C. DIFFICULTÉS DE L'HEURE

L'AEFE est au centre d'une tension entre les missions que la loi lui a imparties et les contraintes, budgétaires pour l'essentiel, qui lui imposent de restreindre l'aide apportée aux établissements. Cette aide porte sur la mise à dispositions de fonctionnaires qu'elle rémunère intégralement, dans le cadre des conventions passées avec certaines des écoles privées qui s'étaient engagées, dans le cadre de l'AEFE, à participer à l'accomplissement de sa mission de service public.

L'AEFE reconnaît elle-même ces contradictions dans le compte rendu du séminaire de réflexion organisé les 6 et 7 mai 2003. Elle demeure insatisfaite des outils dont elle dispose pour les résoudre, mais dépend d'une chaîne décisionnelle lourde, et manque d'outils d'analyse statistique et financière.

Les plus préoccupantes de ces difficultés sont les suivantes :

1. Personnels : la substitution des résidents aux expatriés

a) Expatrié et résident : les différences de statut

Le décret du 31 mai 1990 a réparti les fonctionnaires employés dans les écoles françaises de l'étranger en deux catégories :

- les expatriés recrutés hors du pays d'exercice, sur la base d'un contrat de 3 ans, renouvelable une fois, et bénéficiaires d'une rémunération totale qui multipliait leur salaire de base français par un coefficient, variable selon les pays, d'une valeur de 1,7 en moyenne mondiale.

- les résidents, fonctionnaires recrutés localement par les établissements et rémunérés selon des critères locaux (ex : l'Amérique Latine) ou en référence à des grilles métropolitaines (ex : Afrique du Nord).

Le décret du 31 mai 1990 a soustrait les enseignants du décret de 1967 qui régit la majorité des agents de l'état en poste à l'étranger sans conséquence financière négative pour les expatriés. Il a amélioré la situation des recrutés locaux titulaires qui ont obtenu le statut de résident, tant sur le plan du droit que sur le plan de la rémunération, alignée, quel que soit le pays d'exercice, sur le salaire de référence français et versée par l'AEFE. Les établissements concourent à ces rémunérations par le versment d'une participation financière à l'AEFE.

b) Quelques effets pervers du décret de 1990

Le décret de 1990 constitue une « photographie » de la situation du réseau l'année de sa parution  : le nombre de supports budgétaires de postes de fonctionnaires a été bloqué à son niveau de 1990. Cette rigidité interdit à l'AEFE de répondre à l'augmentation du nombre d'élèves par la création de postes. L'AEFE ne peut gérer son personnel titulaire que par redéploiement géographique (on prend des postes en Afrique pour les affecter en Asie) ou par transformation de poste d'expatrié en poste de résident, transformation génératrice d'économie pour l'Etat, mais coûteuse pour les établissements, même dans les cas des postes de résidents dits « à coût nul » pour l'établissement. Cette rigidité conduit à des situation aberrantes : ainsi les écoles emploient-elles environ 160 fonctionnaires en qualité de « recrutés locaux », faute de supports budgétaires pour leur donner le statut de résidents. Ce sont les TNR (titulaires non-résidents) placés en position de disponibilité, dont la carrière est bloquée, qui ne peuvent pas cotiser pour leur retraite et qui seront pénalisés pour ces années d' « inactivité » au moment de la liquidation de celle-ci en vertu de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme du système de retraite !

c) Le programme de transformation de postes d'expatriés en postes de résidents

Ce programme résulte du fait que le décret de 2002, qui se substitue à celui de 1990, améliore la rémunération des résidents sans rien changer à leur statut ni à celui des expatriés, et ceci à coût nul pour l'état à l'issue de la période de transition en cours. Dans de telles conditions, l'application du décret requiert ces transformations de postes ainsi que d'autres mesures génératrices d'économies.

« A la rentrée 2004, ce sont 128 postes de titulaires qui ont été transformés (en postes de résidents). Pour les années suivantes, l'hypothèse actuellement envisagée est de poursuivre leur transformation à raison de plus d'une centaine de postes par an. Ceci porterait progressivement, d'ici à 2005, le nombre de personnels résidents à un peu moins de 4 900, et celui des personnels expatriés à un peu plus de 1 200 » (note communiquée par l'AEFE ).

CARTE SCOLAIRE 2003-2004

FERMETURES

OUVERTURES

EVOLUTION

expatriés

résidents

expatriés

résidents

expatriés

résidents

Europe

44

17

5

60

- 39

43

Amérique

31

138

8

33

- 23

- 105

Asie-Océanie
Moyen-Orient

29

10

4

44

- 25

34

Afrique

89

138

10

146

- 79

8

Total

193

303

27

283

- 166

- 20

Source : ministère des Affaires étrangères

OUVERTURE DE POSTES DE RÉSIDENTS POUR 2002-2003

COÛT NUL POUR L'ÉTABLISSEMENT

PARTICIPATION

COÛT NUL POUR L'AGENCE

TOTAL

Europe

48

18

0

66

Amérique

21

20

3

44

Asie-Océanie
Moyen-Orient

57

14

0

71

Afrique

79

24

1

104

Total

205

76

4

285

Source : ministère des Affaires étrangères

EVOLUTION DES EFFECTIFS D'ENSEIGNANTS PAR GRANDES ZONES GÉOGRAPHIQUES
(EXPATRIÉS)

ZONE GÉOGRAPHIQUE

TOTAL

97/98

98/99

99/00

00/01

01/02

02/03

Afrique Champ

452

440

419

301

287

271

Afrique hors Champ

64

62

61

60

59

54

Amérique du Nord

85

86

81

80

74

67

Amérique Latine

234

228

230

248

227

212

Asie Océanie

132

139

144

153

154

146

Océan Indien

119

122

111

Europe centrale/orientale

42

43

45

76

55

118

Europe occidentale

348

326

307

284

298

193

Maghreb

387

358

329

325

288

266

Moyen-Orient

115

127

138

150

158

149

Monde entier

1 859

1 809

1 754

1 796

1 722

1 587

EVOLUTION DES EFFECTIFS D'ENSEIGNANTS PAR GRANDES ZONES GÉOGRAPHIQUES
(RÉSIDENTS)

ZONE GÉOGRAPHIQUE

TOTAL

97/98

98/99

99/00

00/01

01/02

02/03

Afrique Champ

624

642

694

535

560

603

Afrique hors Champ

105

116

131

131

141

146

Amérique du Nord

251

263

256

252

251

231

Amérique Latine

315

335

325

384

415

447

Asie Océanie

201

215

226

234

255

274

Océan Indien

177

193

222

Europe centrale/orientale

70

74

81

160

164

411

Europe occidentale

1 243

1 266

1 306

1 256

1 087

1 185

Maghreb

701

724

775

796

827

847

Moyen-Orient

155

169

185

180

201

216

Monde entier

3 665

3 804

3 979

4 105

4 094

4 582

Source : ministère des Affaires étrangères

d) Des postes à coût nul ?

OUVERTURE DE POSTES DE RÉSIDENTS POUR 2003-2004

COÛT NUL POUR L'ÉTABLISSEMENT

PARTICIPATION

COÛT NUL POUR L'AGENCE

TOTAL

Europe

54

6

0

60

Amérique

22

4

7

33

Asie-Océanie
Moyen-Orient

24

20

0

44

Afrique

107

16

23

146

Total

207

46

30

283

Source : ministère des Affaires étrangères

Normalement la rémunération des résidents est partagée entre l'AEFE et les établissements. Mais, dans le cadre des transformations liées à l'application du décret de 2002, la rémunération des nouveaux résidents est prise en charge à 100% par l'AEFE. Ces postes sont dits « à coût nul pour l'établissement ». Ce n'est que partiellement vrai. La majorité des « résidents » sont recrutés en France, les établissements doivent donc leur consentir des avantages pour les attirer et les garder : paiement du transport et de billets pour congés, prime d'installation, paiement intégral des trois premiers mois d'exercice en qualité de recruté local et participation aux cotisations d'assurance-maladie à la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. L'établissement rembourse aussi à l'AEFE une part de l'indemnité spéciale de vie locale (ISVL). Cette liste n'est pas exhaustive. Les établissements constatent souvent que leur investissement de départ sur de faux-résidents est à fonds perdus, car ceux-ci quittent fréquemment leur poste après un bref séjour. La stabilité de ces personnels est d'autant plus faible que les conditions de vie dans le pays sont difficiles.

Les établissements sont déstabilisés financièrement et dans leur fonctionnement pédagogique par cette politique. Les répercussions sur la qualité de l'enseignement sont encore rarement sensibles. Il n'empêche que, sur ce point, les inquiétudes sont partagées par toutes les composantes des communautés éducatives.

2. Le cas particulier des Etats-Unis

Aux Etats-Unis existent 33 établissements à programmes français homologués jusqu'à des niveaux de scolarité divers par le ministère français de l'éducation nationale. Depuis le 1er septembre 2003, seuls trois d'entre eux, contre huit auparavant, demeurent liés par convention à l'AEFE : les lycées Rochambeau de Washington, La Pérouse de San Francisco et l'école internationale de Denver.

En effet, l'incompatibilité entre la législation américaine et le statut des résidents tel que défini par le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 a contraint l'agence à décider de ne plus affecter cette catégorie de personnel aux Etats-Unis. Il n'existe plus, dans ce pays, que des personnels au statut d' expatriés, à la charge de l'Agence, et des agents recrutés sur contrat local par les établissements auprès desquels ils sont détachés directement. Cent trente deux postes de résidents au total (87 dans le primaire et 45 dans le secondaire) y ont été supprimés, et font l'objet d'une réaffectation par l'Agence, en fonction des besoins de création de postes de résident, dans le réseau. Des régularisations de titulaires non résidents ont notamment déjà été effectuées sur ces supports.

Les cinq établissements qui ne bénéficiaient que de fonctionnaires  « résidents » ont été amenés à considérer que les conventions en vigueur devenaient déséquilibrées : des contraintes statutaires leur étaient imposées sans contrepartie suffisante de l'AEFE. Elles les ont dénoncées, souvent à contre-coeur, car c'est une part de leur légitimité d'école française qu'elles estimaient perdre ainsi.

Compte tenu du taux élevé de la participation des établissements aux salaires des résidents, le surcoût induit par la disparition de cette catégorie de fonctionnaires varie de 1 % à 2,7 % du budget global des établissements (exception: Chicago: 4,4 %) Cela engendrera des hausses de droits de scolarité, qui devraient rester modérées, mais qui se répercuteront sur le budget des bourses scolaires dont leurs élèves continueront à bénéficier dans les mêmes conditions que lorsque l'établissement était conventionné.

Ces cinq établissements conserveront l'homologation accordée par le ministère de l'Education nationale dès lors qu'ils continueront à respecter les critères exigés. Les actions de formation organisées par l'agence restent ouvertes à leurs personnels.

La carrière des fonctionnaires français détachés directement dans un établissement homologué, ou dans l'un des trois établissements encore conventionnés avec l'Agence se poursuit normalement dans leur corps d'origine (situation inchangée).

La seule différence notable concerne la couverture du risque maladie : les détachés directs bénéficient, au même titre que les autres employés des établissements américains, de la protection sociale prévue par les conventions collectives. Mais ils ne sont assurés hors du territoire des Etats-Unis que si la convention le prévoit. La Mutuelle Générale de l'Education Nationale -MGEN- continue de leur servir les prestations complémentaires mutualistes, en appliquant un coefficient correcteur de 4,5 afin de tenir compte du coût des frais médicaux américains. Une éventuelle désaffiliation entraînerait l'impossibilité de redevenir adhérent lors d'un retour en France à échéance plus ou moins tardive, sauf à subir de très fortes pénalités.

Une démarche a été tentée par le ministère des Affaires étrangères auprès ministère des Affaires sociales, pour maintenir leur affiliation au régime d'assurance-maladie propre aux fonctionnaires, sans résultat à ce jour. Ces personnels peuvent toutefois adhérer, à des conditions favorables (pas de délai de carence, taux de 5,25 % pour le risque maladie) à la Caisse des Français de l'Etranger pour couvrir les différents risques: maladie, maternité, invalidité; accident du travail, maladie professionnelle; vieillesse. La MGEN envisage de créer un guichet unique avec la CFE afin de simplifier le remboursement des personnels qui seraient à la fois adhérents à la CFE et à la MGEN.

3. Les implications de la baisse des indemnités de résidence pour l'AEFE

Le ministère des affaires étrangères a décidé, dans le cadre de sa participation à l'effort de rigueur budgétaire, d'appliquer un abattement de 26 millions d'euros aux primes de résidence versées à son personnel en poste à l'étranger. Sur ce total, 3,8 millions d'euros seront affectés à l'augmentation des primes des personnels de l'administration centrale, et la même somme à l'amélioration de la rémunération des recrutés locaux, le reste revenant au budget général de l'Etat.

Cette mesure a un impact de 6 millions d'euros sur le budget de l'AEFE. Or, cette économie est difficile à réaliser sur les primes des 1 427 expatriés qui sont les seuls agents du réseau à la percevoir. Il est donc à craindre que, faute de pouvoir réaliser cette économie, l' AEFE ne soit contrainte, en cours d'année, de puiser dans son fonds de roulement alors qu'elle avait réussi à le faire remonter à 12 jours de fonctionnement (7 jours l'année dernière). Une telle ponction serait inacceptable, et le Parlement devra être très vigilant sur ce point .

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