II. UN DISPOSITIF LISIBLE ET EFFICACE

A. LE TEXTE DU GOUVERNEMENT

Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale s'inscrit dans le plan de relance du mécénat et des fondations présenté par le Premier ministre le 17 décembre dernier. Ses dispositions répondent à deux objectifs :

- accroître le caractère incitatif des dispositifs fiscaux d'encouragement au mécénat ;

- améliorer le statut des fondations.

1. Des mécanismes fiscaux renforcés

S'inscrivant dans les réformes successives engagées depuis la fin des années 1980, le projet de loi améliore très significativement les avantages fiscaux prévus par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts, tout en poursuivant un objectif de simplification.

Dans un souci de lisibilité, il est ainsi prévu d'harmoniser les mécanismes applicables aux particuliers et aux entreprises.

En l'état actuel du droit, les dons des particuliers ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu, tandis que ceux consentis par des entreprises bénéficient d'un régime de déductibilité du résultat.

Le projet de loi propose d'étendre aux entreprises le dispositif applicable aux particuliers, dispositif dont il accroît par ailleurs l'attractivité en relevant de 50 à 60 % le montant de la réduction d'impôt.

Pour les particuliers, le plafond de la réduction fiscale est porté de 10 % à 20 % du revenu imposable. Par ailleurs, est ouverte la possibilité de reporter l'excédent de la réduction fiscale sur cinq ans. Pour les entreprises, il est retenu une limite de 5 %o du chiffre d'affaires tandis que les textes prévoient actuellement une déductibilité des dons limitée à 2,25 %o ou 3,25 %o selon la nature de l'organisme bénéficiaire. Ces mesures permettront de réserver un traitement favorable aux dons ponctuels d'un montant élevé, notamment ceux destinés à créer une fondation.

Ces propositions marquent une étape supplémentaire dans le renforcement du caractère incitatif de la fiscalité, étape qui profite essentiellement aux entreprises pour lesquelles l'avantage fiscal attaché à l'acte de mécénat est doublé par rapport au dispositif actuel.

Votre rapporteur ne peut que souligner l'intérêt de ces mesures qui doivent toutefois s'accompagner de la part de l'administration et des organismes bénéficiaires d'un effort de pédagogie auprès des donateurs afin que leur impact ne se limite pas à un effet d'aubaine et donc à un financement par l'Etat de la philanthropie, ce qui serait exactement contraire à l'objectif poursuivi.

Cet effort de pédagogie sera facilité par les mesures de simplification proposées par le projet de loi.

Jusqu'à présent, s'appliquaient aux dons versés par les particuliers et les entreprises des traitements différenciés selon la nature de l'organisme auquel ils bénéficiaient.

Ainsi, les dons des particuliers ouvraient droit à une réduction d'impôt égale à 50 % sauf pour ceux versés aux organismes venant en aide aux personnes en difficulté. Au bénéfice du relèvement du montant de la réduction d'impôt, le projet de loi procède à une uniformisation du dispositif de l'article 200 du code général des impôts par le biais d'un « alignement par le haut ».

En ce qui concerne les entreprises, la déductibilité est en l'état actuel du droit soumise à des plafonds différents selon la nature ou plus exactement le statut de l'organisme, ce qui ne se justifie guère dans la mesure où l'article 238 bis a vocation à inciter les entreprises à effectuer des dons en faveur de causes d'intérêt général et non à établir une quelconque hiérarchie entre ces causes en fonction du statut des organismes qui y concourent. L'article 3 du projet de loi instaure un mécanisme de réduction d'impôt qui s'applique sans distinction à l'ensemble des organismes visés par l'article 238 bis.

2. Vers une amélioration du régime des fondations

Répondant au constat maintes fois répété de l'inadaptation du régime des fondations à un développement plus général du mécénat, le texte déposé par le Gouvernement comporte des dispositions destinées à améliorer le statut fiscal de ces organismes, dispositions qui s'accompagnent de mesures de nature à assouplir leur encadrement réglementaire.

• Un statut fiscal assoupli

Le projet de loi s'inscrit dans les réformes engagées par nos principaux partenaires européens pour favoriser l'action des fondations qui, en France, sont encore peu nombreuses alors que leur statut apparaît offrir des garanties incontestables pour la mise en oeuvre d'actions de mécénat.

Il convient de rappeler que les fondations reconnues d'utilité publique ne disposent pas d'un régime fiscal différent de celui des autres organismes sans but lucratif.

Ce régime fixé par l'article 219 bis du code général des impôts prévoit que les fondations sont assujetties pour les revenus qui ne sont pas rattachables à une exploitation commerciale et industrielle à des taux réduits d'impôt sur les sociétés. Seule règle spécifiquement applicable aux fondations reconnues d'utilité publique, le III de l'article 219 bis, introduit à la faveur de la loi du 23 juillet 1987, leur applique un abattement d'un montant de 15 000 euros. L'article 2 du projet de loi porte le montant de cet abattement à 30 000 euros, soit un doublement.

Au-delà, le projet de loi comporte deux mesures destinées à encourager le mécénat en faveur des fondations reconnues d'utilité publique.

En premier lieu, l'article 4 propose de soustraire de l'assiette de calcul des droits de mutation à titre gratuit les dons faits à ces fondations lorsque ces dons sont faits par les héritiers, donataires ou légataires.

Cette disposition qui complète les mécanismes existants prévus notamment à l'article 795 du code général des impôts en faveur des dons faits par une personne avant son décès reprend une des propositions formulées par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'étude précitée consacrée au droit des fondations.

En second lieu, le projet de loi poursuit l'effort de simplification du droit applicable aux fondations d'entreprise dans le cadre de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. L'article 5 assouplit la disposition de la loi de 1987 sur le développement du mécénat qui interdit aux fondations d'entreprise de recevoir des dons ou des legs en y introduisant une exception au profit des salariés de l'entreprise. Cette disposition est de nature à conférer une plus grande légitimité à ces organismes, en associant les salariés à l'effort de l'entreprise elle-même. D'ores et déjà, certaines fondations d'entreprise bénéficient du concours des salariés de l'entreprise fondatrice, notamment sous la forme de bénévolat ou d'apport de compétences.

Enfin, on rappellera pour mémoire que l'article 13 de la loi de finances pour 2003 a affecté une part du produit des successions en déshérence à la Fondation du patrimoine. Cette mesure apparaît bienvenue afin d'encourager une institution qui peine à mobiliser les ressources du mécénat pour remplir des missions qui ont été définies très largement par la loi de 1996.

• Des mesures réglementaires destinées à moderniser le droit des fondations

Au-delà de ces dispositions législatives de nature fiscale, le plan présenté par le Premier ministre comportait des mesures réglementaires susceptibles de lever certains des obstacles qui s'opposent à la création de fondations.

Le Premier ministre avait ainsi indiqué que le processus interministériel d'examen des demandes serait amélioré afin qu'elles soient traitées dans un délai maximal de six mois.

Cette proposition répondait aux critiques formulées à de nombreuses reprises à l'encontre de la lourdeur et de la longueur de la procédure de reconnaissance d'utilité publique. Les ministères mettent, en effet, souvent plusieurs mois à répondre, voire dans certains cas une année, et l'avis obtenu est parfois sommaire. Il s'agit là d'un obstacle susceptible de décourager les mécènes.

Le Conseil d'Etat avait souhaité en 1996 que des correspondants soient désignés dans les ministères afin d'accélérer les délais d'instruction. Cette proposition qui a été mise en oeuvre dans deux ministères n'a pas rempli son office.

Le Premier ministre, dans une circulaire en date du 1 er avril 2003, a précisé aux ministères instructeurs que lorsqu'ils seraient saisis par le ministre de l'intérieur, leur avis devrait lui être communiqué dans un délai de deux mois au maximum. A défaut de réponse dans ce délai, cet avis sera réputé favorable.

Par ailleurs, à la demande du Gouvernement, la section de l'Intérieur du Conseil d'Etat a, le 2 avril dernier, modifié les « modèles de statuts » proposés aux fondations qui sollicitent leur reconnaissance d'utilité publique.

Ces modifications permettent aux fondations :

- de choisir, comme le permet la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, un exécutif bicéphale (conseil de surveillance et directoire), organisation qui a l'avantage de permettre une séparation des fonctions. Les statuts imposaient jusqu'ici un seul mode d'organisation autour d'un conseil d'administration ;

- de disposer d'une plus grande liberté dans la composition des organes dirigeants ;

- d'opter pour un dispositif dans lequel l'Etat est représenté par un commissaire du Gouvernement à voix consultative plutôt que par un membre du conseil d'administration avec voix délibérative.

Par ailleurs, les modalités du contrôle exercé par l'administration -aujourd'hui très lourdes au regard de leur efficacité- ont été assouplies.

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