II. LES ÉQUIPEMENTS

Ainsi que votre rapporteur l'a souligné l'an passé, les abattements opérés sur les crédits d'équipement à partir de 1998 menaçaient de rompre la réalisation du modèle d'armée 2015 en raison de l'accumulation des retards sur de nombreux programmes et d'une détérioration de la disponibilité des matériels. Le niveau de ressources prévu par la loi de programmation militaire 2003-2008 et confirmé par le présent projet de budget permet d'enrayer cette dégradation et de rectifier la trajectoire.

Deux difficultés demeurent toutefois.

Premièrement, le retour à une disponibilité satisfaisante des matériels ne sera pas immédiat . Il implique des mesures d'organisation, dont beaucoup ont été prises mais dont les effets se feront sentir à moyen terme. D'autre part, quels que soient les moyens supplémentaires dégagés, ils ne peuvent résoudre l'ensemble des problèmes liés au vieillissement de matériels dont la relève ne sera assurée qu'à la fin de la décennie, voire au début de la prochaine.

Deuxièmement, en raison de ces échéances de remplacement lointaines, des affaiblissements capacitaires ne pourront être évités . Ils toucheront particulièrement l'aéromobilité et les blindés légers et ne seront que partiellement atténués par les mesures palliatives de rénovation ou de valorisation.

A. LA RESTAURATION DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS : UNE oeUVRE DE LONGUE HALEINE

Alors que les normes retenues par l'armée de terre pour la disponibilité technique opérationnelle 5 ( * ) de ses équipements sont de 80% pour les matériels terrestres et de 70% pour les matériels aériens, les résultats obtenus se sont très fortement dégradés à partir de 1998. Une légère progression a été constatée en 2001. En 2002, malgré les efforts déployés, tant sur le plan financier qu'en terme d'organisation, cette amélioration ne s'est pas accélérée. Pour une majorité des parcs de l'armée de terre, la sortie de crise semble toutefois pouvoir être espérée fin 2003.

ÉVOLUTION DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS EN 2003

Catégorie

Parcs

Moyenne 2001

Tendance

Moyenne
2002

Tendance

Moyenne
2003

Tendance

Blindés
lourds

LECLERC

33 %

+ +

48 %

+ +

50 %

+

AMX 30

60 %

-

65 %

-

74 %

+

155 AUF1

51 %

-

53 %

-

53 %

-

ROLAND

60 %

-

56 %

+

53 %

=

AMX 30 D

68 %

=

61 %

-

67 %

+

EBG

41 %

-

45 %

+

39 %

=

AMX 10 P

64 %

=

56 %

-

48 %

+

Blindés
légers

AMX 10 RC

46 %

+ +

62 %

=

56 %

=

ERC

68 %

+

71 %

-

68 %

-

VAB

76 %

+

72 %

=

72 %

=

VBL

80 %

+

82 %

-

73 %

-

155 TRF1

77 %

+

81 %

-

76 %

-

Génie

68 %

+

62 %

-

55 %

-

VUTC

VLTT

81 %

=

78 %

=

76 %

=

PL 2,4,10T

75 %

+

79 %

+

83 %

+

ALAT

Gazelle

61 %

-

54 %

-

60 %

-

Puma

62 %

+

59 %

-

50 %

-

Cougar

62 %

+

62 %

=

58 %

=

Comme l'illustre le tableau ci-dessus, la situation est particulièrement critique pour le transport de troupes chenillé AMX10P , puisque la disponibilité a chuté à moins de 50% sur un parc de 572 blindés. 152 d'entre eux sont indisponibles pour des fissures de caisse supérieures à 8 000 m. Certains rechanges tels que le moteur ou la boîte de vitesse manquent également de façon sensible.

Des difficultés d'approvisionnement ont également fait chuter la disponibilité du char à roues AMX10RC .

Quant aux hélicoptères , leur disponibilité a été affectée par l'alourdissement de la maintenance et les difficultés logistiques du fait de leur vieillissement et des obsolescences. De plus, les effectifs disponibles pour la maintenance de ces machines ne sont pas suffisants dans le contexte opérationnel actuel. La priorité est donnée aux opérations extérieures (où la disponibilité est de 95% pour les Gazelle et de 68% pour les Puma), ce qui provoque un déficit en métropole.

La mise en place de la SIMMAD pour le soutien des hélicoptères s'est traduite par des résultats positifs, en particulier grâce aux contrats globaux passés avec les industriels. Le problème de rupture des faisceaux torsibles sur le rotor de la Gazelle a pu être résolu en moins d'un an, alors qu'aucun rechange n'était disponible.

La création d'une structure interarmées de maintenance pour les matériels terrestres, envisagée jusqu'à l'été 2002, a été abandonnée, ce qui peut se comprendre compte tenu du grand nombre de matériels concernés, des particularités des modes de soutien et du fait qu'ils sont en service en très grande majorité dans les forces terrestres.

L'abandon de ce projet implique en revanche que l'organisation et le fonctionnement de la direction centrale du matériel de l'armée de terre soit actualisés.

Il est prévu de centrer l'intervention de cette dernière sur le soutien direct opérationnel, l'entretien lourd étant plus largement confié aux industriels. Une première approche pourrait consister à confier à GIAT-Industries la maîtrise d'oeuvre industrielle du maintien en condition opérationnelle des chars Leclerc et des matériels anciens qu'il a contribué à revaloriser.

Un effort très important doit donc être entrepris en matière d'organisation et de rationalisation de la maintenance.

Toutefois, la dégradation de la disponibilité résulte de causes plus profondes auxquelles les mesures d'organisation ou les crédits supplémentaires ne pourront pas remédier.

Les déploiements importants et prolongés sur les théâtres d'opération extérieurs ont conduit à un vieillissement accéléré des parcs entraînant de nombreuses défaillances techniques et un renchérissement des coûts de soutien . À titre d'exemple, le parc d'engins blindés d'ancienne génération a été réduit de 20% depuis 1995, mais le coût des rechanges associés n'a diminué que de 12% sur la même période. Le poids du maintien en condition opérationnelle ne peut que s'accroître au cours des prochaines années.

B. LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS PAR DES ÉQUIPEMENTS MODERNES : UNE PERSPECTIVE À MOYEN TERME

Le modèle 2015, défini en 1996, reste l'objectif pertinent pour l'armée de terre, car il a pris en compte la grande diversité des situations opérationnelles dans lesquelles les forces terrestres peuvent être engagées, comme en ont témoigné les opérations menées ces dernières années. Il définit un équilibre entre moyens lourds et moyens légers et nécessite la modernisation d'équipements en nombre limité, mais suffisants pour remplir toutes les missions prévisibles. Il méritait toutefois certains ajustements à la lumière des évènements les plus récents, par exemple pour tenir compte d'hypothèses de confrontation en zone urbaine ou montagneuse, d'opérations contre des groupements terroristes installés en territoire étranger, de la participation éventuelle à la défense du territoire national ou encore des risque de terrorisme nucléaire, radiologique, biologique ou chimique. Ces ajustements ont été opérés dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008.

Pour les prochaines années, quatre priorités d'équipement se dégagent concernant les forces terrestres.

La première porte sur la protection des combattants . Elle s'appuie sur de nouveaux véhicules blindés de combat et de transport (véhicule blindé de combat d'infanterie, véhicule articulé-chenillé pour les actions en terrain difficile) et l'équipement individuel (programme Felin). À plus long terme, le remplacement des actuels engins blindés à roues s'impose également. Il est en outre nécessaire d'améliorer la précision des feux indirects , c'est à dire effectués hors de la vision de l'objectif, pour aller d'une pratique de feux de saturation vers des feux de précision, moins consommateurs en munitions et plus efficaces.

La deuxième priorité concerne les capacités de commandement et le renseignement , grâce aux systèmes de communication et d'information et aux moyens de recueil du renseignement (valorisation du système de radar héliporté Horizon, réalisation à partir de 2006 du drone multi-capteurs multi-missions).

La mobilité tactique , avec la mise en service de l'engin de combat futur du génie et la mise à niveau des moyens d'aide au déploiement et de soutien en Opex, est également prioritaire, de même que la logistique opérationnelle, l'état du parc de camions étant devenu préoccupant.

Enfin, à défaut d'éviter une chute capacitaire en matière aéromobile, la valorisation d'une partie du parc d'hélicoptères de transport actuels est indispensable à la préservation de capacités minimales de projection tactique des forces . Le besoin d'un hélicoptère lourd mériterait également d'être pris en compte à moyen terme.

La plupart de ces priorités ne seront satisfaites qu'à moyen terme.

Dans l'immédiat, un affaiblissement de nos capacités est prévisible dans deux domaines : l'aéromobilité et les blindés légers.

Le déficit en aéromobilité va se creuser en raison de la décision, pour des raisons financières, de repousser à 2011 les premières livraisons à l'armée de terre de l'hélicoptère de transport NH 90, dont l'armée allemande sera équipée dès l'an prochain. Votre commission a consacré un rapport d'information à ce sujet et a souligné le caractère insuffisant de la mesure palliative qui sera mise en oeuvre, à savoir la rénovation partielle du parc actuel. L'armée de terre devra financer concurremment la remise à niveau d'appareils anciens et le développement d'un appareil moderne, sans pouvoir éviter une détérioration de sa capacité. Il est regrettable que des recherches de solutions de financement innovantes n'aient pas été poussées plus au fond lorsqu'il en était encore temps, au cours de la précédente loi de programmation.

Dans le domaine de l'aéromobilité, le seul point de satisfaction concerne le renforcement des moyens des forces spéciales, avec une dotation supplémentaire de 8 hélicoptères de manoeuvre de nouvelle génération Cougar Mk2, équipés de moyens de communication et de transmissions interopérables et de systèmes de vison thermique.

Le deuxième point d'affaiblissement concerne la composante de blindés légers de l'armée de terre. Le vieillissement du parc provoque une détérioration de nos capacités qui se constate au fil des engagements extérieurs. Ici encore, des opérations de rénovation sont en cours ou prévues, sur les blindés à roues AMX10RC et ERC 90, ainsi que sur le transport de troupes chenillé AMX10P. Le retard pris sur le programme VBCI , avec des livraisons reportées à 2008 et un « point moyen » pour l'équipement des régiments prévu pour 2012, laisse présager des difficultés dans les toutes prochaines années. De même, l'engin blindé roues canon (EBRC) qui succèdera aux actuels blindés à roues n'est prévu qu'au delà de 2015.

La composante aéromobile et la capacité « médiane » en terme de blindés constituaient deux points forts de l'armée de terre française. Leur détérioration sera notamment visible par rapport aux britanniques, qui disposent d'hélicoptères plus récents, et aussi d'hélicoptères lourds, ainsi que de véhicules de combat plus modernes ( Warrior et, à l'avenir, Armoured battlefield support vehicle )

* 5 La disponibilité technique opérationnelle (DTO) correspond au rapport, exprimé en pourcentage, entre le nombre total de matériels en service et ceux qui ont la capacité d'assurer les fonctions opérationnelles pour lesquelles ils ont été conçus.

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