III. UN NOUVEL ÉLAN POUR LA POLITIQUE DU PATRIMOINE ?

L'effort budgétaire en faveur du patrimoine, nécessaire après l'opération-vérité conduite en 2003, s'accompagne d'une réforme des modalités d'intervention du ministère dans ce domaine.

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE QUI DOIT S'INSCRIRE DANS LA DURÉE

1. Un sursaut budgétaire

• L'évolution des crédits pour 2004

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques -hors grandes opérations- de 10 %. Les crédits passeront ainsi en autorisations de programme de 204 millions d'euros en 2003 à 224 millions d'euros en 2004.

Le tableau ci-après récapitule l'évolution des crédits d'investissement destinés aux monuments historiques entre la loi de finances pour 2001 et le projet de loi de finances pour 2004.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT MONUMENTS HISTORIQUES 2001-2004

(en autorisations de programme)

 

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

Monuments historiques appartenant à l'Etat

102,83

108,72

98,04

110,12

Monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat

111,16

111,16

105,96

114,26

Grandes opérations (Grand Palais, Cité de l'architecture et du patrimoine, Palais Garnier, Versailles, Louvre)

31,34

35,74

42,00

12,67

TOTAL

245,33

255,62

246,01

237,06

(Source : ministère de la culture et de la communication)

Dans le cadre de l'annonce, le 17 septembre dernier, d'un plan national pour le patrimoine, le ministre de la culture a précisé que cet effort serait poursuivi au cours des cinq années à venir avec l'objectif de porter ces enveloppes -hors grandes opérations- à 260 millions d'euros en 2008. Il semble que cet engagement -dont votre rapporteur se félicitera- se substitue au dépôt et au vote d'une loi de programme sur le patrimoine monumental, ce qu'il ne pourra que regretter.

En tout état de cause, le renforcement des dotations consacrées aux monuments historiques répond à une impérieuse nécessité, si l'on prend en compte les besoins nécessaires pour assurer dans de bonnes conditions la conservation du patrimoine classé.

Le document élaboré en janvier 2003 par la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA) du ministère souligne l'« état sanitaire » préoccupant des monuments classés qui, pour près de 20 % -soit 2 800 sur 15 000 environ- seraient en péril. Si l'incendie du château de Lunéville ou l'effondrement d'un plancher du château de Chambord ont souligné le mauvais état de monuments prestigieux, il convient toutefois de souligner que les édifices en grandes difficultés appartiennent pour leur majorité à des communes de moins de 2 000 habitants qui, à de rares exceptions près, ne disposent pas de ressources suffisantes pour financer sans l'aide de l'Etat ou d'autres collectivités publiques, les investissements nécessaires. S'agissant des monuments appartenant à l'Etat, qui représentent seulement 9 % du parc classé, la DAPA estime à 9 % d'entre eux la proportion d'immeubles en difficulté. Cette appréciation satisfaisante doit être nuancée dans la mesure où l'Etat possède essentiellement des édifices de très grande importance tels les cathédrales, les abbayes, les domaines nationaux ou encore des monuments comme le Grand Palais ou le Palais de Chaillot à Paris.

D'après cette étude, il conviendrait de consacrer à la conservation stricto sensu des monuments classés, environ 6 milliards d'euros dont le quart serait directement affecté à remédier aux situations de péril, données significatives du caractère très dégradé des monuments.

A cet égard, votre rapporteur regrettera que n'ait pas été poursuivi l'effort engagé par la loi de finances pour 2003 en faveur d'une réévaluation du montant des crédits d'entretien .

Traditionnellement sous-dimensionnés, ces crédits ne permettent pas d'assurer dans de bonnes conditions l'entretien courant des monuments, ce qui est regrettable dans la mesure où l'emploi de ces crédits soumis à des procédures souples permet d'éviter une dégradation des monuments, et partant, un renchérissement du coût des travaux de restauration.

En 2003, ces crédits avaient progressé de près de 50 %.

En 2004, le montant des crédits d'entretien s'élèvera à 30,99 millions d'euros, en recul de 3,7 % par rapport à 2003 dont :

- 18,42 millions d'euros inscrits sur le chapitre 35-20/20 pour les bâtiments relevant de la DAPA, contre 18,93 millions d'euros en 2003 ;

- 12,56 millions d'euros inscrits sur le chapitre 43-30/40 pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, contre 13,26 millions d'euros en 2003.

• Les priorités retenues pour l'affectation des crédits en 2004

* En ce qui concerne les monuments appartenant à l'Etat , la poursuite de la restauration des 87 cathédrales demeurera une priorité.

L'achèvement de la restauration de l'élévation nord de la cathédrale de Strasbourg, ainsi que la poursuite des travaux concernant la flèche, sont envisagés pour 2004. L'année 2004 verra également le financement de la seconde tranche de la 10è phase de création de vitraux de la cathédrale de Nevers, qui parachève un exceptionnel programme de restauration des baies et de création de vitraux contemporains, faisant appel aux plus grands artistes et maîtres verriers. La deuxième et dernière tranche (2 millions d'euros) de restauration de la façade est de la tour de Beurre de la cathédrale de Rouen marquera également la fin de la restauration de cette tour emblématique, dont les autres façades ont été traitées ces dernières années. Sont également envisagés pour 2004 la poursuite de la consolidation de la cathédrale de Beauvais, qui pourrait s'accélérer grâce au soutien financier apporté par les collectivités territoriales, l'engagement des travaux de restauration de la face nord de la tour nord-ouest de la cathédrale Notre-Dame de Paris ainsi que la deuxième des trois tranches, évaluées à 1 million d'euros chacune, de la restauration du choeur et des terrasses de la cathédrales de Limoges, l'achèvement de la restauration de la façade est du clocher de la cathédrale de Rodez et la poursuite des programmes de restauration des cathédrales d'Amiens et de Marseille.

Outre ces travaux sur les cathédrales, est également programmée la restauration du clos et du couvert de la villa Cavrois, oeuvre de Mallet-Stevens à Croix (Nord), acquise par l'Etat en 2001, pour laquelle sont prévues trois tranches de 2 millions d'euros chacune, financées de 2003 à 2005. La seconde tranche de consolidation et de restauration générale du donjon de Vincennes, dont le coût total est estimé à 13,5 millions d'euros, a été financée en 2003 ; restera à mener en 2004 la restauration des casemates entourant le donjon, pour 4,57 millions d'euros. Seront également engagées l'opération de restauration des remparts du Mont-Saint-Michel, dans le cadre du projet de rétablissement du caractère maritime de sa baie ainsi que la poursuite des travaux sur le Panthéon.

Enfin, sera lancé, en 2004, le vaste programme de travaux concernant le château et le domaine de Versailles, qui devrait aboutir au projet de « Grand Versailles ». La première phase de ce programme, à laquelle 135 millions d'euros sont affectés, devrait s'achever en 2009. Elle permettra la mise en sécurité des bâtiments, l'installation des services administratifs au Grand commun, ce qui aura pour effet d'accroître les espaces ouverts au public, et la poursuite de la restauration du château et du domaine.

* S'agissant des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat , les crédits continueront d'une manière générale à être prioritairement consacrés au traitement des urgences « sanitaires » et à financer des opérations déjà engagées sur les exercices budgétaires précédents.

Le financement des divers programmes exceptionnels ayant fait l'objet d'engagements du ministère de la culture sera poursuivi en 2004.

On citera le programme de restauration des grands monuments de la Ville de Paris (en particulier l'église Saint-Sulpice et la tour Saint-Jacques), la restauration de l'ancien couvent des Bernardins à Paris, la réhabilitation du parc de Méréville, la restauration des menuiseries de la cité de la Muette à Drancy, le programme de restauration du patrimoine emblématique de la ville de Lille dans le cadre de l'opération « Lille 2004 », la restauration de la tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux (Nord-Pas-de-Calais), la restauration de l'église Saint-Maclou à Rouen, le sauvetage de l'église Saint-Jacques de Dieppe, le plan pour le patrimoine antique de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui comprend notamment la restauration de l'amphithéâtre d'Arles, le programme relatif au patrimoine du XVIIIe siècle de la ville de Nancy dans la perspective de la commémoration en 2005 du patrimoine de la Lorraine de Stanislas, ainsi que le traitement des urgences sanitaires du Palais des Papes à Avignon. Les opérations engagées sur le grand théâtre de Bordeaux, l'ancienne prison de Guingamp, les hospices de Beaune, la collégiale de Dole, le château neuf de Laval et l'ancienne cathédrale de Laon seront par ailleurs poursuivies.

Au nombre des nouveaux chantiers qui devraient débuter en 2004, votre rapporteur évoquera, parmi les plus remarquables, les restaurations de l'ancienne abbaye de Lavoute-Chilhac (futur centre culturel de rencontre sur le thème du paysage), des halles de Reims (projet de réutilisation en musée), du rempart effondré du château de Saumur et du château de Dampierre-sur-Boutonne à la suite de son incendie.

Après une année consacrée à des travaux de protection et de consolidation d'urgence, la restauration du château de Lunéville, en partie ravagé par un incendie en janvier 2003, débutera en 2004. L'effort particulier engagé dans certaines régions pour le financement du volet patrimonial des contrats de plan (notamment le patrimoine roman d'Auvergne, les édifices emblématiques en péril de Haute-Normandie) sera poursuivi.

* La diminution des besoins liés au financement des grandes opérations situées pour l'essentiel à Paris ou en Ile-de-France, dont les enveloppes passent de 42 millions d'euros en 2003 à 12,67 millions d'euros en 2004, permettra d'assurer une meilleure répartition territoriale des crédits du patrimoine .

Ainsi, si l'on considère les dotations inscrites aux chapitres 56-20 et 66-20, soit l'enveloppe budgétaire consacrée largo sensu au patrimoine monumental, 82,55 % de ces crédits bénéficieront aux opérations en région en 2004 contre seulement 71,8 % en 2003.

2. La gestion des crédits du patrimoine : un effort à poursuivre

Votre rapporteur avait souligné dans son précédent rapport la difficulté chronique que représentait la sous-consommation des crédits d'investissement, et en particulier ceux destinés au patrimoine. Les causes de cette sous-consommation ont été analysées dans le cadre du rapport de M. Rémi Labrusse, conseiller référendaire à la Cour des comptes, remis au ministre de la culture en février 2002.

Dès l'exercice 2003, plusieurs mesures ont été prises pour mettre en oeuvre certaines des propositions préconisées par ce rapport.

Ainsi, dès le vote de la loi de finances pour 2003, la clé d'ouverture des crédits de paiement pour les travaux réalisés par l'Etat a été modifiée afin de retenir une ouverture sur cinq ans, et non plus quatre, délai plus conforme aux modalités de déroulement des chantiers. Par ailleurs, l'enveloppe des crédits d'entretien a été accrue.

En cours d'exercice, la gestion des crédits affectés au patrimoine a été guidée par le souci de développer la déconcentration et la globalisation des crédits afin de permettre une meilleure allocation des enveloppes.

Ainsi, a été mis en place le logiciel « Accord » qui devrait, une fois résolues les difficultés de démarrage qu'a connues ce programme, permettre à terme une mise à disposition plus rapide des crédits. Par ailleurs, une réforme des procédures de gestion des autorisations de programme provisionnelle a été mise en oeuvre afin de résoudre les retards dans l'ouverture de crédits liés au versement des fonds de concours. Enfin, une circulaire du 8 août 2003 a été envoyée aux services déconcentrés pour permettre une amélioration de la consommation des crédits, tant pour les autorisations de programme, grâce, notamment, à une meilleure anticipation des besoins au niveau régional et à un recours plus parcimonieux aux études préalables, que pour les crédits de paiement afin de les dimensionner au mieux aux besoins réels et immédiats.

Cependant, force est de constater que les mesures de régulation prises en cours d'année ont réduit l'impact de ces mesures.

Pour les dépenses ordinaires, le gel des reports 2002 sur le premier semestre 2002 puis le blocage d'environ 20 % des dotations a contraint à ralentir le versement des subventions sur le titre IV. S'agissant des dépenses en capital, un gel sur les crédits de paiement à hauteur de 78,5 millions d'euros sur le chapitre 56-20 et de 18,05 millions d'euros sur le chapitre 66-20 a conduit à diminuer le rythme des délégations et à ajuster les dotations. Enfin, et surtout, l'application du principe d'auto-assurance évoqué plus haut par votre rapporteur a contraint le ministère à prélever 15 millions d'euros sur les chapitres consacrés au patrimoine et à l'architecture afin de dégager les sommes nécessaires à la couverture du déficit de l'INRAP.

B. UNE RÉFORME INDISPENSABLE DES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'ETAT

1. Une responsabilisation accrue des acteurs de la politique conduite par l'Etat

Lors de la présentation du plan pour le patrimoine, le ministre de la culture a insisté sur la nécessité pour l'Etat de réorganiser son administration. Il soulignait, notamment, que « la transversalité des approches n'est pas suffisamment assurée en matière d'architecture et de patrimoine, tant en administration centrale qu'au sein des services déconcentrés. Les attentes des acteurs et notamment des collectivités territoriales, vont pourtant dans le sens d'une approche globale des territoires qui transcende les divers champs scientifiques patrimoniaux ».

Afin de remédier à cette difficulté, les mesures prises visent, d'une part, à réorganiser les services de l'Etat et, d'autre part, à moderniser les établissements et à en responsabiliser la gestion.

Ces deux axes de réforme sont, pour le premier, encore à l'état d'ébauche et, pour le second, en revanche, bien engagé.

• La réorganisation des services de l'Etat

* Les services du ministère

Une réflexion sur la réorganisation des services déconcentrés chargés de l'architecture et du patrimoine a été lancée par une circulaire du 30 juin 2003 adressée aux préfets de région et de département, et donc en l'espèce aux directeurs régionaux des affaires culturelles et aux chefs des services départementaux de l'architecture et du patrimoine.

D'après les informations communiquées par le ministère, les « préfigurations » de la nouvelle organisation seront mises en place dès le début de l'année 2004. Les objectifs poursuivis sont le développement de l'échelon départemental de proximité, qui correspond au-delà du simple aspect de la réforme administrative, à la montée en puissance du rôle des départements dans la politique du patrimoine, à la mise en place d'un guichet unique pour les autorisations de travaux et à une plus grande pluridisciplinarité architecture et patrimoine dans les interventions des services.

En ce qui concerne les services centraux , le ministre a souhaité que puisse être mise en oeuvre une réforme de l'organisation de la DAPA en tenant compte des mêmes objectifs mais également de la nécessité de mieux assurer certaines de ses missions et de clarifier les rôles respectifs de la direction et des établissements publics intervenant dans les domaines de l'architecture et du patrimoine.

* Des procédures réformées

La spécificité des travaux réalisés sur les monuments historiques justifie que leur soient appliquées des règles spécifiques, notamment en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre.

En vertu de ces règles, qui résultent des dispositions statutaires applicables aux architectes en chef des monuments historiques (ACMH) et aux architectes des bâtiments de France (ABF), la maîtrise d'oeuvre des travaux de restauration des monuments classés, dont l'Etat est maître d'ouvrage ou qu'il finance, est assurée par l'ACMH tandis que celle des travaux d'entretien et de réparations ordinaires est confiée à l'ABF.

L'application de ces règles, qui se heurtent à l'insuffisance des effectifs des ACMH comme à la surcharge de travail à laquelle sont confrontés les ABF a souvent été considérée comme une des principales causes des retards pris dans le déroulement des chantiers... mais aussi d'exaspération des propriétaires publics ou privés de monuments historiques.

Le rapport remis par la commission présidée par M. Jean-Pierre Bady au ministre de la culture en novembre 2002 a réitéré ce constat et a formulé diverses propositions destinées à assouplir le dispositif réglementaire.

En ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, deux séries de mesures, de portée contrastée, devraient être prises.

Les assouplissements, depuis longtemps attendus, devraient porter pour la maîtrise d'oeuvre des travaux de restauration :

- sur un accroissement du nombre des ACMH, de l'ordre de 50 % sur trois ans, selon les indications figurant dans le plan national pour le patrimoine. Dix postes supplémentaires seront ouverts au concours d'ici mi-2004 ;

- sur l'aménagement du principe de territorialité et d'affectation obligatoire des ACMH. Les propriétaires pourront choisir leur maître d'oeuvre sur une liste de trois ACMH. Il convient toutefois de rappeler que cette possibilité de choisir son ACMH est déjà ouverte aux propriétaires et que l'administration répond presque systématiquement de façon favorable aux demandes qui lui sont adressées.

On soulignera que l'organisation des études dispensées par le Centre des hautes études de Chaillot et celle du concours d'ACMH ont d'ores et déjà été modifiées par un arrêté du 31 juillet 2003.

S'agissant des travaux d'entretien, les avancées proposées sont beaucoup plus modestes. En effet, les aménagements des règles de maîtrise d'oeuvre sont limités au cadre de l'expérimentation de gestion décentralisée des crédits du patrimoine prévue par l'article 74 du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Pour l'application de ce dispositif, un décret devrait prévoir les conditions de recours à une maîtrise d'oeuvre spécialisée, qui ne sera pas limitée au seul ABF.

Parallèlement à ces évolutions, le ministère a engagé une réforme visant à laisser aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage des travaux qu'ils souhaitent engager.

Cette volonté de ne plus voir l'Etat assumer systématiquement la maîtrise d'ouvrage répond à la volonté de responsabiliser les propriétaires, mais également de recentrer l'action des services de l'Etat sur leurs missions régaliennes que sont, notamment, la délivrance des autorisations de travaux et le contrôle scientifique des travaux. Elle se traduit dans le projet de loi de finances pour 2004 par le transfert des crédits d'investissement du titre V vers le titre VI.

Afin de permettre aux propriétaires de s'organiser, il a été décidé une mise en oeuvre progressive sur trois ans de cette réforme ; les transferts des crédits pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat s'effectueront à hauteur de 20 % en 2004 puis 30 % en 2005 et, enfin, 50 % en 2005. Parallèlement sera engagée une réflexion avec les collectivités territoriales sur l'assistance qui peut être apportée aux propriétaires qui ne peuvent assumer, faute de moyens, la maîtrise d'ouvrage, ce qui concerne tout autant les collectivités publiques de dimension modeste que les propriétaires privés.

• Réformer les établissements publics concourrant à la politique du patrimoine

* Le Centre des monuments nationaux

Le Centre des monuments nationaux, après une réforme statutaire intervenue en avril 2000 6 ( * ) destinée à distinguer ses responsabilités propres de celles de la DAPA, puis les difficultés qui ont marqué sa gestion, devra relever en 2004 deux défis : d'une part, la réforme de son organisation interne et, d'autre part, le transfert de propriété aux collectivités territoriales de certains monuments historiques dont il est affectataire.

Les difficultés rencontrées par l'établissement public jusqu'en 2002 l'ont conduit à modifier son organisation autour d'un projet d'établissement, fondé sur cinq programmes :

- mettre en place une organisation déconcentrée propre à développer les capacités d'initiative des administrateurs de monuments et à recentrer le siège sur ses missions d'impulsion, de conseil, d'expertise, d'évaluation et de contrôle ;

- améliorer les conditions d'accueil et de visite ;

- renouveler et diversifier la politique et les offres culturelles ;

- améliorer le dialogue social et les conditions de travail ;

- faire du projet de monument un outil de pilotage au service de la politique culturelle de l'établissement.

Ce projet d'établissement devrait être soumis au conseil d'administration de l'établissement avant la fin de l'année 2003. En parallèle, sera adopté un nouvel organigramme qui permettra, en particulier, de rationaliser les fonctions de gestion et de simplifier les modes de relation entre les monuments et les services du siège.

Cependant, force est de reconnaître que l'exercice de réorganisation n'est pas simple dans la mesure où les perspectives de transferts de propriété au profit des collectivités territoriales ne permettent pas aujourd'hui de connaître le périmètre futur du CMN.

Les travaux de la commission présidée par M. René Rémond pour définir les critères de « transférabilité » des monuments devraient s'achever prochainement. Cependant, le décret fixant la liste des monuments effectivement transférables ne pourra être publié qu'une fois la loi relative aux responsabilités locales définitivement adoptée.

Par ailleurs, au-delà de ce changement de périmètre, des discussions ont été engagées, à la demande du ministre, entre le CMN et la RMN afin d'identifier les possibilités de rapprochement des activités comparables gérées en parallèle par les deux établissements publics.

Sans être hostile à cet éventuel rapprochement, votre rapporteur relèvera que, si les activités éditoriales et commerciales qu'ils conduisent présentent de grandes similitudes, force est de constater que les conditions dans lesquelles elles sont, pour l'heure, gérées sont également peu satisfaisantes, qu'il s'agisse de la RMN ou du CMN. La mise en oeuvre de synergies suppose au préalable une refonte profonde de leur gestion. A cet égard, l'action engagée par la RMN pour remédier aux déficits de ses activités commerciales et éditoriales peut avoir valeur d'exemple pour le CMN.

* La Cité de l'architecture et du patrimoine

Longtemps ajourné, le projet de Cité de l'architecture et du patrimoine a enfin pris corps en 2003.

Dotée désormais du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, la nouvelle institution, dont le programme de travaux est désormais bien avancé, devrait contribuer à renforcer les liens entre l'architecture, domaine souvent négligé par nos concitoyens, et le patrimoine, qui, à l'inverse, bénéficie d'un engouement populaire qui ne se dément pas.

L'article 8 de la loi du 18 juin dernier relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque a conféré à la Cité de l'architecture et du patrimoine les missions suivantes :

- promouvoir la connaissance du patrimoine et de l'architecture, de leur histoire et de leur insertion dans les territoires ainsi que la diffusion de la création architecturale, tant en France qu'à l'étranger ;

- participer à la valorisation de la recherche et à la formation des agents publics et des professionnels du patrimoine et de l'architecture.

Cet établissement public regroupera trois entités, qui fonctionnaient jusque-là, sous la forme de services à compétences nationales, pour le musée des monuments français et l'Ecole de Chaillot et, d'association, pour l'Institut français d'architecture.

Dans l'attente de leur installation au Palais de Chaillot, dans l'aile de Paris, ces entités sont provisoirement installées au Palais de la porte dorée.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit le regroupement au sein d'un nouvel article 23 du chapitre 36-60 des dotations jusque-là attribuées à ses composantes (soit 6,48 millions d'euros). Un montant de 4 millions d'euros de mesures nouvelles est affecté à la nouvelle institution dans la perspective de sa mise en oeuvre, dont 300 000 euros destinés à financer les acquisitions du musée des monuments nationaux qui, après bien des tribulations, devrait connaître une nouvelle jeunesse.

En ce qui concerne les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet, les travaux de rénovation ont commencé en début d'année 2003 et devraient s'achever au cours du premier semestre 2005. Le budget d'investissement prévu pour la rénovation de l'aile de Paris du palais de Chaillot est de 59,93 millions d'euros. La maîtrise d'ouvrage a été déléguée à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC).

2,82 millions d'euros d'autorisations de programme sont demandés (chapitre 56.20/50) en 2004 afin de poursuivre le chantier. Au total, y compris ces crédits, 56,43 millions d'euros d'autorisations de programme ont d'ores et déjà été ouvertes pour ce projet.

Un des défis les plus importants que devra relever la Cité de l'architecture et du patrimoine consistera à répondre à la demande des collectivités territoriales mais également des propriétaires privés de disposer d'un vivier plus large d'architectes du patrimoine. En effet, aujourd'hui leur nombre est insuffisant, ce qui constitue un inconvénient majeur alors que les architectes sont peu formés à l'histoire et au patrimoine et que la formation initiale et continue nécessite d'être améliorée en ces domaines.

Dans cette perspective, le Centre des hautes études de Chaillot (CEDHEC) a pour mission de proposer et de mettre en oeuvre des dispositions susceptibles de répondre à ce besoin, tant directement, par l'accroissement du nombre des architectes formés par la Cité de l'architecture et du patrimoine notamment par l'organisation de promotions annuelles, qu'indirectement, par le développement d'un réseau de partenariat à créer avec des écoles d'architecture.

La reconnaissance du diplôme délivré par le CEDHEC dans le cadre de la loi relative à l'enseignement supérieur consacrera le positionnement de cette formation dans l'espace européen de l'enseignement supérieur. Cette formation conservera sa valeur pratique et professionnelle qui a fondé, depuis l'origine, le rayonnement de l'enseignement dispensé par l'école de Chaillot.

Le second axe de développement concerne les architectes de l'Etat, architectes en chef des monuments historiques (ACMH) et architectes urbanistes de l'Etat (AUE) et, sans doute, à terme, ceux que souhaiteront recruter les collectivités territoriales. Le CEDHEC a pour mission de contribuer à l'élargissement de leur recrutement, à leur formation et en particulier au développement de la formation continue des architectes et urbanistes de l'Etat.

Parallèlement, comme cela a déjà été entrepris, le CEDHEC participera à l'offre de formation continue pour les autres personnels de l'Etat, et, à terme, des collectivités territoriales si elles le souhaitent, relevant des corps techniques participant à la maîtrise d'oeuvre ou à la maîtrise d'ouvrage des interventions sur le patrimoine architectural, urbain et paysager.

• Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

La loi du 1 er août 2003 7 ( * ) a profondément réformé l'organisation administrative de l'archéologie préventive qui résultait de la loi du 17 janvier 2001.

Cette réforme était nécessaire pour remédier aux difficultés rencontrées par l'INRAP, établissement public doté de droits exclusifs, pour réaliser les sondages et les fouilles préventives dans un contexte marqué par une forte progression des prescriptions archéologiques émises par les services déconcentrés de l'Etat et un rendement insuffisant de la redevance.

En effet, dès la mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001, les prescriptions archéologiques ont considérablement augmenté : au total, sur les onze premiers mois de l'exercice 2002, 3 700 prescriptions de diagnostics et 455 de fouilles ont été émises alors que dans les années précédentes, l'AFAN recevait environ 2 000 commandes par an.

Face à ces charges accrues, les redevances d'archéologie préventive, au-delà des inconvénients liés à l'inégale répartition de leur coût sur les opérations d'aménagement, se sont révélées insuffisantes pour assurer le financement de l'établissement public.

Selon les prévisions établies lors de l'élaboration de la loi de 2001, la redevance archéologique devait couvrir, toutes opérations confondues et une fois déduites les exonérations, 140 % du coût des opérations. Ce taux de couverture aurait du permettre de financer les missions scientifiques de l'INRAP ainsi que les frais généraux de l'établissement. Par prudence, le taux de rendement retenu lors de la construction du budget 2002 avait été évalué à 130 %.

Ces estimations ont été cruellement démenties par la réalité, comme l'avait au demeurant prévu la Haute Assemblée. Dans les faits, le rendement de la redevance s'est, en effet, avéré beaucoup plus faible que prévu, avoisinant 88 % après exonération et plafonnement pour l'ensemble des opérations correspondant aux conventions de diagnostics et de fouilles signées entre février et décembre 2002. Cet écart s'explique notamment par le fait que, par rapport à l'échantillon utilisé pour simuler le rendement de la redevance, le coût au m² des fouilles s'est dans les faits révélé moins élevé et, à l'inverse, le coût au m² des diagnostics, plus élevé. Par ailleurs, le taux ne tenait pas compte de la moins value induite par l'exonération des lotissements.

D'après les indications fournies par le ministère de la culture, sur les deux années 2002 et 2003, le déficit de l'INRAP devrait atteindre une quarantaine de millions d'euros, le déficit 2002 étant toutefois moins important que celui de 2003, dans la mesure où la majeure partie des ressources de cet exercice était constituée de la facturation des opérations commandées à l'AFAN avant le 1 er février 2002.

Compte tenu de la situation financière de l'établissement à compter de la fin 2002, et malgré le besoin d'intervention archéologique induit par le niveau de prescription atteint, les ministères de tutelle ont été conduits à plafonner les effectifs de l'établissement bénéficiant d'un contrat à durée déterminée (CDD) à 180 ETP et à demander aux préfets de région de limiter les prescriptions archéologiques.

L'INRAP a fonctionné les six premiers mois de l'année 2003 sur la base d'autorisations mensuelles accordées par le contrôleur financier pour la mise en place des crédits nécessaires à son fonctionnement et en appliquant une instruction de forte réduction des effectifs de CDD par l'interruption des nouveaux recrutements ou le non renouvellement des contrats en cours.

C'est dans ce contexte financier très dégradé qu'est intervenue la loi du 1 er août 2003.

Ce texte a profondément modifié les conditions de financement des opérations d'archéologie préventive.

S'agissant des diagnostics, la loi prévoit une redevance d'un faible montant (32 centimes par m²) à laquelle sont assujetties un plus grand nombre d'opérations. Cette redevance a vocation à financer, d'une part, la réalisation des diagnostics qui sont opérés par l'INRAP ou les services archéologiques des collectivités territoriales et, d'autre part, un fonds de péréquation destiné à compenser le coût des fouilles pour les aménageurs dotés de faibles capacités contributives.

Les fouilles dont la réalisation est confiée à l'INRAP ou à tout autre opérateur agréé sont facturées au prix de leur coût de réalisation. Les logements sociaux et les constructions individuelles ainsi que les lotissements ou ZAC accueillant ces deux précédents types de logements verront le financement de leurs fouilles pris en charge automatiquement par le fonds de péréquation ; d'autres projets d'aménagement pourront également être subventionnés par ce fonds, s'ils sont soumis à prescription de fouilles, sur avis d'une commission, afin de faciliter la conciliation entre les objectifs de préservation du patrimoine archéologique et de développement des territoires, en particulier ruraux.

La mise en oeuvre de ce dispositif devrait permettre à l'INRAP d'équilibrer son budget.

Pour un budget de 105 millions d'euros environ, correspondant au budget de croisière envisagé par le législateur en 2001, les ressources de l'INRAP devraient se décomposer ainsi :

- près de 40 millions d'euros issus de la nouvelle redevance archéologique. Le produit global de la redevance devrait s'élever à 83 millions d'euros. Par prudence, compte tenu de l'absence d'historique précis permettant de fiabiliser les simulations statistiques sur lesquelles se fonde le paramétrage de la redevance mais également des aléas de conjoncture possibles, une marge de précaution de 17 millions d'euros a été déduite de cette prévision. Sur les 66 millions d'euros restants, 30 % seront reversés à un fonds de péréquation et une partie de la redevance bénéficiera aux collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics. Le produit de la redevance conservé par l'INRAP devrait lui permettre de couvrir les coûts des diagnostics et des activités d'exploitation scientifique des opérations préventives ainsi qu'une partie des frais de structure ;

- près de 65 millions d'euros issus de la facturation des fouilles archéologiques préventives. Les fouilles seront facturées en fonction des moyens humains et matériels mis en oeuvre pour les réaliser, de manière à couvrir ces coûts et la part des frais de structure de l'établissement non financée par la redevance.

Sur ces ressources, l'INRAP pourra réaliser les opérations prescrites dont environ 80 % de diagnostics (représentant près de 30 % des budgets opérationnels) et 20 % de fouilles (représentant 70 % des budgets opérationnels). Les activités scientifiques hors réalisation des opérations prescrites devraient disposer d'un budget de près de 5 % du budget total de l'INRAP.

Il convient de souligner que ces perspectives supposent un effectif contractuel à durée indéterminée identique à celui autorisé aujourd'hui, soit 1 428 postes de contractuels à durée indéterminée et 170 contractuels à durée déterminée.

Dans ce schéma, le Fonds national pour l'archéologie préventive est doté d'environ 20 millions d'euros.

La loi du 1 er août 2003 s'applique sur le plan financier à compter du 1 er novembre 2003. Il est toutefois vraisemblable qu'aucune redevance relevant de la loi de 2003 ne sera reversée à l'établissement avant le 1 er janvier 2004, tandis que la plupart des fouilles réalisées durant les deux derniers mois de l'année 2003 auront été programmées avant l'entrée en vigueur de la loi.

L'année 2004 sera une année de transition. En effet, de nombreux diagnostics réalisés en 2004 auront été prescrits avant le 1 er novembre 2003 et une grande partie des fouilles sera réalisée en 2004 sur la base de conventions conclues avant le 1 er novembre 2003. Ces diagnostics et fouilles relèveront donc de l'ancien dispositif financier.

S'agissant d'un établissement public autofinancé et dont les effectifs sont intégralement constitués d'emplois non budgétaires, aucun crédit et aucun emploi budgétaire ne sont inscrits dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, en dehors de la reconduction de la subvention de recherche de 608 000 euros sur le chapitre 66-98 et d'une subvention au titre des aides à la publication de 500 000 euros sur le chapitre 43-20. Il appartient par ailleurs au conseil d'administration de l'INRAP de déterminer ses effectifs pour l'année prochaine dans le cadre de l'adoption du budget 2004 de l'établissement, qui interviendra en fin d'année.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, votre rapporteur ne peut qu'encourager la commission à une grande vigilance sur la situation de cet établissement public, dont la situation a lourdement pesé en 2003 sur les conditions d'exécution du budget.

2. Vers une politique nationale du patrimoine ?

Le rapport de la commission présidée par M. Jean-Pierre Bady précédemment évoqué prônait l'avènement d'une « politique nationale du patrimoine ».

Demeurée à l'écart des transferts de compétence opérés par les lois de décentralisation de 1982 et de 1983, la compétence de l'Etat dans le domaine de la protection et de la valorisation du patrimoine porte encore l'empreinte d'une tradition régalienne, à l'évidence mal vécue par les collectivités territoriales et les propriétaires privés.

L'ouverture de la politique du patrimoine conduite par l'Etat à de nouveaux partenaires apparaissait donc nécessaire tant pour renforcer l'efficacité de l'action publique et augmenter les moyens toujours insuffisants qu'y affecte le ministère de la culture que pour tenir compte de l'implication croissante des collectivités territoriales.

Les mesures prises par le Gouvernement pour répondre à cette nécessité poursuivent deux objectifs : la relance de la décentralisation et l'encouragement apporté à l'action des propriétaires privés.

• L'encouragement apporté aux propriétaires privés

Cet axe de réforme constitue à l'évidence un point positif pour conforter les actions entreprises par les propriétaires privés. Il s'agit là d'un calcul simple et de bon sens : si les propriétaires privés sont incités à investir, ce sera autant de moins que l'Etat devra financer.

Votre rapporteur rappellera, à cet égard, que c'est à l'initiative de votre commission qu'a été introduite dans la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, une disposition visant à clarifier le régime très contraignant d'exonération de droits de mutation mis en place en 1988 pour faciliter la transmission des monuments historiques en mains privées que prévoit l'article 795 A du code général des impôts.

Il se félicitera que cette mesure puisse être complétée par des assouplissements réglementaires concernant la réduction du nombre de jours d'ouverture au public exigé pour l'octroi de l'exonération et le cas où la convention ne peut être respectée en raison de la maladie ou de l'invalidité du propriétaire.

On soulignera, par ailleurs, que le régime de déduction des charges de l'impôt sur le revenu propre aux monuments historiques instauré par la loi du 23 décembre 1964 en faveur des monuments historiques devrait être assoupli afin de rendre déductibles les primes d'assurance des biens protégés pour les édifices ouverts au public.

Au-delà de ces avancées fiscales, le ministre de la culture a annoncé plusieurs mesures de simplification bienvenues :

- l'adaptation du chèque emploi service pour faciliter l'embauche de guides saisonniers ;

- et l'amélioration des textes régissant les conditions d'ouverture au public des monuments historiques afin de mieux prendre en compte l'organisation d'actions d'animation culturelle.

• La relance de la décentralisation

La décentralisation de la politique du patrimoine reste encore à conduire.

Les expérimentations menées en ce domaine, à l'image des protocoles de décentralisation culturelle prévus par la loi relative à la démocratie de proximité, n'ont pas permis de mettre en oeuvre des transferts de compétence malgré les revendications émises en ce sens par les collectivités territoriales, qui investissent pour leur part de plus en plus dans le patrimoine.

Votre commission n'a donc pu que se féliciter de l'introduction dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales de dispositifs permettant une participation plus large des collectivités territoriales à l'exercice des compétences patrimoniales.

Il convient toutefois de signaler que les mesures proposées n'affectent pas les compétences que détient l'Etat en vertu de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

Seul est proposé le transfert de la compétence de l'inventaire, qui, d'ailleurs, n'a jamais été reconnue par la loi comme compétence de l'Etat et qui, en pratique est d'ores et déjà exercée pour l'essentiel par les collectivités territoriales, et au premier chef par les départements.

En ce qui concerne les compétences financières, le projet de loi propose :

- d'une part, de transférer (article 73) aux départements les crédits du patrimoine rural non protégé, soit environ 5,8 millions d'euros à répartir entre une centaine de départements. On soulignera que le projet de loi de finances pour 2004 n'a pas anticipé ce transfert qui ne s'effectuera qu'une fois la loi promulguée ;

- d'autre part, d'expérimenter (article 74) selon des modalités au demeurant quelque peu complexe, une gestion décentralisée des enveloppes inscrites au budget de l'Etat consacrées à l'entretien et à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat.

A l'évidence, ces transferts ont moins vocation à opérer une décentralisation au sens propre du terme qu'à exercer un effet d'entraînement sur les collectivités territoriales afin de les inciter à développer leurs interventions dans le domaine patrimonial.

C'est dans cette perspective que s'inscrit d'ailleurs le dispositif prévu à l'article 73 du projet de loi qui ouvre la possibilité de transférer aux collectivités qui en feront la demande la propriété de monuments historiques de l'Etat affectés au ministère de la culture.

Les monuments concernés -sur les 400 que gère le ministère- seront déterminés par un décret en Conseil d'Etat, en application de critères définis par une commission présidée par M. René Rémond, président de la Fondation nationale des sciences politiques. D'après les informations communiquées à votre commission, l'application de ces critères, fondés sur la valeur symbolique, artistique ou historique des monuments, devrait permettre le transfert d'une centaine de monuments.

Compte tenu de la qualité des travaux préfigurant ces transferts comme de leurs modalités, qui reposent sur des conventions passées entre l'Etat et les collectivités territoriales, il semble que puisse être écarté le double écueil redouté par le rapport de M. Jean-Pierre Bady, qui avait recommandé « d'éviter que ce(s) transfert(s) apparai(ssent) comme une opération vide-grenier et que les collectivités viennent faire leur marché ».

La portée des dispositions prévues par le projet de loi dépendra donc étroitement de la volonté des collectivités d'assumer des responsabilités patrimoniales.

A cet égard, il semble utile de pouvoir bénéficier d'une évaluation de l'application de ces mesures. Tel est notamment le sens d'une des modifications proposées par votre commission à l'article 74 du projet de loi relatif aux responsabilités locales qui, conformément aux dispositions de la loi organique relative à l'expérimentation prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement sur la gestion décentralisée des crédits du patrimoine protégé, assorti des observations des collectivités territoriales concernées.

* 6 Décret n° 2000-357 du 21 avril 2000.

* 7 Loi n° 2003-707 du 1 er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

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