CHAPITRE IER -

LE CONTEXTE INTERNATIONAL ET NATIONAL NÉCESSITE DES RÉPONSES ADAPTÉES

Depuis les tragiques attentats du 11 septembre 2001, le monde est agité de soubresauts qui pèsent directement sur l'activité touristique et mettent en évidence l'extrême sensibilité de ce secteur économique à la conjoncture internationale. En 2002 et 2003, l'actualité n'a en effet été avare ni d'événements violents, ni de catastrophes naturelles ou technologiques qui affectent durablement les comportements des touristes : le caractère parfois récurrent des difficultés s'ajoute au fait qu'elles surviennent souvent dans des régions à la vocation touristique affirmée.

Mais au-delà de ces phénomènes particuliers, le climat de l'économie mondiale n'est lui-même pas propice à un développement du tourisme comparable à celui de la décennie 90. Si ce secteur a alors pris une importance de plus en plus grande dans les échanges, jusqu'à devenir dans un pays comme le nôtre l'un des facteurs essentiels du solde positif de la balance des paiements, il n'en reste pas moins que lorsque les difficultés économiques s'accumulent, le budget des ménages consacré au tourisme et aux loisirs devient la variable d'ajustement.

Ces constatations générales s'appliquent aussi, bien entendu, à la France : croissance anémiée et difficultés conjoncturelles diverses se sont conjuguées pour rendre le climat plus défavorable au développement de l'activité touristique. Pourtant, dans ce contexte délicat, le tourisme français a su tirer son épingle du jeu et, si les résultats ne sont pas extraordinaires, ni homogènes sur tous les marchés ou tous les territoires, le bilan de l'année 2002 et les premières estimations de l'année 2003 témoignent, compte tenu des circonstances, d'une résistance bienvenue .

Cette consolidation tient pour beaucoup au dynamisme dont les professionnels et les acteurs locaux ont témoigné pour faire face, précisément, à la multiplication des contrariétés . Mais elle doit aussi à l'engagement et au soutien sélectif dont les pouvoirs publics ont fait montre avec constance pour accompagner leurs efforts , qui permettent d'augurer un nouveau rebond lorsque la croissance économique mondiale sera de retour.

I. UN ENVIRONNEMENT QUI A PESÉ SUR L'ÉCONOMIE DU TOURISME

A. 2002 ET 2003 : DEUX ANNÉES PARTICULIÈREMENT DIFFICILES

C'est peu dire que les années 2002 et 2003 ont été des années atypiques, dont les faits les plus marquants, tant en France que dans le monde, ont tous affecté l'activité touristique en raison des menaces qu'ils font peser sur les voyageurs. Certes, après une année 2001 catastrophique puisque, pour la première fois, ont diminué dans le monde, selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), tant le nombre des touristes (- 0,6 %, à 964 millions) que celui des recettes (- 2,6 %, à 463 milliards de dollars), les résultats de 2002 font état d'une croissance nette des arrivées touristiques, un peu supérieure à + 3 %, comme des résultats (+ 3,7 %, à 480 milliards de dollars). Toutefois, les estimations provisoires pour 2003 sont nettement moins encourageantes, tant l'accumulation des difficultés de toutes sortes a pu porter atteinte à la confiance et à l'optimisme des clients, éléments fondamentaux pour l'activité de ce secteur économique.

1. Le marché mondial est déprimé

Si la guerre d'Afghanistan, engagée par les Etats-Unis au début de l'année 2002 en réaction aux attentats du 11 septembre 2001, n'a eu aucun effet sur le tourisme mondial, il n'en a pas été de même des événements de la fin de l'année 2002 et du début de l'année 2003.

Au plan géopolitique, des pays à forte vocation touristique ont été la scène de violences terroristes qui n'ont pas seulement affecté leur propre industrie touristique, mais également celle, et pas toujours à un degré moindre, de leurs proches voisins.

Il en est ainsi de la Tunisie (attentat de la synagogue de Djerba en avril 2002), de l'Indonésie (attentat dans une discothèque de Bali, en octobre 2002, et dans un hôtel de Djakarta, en août 2003), de la Russie (prise d'otages dans un théâtre de Moscou en octobre 2002 et attentat lors d'un concert de rock en juillet 2003, toujours à Moscou), du Kenya (double attentat à l'aéroport et dans un hôtel de Mombasa, en novembre 2002), ou encore du Maroc (attentats de Casablanca, en mai 2003), sans oublier naturellement la violence récurrente en Israël.

Mais c'est naturellement le déclenchement des hostilités en Irak , en mars 2003, qui a le plus lourdement et durablement pesé sur le climat général du secteur touristique .

Si tout les marchés ont été touchés - ne serait-ce qu'en raison de la soudaine prudence des touristes américains, au fort pouvoir d'achat, qui ont suspendu nombre de départs programmés -, la guerre en Irak, ajoutée au conflit Israélo-Palestinien, a immédiatement entamé les résultats de l'ensemble des destinations du Moyen-Orient . Ainsi, par exemples, à la suite d'une croissance de 22 % des touristes en Egypte au mois de février, la destination a régressé de 22 % en mars puis de 15 % en avril. La Jordanie, quant à elle, a connu un recul de fréquentation de 32 % en mars, et la Tunisie de 22 %.

A ces raisons de nature politique s'est ajoutée, au deuxième trimestre 2003, l' épidémie de pneumopathie atypique (SRAS), qui a littéralement sinistré la zone asiatique et fortement perturbé le secteur aérien .

Les effets du SRAS n'ont en effet pas seulement concerné la Chine, promis à devenir rapidement l'acteur majeur du tourisme mondial, en tant que pays d'accueil comme en tant que pays émetteur, ou encore le Canada, particulièrement touché par la pandémie (ainsi, la mise en garde de l'Organisation mondiale de la santé envers la destination de Toronto a provoqué un recul de 16,5 % des arrivées touristiques au Canada pour le seul mois d'avril 2003), mais aussi tout le sous-continent asiatique. En effet, même les pays n'ayant pas - ou peu - été touchés par l'épidémie de SRAS ont subi des pertes conséquentes en avril 2003 : le Japon (- 25 % de touristes), la République de Corée (- 28,6 %), la Thaïlande (- 40 %), l'Indonésie (- 49,4 %) ou les Philippines (- 24 %). Hong Kong, Singapour et Taiwan ont déploré la désaffection de leurs clientèles d'affaires et enregistré des chutes de fréquentation respectives de 65 %, 67 % et 60 %. Seule l'Asie méridionale et l'Océanie ont pu échapper à la crise. L'ampleur de ce mouvement tient à ce que le SRAS n'a pas seulement entraîné un effondrement des arrivées long-courrier, mais aussi un ralentissement net des voyages intra-régionaux, qui constituent 80 % du marché touristique de la zone Asie-Pacifique.

S'agissant précisément du secteur de l'aérien, il semble que les conséquences de la pneumopathie atypique aient été plus importantes que la guerre en Irak. L'Association internationale du transport aérien (IATA) estime ainsi que de janvier à avril 2003, le trafic international a baissé de 2,6 %, avec un pic négatif de 17 % en avril. A la même date, les liaisons ont été réduites de 36 % par rapport à 2002 vers l'Asie et le Pacifique, et de 22 % vers l'Amérique du Nord. Le Moyen-Orient a toutefois retrouvé un nombre de passagers satisfaisant (+ 6 %) en avril, de même que l'Amérique du Sud (+ 11 %) et l'Afrique (+ 2 %).

Dernier élément défavorable à l'activité touristique : la conjoncture économique morose dans les ensembles géographiques fortement émetteurs .

S'agissant par exemple des Etats-Unis, la conjonction, depuis dix-huit mois, de la crise boursière et des scandales boursiers, qui ont fait fondre les fonds de pensions américains (or, une partie importante des touristes nord-américains se rendant à l'étranger sont des retraités), de la hausse du cours du pétrole, qui a pénalisé l'économie américaine et internationale, et de l'importante altération du pouvoir d'achat du dollar face, notamment, à l'euro, a particulièrement pesé sur le secteur du tourisme. De même, les profondes difficultés que connaissent depuis deux ans à la fois l'Allemagne et le Japon, importants pays émetteurs de touristes dans le monde et, singulièrement, en Europe, ont très vivement affecté les comportements de leurs ressortissants qui, en 2003, ont bien moins voyagé que par le passé.

Votre rapporteur pour avis souhaite cependant conclure ce chapitre, sans conteste déprimant, par la note d'optimisme manifestée par les responsables du tourisme mondial. Le secrétaire général de l'OMT indiquait en effet cet été que, structurellement, le taux de croissance tendanciel du secteur touristique au plan mondial demeurait de l'ordre de 4 % par an, et que les prévisions à vingt ans restaient accessibles : 1,6 milliard d'arrivées internationales de visiteurs en 2020 (pour quelque 700 millions actuellement), et des recettes d'environ 2.000 milliards de dollars (pour un peu moins de 500 aujourd'hui). Il relevait notamment que si, juste après le conflit des Balkans et la première guerre du Golfe, la croissance du nombre de touristes était tombée à 1,2 % en 1991, elle avait rebondi à 8,3 % dès l'année suivante.

2. La France a connu des difficultés qui lui sont propres

Cependant, dans ce climat général peu porteur, la France a spécifiquement souffert, cette année, d'événements aggravant la situation.

a) Des catastrophes écologiques et climatiques

Tout d'abord, la marée noire provoquée par le naufrage du Prestige , le 19 novembre 2002, a fortement pénalisé le tourisme du littoral en Aquitaine tout au long du premier trimestre 2003, et encore durant l'été : ainsi, la fréquentation aurait accusé en juillet des baisses de 25 à 30 %, selon les services régionaux du tourisme.

L'une des difficultés d'un tel type de catastrophe écologique est qu'il installe durablement dans l'esprit des clientèles, notamment étrangères, des a priori négatifs, même quand les risques sont en réalité mineurs, voire nuls (c'est ainsi que la Côte Basque a également souffert de désaffection, alors même qu'elle n'a pas réellement été atteinte par les boulettes de fioul), et quels qu'aient été les efforts des professionnels et des collectivités territoriales pour nettoyer quotidiennement les plages. A titre d'exemple, on relèvera que les touristes allemands, néerlandais et nordiques, à la sensibilité écologique particulièrement affirmée, ont été proportionnellement plus nombreux à bouder les plages du littoral atlantique que les autres nationalités.

A cet accident se sont ensuite ajoutés les intempéries de l'hiver et du printemps 2003, et surtout la multiplication des incendies de forêt dans le Sud du pays et en Corse (plus de 300.000 hectares brûlés, un record depuis 1976).

Là encore, le traitement médiatique, au demeurant non condamnable en tant que tel, de ces phénomènes porte évidemment atteinte aux projets des clientèles, même si les régions concernées (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse, principalement) n'en ont pas subi des conséquences aussi rudes que l'Aquitaine : en effet, il est toujours plus difficile, psychologiquement et financièrement, d'annuler des réservations à quelques jours du départ que d'anticiper longtemps à l'avance des destinations de vacances différentes de celles retenues habituellement.

Une anecdote témoigne toutefois que cette observation n'est pas garantie : cet été, les médias russes, et en particulier la télévision, ont pendant plusieurs jours diffusé des reportages sur l'envoi, par la Russie, de deux hélicoptères de lutte contre les feux de forêt pour aider les pompiers français à combattre les incendies dans le Var. Du coup, l'opinion publique russe a cru tout le Sud de la France littéralement « à feu et à sang » et la clientèle russe, très présente sur la Côte d'Azur pendant la saison estivale, surtout dans l'hôtellerie de luxe, a annulé nombre de ses réservations pour les mois d'août et de septembre.

En tout état de cause, même s'ils estiment avoir « limité les dégats » et considèrent que la saison a été plutôt bonne compte tenu des circonstances, les professionnels de l'accueil et du tourisme de Corse et du littoral méditerranéen relèvent que leur activité sera inférieure à celle de 2002.

Dernier facteur écologique pénalisant : la canicule subie par l'ensemble du territoire entre la mi-juillet et la mi-août 2003. Il convient immédiatement de préciser que ce phénomène a eu des conséquences contrastées selon les régions et les types de séjours, et qu'il n'a de ce fait pas été systématiquement négatif.

En effet, si l'héliotropisme, qui constitue un paramètre primordial dans le choix des destinations du Sud et du Sud-Ouest du pays, et en particulier de ses zones littorales, n'a cette année pas joué son rôle habituel, l'ensoleillement général et les fortes chaleurs de l'été ont au contraire très nettement favorisé les régions de l'Ouest et du Nord de la France (Bretagne, Normandie, Picardie), ainsi que le tourisme rural et de moyenne montagne. A l'inverse, le tourisme urbain a été fortement pénalisé.

Reste que, globalement, une partie significative de la clientèle étrangère, notamment anglo-saxonne, qu'accueille habituellement notre pays a préféré, cette année, s'adonner au tourisme national compte tenu des circonstances climatiques exceptionnelles dont bénéficiait leur pays. C'est particulièrement vrai pour les Anglais (bien que la bonne santé de la livre sterling et son taux de change avantageux face à l'euro aient permis de limiter cet impact), mais ça l'est aussi pour les Allemands, les touristes nordiques et ceux d'Europe de l'Est, alors qu'au contraire, il semble que les clientèles italiennes et espagnoles aient été plus nombreuses que les années précédentes.

b) Un environnement socio-économique perturbé

Au-delà de ces phénomènes, la France a également souffert de facteurs socio-économiques multiples qui ont nuit au tourisme en 2002 et 2003.

Les difficultés économiques mondiales ont évidemment pesé sur notre pays : sans qu'il soit besoin à nouveau de s'y attarder, elles expliquent pour partie la forte diminution des séjours de la clientèle américaine (- 15,3 % en 2002), la stagnation de la clientèle japonaise (- 0,7 % en 2002) ou encore l'apparente désaffection de la clientèle allemande en 2003. Tous ces pays émetteurs ont en effet connu depuis la mi-2001 un ralentissement économique profond, voire une récession pour ce qui est du Japon.

Au premier trimestre de cette même année 2003, la guerre en Irak et l' épidémie de SRAS ont eu un double effet : elles ont contrarié les projets de départ de touristes français à l'étranger, notamment vers l'Amérique du Nord, le Moyen-Orient et l'Asie, et entraîné un recul similaire de l'arrivée de touristes étrangers.

LES SECTEURS PARTICULIÈREMENT AFFECTÉS

Les agences de voyage ont ainsi vu leur chiffre d'affaires cumulé se réduire de 4 % sur les cinq premiers mois de l'année 2003, par rapport à la même période de l'année précédente. Bien qu'une amélioration ait été constatée entre avril et mai, l'activité des voyagistes a diminué de 9 % en mai par rapport à 2002, avec une réduction de 8,2 % sur la billetterie et de 10,7 % sur les voyages à forfait. L'Île-de-France aurait été plus affectée que le reste du pays, avec des chiffres d'affaires réduits respectivement de 10 % et 8 % de janvier à mai.

Les tour-opérateurs spécialisés dans la destination Asie ont connu un printemps particulièrement difficile. Asia, leader sur le marché asiatique, a enregistré par exemple 18 % d'annulations sur la Chine et 60 % de changements de destination en avril, puis un taux de réservation en chute de près de 70 % en mai. Cette destination connaissait pourtant une progression de ventes de 140 % entre 2001 et 2002. En juin, ses responsables envisageaient un recul de 35 % à 45 % du chiffre d'affaires sur l'été par rapport à 2002.

Dans le secteur aérien , si Air France a annoncé un bénéfice net de 120 millions d'euros pour son exercice 2002-2003, clos fin mars, cette baisse de 21,6 % par rapport à 2001-2002 résulte essentiellement des pertes de 98 millions d'euros enregistrées par la compagnie entre janvier et avril. Si elle a été peu affectée par la guerre en Irak, elle estime en revanche avoir perdu un tiers de ses vols vers l'Asie en raison du SRAS : en avril, le trafic en direction de cette région a ainsi diminué de 29,5 %, avec un taux de remplissage de 62,1 %. Selon un porte-parole de la compagnie, le ralentissement des vols vers l'Asie aurait pesé « pour plus de moitié dans la baisse d'activité totale » . Globalement, le trafic long courrier d'Air France a reculé de - 9,3 % en avril 2003 par rapport à avril 2002, dont - 17,4 % vers les Etats-Unis.

S'agissant des entrées, qui ont reculé de - 6 % entre janvier et mai 2003, on relèvera notamment la nouvelle chute du nombre des touristes nord-américains (- 24 %), de même que celle de la clientèle en provenance du Moyen-Orient (- 24 % également) et du Japon (- 8 %), qui sont fortement consommateurs (les prestataires estiment ainsi que les clients américains dépensent environ 90 euros quotidiennement, alors que la moyenne s'élève à 48 euros pour les autres clientèles).

Votre rapporteur pour avis ne peut manquer de souligner que la position courageuse de la France lors du conflit irakien n'est pas étrangère à la désaffection, qu'il croit passagère, des touristes américains pour notre pays, comme sans doute à une certaine réticence de nos compatriotes à faire le voyage des Etats-Unis, par crainte d'y recevoir un accueil peu amène.

Mais outre ces considérations internationales, force est de constater que les Français eux-mêmes sont responsables d'une partie des difficultés rencontrées ces derniers mois par leur industrie touristique.

Le climat social agité qui a prévalu tout au long du printemps et de l'été, avec des grèves à répétition à l'occasion de la réforme des retraites, n'améliore évidemment pas l'image du pays auprès de la clientèle étrangère. D'autant qu'il arrive que les secteurs concernés soient en prise directe avec l'activité touristique : c'est par exemple le cas de la grève des contrôleurs aériens, en mai 2003, dont l'impact sur le trafic aérien a été évalué à - 1,7 %. C'est évidemment aussi celui du mouvement des intermittents du spectacle, qui a provoqué une vague sans précédent d'annulations de festivals aux quatre coins du pays.

Votre rapporteur pour avis déplore la multiplication de ces mouvements sociaux, dont les effets dépassent largement le seul cadre du secteur qu'ils concernent et affectent des milliers d'entreprises de l'accueil et du tourisme qui , compte tenu des circonstances, n'en ont vraiment pas besoin .

B. L'INDUSTRIE TOURISTIQUE FRANÇAISE A GLOBALEMENT RÉSISTÉ

S'il est donc acquis que l'année touristique 2003 connaîtra un recul - les professionnels évoquent un retour aux résultats de l'an 2000, dont on rappellera tout de même qu'ils avaient, à l'époque, constitué un record de croissance -, le bilan de la saison 2002 témoigne cependant que, structurellement , ce que l'on pourrait appeler « les fondamentaux » du secteur touristique français sont solides : ils ont permis d'obtenir des résultats somme toute satisfaisants malgré les difficultés et d'adapter l'offre aux nouveaux comportements de la clientèle tant étrangère que nationale .

1. La destination « France » reste attractive ...

Même si elle a subi un léger tassement en termes de parts de marché, passant de 10,9 % à 10,8 % du marché mondial et de 18,8 % à 18,7 % du marché européen, la France a maintenu sa position de première destination touristique internationale avec 77 millions de séjours (+ 2,4 %).

ÉVOLUTION DU TOURISME INTERNATIONAL EN 2002

Pays

2002

2002/2001

Part dans le monde

Part en Europe

France

77 012

+ 2,4 %

10,8 %

18,7 %

Espagne

51 478

+ 4,0 %

7,2 %

12,6 %

Etats-Unis

41 892

- 7,9 %

5,9 %

-

Italie

39 799

+ 2,0 %

5,6 %

9,7 %

Chine

36 800

+ 11,1 %

5,2 %

-

Source : OMT Milliers d'arrivées de touristes étrangers

Certes, cet accroissement est une fois encore inférieur à celui de l' Espagne (+ 4,0 %), dont le dynamisme ne se dément pas et qui occupe désormais solidement la deuxième place en termes de visiteurs , devant les Etats-Unis , qui subissent toujours le contrecoup des attentats du 11 septembre (- 7,9 %), l' Italie , et enfin la Chine , qui désormais « talonne » les destinations classiques du tourisme mondial, et qui devrait les dépasser dans les toutes prochaines années.

a) Des recettes importantes qui pourraient être accrues

Une fois de plus, cependant, la France n'arrive guère à tirer le meilleur parti économique et financier de sa situation de « leader ». En effet, en matière d'évolution des recettes tirées du tourisme , elle se classe toujours en troisième position , après les Etats-Unis et l 'Espagne , et devant l' Italie .

RECETTES DU TOURISME PAR PAYS EN 2002

Pays

Recettes du tourisme international

PIB 2002

Recettes/PIB

Etats-Unis

66,5

10 365,8

0,6 %

Espagne

33,6

643,7

5,2 %

France

32,6

1 417,7

2,3 %

Italie

26,7

1 184,3

2,3 %

Source : OMT, OCDE (Milliards de dollars)

C'est à sa position géographique que notre pays doit cette situation : il constitue en effet une « porte d'entrée » en Europe pour de nombreux touristes non-européens, et un axe de passage pour les touristes européens dont la destination finale est l'un des pays limitrophes. Ainsi, la direction du tourisme évalue à 160 millions les passages des étrangers sur l'année , et estime que plus de la moitié des séjours des 77 millions d'étrangers qui ont passé au moins une nuit en France ne dure que de une à trois nuitées .

Nuitées

1

2

3

4 à 6

7 à 13

Plus de 14

Proportion

21,5 %

17,5 %

14,0 %

17,4 %

17,5 %

12,1 %

Source : Estimations de la direction du tourisme

Reste que l'activité touristique est toujours un secteur rémunérateur pour l'économie française , puisque le solde excédentaire du poste « voyages » de la balance des paiements s'est maintenu en 2002 , comme l'année précédente, à 15 milliards d'euros . Les recettes se sont ainsi établies à 34,5 milliards d'euros (+1,8 %) et les dépenses à 19,5 milliards (+ 3,7 %).

Si ce poste demeure, de ce fait, à la première place , qu'il occupe depuis 1999, il ne contribue plus qu'à environ la moitié de la capacité de financement de la nation , contre les deux-tiers l'an dernier, en raison de l'amélioration du solde des échanges des produits de l'industrie qui, après avoir été déficitaire de plus de 12 milliards d'euros en 2000, et de près de 4 milliards en 2001, est redevenu positif en 2002 (1,1 milliard).

b) Une structure par nationalités qui évolue

Le nombre d'arrivées de touristes a été en hausse pour toutes les principales clientèles européennes , cette augmentation ayant été particulièrement marquée pour les pays du sud de l'Europe : Italie, Espagne, Portugal et Grèce. A l'inverse, la diminution du nombre de touristes américains est très nette , tandis que celle de la clientèle japonaise est moins importante que ne le laissait présager la forte chute du nombre d'arrivées nippones au cours du quatrième trimestre de l'année 2001.

ARRIVÉES ET NUITÉES DES TOURISTES ÉTRANGERS EN 2002

Pays de résidence

Arrivées

Évolution

Nuitées

Évolution

Royaume-Uni, Irlande

14 958

+ 0,5 %

109 269

+ 1,2 %

Allemagne

14 346

+ 3,4 %

109 634

+ 1,7 %

Pays-Bas

12 631

+ 7,3 %

82 018

+ 6,1 %

Belgique, Luxembourg

8 472

+ 2,8 %

64 315

+ 1,9 %

Italie

7 874

+ 11,6 %

53 416

+ 10,5 %

Suisse

3 074

- 6,7 %

20 302

- 7,2 %

Espagne

2 965

+ 3,8 %

20 158

+ 6,5 %

États-Unis

2 996

- 15,3 %

30 832

- 14,3 %

Japon

723

- 0,7 %

4 414

- 2,2 %

Autres

8 973

- 2,5 %

94 071

- 2,8 %

Total

77 012

+ 2,4 %

588 429

+ 1,3 %

Source : Estimations de la direction du tourisme En milliers

Mais le nombre de nuitées passées par les touristes de chaque nationalité en France constitue un indicateur de fréquentation touristique plus significatif que celui des arrivées, qui inclut en effet les séjours d'une seule nuit. Or, on observe, au plan global , que la progression du nombre d'arrivées (+ 2,4 %) entre 2001 et 2002 a été supérieure de un point à l'augmentation du volume de nuitées (+ 1,3 %), ce qui signifie que la durée moyenne de séjour a légèrement baissé . Votre rapporteur pour avis déplore cette situation : des efforts significatifs sont encore à entreprendre pour inverser la tendance, déjà dénoncée l'an dernier .

En outre, si l'on compare l'évolution du volume des nuitées (+ 1,3 %) à celle du montant des recettes du poste voyage de la balance des paiements (+ 1,8 %), et qu'on prend en compte un effet prix (augmentation des prix des produits et services consommés par les touristes) évalué à + 3,5 %, il reste un différentiel d'environ 3 % qui s'explique par deux composantes d'effets contraires. D'une part, les modifications de la structure par nationalité de la clientèle étrangère ont indiscutablement pesé, pour environ - 5 % de recettes nettes : à des touristes de nationalités à niveau de dépenses élevé (Américains, Japonais, Suisses) se sont substitués des touristes à niveau de dépenses nettement plus faible (Italiens, Espagnols, Néerlandais). A l'inverse, l'augmentation des dépenses effectuées par nuitée et par personne , si elle n'est pas observée directement, aurait atteint + 1,7 % , ce qui peut être considéré comme satisfaisant dans le contexte général de croissance faible du volume de la consommation des ménages, notamment pour les pays européens.

2. ... et les comportements touristiques des Français se modifient

Il existe une caractéristique propre au tourisme dans les comportements économiques des Français, et l'année 2002 en a une nouvelle fois apporté la preuve . On observera tout d'abord que la croissance de ce secteur a été plus rapide en 2002 qu'en 2001 : + 4,3 % pour le nombre total des séjours et + 3,8 % pour le nombre des nuitées, à comparer respectivement à + 2,1 % et - 0,2  %. On relèvera en outre qu'elle a été supérieure au taux d'augmentation du PIB en valeur en 2002 ( + 3,1 % ) comme à celui de la consommation globale des ménages , toujours soutenue, bien qu'en net recul par rapport aux années précédentes ( + 3,2 % ).

Cette dynamique particulière au tourisme s'accompagne cependant de comportements prudents , déjà observés en 2000 et 2001 et qui semblent de ce fait s'installer durablement : le choix privilégié de l'Hexagone , la réduction de la durée moyenne des déplacements , la multiplication de ceux-ci , les décisions de dernière minute et la préférence maintenue pour l' hébergement non marchand .

a) Destination « France », pour de courts séjours multipliés

Dans l'ensemble des déplacements des Français, les voyages à l'étranger constituent une fraction limitée (un peu plus de 10 % en séjours et 15 % en nuitées). En 2002, ils se sont avérés en progression, notamment en ce qui concerne les courts séjours (3 nuits au plus) : en effet, pour une croissance assez forte du nombre des séjours à l'étranger (+ 6,1 % par rapport à 2001), le nombre des nuitées n'a augmenté de son côté que de + 2,3 %. Tout indique ainsi que si les Français affectionnent les voyages à l'étranger (le taux de départ à crû plus fortement que celui des séjours en France), la durée de leur séjour est plus limitée que celle de leurs déplacements en France (le taux d'augmentation du nombre de leurs nuitées à l'étranger est en effet inférieur à celui du nombre de leurs nuitées dans l'Hexagone).

Les déplacements professionnels constituent eux aussi une faible fraction de l'ensemble des déplacements (2,5 % des nuitées et 3,9 % des séjours). La tendance à privilégier les déplacements courts s'est également confirmée, puisque le nombre de ceux-ci a augmenté de près de 12 % pour atteindre désormais 71 % du nombre total des séjours, tandis que les longs déplacements se sont contractés de 5,6 % en ce qui concerne les séjours, et de plus de 22 % en termes de nuitées .

Comme les séjours professionnels, les déplacements personnels ont été caractérisés par une multiplication des départs et une limitation des durées moyennes des séjours, lesquelles ont encore diminué en 2002 par rapport à 2001 (5,61 nuits contre 5,64, soit - 0,5 %).

MOTIF, DESTINATION ET DURÉE DES SÉJOURS DES FRANÇAIS EN 2002

Motif

Destination

Court séjour

Long séjour

Total

Séjours

Nuitées

Séjours

Nuitées

Séjours

Nuitées

Professionnel

France

4,1

6,6

1,5

10,8

5,6

17,4

Etranger

0,8

1,5

0,5

5,0

1,3

6,5

Personnel

France

82,5

148,4

67,3

649,4

149,8

797,7

Etranger

4,4

9,2

12,6

129,3

17,0

138,5

Total

France

86,6

154,9

68,8

660,2

155,4

815,2

Etranger

5,2

10,7

13,1

134,3

18,3

145,1

Général

91,8

165,7

81,9

794,5

173,7

960,2

Source : SDT/Direction du tourisme - Sofres En millions

Le dynamisme relatif du tourisme des Français en 2002 trouve sa source dans les comportements de quelques catégories ciblées de la population , celles qui subissent le moins de contraintes en terme de disponibilité et/ou de moyens économiques pour voyager : les jeunes entre 15 et 24 ans et les seniors de plus de 65 ans, les personnes sans charge de famille et les cadres et professions libérales. Pour les salariés, le développement de l'aménagement et de la réduction du temps de travail a joué à l'augmentation de la disponibilité.

Ainsi, la proportion des catégories mentionnées parmi les personnes ayant voyagé augmente nettement en 2002 par rapport à 2001 :

- de 13,6 % en 2001 à 14,8 % en 2002 pour les 15-24 ans ;

- de 14,0 % à 14,7 % pour les cadres et professions libérales ;

- de 65,9 % à 67,0 % pour les personnes sans enfant au foyer.

Si l'on raisonne en masse, on constate que la progression du nombre global des déplacements est le fait des personnes sans enfants : leurs déplacements ont fortement augmenté (+ 6,1 %) tandis que ceux des personnes avec au moins un enfant au foyer ne l'ont fait que faiblement (+ 0,7 %).

b) Des choix de déplacements, de motifs et d'hébergements qui se confirment dans la durée

La répartition des déplacements selon l'espace choisi s'avère en 2002 très voisine de l'année précédente . Le littoral reste en 2002 la destination la plus fréquentée en termes de nuitées (près de 36 %), mais sa part reste stable comme l'année précédente, tout comme la campagne (33,9 %). Au reste, aucun espace ne perd significativement de « part de marché » alors que la ville gagne un point, ce qui signifie qu'elle a été plus souvent associée dans les mêmes déplacements à d'autres espaces que l'année précédente.

En revanche, la répartition régionale connaît quelques évolutions marginales : dans un mouvement d'accroissement du volume d'ensemble, les parts de marché des trois régions habituellement les plus réceptrices tendent à s'éroder (Provence -Alpes - Côte d'Azur, qui passe de 13,2 à 12,8 % du total des nuitées, et Languedoc - Roussillon, de 9,8 à 9,5 %) ou à rester stables (Rhône-Alpes, à 11,9 %) au profit de régions à la fréquentation un peu plus faible : la Bretagne (qui passe de 8,2 à 8,5 de parts de marché), les Pays de la Loire (de 6,9 à 7,4 %), la Basse Normandie (de 2,9 à 3,2 %), l'Auvergne (de 2,7 à 3,1 %) et la Corse (de 1,5 à 1,8 %).

Une grande stabilité se retrouve aussi lorsqu'on analyse les motifs de déplacements personnels : visites à la famille (41,5 % des séjours et 31,1 % des nuitées) et aux amis (respectivement 11 % et 6,4 %), déplacements pour motifs d'agrément (40,1 % et 54,8 %) et autres (7,4 % et 7,7 %).

S'agissant des modes d'hébergement , l'inversion de tendance observée en 2001 s'est confirmée en 2002 : le recours au secteur marchand a de nouveau diminué , passant de 28,6 à 28,2 % s'agissant des séjours, et surtout de 33,6 à 32,7 % en ce qui concerne les nuitées. Cette année toutefois, la raison n'en est pas la moindre occupation de structures hôtelières (qui demeure stable par rapport à 2001), mais l' érosion des hébergements en campings et en clubs et villages de vacances , au profit essentiellement de l'hébergement familial (44,4 %des séjours et 37,4 % des nuitées). En revanche, la désaffection constatée les années précédentes pour la résidence secondaire semble s'être interrompue en 2002 (10,6 % des séjours et 17,1 % des nuitées).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page