B. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les modifications introduites par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi répondent à trois préoccupations :

- renforcer le caractère incitatif des dispositifs fiscaux ;

- assurer la sécurité des donateurs ;

- instituer un contrôle des organismes bénéficiant des ressources du mécénat.

1. Des dispositifs plus incitatifs

• Conforter l'attractivité de la reconnaissance d'utilité publique

L'Assemblée nationale a souhaité, et cela de manière fort opportune, conforter l'action des fondations et des associations reconnues d'utilité publique.

L'autorisation de recevoir des dons et legs que la loi accorde à ces organismes en fait des outils essentiels d'une politique de relance du mécénat.

S'agissant des associations reconnues d'utilité publique, l'Assemblée nationale a introduit deux dispositions nouvelles dans le projet de loi à l'initiative de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

En premier lieu, leur a été étendu le bénéfice de la mesure proposée par l'article 4 du projet de loi qui permet à un héritier de consacrer tout ou partie du produit d'une succession à une fondation reconnue d'utilité publique, en franchise de droits de mutation.

En second lieu, l'Assemblée nationale a introduit un article 8 (nouveau) abrogeant la disposition de l'article 11 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association qui prohibe les donations mobilières ou immobilières assorties d'une réserve d'usufruit aux associations reconnues d'utilité publique. Cette disposition, qui ne s'applique pas aux fondations, apparaît aujourd'hui sans fondement, inspirée par une méfiance qui n'est plus de mise.

Il s'agit là de mesures d'harmonisation bienvenues.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a modifié avec l'accord du Gouvernement, l'article 2 du projet de loi afin de relever le montant de l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations reconnues d'utilité publique au titre de l'article 219 bis du code général des impôts.

• Favoriser l'enrichissement du patrimoine national

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu le dispositif de l'article 238 bis 0A du code général des impôts introduit par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France pour favoriser l'achat de trésors nationaux aux biens culturels « dont l'acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie » et qui se trouveraient hors du territoire douanier.

Ce mécanisme répondait au souci de dégager les moyens nécessaires au maintien sur le territoire national d'oeuvres majeures dans le cadre de la loi du 31 décembre 1992 qui, en pratique, ne permet à l'Etat de s'opposer à l'exportation d'un bien culturel qu'en s'en portant acquéreur, l'arme du classement au titre de la loi de 1913 étant neutralisée en raison de l'obligation d'indemniser le propriétaire du bien.

La modification introduite par l'Assemblée nationale, en élargissant le champ de l'article 238 bis 0A, en modifie sensiblement l'esprit même si la motivation demeure la même, à savoir l'enrichissement du patrimoine national. Cette disposition répond à une conception plus ouverte et moins « protectionniste » du patrimoine national.

2. Assurer la sécurité des donateurs

Les conditions de délivrance par les organismes d'intérêt général de reçus fiscaux au titre des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ne donnent lieu de la part des services fiscaux à aucun contrôle a priori . Ce sont les associations qui sont seules juges de savoir si elles remplissent les conditions posées par ces articles pour l'octroi des avantages qu'ils prévoient. Le contrôle n'intervient qu' a posteriori dans le cadre de contrôles fiscaux et peut donner lieu, si les associations ont émis à tort des reçus, à des amendes pouvant aller jusqu'à 25 % du montant des dons pour les associations concernées.

L'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a modifié l'article 1 er du projet de loi afin d'introduire à l'article 200 du code général des impôts un mécanisme de rescrit qui permettra aux organismes susceptibles de bénéficier de dons ouvrant droit à un avantage fiscal de solliciter l'administration fiscale afin de savoir s'il relève des catégories visées. Cette disposition qui renforce la sécurité juridique des donateurs et des associations, ne peut qu'encourager le mécénat.

3. Instituer un contrôle sur les organismes bénéficiant du mécénat

L'Assemblée nationale a considéré que l'ampleur de l'effort consenti par l'Etat pour encourager la générosité publique imposait aux organismes qui en bénéficient un devoir renforcé de transparence.

Ce devoir s'imposerait à deux titres : permettre une meilleure information des donateurs afin que ces derniers, assurés du bon emploi de leurs dons, se montrent plus généreux, mais également garantir que la dépense fiscale est utilisée à bon escient.

Le dispositif retenu figure aux articles 1 er ter et 7 (nouveaux) et s'articule autour de trois mesures.

Afin d'assurer la transparence de l'action des organismes recevant des recettes de mécénat, l'article 1 er ter introduit dans la loi du 23 juillet 1987 un article nouveau qui pose un principe de publicité des comptes annuels. Cette obligation nouvelle devra être précisée par un décret en Conseil d'Etat.

Il convient de noter que cette disposition a pour effet d'étendre à un vaste ensemble d'organismes -puisque tous ceux recevant des dons ouvrant droit à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés sont concernés- une obligation de tenue de comptabilité qui, jusque là, s'appliquait certes à un grand nombre d'associations mais à laquelle n'étaient pas soumises les plus modestes d'entre elles.

A cette obligation nouvelle s'ajouterait celle introduite par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Charles de Courson et Gilbert Gantier à l'article 7 (nouveau).

Cet article complète l'article L. 111-8 du code des juridictions financières afin de prévoir que les organismes bénéficiaires de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit au bénéfice des donateurs à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés doivent établir des « comptes annuels certifiés des dépenses financées par ces dons » dès lors que le total de ces dons est supérieur à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat.

Enfin, il est proposé de prévoir un contrôle de la Cour des comptes sur la conformité des dépenses financées par ces dons aux objectifs de l'organisme bénéficiaire.

Les dispositions de l'article 7, si elles sont directement inspirées de la loi du 7 août 1991 10 ( * ) relative au contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique, n'en soulèvent pas moins nombre d'interrogations tant sur leur champ d'application et la nature des documents à établir, que sur l'opportunité du contrôle de la Cour des comptes sur ces organismes.

Plus large que celui fixé par la loi de 1991, le champ de cette disposition inclut les organismes cultuels ou religieux ainsi qu'en l'absence de dispositions contraires les partis politiques. En revanche, en sont exclus les organismes recevant des dons sans émettre des reçus fiscaux.

Par ailleurs, si l'on comprend bien le souci de permettre un contrôle de l'usage des fonds occasionnant une dépense fiscale, votre rapporteur s'est interrogé sur le contenu des documents que devront établir les organismes concernés. En effet, l'article 7 fait référence à une notion qu'ignore le plan comptable des associations et des fondations, ce qui laisse à penser que les organismes concernés devront, outre les comptes annuels, établir un nouveau document dont le contenu devra vraisemblablement être défini par décret.

Il convient de souligner que cette nouvelle obligation ne concernera que les organismes recevant des dons qui dépasseraient un montant fixé par décret en Conseil d'Etat. Lors des débats, a été évoquée la possibilité de retenir le seuil fixé par les textes d'application de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui impose aux associations ayant reçu des subventions supérieures à 153 000 euros de déposer à la préfecture un certain nombre de documents, et en particulier leurs comptes et les comptes rendus financiers des subventions reçues.

En l'absence de statistiques, il est difficile d'estimer le nombre des organismes qui seront soumis au contrôle de la Cour des comptes.

* 10 Loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.

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