d'un renforcement de ses moyens humains et
matériels.
Votre commission des finances avait déjà insisté sur ce
point.
Il a fallu attendre 2000 pour que soit arrêté un plan de deux ans
permettant au Conseil de rémunérer ses agents (de 100 à
120 personnes au total) à partir de ses propres crédits
budgétaires, comme les autres autorités indépendantes.
Pourtant, les effectifs budgétaires continuent de différer des
effectifs réels.
L'année 2001 a été marquée par un renforcement de
l'encadrement supérieur prélude à une augmentation des
effectifs des services d'instruction en 2002 (l'effectif théorique des
rapporteurs doit passer de 38 à 42).
Les crédits de fonctionnement ont augmenté de 30 % en 2001 au
titre du développement de l'utilisation des nouvelles technologies
d'informations et de communication.
La loi NRE prévoit par ailleurs, en son article 80 (article
L. 450-6 du code de commerce), la mise à la disposition du
rapporteur général du Conseil, d'enquêteurs des services du
ministère de l'économie
19(
*
)
.
Globalement, les moyens du Conseil demeurent toutefois insuffisants, par
rapport à ses homologues étrangers, pour lui permettre de
s'acquitter, dans les meilleures conditions, de ses tâches, accrues par
la loi NRE précitée et par la décentralisation du
contrôle communautaire des ententes et des concentrations (ainsi que du
fait du développement de la coopération internationale en
matière de répression des entraves à la concurrence).
C. LA PORTÉE DU PRÉSENT DISPOSITIF
Dans ce contexte, il convient de s'interroger sur l'objectif précis vers
lequel tend la rédaction, très générale, de la
première partie du présent dispositif.
Il s'agit, essentiellement, d'en revenir à une disposition initiale du
projet NRE précité, approuvée par le Sénat mais
supprimée, dans le texte définitif, par la majorité
d'alors de l'Assemblée nationale.
Cette disposition, déjà évoquée ci-dessus par votre
rapporteur, tendait à compléter la possibilité de non lieu
prévu par l'article L. 464-6 du code de commerce en cas d'absence
d'atteinte à la concurrence, par une procédure de classement sans
suite à condition que la concurrence sur un marché ne soit pas
mise en cause de façon «
substantielle
».
La référence à ce qualificatif de
« substantiel », difficile à apprécier,
serait remplacée par le recours au critère, plus objectif, d'un
seuil de sensibilité ou « seuil
de minimis
»,
disparue de notre droit national mais utilisée en droit communautaire de
la concurrence
20(
*
)
,
en-deçà duquel il ne saurait y avoir d'infraction.
L'instauration d'une telle règle «
de
minimis
» allègerait la lourde tâche du conseil de
la concurrence en lui permettant de classer rapidement les dossiers relatifs
à des ententes d'importance mineure sans réel effet sur la
concurrence.
II. LE RELÈVEMENT DU SEUIL DES CONCENTRATIONS
En plus de ses attributions contentieuses dans le domaine des pratiques
concurrentielles, le Conseil de la concurrence exerce une fonction importante
en matière de contrôle des concentrations qui n'est cependant,
dans ce domaine, que consultative.
La décision d'autoriser ou non une opération de concentration
revient, en effet, au ministre de l'économie.
A. UN RÉGIME DÉJÀ PROFONDÉMENT
MODIFIÉ
Comme les procédures contentieuses suivies dans les affaires donnant
lieu à une décision du conseil, les règles relatives aux
concentrations ont été profondément modifiées par
la loi NRE précitée du 15 mai 2001.
Il en résulte, d'un côté, une certaine simplification dans
la mesure où il n'est plus fait référence à la part
de marché des entreprises concernées, seul étant pris en
compte, comme seuil de contrôle, leur chiffre d'affaires en valeur
absolue
21(
*
)
. Mais, d'un autre
côté, la notification de l'opération contrôlable au
ministère de l'économie est devenue obligatoire alors qu'elle
n'était, auparavant, que facultative (article L. 430-3 du code de
commerce).
Par ailleurs, comme l'avait alors souligné votre commission des finances
lors de l'examen dudit projet, les seuils, exprimés en valeur absolue,
de chiffre d'affaires, ont été considérablement
abaissés par l'Assemblée nationale par rapport à la
situation précédente. On relèvera à cet
égard que le texte initial entendait les voir fixer par décret.
La définition des opérations de concentration, donnée par
l'article L. 430-1 du code de commerce
22(
*
)
, est la simple reprise de celle
figurant à l'article 3 du règlement applicable dans ce
domaine (CEE n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989).
Seules sont soumises à contrôle et autorisation de
l'exécutif, les opérations qui n'entrent pas dans le champ
d'application du contrôle de la commission européenne
délimité par le règlement précité de
décembre 1989
23(
*
)
.
Le Conseil des ministres européens en charge de la concurrence a
adopté, le 26 novembre 2002, une réforme très
importante, qui doit entrer en vigueur en mai 2004, des règles relatives
au contrôle des cartels et des abus de position dominante
24(
*
)
permettant une application conjointe
des dispositions communautaires par la commission et les juridictions
nationales.
Lors de l'examen du projet NRE précité, votre commission des
finances avait :
- souligné la surcharge de travail pour l'administration et le Conseil
de la concurrence qui risquait de résulter de l'effet conjugué de
l'abaissement des seuils et de l'obligation de notification ;
- envisagé une élévation des seuils, à laquelle
elle avait renoncé en raison de l'objection qui lui avait
été présentée sans qu'elle soit en mesure d'en
vérifier le bien-fondé, selon laquelle les limites retenues
seraient comparables à celles en vigueur à
l'étranger ;
- déploré l'absence de procédure simplifiée en
matière de notification
25(
*
)
et d'autorisation
26(
*
)
des ententes ;
- constaté certaines lacunes ou obscurités dans la
rédaction, très complexe, des articles L. 430-5 à
L. 430-8 du code de commerce.
B. LES AMÉLIORATIONS EN COURS
La DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes) a publié un projet
de lignes directrices tendant à clarifier le nouveau régime de
contrôle des concentrations issu de la loi NRE précitée du
15 mai 2001 et de son décret d'application n° 2002-689 du
30 avril 2002.
La notion de position dominante serait intégrée dans un concept
plus vaste de «
restriction de concurrence
»
permettant de prendre en compte d'éventuels effets unilatéraux
(hausses des prix...) susceptibles de révéler une
«
réduction significative de concurrence
».
Des dérogations au caractère suspensif de la notification
seraient autorisées en cas d'offre de reprise d'une entreprise ayant
fait l'objet d'un plan de cession dans le cadre d'une procédure
collective ou bien (problème soulevé par votre commission des
finances lors de l'examen du projet NRE précité) en cas
d'échanges de titres sur un marché réglementé (OPA
ou OPE).
La procédure de notification serait substantiellement simplifiée
en ce qui concerne les opérations réalisées par les fonds
d'investissement.
C. L'ÉTENDUE DE L'HABILITATION DEMANDÉE
La portée de l'habilitation donnée au gouvernement par les
présentes dispositions est limitée.
Il ne s'agit que de l'autoriser à relever les seuils de chiffre
d'affaires des entreprises soumises au contrôle des opérations de
concentration.
Ces limites sont actuellement manifestement trop basses et leur
relèvement est, en soi, une bonne chose.
Leur détermination doit-elle incomber au pouvoir exécutif ou
revient-il au Parlement de les préciser ? Le projet NRE initial avait
prévu, sur ce point, le renvoi à un décret mais la
majorité de la précédente législature en avait
finalement décidé autrement.
Un amendement au présent article, présenté par notre
collègue député Jérôme Lambert, tendant
à s'opposer au dessaisissement du Parlement sur ces questions a
été repoussé par l'Assemblée nationale, en
première lecture, le 9 avril 2003.
Le fait que les seuils prévus par la loi NRE précitée
aient été fixés à un niveau beaucoup trop bas, la
nécessité de réactualiser périodiquement ces
limites et le caractère très technique des données qui
doivent éclairer les décisions à prendre en la
matière, militent, de l'avis de votre rapporteur, en faveur d'une
délégation de pouvoir à l'exécutif.
Il semble donc souhaitable, comme le prévoient les présentes
dispositions, d'habiliter le gouvernement à augmenter les seuils de
chiffre d'affaires qui commandent la notification
27(
*
)
.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
En définitive, les deux habilitations proposées (classement sans
suite par le Conseil de la concurrence d'affaires peu importantes et
relèvement du seuil de contrôle des concentrations) :
- s'avèrent de portée, somme toute, limitée et
doivent être complétées par d'autres mesures ;
- apparaissent néanmoins opportunes et correspondent à des
souhaits déjà exprimés par votre commission des finances
lors de la discussion du projet de loi relative aux nouvelles
régulations économiques ;
- n'entraînent pas, de par leur caractère technique, de
dessaisissement du Parlement qui à ce titre ne serait pas acceptable.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le 10° de l'article 21 sans modification.
4° de l'ARTICLE 27
Habilitation à prendre les mesures
législatives nécessaires pour modifier et compléter le
code monétaire et financier
Commentaire : l'habilitation résultant du
présent article a pour objet d'inclure dans le code monétaire et
financier les dispositions législatives qui n'ont pas été
codifiées, de remédier aux éventuelles erreurs et
insuffisances et d'intégrer les dispositions relatives aux interdictions
d'exercice des activités bancaires et financières.
I. UNE PROCÉDURE DE CODIFICATION INDISPENSABLE MAIS EN SUSPENS
La législation portant sur les activités bancaires,
monétaires et financières s'est considérablement enrichie
au cours des deux dernières décennies
28(
*
)
, en vue d'accompagner et d'encadrer le
mouvement de libéralisation des marchés financiers et de
diversification des instruments à la disposition des acteurs
économiques.
Cette extension a rendu nécessaire la
codification de cette branche du droit
, qui s'est inscrite dans le vaste
processus de codification mis en oeuvre depuis une dizaine d'années. Le
code monétaire et financier constitue ainsi une création
récente, introduite par l'ordonnance n° 2000-1223 du 14
décembre 2000
29(
*
)
relative à la partie législative de ce code, qui a notamment
contribué à rassembler au sein d'un même
corpus
des
dispositions émanant de plusieurs codes antérieurs, tels que
celui des caisses d'épargne et celui des instruments monétaires
et des médailles.
Ce code est désormais largement intégré dans les
pratiques
et constitue un outil juridique très utilisé par
l'ensemble des acteurs de la place, qui se le sont largement approprié
et tendent désormais à se référer aux dispositions
codifiées plutôt qu'aux articles de loi correspondants. En outre,
les lois promulguées depuis décembre 2000 comportent des articles
conformes à la nomenclature du code et donc directement codifiés.
L'ordonnance précitée n'a cependant pas été
ratifiée, le projet de loi de ratification n° 219
déposé au Sénat le 7 février 2001 n'ayant jamais
été inscrit à l'ordre du jour. Le délai de
ratification expresse a depuis expiré, et il en résulte que le
processus de codification de cette matière est interrompu depuis deux
ans, et doit être aujourd'hui actualisé et mené à
son terme pour répondre aux exigences de sécurité et de
cohérence juridiques. Il s'agit également de clarifier et
rétablir la place que ce code a vocation à occuper dans la
hiérarchie des normes, car
à défaut de ratification
implicite ou explicite par le Parlement, le code monétaire et financier
ne peut, aujourd'hui, détenir qu'une valeur infra-législative
plus précaire. La partie législative du code devrait
in
fine
comprendre près de 1.200 articles, et l'objectif du
gouvernement est d'achever sa partie réglementaire en 2004.
II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Le présent article prévoit une habilitation portant sur trois
volets : les deux premiers, consistant en l'inclusion des dispositions
législatives non encore codifiées et en la correction des
éventuelles erreurs et insuffisances constatées, sont conformes
à l'esprit de l'article 25 du présent projet de loi, et le
troisième volet portant sur la modification et l'achèvement du
code, est imposé par le nécessaire respect du principe de
proportionnalité des peines.
A. L'ACHÈVEMENT DU CODE À DROIT INCONSTANT
La finalisation du code requiert d'y intégrer de nouvelles dispositions
relatives aux interdictions d'exercice des activités bancaires et
financières et destinées à accroître
l'homogénéité du régime applicable à des
professions parfois proches.
Ces dispositions sont toutefois soumises au
respect du principe de proportionnalité des peines et de
l'égalité de traitement entre les différentes professions
bancaires et financières, posé par l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
30(
*
)
et auquel le Conseil d'Etat s'est
montré particulièrement vigilant.
Le Conseil d'Etat avait en
effet émis des réserves sur une première version du projet
de loi de ratification, qui tendait à codifier des dispositions
antérieures ne respectant pas ce principe, et avait donc requis la
disjonction de ces dispositions.
Le dispositif actuel des capacités pénales prévoit ainsi
deux régimes d'interdictions d'exercice, dont le caractère
définitif et l'applicabilité pour certains délits
témoignent d'une grande sévérité
préjudiciable à la sécurité juridique des
professionnels concernés :
-
la première série d'interdictions est constituée par
celles relatives à la profession de banquier
, qui figurent à
l'article 13 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité
et au contrôle des établissements de crédit et ont
été reprises pour les professions d'intermédiaire en
opérations de banque
31(
*
)
et de changeur manuel
32(
*
)
, ainsi
que pour des activités liées à la profession de
banquier
33(
*
)
. Ces dispositions
prévoient la liste des crimes et délits
34(
*
)
qui privent toute personne du droit
d'être membre d'un conseil d'administration ou d'un conseil de
surveillance d'un établissement de crédit, d'administrer, de
diriger ou de gérer à un titre quelconque un établissement
de crédit, ou de disposer du pouvoir de signer pour le compte d'un tel
établissement. Ces incapacités sont prévues pour une
durée illimitée et pour des infractions faisant parfois
apparaître une certaine disproportion de la peine ;
- le second régime d'interdictions, introduit par l'article 22 de loi du
2 juillet 1996 de modernisation des activités financières,
prévoit des conditions pénales d'exercice proches mais non
identiques et
s'applique aux dirigeants et mandataires d'entreprises
d'investissement
.
L'article 2 du projet de loi de ratification de février 2001 comportait
un régime d'interdictions d'exercice plus rationnel et conforme à
l'avis du Conseil d'Etat, qui s'inspirait des nouveaux principes qui avaient
été envisagés pour les incapacités pénales
relatives aux professions commerciales ou industrielles
35(
*
)
et les reprenait successivement pour
les huit professions bancaires et financières concernées
. Ces
dispositions n'ayant pas été ratifiées, le double
régime actuel perdure, et le projet de loi de sécurité
financière, actuellement en cours d'examen, devrait en outre conduire
à créer une troisième catégorie
d'incapacités pénales
, prévue par les articles 39 et
42 pour les démarcheurs et les conseillers en investissements
financiers. Ce dispositif s'insère dans la modernisation du
régime du démarchage bancaire et financier et dans le nouveau
statut des conseillers en investissements financiers, mais n'est pas
différent de celui qui était prévu dans le projet de loi
de ratification précité du 7 février 2001. Il respecte
donc les exigences posées par le Conseil d'Etat.
Le régime applicable aux démarcheurs et conseillers financiers
prévoit dans le texte actuellement proposé pour les articles L.
341-9 et L. 541-7 du code monétaire et financier une interdiction
d'exercice de l'activité de démarcheur ou de conseiller pour une
durée limitée à dix ans
à compter de la
condamnation définitive, soit dès que les voies de recours ont
été épuisées. L'interdiction serait en outre
globale puisqu'elle porterait sur toutes les modalités possibles de ces
activités de démarchage et de conseil : personne physique
mandatée, salariée ou directement habilitée, direction ou
gestion d'un établissement. Elle s'appliquerait à toute personne
condamnée depuis moins de dix ans pour crime ou pour une peine minimale
d'emprisonnement de trois mois sans sursis pour des délits à
caractère économique et financier ou présentant une
atteinte à la personne humaine, et en cas de destitution aux fonctions
d'officier public ou ministériel.
La liste des délits est plus
étendue que celles du droit actuel, mais le seuil de condamnation
emportant interdiction d'exercice est mieux proportionné
puisque la
condition pénale porte sur une peine sans sursis et d'une durée
supérieure à trois mois, alors que le droit existant
prévoit une interdiction pour toute condamnation pour l'un des
délits mentionnés par la loi, quelle que soit la gravité
de l'infraction commise.
Il en résulte que la codification à droit inconstant
qu'entraîne le présent article ne concerne qu'un objet
précis et délimité par le respect du principe
constitutionnel de proportionnalité des peines.
Les nouvelles
dispositions relatives aux interdictions d'exercice devraient ainsi unifier le
régime actuel en s'alignant sur celui qui sera voté à
l'issue de l'examen du projet de loi de sécurité
financière, qui a donc vocation à s'étendre à
l'ensemble des professions bancaires et financières.
B. LES RECTIFICATIONS À DROIT CONSTANT
Le présent article a également pour objet d'habiliter le
gouvernement à assurer la « maintenance » du code
monétaire et financier - pour reprendre le terme évocateur de
notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur au nom de
la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le présent
projet de loi - c'est-à-dire inclure les dispositions qui n'ont pas
été codifiées (et partant, abroger les articles de loi
correspondants), mais aussi de corriger les erreurs constatées depuis
deux ans. On peut ainsi relever les exemples suivants, qui n'ont
généralement pas un impact déterminant :
- l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la
valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes
législatifs a prévu un
dispositif général de
conversion et d'arrondi en euros
de nombreux montants, dont certains
figuraient dans les lois à caractère bancaire et financier qui
ont été peu après codifiées. La loi de finances
rectificative pour 2001 n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 et les
lois s'appliquant au domaine bancaire et financier entrées en vigueur
depuis deux ans (avec codification directe) ont également permis
d'opérer certaines adaptations. Néanmoins un certain nombre de
montants exprimés dans l'ancienne monnaie, ou des dispositions
comportant le terme de « francs » dans son acception
monétaire figurent encore dans le code monétaire et
financier
36(
*
)
. Ces erreurs sont
imputables à des omissions, mais aussi au fait que certains des articles
visés dans cette ordonnance ont été abrogés lors de
la codification sans que la conversion ait été prise en
compte ;
- des ambiguïtés sur l'applicabilité outre-mer de
certains dispositifs d'épargne, tels que les sociétés
d'exploitation forestière ;
- certaines erreurs de renvoi
37(
*
)
;
- des erreurs intervenues lors d'abrogations d'articles de loi
38(
*
)
;
- la présence de dispositions réglementaires dans des textes
de loi. L'abrogation de ces dispositions, qui ne seraient pas codifiées,
peut dans l'ordonnance être différée à
l'entrée en vigueur de la partie réglementaire du code.
Le relevé de ces erreurs est actuellement bien avancé par les
services de la direction du Trésor mais n'est pas encore achevé.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur ne peut qu'approuver la reprise du processus de codification
dans les matières bancaires et financières, considérant le
statut normatif incertain de l'actuel code et la nécessité de
procéder à des aménagements ciblés.
L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement à
l'article 24, tendant à ratifier l'ordonnance du
14 décembre 2000 et à conférer ainsi une valeur
législative au code monétaire et financier. Votre commission des
finances est favorable à une telle modification.
Votre commission des finances vous soumettra également un amendement
au présent article tendant à prévoir la publication au
Journal officiel d'une table de concordance
entre les articles de loi
abrogés et les nouveaux articles du code. L'utilité d'un tel
outil, dont les professionnels avaient regretté l'absence lors de la
publication de l'ordonnance n° 2000-1223 précitée relative
à la partie législative du code, est en effet
avérée, et on peut regretter qu'il ne revête pas
aujourd'hui un caractère plus pérenne et officiel, du fait de sa
seule conception et publication par des éditeurs privés.
Décision de la commission : votre commission émet un avis
favorable sur le 4° de l'article 27 ainsi modifié.