Avis n° 77 (2003-2004) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 novembre 2003

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N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

SOLIDARITÉ

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 36 ) (2003-2004)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits consacrés à la solidarité s'élèvent à 9,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2004, ce qui représente, du fait du transfert de l'allocation de revenu minimum d'insertion aux départements, une progression à périmètre constant de 2 % par rapport à 2003.

Compte tenu de la dégradation de la situation économique et de ses répercussions budgétaires, le Gouvernement a été contraint de faire des choix difficiles et de hiérarchiser ses priorités. Les besoins sociaux sont tels, surtout dans un contexte de croissance ralentie, que d'aucuns pourraient contester ces choix ou regretter qu'un effort financier plus substantiel n'ait pas été engagé : l'aurait-on fait que les critiques n'auraient cependant pas manqué devant un saupoudrage de crédits sans stratégie globale ou devant un relèvement inévitable des prélèvements obligatoires.

Votre rapporteur approuve donc cette démarche qui consiste non pas à dépenser plus, au mépris de l'équilibre de nos finances publiques et, in fine , du contribuable, mais à dépenser mieux, en misant sur le partenariat entre l'État, les collectivités locales et le monde associatif, ce qui est le vrai sens de la solidarité nationale.

En matière de lutte contre les exclusions, le Gouvernement a d'abord fait le pari de la responsabilité départementale en confiant aux conseils généraux une compétence pleine et entière sur le RMI. Complété par la création du RMA et, dès 2005, par la décentralisation des fonds d'aide aux jeunes, ce dispositif permettra d'apporter une réponse de proximité aux situations d'exclusion sociale. C'est ce même pari des responsabilités locales qui présidera à la décentralisation des établissements de formation en travail social : le projet de budget pour 2004, qui achève la rénovation de ce secteur, permet d'envisager dans la sérénité leur transfert aux régions.

Le projet de loi de finances pour 2004 met ensuite en oeuvre les priorités, dégagées par le plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion présenté le 25 mars 2003, en matière d'urgence sociale et d'accueil des étrangers. Cet effort se traduit notamment par la constitution d'une nouvelle agence de l'immigration qui regroupera les moyens actuels de l'Office des migrations internationales (OMI) et ceux du service social d'aide aux migrants, et qui sera chargée du service public de l'accueil des migrants sur tout le territoire.

S'agissant des personnes handicapées, votre rapporteur tient à saluer un effort budgétaire qui prend une valeur particulière, compte tenu du contexte économique difficile. Il se félicite du fait que, conformément à la volonté du Président de la République, l'action en faveur des personnes handicapées soit une priorité forte du Gouvernement.

Ainsi, malgré l'arrivée à échéance des deux plans, quinquennal et triennal, le rythme des créations de places ne s'est pas ralenti : 3.000 places supplémentaires en centres d'aide par le travail (CAT) et 500 en ateliers protégés sont créées par le présent projet de loi de finances. Le désir légitime des personnes handicapées de pouvoir vivre de façon autonome à domicile est désormais pris en compte par nos politiques publiques, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et à l'achèvement du dispositif des sites pour la vie autonome. L'intégration scolaire des enfants handicapés est consacrée comme une mission à part entière de l'éducation nationale qui prend dorénavant en charge le dispositif des auxiliaires de vie scolaire.

Il reste que les attentes des personnes handicapées et de leurs familles ont changé, tant vis à vis des modalités de la prise en charge institutionnelle que dans le domaine de l'égalité des droits et des chances. Cette évolution s'est traduite par la revendication d'un droit nouveau, le droit à compensation.

Afin de donner un contenu concret à ce droit, le chantier de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 a été engagé. Les axes de la future loi en faveur de l'égalité des chances des personnes handicapées ont, d'ores et déjà, été définis : rendre effectif l'accès à la cité, créer les conditions financières d'une vie autonome digne et simplifier les structures administratives afin de permettre aux personnes handicapées de décider de leur choix de vie. Enfin, le droit à compensation a été inscrit dans une perspective nouvelle, celle de la création d'une nouvelle branche au sein de notre protection sociale, avec la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Votre commission a largement participé à la définition de ces orientations. L'ensemble de ses propositions a été traduit dans une proposition de loi déposée conjointement par votre rapporteur et par le président de la commission des Affaires sociales, le 13 mai dernier.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a tenu à insister sur quelques aspects prioritaires de cette réforme : l'indispensable rapprochement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) avec les futures « maisons départementales du handicap », destinées à devenir de véritables guichets uniques et à mettre fin au « parcours du combattant » des familles ; la nécessité de rendre effective la rénovation des établissements sociaux et médico-sociaux et la prise en compte des droits des usagers par une publication rapide des décrets d'application de la loi du 2 janvier 2002 ; enfin, l'indispensable adaptation des institutions au vieillissement des personnes handicapées.

Enfin, comme tous les ans, et d'une façon plus particulière cette année à la veille de l'acte II de la décentralisation, votre rapporteur a souhaité consacrer une partie de son avis à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.

Ces dépenses connaissent une progression sans précédent, du fait notamment de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie mais également à cause de l'augmentation du coût des prestations dans le secteur médico-social.

Cette hausse donne une acuité particulière à la question de la maîtrise des dépenses de personnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux, car celles-ci représentent les deux tiers de leurs dépenses de fonctionnement. Or, après plusieurs années de modération forcée pour cause de réduction du temps de travail, les dépenses de personnel repartent à la hausse, sans que le poids des 35 heures ait pour autant été entièrement digéré.

L'année 2004 sera toutefois celle de la rénovation du cadre budgétaire et comptable des établissements sociaux et médico-sociaux : la responsabilité des gestionnaires devrait être renforcée, dans le cadre d'enveloppes de financement enfin opposables. Cette modernisation, attendue depuis deux ans, devrait permettre de donner des perspectives financières claires et pluriannuelles, tant aux établissements qu'aux financeurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur vous proposera d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2004.

I. UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS AMBITIEUSE MALGRÉ LA CONJONCTURE DIFFICILE, ET PLACÉE SOUS LE SIGNE DE LA PROXIMITÉ

Les crédits consacrés à la solidarité 1 ( * ) s'élèvent à 9,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2004, ce qui représente une diminution de 31 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Il faut toutefois corriger cette évolution des conséquences du transfert du financement du RMI aux départements, à compter du 1 er janvier 2004 : cette dépense représentait, en 2003, 4,9 milliards d'euros.

Au total, à périmètre constant, le budget de la solidarité pour 2004 progresse de 2 % , même si cette hausse est moins accentuée qu'elle ne l'avait été en 2003 (les dépenses - hors RMI - avaient alors augmenté de 7,4 %).

Ce ralentissement est essentiellement le résultat de deux paramètres :

- la réduction de la part des minima sociaux , dépenses traditionnellement dynamiques, dans le budget : alors qu'ils représentaient 70 % des crédits en 2003, ils constituent en 2004 à peine plus de la moitié du budget (55 %). Par ailleurs la progression des crédits relatifs à l'AAH et à l'API ralentit (1,9 % contre 3,7 % l'an passé) ;

- des efforts budgétaires ciblés sur deux priorités : les crédits consacrés au handicap augmentent ainsi de 3,1 % et ceux consacrés à l'hébergement et à la réinsertion sociale, tant des nationaux que des migrants, de 2 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003.

A. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES LIÉES AUX MINIMA SOCIAUX : UN EXERCICE DÉLICAT DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DÉGRADÉ

1. Un budget marqué par la décentralisation du RMI

a) Le coût du RMI est étroitement lié à la situation économique

La diminution du nombre de bénéficiaires du RMI en 2000 et 2001 aura été de courte durée et l'hypothèse d'une stabilisation des effectifs - au moins en métropole - retenue en loi de finances pour 2003 est loin d'être vérifiée : ainsi, la hausse des effectifs aura été, en réalité, de 3 % en métropole et 3,14 % dans les DOM.

Cette évolution est très largement corrélée à la dégradation de la conjoncture économique : s'il avait fallu trois ans de croissance forte pour amorcer une légère décrue - sans toutefois mordre sur le « noyau dur » des bénéficiaires -, le ralentissement économique depuis deux ans s'est immédiatement traduit par un retour à la hausse brutal du nombre d'allocataires.

Ainsi, après trois années de baisse entre 1997 et 2000 et une quasi-stabilité en 2001, le nombre d'ouvertures de droits à l'allocation de RMI a crû de 11 % en 2002, alors que le rythme des sorties a poursuivi sa diminution (- 5 % après une baisse de 9 % en 2001).

Au total, la dépense réelle pour 2003 sera donc supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale , d'autant plus que la dépense pour 2002 - qui a servi de base au calcul de la dotation pour 2003 - a, elle aussi, été supérieure aux prévisions.

Comparaison de l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI au regard des crédits budgétaires ouverts et de la dépense réelle
(1989-2002)

 

Nombre d'allocataires

Evolution
en %

Coût des allocations versées
(en M€)

Evolution en %

Crédits budgétaires
(en M€)
(1)

Evolution en %

Décembre 1989

407.081

 

927.1

 

914.7

 

Décembre 1990

510.145

+ 25,3

1.528,2

+ 64,8

1.321,4

+ 45

Décembre 1991

582.361

+ 14,2

1.797,9

+ 17,6

2.183,8

+ 65

Décembre 1992

671.242

+ 15,3

2.061,5

+ 14,7

2.007,4

- 8

Décembre 1993

792.944

+ 18,1

2.411,6

+ 17,0

2.535,4

+ 26

Décembre 1994

908.336

+ 14,6

2.898,4

+ 20,2

2.929,6

+ 16

Décembre 1995

946.010

+ 4,1

3.175,3

+ 9,6

3.357,2

+ 15

Décembre 1996

1.010.472

+ 6,8

3.407,6

+ 7,3

3.533,6

+ 5

Décembre 1997

1.067.901

+ 5,7

3.699,2

+ 8,6

3.693,8

+ 4,5

Décembre 1998

1.112.108

+ 4,1

4.153,4

+ 12,3

3.998,3

+ 8,2

Décembre 1999

1.145.023

+ 3,0

4.337,6

+ 4,4

4.863,1 (2)

+ 21,6

Décembre 2000

1.096.851

- 4,2

4.319,7

- 0,4

4.608,3

- 5,2

Décembre 2001

1.073.446

- 2,1

4.323,0

+ 0,1

4.513,2

- 2,1

Décembre 2002

1.090.348

+ 1,6

4.491,9

+ 3,9

5.106,9 (3)

+ 13,2

(1) Compte tenu des lois de finances rectificatives.

(2) Dont 277,4 millions d'euros pour couvrir les insuffisances de la dotation pour 1998 (l'augmentation budgétaire nette de 1999 par rapport à 1998 s'élèverait donc à 7,25 %).

(3) Dont 235,7 millions d'euros pour couvrir les insuffisances de la dotation pour 2001 (l'augmentation budgétaire nette de 2002 par rapport à 2001 s'élèverait donc à 2,6 %).

Une telle sous-estimation des besoins n'est pas nouvelle : les deux lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2002 ont ainsi ouvert 925 millions d'euros supplémentaires pour apurer les dettes de l'État à l'égard de la branche famille et du régime agricole pour les années 2000 et 2001 au titre du RMI et pour pallier les insuffisances, d'ores et déjà, prévisibles de la dotation pour 2002.

Cette année encore, et de façon pressante du fait de la décentralisation de l'allocation, l'État sera contraint d'ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, les dépenses prévisionnelles pour 2003 se montant à 4,9 milliards d'euros, soit 400 millions d'euros de plus que les crédits inscrits en loi de finances initiale.

b) Le transfert aux départements des dépenses liées au RMI sera compensé par l'attribution d'une fraction de la TIPP

Le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d'activité, adopté en première lecture au Sénat le 28 mai dernier, confie au département la responsabilité de l'ensemble du dispositif du RMI : insertion des allocataires mais aussi gestion et donc financement de l'allocation.

Cette réforme se traduit par la disparition des crédits consacrés au RMI par l'État qui figuraient au chapitre 46-83 et par l'attribution aux départements d'une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), conformément à l'article 3 du projet de loi précité. Cette solution constitue la première mise en oeuvre du nouvel article 72-2, de la Constitution qui dispose que : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » .

Le mécanisme de calcul de la part de TIPP transférée est fixé par l'article 40 du présent projet de loi de finances :

- la fraction du produit total de la TIPP transférée aux départements sera équivalente aux dépenses constatées en 2003 au titre du RMI et du revenu de solidarité versé dans les départements d'outre-mer (RSDOM) ;

- des fractions de tarif provisoires seront fixées en fonction des dépenses prévisionnelles, soit 4,9 milliards d'euros, à charge pour la « plus prochaine loi de finances » de fixer les fractions définitives, en fonction des dépenses réellement constatées ;

- la part du produit de la TIPP attribuée à chaque département sera fixée en fonction des dépenses de l'État sur leur territoire, au titre du RMI en 2003, par rapport à l'ensemble des dépenses d'allocation au niveau national.

Modalités financières du transfert de RMI aux départements

 

=

 

=

 

=

Montant transféré de TIPP sur le supercarburant sans plomb = 20,98 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003

= 1.861.663.200 euros

 
 
 

Consommation constatée en 2003 = 150,62 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le supercarburant

sans plomb

 
 
 

+

Montant des transferts de ressources au bénéfice de l'ensemble des départements en 2004

Montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre du RMI et du revenu de solidarité

=

4.947.465.000 euros

Montant de TIPP transféré à l'ensemble des départements

=

4.947.465.000 euros

soit 20,96 % du produit total de la TIPP en 2003 pour le supercarburant sans plomb, le supercarburant ARS et le gazole (23.608.656.000 euros)

Montant transféré de TIPP sur le supercarburant = 20,86 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003 = 199.166.200 euros

Consommation constatée en 2003 = 14,93 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le supercarburant

 
 
 

+

 
 
 

Montant transféré de TIPP sur le gazole = 20,95 % du produit de la TIPP sur ce produit en 2003 = 2.886.636.000 euros

 
 
 

Consommation constatée en 2003 = 351,60 millions d'hectolitres

X

Fraction du tarif de TIPP sur le gazole

Source : Assemblée Nationale, rapport n° 1110 de M. Gilles Carrez, rapporteur général,
sur le projet de loi de finances pour 2004 - Tome II « Conditions générales de l'équilibre financier »

Par la suite, le montant de la part de TIPP transférée aux départements évoluera en fonction du dynamisme propre de l'assiette de cet impôt.

c) Les inquiétudes sur l'adéquation entre dépenses et recettes transférées doivent être nuancées

Les craintes concernant l'adéquation entre les dépenses et les recettes transférées sont légitimes, tant il est évident que le transfert des recettes et des dépenses ne sera équitable que si les deux flux connaissent des évolutions équivalentes.

Notre collègue Bernard Seillier notait d'ailleurs, dans son rapport sur le projet de loi portant décentralisation du RMI 2 ( * ) , que si la décentralisation de cette allocation était intervenue en 1993, « il en aurait coûté 8,6 milliards d'euros aux départements, notamment du fait des revalorisations successives du RMI et de l'aménagement de l'assiette de la TIPP ».

C'est la raison pour laquelle il rappelait que « toute modification des termes de l'échange, par le biais d'une revalorisation de la prestation supérieure à l'indice des prix ou la modification de l'assiette de la TIPP, [devrait] être compensée aux départements, ces derniers restant in fine responsables sur leurs deniers de l'évolution du nombre de RMIstes. »

Il insistait également pour que le périmètre des charges transférées soit clarifié. Il avait notamment attiré l'attention sur la question des « primes de Noël » attribuées chaque année et régularisées en collectif budgétaire. Compte tenu de l'annonce par le Premier ministre, le 25 octobre dernier, de la reconduction de cette mesure, il convient de s'interroger sur une intégration de cette charge supplémentaire dans les dépenses transférées aux départements.

Le coût de gestion du RMI demande également à être précisé. En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, le ministère des affaires sociales indique que « les personnels seront également transférés, le cas échéant, dans les conditions de droit commun prévues par le projet de loi de décentralisation ». Il reste que les postes concernés et les crédits de rémunération équivalents ne sont pas isolés au sein du budget : il conviendrait que le Gouvernement puisse apporter les précisions nécessaires à leur évaluation au cours du débat sur le présent projet de loi de finances.

Une dernière interrogation est née à la suite de l'annonce de la réforme prochaine de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) : la réduction de la durée de versement de cette allocation pourrait avoir pour conséquence d'accroître le nombre de bénéficiaires du RMI.

Votre rapporteur note toutefois que les députés ont adopté, à l'initiative de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un amendement tendant à prévoir l'information du Parlement sur l'évolution du coût, pour chaque département, de la gestion des politiques publiques transférées à l'occasion de la mise en oeuvre de la future loi. A l'occasion de ce rapport, le Gouvernement proposera les mesures complémentaires de compensation financière nécessaires à la prise en compte de la réforme de l'ASS.

En dernier lieu, votre rapporteur tient à souligner que l'indépendance entre évolution des dépenses et des recettes est le lot de toutes les politiques publiques et qu'elle est liée à la prise de responsabilité : les départements doivent être incités à renforcer l'efficacité de l'insertion des bénéficiaires du RMI, afin de maintenir les dépenses liées à l'allocation dans un rythme d'évolution compatible avec celui de la ressource transférée.

d) La décentralisation du RMI et la création du RMA sont une chance pour l'insertion

Fondé sur un engagement réciproque du bénéficiaire et de la société, le RMI, lors de sa création en 1988, devait représenter une rupture par rapport à la logique d'assistance qui prévalait jusque là dans le domaine de la lutte contre l'exclusion : la collectivité s'engageait à proposer une offre d'insertion suffisante, tandis qu'il était demandé au bénéficiaire d'entrer dans une démarche d'insertion.

Quinze ans après, force est de constater que les conditions de cet engagement réciproque n'ont pas été remplies. Trois variables en témoignent plus particulièrement :

si le taux de consommation des crédits départementaux d'insertion s'établit, pour 2001, dernière année connue, à 95 %, les reports de crédits s'élèvent quant à eux à 66,5 % de l'obligation légale au titre de cette même année.

Taux de consommation des crédits départementaux d'insertion

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

97 %

101 %

96 %

94 %

94 %

98 %

98 %

92 %

95 %

Si une proportion importante de ces reports est supérieure à un an (seuls 8 % des crédits reportés sont imputables à l'exercice 2000), témoignant de la mise en place difficile du dispositif d'insertion à ses débuts, l'importance des reports s'explique également par un manque de souplesse d'utilisation des crédits d'insertion.

En effet, ceux-ci ne peuvent être utilisés que dans le cadre des actions inscrites dans les programmes départementaux d'insertion : or, seuls 87 départements avaient adopté un programme - annuel ou pluriannuel - en 2001 et, même lorsqu'il est adopté, il est souvent trop peu précis et exhaustif pour pouvoir servir de base à l'engagement des crédits ;

la part des allocataires ayant signé un contrat d'insertion stagne autour de 50 % depuis dix ans : elle n'a connu qu'une faible augmentation en 2002, s'établissant à 49,2 % contre 48,6 % un an plus tôt.

Il est vrai que le nombre de signataires d'un contrat ne reflète qu'imparfaitement l'aide à l'insertion effective réalisée par les services sociaux ou l'ANPE, celle-ci ne donnant pas toujours lieu à contractualisation.

Il n'en reste pas moins que le taux de contractualisation est un bon indicateur du suivi des allocataires car il donne une idée du degré de mobilisation des acteurs et de la qualité du dispositif. En effet, l'existence d'un contrat garantit des contacts avec l'instructeur et un diagnostic régulier de la situation des personnes ;

La nature des actions inscrites dans les contrats d'insertion en 2001

le recentrage de l'offre d'insertion autour des allocataires du RMI ne s'est pas poursuivi : la part des contrats ou stages attribués aux allocataires est toujours inférieure à un tiers (23,7 %). La stratégie adoptée depuis plusieurs années consistant, par un meilleur ciblage, à contrebalancer la diminution de la dotation globale en mesures « emploi » marque donc le pas. Dans ce contexte, environ 13,5 % seulement des allocataires ont pu accéder à l'une des mesures au cours de l'année 2002 alors qu'ils étaient encore 15,1 % dans ce cas en 2001 et plus de 21 % en 1996.

Evolution de l'accès des bénéficiaires du RMI aux mesures « emploi »

Part des allocataires du RMI dans l'ensemble des bénéficiaires

2001

2002

CEC

27,9 %

27,5 %

CES

37,0 %

35,2 %

CIE

18,9 %

22,9 %

SIFE

28,5 %

28,5 %

SAE

5,9 %

8,8 %

AFPA

10,3 %

9,7 %

SIFE individuel

16,6 %

14,8 %

Emplois jeunes

3,8 %

3,1 %

TOTAL

23,7 %

23,7 %

Taux de couverture
(part des bénéficiaires du RMI bénéficiant d'une mesure emploi)

15,1 %

13,5 %

La décentralisation du RMI et, parallèlement, la création du nouvel outil que représente le revenu minimum d'activité (RMA) devraient pouvoir donner un nouveau souffle à la politique d'insertion :

- la fin du copilotage du dispositif d'insertion donne aux départements les moyens de mettre en place un programme d'insertion plus précis et cohérent avec les crédits disponibles.

Dans ces conditions et compte tenu du transfert aux départements du financement de l'allocation elle-même, le maintien de l'obligation pour les départements de consacrer à l'insertion des allocataires une somme correspondant à 17 % des dépenses d'allocation de l'année précédente paraît excessivement rigide. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de la commission des finances, la Haute Assemblée a supprimé cette obligation.

- les départements disposeront, à côté des outils de la politique de l'emploi qui resteront sous la responsabilité de l'État, d'un outil dont ils auront la maîtrise totale, le RMA , pour activer les dépenses liées à l'allocation et proposer des contrats d'insertion ayant un réel contenu en terme d'insertion par l'activité professionnelle.

Votre rapporteur approuve une telle redynamisation du dispositif d'insertion, ainsi que son transfert au département, dont la proximité et la compétence sociale devraient permettre une meilleure adéquation de l'offre d'insertion aux besoins de la population.

2. Des baisses de dépenses pour l'API à concrétiser

a) Les évolutions de l'API sont largement déconnectées de la croissance économique

L'allocation parent isolé (API) est une allocation différentielle versée à toute personne enceinte ou assumant seule la charge d'un ou plusieurs enfants, lorsque ses revenus ne dépassent pas, au 1 er janvier 2003, 521,52 euros par mois pour une femme enceinte et 695,36 euros lorsqu'un enfant est à charge. Ce plafond est majoré de 173,84 euros par enfant supplémentaire à charge. Il s'agit donc à la fois d'une prestation familiale et d'un minimum social. Elle est à la charge de l'État depuis 1999.

Évolution de l'API

Année

Nombre de bénéficiaires

Évolution (en %)

Crédits consommés (en millions d'euros)

1991

157.000

0,0

638,6

1992

160.000

+ 1,9

657,2

1993

164.000

+ 2,5

688,6

1994

169.000

+ 3

719,7

1995

164.000

- 3

724,2

1996

163.000

- 0,6

759,9

1997

164.000

+ 0,6

708,7

1998

165.000

+ 0,6

700,0

1999

168.000

+ 3,2

706,7

2000

170.000

+ 1,2

721,2

2001

175.000

+ 3,9

752,7

2002

181.000

+ 2,3

794,8

L'évolution du nombre de bénéficiaires de l'API est très peu corrélée à la croissance et semble avant tout liée aux évolutions démographiques. Les évolutions de la situation du marché du travail n'ont en effet un impact que sur un peu plus d'un quart des bénéficiaires et cette proportion est en constante diminution.

Si un nombre important de femmes séparées ou divorcées ont pu bénéficier du retour de la croissance et donc sortir du dispositif de l'API, à l'inverse, le nombre de bénéficiaires célibataires, a augmenté de façon considérable (+ 53 % entre 1997 et 2002).

Cette évolution s'explique essentiellement par une hausse importante de la natalité chez les jeunes, voire très jeunes femmes, essentiellement avant vingt-quatre ans, à un âge où les naissances en dehors de toute vie de couple sont les plus fréquentes et où, pour des jeunes femmes isolées, les situations de grossesse ou de charge d'enfant peuvent rapidement se traduire par des situations d'exclusion, scolaire puis professionnelle.

b) La mise en oeuvre de la PAJE devrait avoir un impact positif sur les bénéficiaires de l'API (

Les crédits consacrés à l'API s'élèvent à 770 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004, en diminution de 4,37 % par rapport à 2003. Trois facteurs devraient pourtant contribuer à un alourdissement du coût de l'API :

- les dépenses prévisionnelles pour 2003 devraient d'abord être plus importantes que prévues en loi de finances initiale , dans la mesure où la hausse des effectifs pour 2003 est estimée à 1,4 %, alors que l'hypothèse de croissance était de 0,7 % lors du vote de la loi de finances. De même, la revalorisation de l'allocation n'a pas été de 1,5 % comme prévu mais de 1,7 %. Au total, l'État est débiteur à l'égard de la CNAF de 36,8 millions d'euros au titre des exercices 2002 et 2003 ;

- l'allocation devrait, conformément à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix, être revalorisée de 1,5 % du montant en 2004 ;

- le barème de l'API dans les départements d'outre-mer, est, conformément à la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, revalorisé pour aligner progressivement les montants de l'API servis dans les DOM sur ceux de la métropole.

La diminution prévisionnelle de la dépense relative à l'API est donc essentiellement due à l' impact positif attendu de la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) , créée par le projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2004, et qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2004.

La mise en place de cette nouvelle allocation devrait d'abord se traduire mécaniquement par une réduction du nombre de bénéficiaires de l'API ou, en tout cas, par une réduction des sommes versées, à titre différentiel, aux bénéficiaires.

La PAJE sera en effet comprise dans le calcul des ressources prises en compte pour l'attribution de l'allocation, alors que jusqu'ici, une partie des prestations recouvertes par la nouvelle allocation - notamment l'allocation pour jeune enfant (APJE) - étaient exclues de ce calcul.

Plus largement, la création de cette nouvelle allocation devrait permettre d'apporter une meilleure réponse à la question de l'accès à l'emploi des parents isolés, en réduisant le coût d'accès aux différents modes de garde.


La prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE)

Cette nouvelle prestation, qui regroupe les six allocations existantes en faveur de la petite enfance (allocation pour jeune enfant courte et longue - APJE, allocation parentale d'éducation - APE, aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée - AFEAMA, allocation de garde d'enfant à domicile - AGED et allocation d'adoption) comprend :

- une prime à la naissance de 800 euros, versée au septième mois de grossesse ;

- une allocation de base, de 160 euros par mois, versée de la naissance de l'enfant jusqu'à son troisième anniversaire ;

- un complément dit de « libre choix », calculé en fonction du mode de garde choisi par les parents ou versé aux parents qui interrompent leur activité professionnelle pour élever leurs jeunes enfants.

La PAJE sera versée pour tous les enfants nés à compter du 1 er janvier 2004.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur estime que l'hypothèse de croissance des effectifs de l'API de 0,74 % retenue par le présent projet de loi de finances est, contrairement aux années passées, réaliste.

3. Des dépenses d'AAH suspendues à la réforme de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées

a) Les prévisions de dépenses pour 2004 sont vraisemblablement sous-évaluées

Les crédits relatifs au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de son complément s'élèvent à 4,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances 2004.

Leur progression (+ 3 %) est moins soutenue qu'en 2003 (5,8 %), d'autant plus que ces crédits comprennent également un transfert de 50,3 millions d'euros, en provenance du budget des charges communes (chapitre 46-90, article 70), au titre du financement de l'AAH des exploitants agricoles. Au total, hors transfert, les crédits ne progressent donc que de 1,9 % par rapport à 2003.

Cette évolution résulte de trois phénomènes :

- une revalorisation du montant du minimum vieillesse (qui sert de base au calcul du montant de l'AAH) à hauteur de 1,5 %, conformément à l'évolution des prix hors tabac : entre 1998 et 2003, le montant de l'AAH est ainsi passé de 529,14 à 577,92 euros et son complément, égal à 16 % de l'AAH à taux plein, de 84,66 à 92,47 euros ;

- un ralentissement de l'augmentation du nombre de bénéficiaires : le rythme de progression retenu (1,26 %) est ainsi moitié moins important qu'en 2003 (2,5 %). Il est, de façon générale, en retrait par rapport au rythme tendanciel de progression des bénéficiaires de l'AAH depuis 1998 (2,8 %) ;

- une diminution du coût de gestion de l'AAH, de l'ordre de 30 millions d'euros, qui devrait être obtenue grâce, notamment, à la poursuite de la modernisation des COTOREP.

Votre rapporteur s'interroge sur le brutal ralentissement du rythme de progression des bénéficiaires de l'AAH qui sert de base à la fixation de la dotation pour 2004.

Il convient en effet de souligner que les bénéficiaires de l'AAH se caractérisent par une durée de présence très longue au sein du dispositif. Ce phénomène est d'abord dû aux durées d'ouverture du droit à l'AAH par les COTOREP qui s'élevaient en moyenne, en 2002, à 4,2 ans pour une première demande et cinq ans pour un renouvellement. Plus fondamentalement, on constate que les bénéficiaires restent en général dans le dispositif jusqu'à soixante ans, âge auquel ils basculent vers les avantages vieillesse.

Le stock de bénéficiaires de l'AAH subit donc nécessairement une pression à la hausse liée à la forte croissance du nombre d'allocations accordées les années passées et aux durées d'attribution longues liées à ces accords.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur est dubitatif quant à l'adéquation aux besoins de la dotation prévue pour 2004. Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003 fait en effet état de prévisions autrement plus importantes, tant pour 2003 que pour 2004 : ainsi, la dépense réelle pour 2003 s'élèverait à 4,63 milliards d'euros, soit 104,4 millions de plus que les crédits ouverts en loi de finances initiale et à 4,85 milliards pour 2004, soit 239,4 millions de plus que la dotation prévue à ce titre dans le présent projet de loi de finances.

Années

Nombre de bénéficiaires

Evolution (en %)

Dotation budgétaire (en millions d'euros)

Evolution (en %)

1998

668.000

+ 2,9

3.565,63

+ 5,1

1999

694.000

+ 3,8

3.776,01

+ 5,9

2000

712.000

+ 2,6

3.895,07

+ 3,2

2001

732.000

+ 2,8

4.046,00

+ 3,9

2002

753.000

+ 2,8

4.477,72

+ 10,7

2003 (prévision)

767.000

+ 2,5

4.526,34

+ 1,1

2004 (prévision)

776.000

+ 1,3

4.661,42

+ 3,0

Une telle sous-estimation des besoins liés à l'AAH n'est au demeurant pas nouvelle : depuis 2000, ce chapitre fait l'objet d'ouvertures de crédits récurrentes en lois de finances rectificatives (129 millions en 2000, 51 millions en 2001 et 150 millions d'euros en 2002).

b) L'amélioration de l'emploi des personnes handicapées est la condition indispensable de la modération des dépenses

Même si les attributions nouvelles d'AAH sont moins nombreuses, les sorties du dispositif ne peuvent pas être suffisantes pour entraîner le ralentissement de la progression des effectifs prévu en 2004.

Par conséquent, le rythme de progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH, sur lequel est fondée la dotation pour 2004, ne peut être qu'un objectif volontariste et non le résultat de l'évolution spontanée du nombre d'allocataires . Votre rapporteur estime que, pour tenir cet objectif sans remettre en cause les conditions même d'attribution de l'allocation, deux conditions doivent être réunies : une réforme de fond des COTOREP et un effort important en faveur de l'emploi des personnes handicapées.

Il ne peut que souscrire à cet effort, dans la mesure où, parmi les bénéficiaires de l'AAH, un nombre vraisemblablement sous-estimé de personnes handicapées pourraient occuper un emploi.

On constate en effet, depuis plusieurs années, une modification de la structure des bénéficiaires de l'AAH. Il convient en effet de rappeler que l'AAH peut être attribuée, sous condition de ressources, à deux catégories de personnes handicapées :

- les personnes handicapées dont le taux d'invalidité est supérieur ou égal à 80 % (article L. 821-1 du code de l'action sociale et des familles) ;

- les personnes handicapées titulaires d'un taux d'invalidité situé entre 50 et 79 %, lorsqu'elles sont dans l'impossibilité, appréciée par les COTOREP, de se procurer un emploi (article L. 821-2).

Or, si le nombre d'allocations accordées au titre de l'article L. 821-1 est quasiment stable, celui des allocations accordées sur la base de l'article L. 821-2 a augmenté à un rythme rapide de 6 % en moyenne par an depuis 1995. Au total, en 2002, les allocations accordées au titre de l'article L. 821-2 représentaient 41 % de l'ensemble, contre 32 % seulement en 1995.

La situation économique dégradée pousse souvent les COTOREP à accorder le bénéfice de l'AAH à des personnes qui ne sont pas dans l'impossibilité physique d'occuper un emploi mais qui, du fait de difficultés particulières d'accès à l'emploi, liées ou non à leur handicap, connaissent des situations de chômage de longue durée.

C'est la raison pour laquelle, en matière d'emploi, la future loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées devrait poursuivre deux objectifs 3 ( * ) :

- « mobiliser les partenaires sociaux, notamment en les appelant à ouvrir systématiquement aux personnes handicapées l'offre de formation de droit commun et à prendre en compte l'emploi des personnes handicapées dans les négociations collectives de branche, ainsi qu'en apportant aux entreprises la compensation financière éventuelle qu'elles pourraient faire valoir en contrepartie d'un surcoût lié à une embauche » ;

- « encourager le travail des personnes handicapées. A cet égard, deux pistes de réflexion méritent une attention particulière. L'une conduit à établir un enchaînement logique et équitable des rémunérations entre CAT, atelier protégé (ou entreprise adaptée) et entreprise ordinaire de manière telle que la rémunération globale de la personne augmente avec sa participation à l'activité productive. L'autre conduit à aménager de manière plus favorable les conditions du cumul des ressources tirées du travail avec celles tirées de la solidarité nationale, soit en relevant substantiellement les plafonds de cumul, soit en créant des effets de seuil incitatifs à l'emploi » ;

Votre rapporteur approuve ces deux objectifs, qu'il avait lui-même fixés dans son rapport d'information du 26 juillet 2002. Il considère que l'incitation au retour à l'emploi des titulaires de l'AAH doit être une priorité, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires de l'article L. 821-2 et que c'est à cette condition que les économies prévues par le présent projet de loi de finances seront réalisables.

4. Un effort de maîtrise des dépenses d'AME à poursuivre

a) Un effort important d'apurement des dettes de l'État a été conduit en 2002

Créé en 2000 pour les personnes étrangères résidant en France mais ne remplissant pas les conditions de l'admission à la CMU - c'est à dire, essentiellement pour les étrangers en situation irrégulière -, le dispositif de l'aide médicale de l'État (AME) était censé être résiduel.

C'était sans compter le dynamisme des flux migratoires, les difficultés de chiffrage liées à l'immigration clandestine et à l'augmentation du nombre de déboutés du droit d'asile qui ont fait de l'AME un dispositif de masse qui regroupe aujourd'hui près de 170.000 personnes.

Evolution du nombre de bénéficiaires de l'AME

 

2000

2001

2002

2003

Nombre de bénéficiaires

73.300

125.400

153.600

170.000

Evolution en %

-

+ 71,8

+ 22,5

+ 10,7

La montée en charge de ce dispositif n'a, à l'évidence, pas été anticipée et le retard pris par les caisses d'assurance maladie pour liquider les dossiers 4 ( * ) a eu pour conséquence de masquer un temps l'importance des besoins financiers liés à l'AME. En conséquence, on constate une sous-dotation chronique de ce chapitre par rapport aux dépenses réelles. Au total, la dette de l'État à l'égard de la CNAM s'élevait à 311 millions d'euros au 31 décembre 2002.

Comparaison entre les dotations initiales et les dépenses réelles relatives à l'AME

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

Dotation en loi de finances initiale

74,5

53,4

61

Dépenses réelles

25

145

330

Différentiel

49,5

- 91,6

- 269

Un effort important d'apurement des comptes a toutefois été engagé en 2002 : la loi de finances rectificative du 6 août 2002 a ainsi ouvert 445 millions d'euros de crédits supplémentaires au chapitre 46-82-10 concernant l'aide médicale de l'État. Cette dotation exceptionnelle a permis à l'État de rembourser la totalité des dettes constatées jusqu'en 2002, soit :

- 134 millions d'euros au titre de dettes - à l'égard des départements, des établissements de santé et des URSSAF - antérieures à la création de l'AME qui concernaient les dépenses de l'ancienne aide médicale ;

- 125 millions d'euros au titre des exercices 2000 et 2001 ;

- 186 millions d'euros au titre de l'exercice 2002.

b) Une réforme de plus grande ampleur de l'AME apparaît nécessaire

Le projet de loi de finances pour 2003 avait prévu une dotation de 233 millions d'euros au titre de l'AME. Mais la dépense prévisionnelle pour 2003 est d'ores et déjà bien supérieure à cette dotation inscrite en loi de finances initiale, les estimations faisant état de besoins situés entre 590 et 742 millions d'euros.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement envisage une réforme de l'AME selon quatre axes :

- un meilleur contrôle de l'ouverture des droits : il s'agit notamment de limiter le recours, devenu trop souvent systématique, aux déclarations sur l'honneur concernant l'identité et les conditions du séjour en France des demandeurs ;

- l'introduction d'un ticket modérateur : cette mesure avait été décidée par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 mais sa mise en oeuvre avait été suspendue, afin d'en évaluer l'impact en termes d'accès aux soins. Les concertations menées depuis décembre dernier ont conduit à plafonner ce ticket modérateur et à en exonérer les personnes présentant les pathologies les plus lourdes ;

- la limitation des remboursements aux soins médicalement indispensables ;

- la possibilité, pour les bénéficiaires de l'AME, d'accéder à la médecine de ville : cette simplification pour les usagers devrait également permettre de désengorger les services d'urgence des hôpitaux qui pourraient alors se concentrer sur les pathologies lourdes.

Votre rapporteur approuve cette démarche mais il doute que ces mesures soient suffisantes pour contenir totalement les dépenses d'AME , ainsi que le prévoit le présent projet de budget qui inscrit, au titre de ce dispositif, une dotation de 233 millions d'euros, soit une reconduction de la dotation ouverte en 2003.

Il estime qu'une réforme de plus grande ampleur de l'AME sera sans doute nécessaire et il demande que, dans ce cadre, une réflexion soit entamée sur la prévention sanitaire à destination des migrants, qui constitue un enjeu de santé publique de première importance.

B. LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS : UN PROGRAMME COURAGEUX SUR FOND DE PARTAGE DES COMPÉTENCES

Les crédits consacrés par le ministère des affaires sociales en faveur de la lutte contre les exclusions et du développement social s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2004, à 1,6 milliard d'euros.

Ces crédits ne correspondent assurément pas à l'ensemble de l'effort public en matière de lutte contre la précarité et d'insertion sociale, puisque l'État y consacrera, tous ministères confondus, globalement 24,6 milliards d'euros en 2003 et les collectivités locales, 13,5 milliards d'euros.

L'emploi de ces crédits s'inscrit dans le cadre du plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion qui a été présenté le 25 mars dernier par Mme Dominique Versini, secrétaire d'État à la lutte contre les exclusions.

Ce plan prévoit cinq axes, pour un effort budgétaire d'un milliard d'euros sur la période 2003-2005 : rendre effectif l'accès aux droits, renforcer l'accès au logement et améliorer l'accès aux dispositifs d'hébergement d'urgence, moderniser le dispositif d'urgence sociale et développer les actions en direction de publics précaires spécifiques.

Le projet de budget pour 2004 traduit dans les faits ces objectifs, notamment par un effort en faveur de l'hébergement des demandeurs d'asile et par un soutien important des formations en travail social.

1. Des CHRS confortés et des solutions d'hébergement diversifiées

a) Les créations de places antérieures ont permis de réduire les tensions sur le dispositif d'hébergement

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) constituent un maillon essentiel de notre dispositif de prévention et de lutte contre les exclusions. Ils relèvent du financement de l'État, au titre de l'aide sociale obligatoire.

Depuis 1995, les crédits consacrés aux CHRS ont connu une progression constante qui a permis la création de plus de 5.000 places nouvelles, soit environ 16 % du parc existant. A ce jour, le nombre de places installées s'élève à 31.413, d'après une enquête menée en juin 2003 par la direction générale de l'action sociale (DGAS) auprès des services déconcentrés.

Au total, 31.733 places devaient être disponibles au 31 décembre 2003, les places nouvelles résultant soit de créations nettes, soit de la transformation de places d'urgence en places permanentes.

Bilan de l'effort en faveur des CHRS depuis 1995

Années

Dotation budgétaire (en M€)

Evolution en %

Dont mesure d'ajustement (en M€)

Dont mesure nouvelle (en M€)

Créations de places

1995

324,7

+ 10,5

25,1

5,9

500

1996

338,8

+ 4,3

8,2

5,9

500

1997

357,9

+ 5,6

6,3

12,8

1.000

1998

367,8

+ 2,8

3,5

6,4

500

1999

379,6

+ 3,2

5,4

6,4

500

2000

390,8

+ 2,9

4,8

6,4

500

2001

403,5

+ 3,2

6,3

6,4

500

2002 (1)

415,5

+ 3,6

6,1

7,9

530

2003

428,4

+ 2,6

4,5

6,4

500

(1) Inclus les crédits nécessaires à la création du lieu d'accueil et d'orientation pour les mineurs étrangers isolés de Taverny, soit 30 places (1,52 million d'euros).

Votre rapporteur regrette, cette année encore, le manque de données statistiques récentes concernant la population accueillie en CHRS : les données disponibles datent de 1998 et ne peuvent donc refléter ni l'effort de création de places poursuivi depuis cinq ans, ni les marges de manoeuvre dégagées par le développement d'un dispositif d'accueil spécifique en faveur des réfugiés.

Répondant au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, le ministère se borne à constater que « les caractéristiques sociologiques des personnes hébergées évoluent peu » et que « la pression des demandeurs d'asile et des déboutés sur l'offre d'hébergement ne s'est pas démentie en 2003 et ce, en dépit de la création massive de places financées sur le chapitre 46-81/60, consacrées aux demandeurs d'asile (conventionnel), et dont le nombre s'élève aujourd'hui à plus de 10.000 places » .

Votre rapporteur ne peut qu'encourager le Gouvernement à actualiser ces données, de façon à disposer d'informations sûres, en perspective des créations de places futures qui demeurent vraisemblablement nécessaires. A cet égard, il lui paraît nécessaire de mettre en place rapidement les dispositifs de veille sociale prévus par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

b) Le projet de budget pour 2004 fait le choix d'un assainissement financier des CHRS

Les crédits relatifs aux CHRS s'élèvent à 437,3 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004, en progression de 2,1 % par rapport à 2003. La nécessité de retrouver une situation budgétaire assainie conduit, pour cette année, à privilégier un rebasage de ces crédits de fonctionnement par rapport à la création de places nouvelles .

Il s'agit à la fois de financer les déficits constatés les années précédentes et de recaler, pour l'avenir, la dotation des CHRS afin de tenir compte de l'évolution de leur masse salariale, due au mécanisme du « Glissement - vieillesse - technicité » (GVT) et aux accords salariaux agréés. Il était également nécessaire d'assurer le paiement des contentieux jugés et non encore financés.

Compte tenu de l'urgence de certaines de ces dettes, un décret d'avance de 145 millions d'euros 5 ( * ) a également été pris, le 13 octobre dernier pour abonder le chapitre 46-81 (Action sociale d'intégration et de lutte contre les exclusions) : il ouvre notamment 13 millions d'euros au titre de l'article 30 relatif aux CHRS.

Le budget 2004 sera, enfin, mis en oeuvre dans un cadre réglementaire et comptable rénové. Votre rapporteur se félicite du fait que ce nouveau décret budgétaire et comptable 6 ( * ) , applicable à l'ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux, reconnaisse enfin à part entière les actions des CHRS en matière d'insertion par l'activité économique et d'insertion par le logement : ces activités, retracées dans un budget propre, pourront en effet désormais bénéficier d'une subvention du budget principal du CHRS.

Ainsi, les CHRS pourront, après consultation des instances locales compétentes, mobiliser des co-financements de l'aide sociale de l'État tenant compte de la fragilité particulière des publics pris en charge et de la nécessité d'un accompagnement social renforcé à leur égard.

c) Relancer la rénovation du parc des CHRS est une nécessité

Alors que les différentes lois de finances depuis 2000 avaient consenti des autorisations de programme importantes en faveur de la rénovation des CHRS, force est de constater que ces prévisions ne se sont pas traduites dans les faits par des engagements de crédits suffisants.

Bilan de la consommation des crédits d'investissement destinés aux CHRS

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

AP demandées

 
 
 
 

- dans le cadre des contrats de plan

0,6

0,6

0,6

0,6

- hors contrats de plan

7,0

4,0

4,0

4,0

Total

7,6

4,6

4,6

4,6

AP déléguées

 
 
 
 

- dans le cadre des contrats de plan

0

0

0,5

0

- hors contrats de plan

6,5

0,6

0,9

0

Total

6,5

0,6

1,4

0

Au total, on constate donc une sous-exécution des contrats de plan État - Région , la programmation n'étant actuellement couverte qu'à hauteur de 18,04 %. Si la consommation des crédits est un peu meilleure s'agissant des investissements hors contrats de plan, elle atteint à peine 42 % des autorisations de programme ouvertes depuis 2000.

Votre rapporteur déplore d'autant plus cette situation qu'un nombre important de CHRS nécessite des travaux de mise aux normes de sécurité. Les besoins de rénovation devraient par ailleurs aller en grandissant, compte tenu des impératifs de qualité de la prise en charge fixés par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Votre rapporteur engage donc le Gouvernement à relancer la politique d'investissement dans ce secteur. Les reports importants de crédits de paiement devraient permettre le financement de cet effort.

d) L'offre d'hébergement est en voie de diversification

La loi de finances initiale pour 2003 avait prévu une dotation de 5 millions d'euros pour le financement d'un programme pluriannuel de développement de logements d'insertion appelés « maisons relais », destinés à remplacer les « pensions de famille » qui avaient jusqu'ici connu un développement embryonnaire. Une circulaire 7 ( * ) a ainsi donné une base réglementaire à ces structures auparavant expérimentales.

Le programme pluriannuel prévoit la création d'environ 200 structures d'une capacité moyenne de vingt-cinq places, soit 5.000 places au total, offrant ainsi une alternative à l'hébergement en CHRS, tout en permettant une réadaptation à la vie sociale.

L'objectif, pour 2003, de créer 1.000 places, a été atteint et même dépassé (1.027 places sont ouvertes à ce jour). Ainsi, soixante et une « maisons relais », réparties sur l'ensemble du territoire, ont pu être mises en service, pour un coût total de 3 millions d'euros.

Votre rapporteur est conscient du fait que les contraintes budgétaires n'ont pas permis de poursuivre dès cette année le développement de ces « maisons relais ». Il exhorte toutefois le Gouvernement à reprendre dès que possible la montée en charge de ce dispositif qui répond à un besoin véritable. Celui-ci pourrait, par exemple, s'appuyer sur la transformation d'un certain nombre de places d'hébergement d'urgence.

2. La rénovation de la politique d'intégration et d'accueil des étrangers en France

a) L'effort de création de places en CADA se poursuit à un rythme soutenu

Le nombre de demandeurs d'asile a plus que doublé en cinq ans. Il atteint, selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), 51.087 au 31 décembre 2002, chiffre auquel il faut ajouter celui des demandeurs d'asile territorial qui ne relèvent pas de l'OFPRA, soit 28.372, selon le ministère de l'intérieur qui assure l'instruction de ces demandes.

Face à cet afflux massif, le Gouvernement a entrepris un effort significatif de développement de l'offre d'hébergement spécifique pour les demandeurs d'asile : en 2002, 1.200 places d'hébergement d'urgence ont été transformées en places de centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA), 3.000 places nouvelles ont été créées sur les crédits ouverts en loi de finances pour 2002, ainsi que 535 places supplémentaires ouvertes par anticipation sur les créations prévues par la loi de finances initiale pour 2003. De la même manière, en 2003, 1.718 places nouvelles ont été créées (1.698 en CADA, 20 en centres de transit).

Evolution du nombre de places en CADA

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (résultats provisoires)

Nombre de places

3.684

3.907

4.882

5.400

10.483

11.626

Evolution en %

-

+ 6,1

+ 25,0

+ 10,6

+ 94,1

+ 11,0

Nombre de centres

63

63

75

85

153

167

Evolution en %

-

0

+ 19,0

+ 13,3

+ 80

+ 9,1

Au 30 juin 2003, 11.626 places étaient disponibles, soit plus du double de celles existantes dix-huit mois plus tôt, et le nombre des centres avait doublé par rapport au 31 décembre 2001.

Un effort particulier a été conduit en 2003 pour assurer une meilleure répartition des capacités d'accueil sur l'ensemble du territoire national, afin de soulager la pression qui s'exerce sur les principaux départements d'accueil. Le nombre des départements dépourvus de CADA est ainsi tombé de trente-trois à six entre le 1 er janvier 2002 et le 30 juin 2003. D'après les informations transmises à votre rapporteur, ce rééquilibrage devrait se poursuivre en 2004.

Le développement du dispositif national d'accueil reste toutefois nécessaire car la capacité des CADA, même considérablement augmentée depuis dix-huit mois, demeure insuffisante au regard de la demande d'hébergement des demandeurs d'asile. En témoigne la dotation de 103 millions d'euros utilisée pour prendre en charge l'hébergement d'urgence de plusieurs milliers de demandeurs d'asile en CHRS, l'occupation de ces places par des demandeurs d'asile se faisant alors au détriment d'autres catégories de personnes en difficulté.

L'offre de place en CADA devrait également subir deux influences contradictoires en 2004 :

- la réforme du droit d'asile devrait permettre une réduction sensible des délais d'instruction des demandes d'asile par l'OFPRA et, par conséquent, accélérer la rotation des personnes hébergées en CADA ;

- l'ouverture de l'accès aux CADA pour les actuels demandeurs d'asile territorial, évalués à 28.000 personnes, devrait augmenter les besoins d'hébergement.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances pour 2004 poursuit l'effort de création de places en CADA : 1.000 places supplémentaires seront ainsi financées, pour un montant de 8,8 millions d'euros.

b) La rénovation de la politique d'intégration se traduit par la création d'une agence nationale de l'immigration

La réforme de l'office des migrations internationales (OMI), décidée en 2003, sera effective en 2004 avec la création d'une agence chargée de l'accueil et des migrations. Cette agence, qui regroupera les moyens actuels de l'OMI et ceux du service social d'aide aux migrants, sera chargée du service public de l'accueil des migrants sur tout le territoire. Son action devrait s'étendre à l'ensemble des nouveaux arrivants munis d'un titre de séjour d'au moins un an.

L'agence devrait assurer l'information, l'orientation et la formation de ces personnes, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, actuellement expérimenté dans douze départements 8 ( * ) . Parallèlement à cette mission d'accueil, elle sera chargée de la coordination de la gestion du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile.


Le contrat d'accueil et d'insertion : une expérimentation réussie

« La mise en place du contrat d'accueil et d'intégration est expérimentée depuis le 1 er juillet 2003 dans douze départements. Les séances d'accueil de l'OMI dans ces départements ont donc été réorganisées autour de la présentation et de la signature de ce contrat et de la prescription des prestations y afférant. Ainsi, la séance d'information collective fait-elle référence à ce contrat, qui fait l'objet d'une présentation particulière lors de l'entretien individuel. Par ailleurs, c'est également l'auditeur social qui pré-positionne les arrivants du point de vue de leur niveau linguistique, et les dirige soit vers un bilan linguistique réalisé directement sur la plate-forme, soit directement vers un organisme de formation linguistique. Dans les deux cas de figures, rendez-vous est pris directement par l'auditeur auprès de l'organisme de formation, afin que le nouvel arrivant reparte avec une prescription de formation auprès d'un opérateur identifié. C'est également le cas pour la formation civique, qui fait là aussi l'objet d'une prise de rendez-vous. Enfin, l'auditeur oriente en tant que de besoin la personne vers l'assistant social du service social présent sur la plate-forme. Le contrat est signé pour une période d'un an renouvelable (...)

« La mise en oeuvre de ce dispositif est assurée par l'OMI s'agissant de la logistique (plates-formes d'accueil) du recrutement et de la gestion des personnels - notamment auditeurs sociaux et agents de liaison. Le financement des différentes prestations linguistiques et civiques (bilan de prescription, formation linguistique, formation civique, bilan langue-métier) est assuré par le Fonds d'action et de soutien à l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) qui passe à cet effet les marchés nécessaires. »

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur

Votre rapporteur approuve la rénovation engagée par le Gouvernement de l'ensemble des dispositifs d'accueil des migrants : il était en effet important que la France se donne enfin les moyens d'intégrer ces populations qui, en l'absence de toute mesure, risquent une marginalisation dangereuse pour la cohésion nationale.

3. Un budget de transition pour les établissements de formation en travail social

a) Le projet de budget pour 2004 s'attache à préparer le transfert aux régions d'un appareil de formation en travail social rénové

La formation des travailleurs sociaux constitue un enjeu de toute première importance en matière d'action sociale et de développement social, dans la mesure où ce sont ces professionnels qui mettent en oeuvre la politique d'accompagnement des publics les plus fragiles.

Ces formations sont actuellement dispensées dans 304 établissements de formation de travailleurs sociaux répartis sur le territoire. L'État est chargé, aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles, du financement de ceux de ces établissements qui dispensent des formations initiales, soit 136 établissements. Parmi ceux-ci, 102 sont financés par le ministères des affaires sociales, sur les crédits du chapitre 43-33-10, les autres relevant d'autres budgets (éducation nationale notamment).

Conformément à la logique des blocs de compétences qui doivent présider à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, en cours d'examen devant le Parlement, recentre l'État sur un rôle de certification et de contrôle de la qualité des enseignements et transfère à la région la planification et l'organisation de l'offre de formation en travail social.

La décentralisation des formations en travail social : mode d'emploi

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévoit le transfert aux régions, à compter du 1 er janvier 2005, de la responsabilité des formations en travail social. Dans ce cadre, les responsabilités respectives de l'État et de la région sont fixées de la manière suivante :

- l'État conserve une compétence de certification, ainsi qu'une compétence d'enregistrement et de contrôle pédagogique des établissements de formation en travail social, dans la mesure où il est garant de la qualité des titres et diplômes du travail social qui sont désormais tous délivrés en son nom et dont certains donnent accès à des professions réglementées ;

- la région définit et met en oeuvre la politique de formation des travailleurs sociaux. Elle est notamment compétente pour recenser les besoins et organiser l'offre de formation. A ce titre, elle agrée et finance l'ensemble des établissements dispensant des formations initiales. Elle est également compétente pour l'attribution des bourses en travail social.

Dans des conditions qu'elle définit par convention, la région peut déléguer sa compétence d'agrément à un ou plusieurs départements qui lui en font la demande.

Le projet de budget pour 2004 des établissements de formation en travail social est donc un budget de transition qui vise à achever la rénovation de cet appareil de formation, en vue de son transfert aux régions.

La nécessité d'une telle rénovation avait été mise en lumière par le schéma national des formations sociales, arrêté en 2001, qui avait montré un risque important de pénurie de travailleurs sociaux lié d'une part, à l'évolution défavorable de la démographie des personnels sociaux, d'autre part aux besoins de recrutements pour accompagner les nouvelles politiques publiques.

C'est la raison pour laquelle un programme pluriannuel de développement des formations en travail social a été mis en oeuvre à compter de 2002, prévoyant le financement de 3.000 places supplémentaires pour des formations d'une durée de un à trois ans.

Le plan pluriannuel de formation en travail social

Ce plan, d'une durée de trois ans (2002-2004), prévoit :

1) la création de 3.000 places nouvelles de formation initiale en travail social à la rentrée scolaire 2002 : ces créations ont été réparties entre les régions et les formations en fonction des demandes émanant des schémas régionaux des formations sociales.

Cette répartition s'établit comme suit :

- Diplôme d'État d'assistant de service social (AS ) : 600

- Diplôme d'État de technicien de l'intervention sociale et familiale (TSIF) : 400

- Diplôme d'État d'éducateur spécialisé (ES) : 930

- Diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants (EJE) : 170

- Certificat de moniteur-éducateur (ME) : 270

- Diplôme de conseiller en économie sociale et familiale (CESF) : 10

- Diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) : 620

2) la montée en charge de ces créations de places en 2003 et 2004 : la rentrée scolaire 2003 verra la création des places de seconde année des formations qui le nécessitent, soit 2.990 places. Il en sera de même en 2004 pour le solde des places de formation dont la durée est de trois ans.

Au terme de ce plan, il y aura près de 8.000 étudiants supplémentaires en formation initiale de travail social (+ 30 %).

3) l'augmentation corrélative du nombre d'étudiants boursiers, favorisée par la mise en place du nouveau système d'allocation de bourses sur critères sociaux.

Le tableau suivant retrace l'effort budgétaire lié à la mise en place du plan :

 

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

 

Mesure nouvelle (en M€)

Evolution par rapport à 2001

Mesure nouvelle (en M€)

Evolution par rapport à 2002

Mesure nouvelle (en M€)

Evolution par rapport à 2003

Créations de places

11,6

+ 12 %

13,5

+ 12,5 %

11

+ 9 %

Bourses en travail social

1,8

+ 13,7 %

3

+ 20 %

1,1

+ 6,3 %

Un solde de financement est à prévoir en 2005 (dernière année scolaire en 2004/2005) pour l'extension en année pleine des places créées à la rentrée scolaire 2004.

Source : DGAS

Le projet de budget pour 2004 correspond à la montée en charge de la troisième année de ce plan pluriannuel : la dotation prévue s'élève à 132,6 millions d'euros, soit une progression de 9,06 %. Elle devrait permettre de couvrir l'évolution de la masse salariale des centres en 2004, de financer l'extension en année pleine du financement des places ouvertes en 2003 et d'ouvrir 1.450 places supplémentaires à la rentrée 2004.

Si votre rapporteur approuve totalement le transfert aux régions des formations en travail social, par ailleurs cohérent avec leur compétence générale en matière de formation professionnelle, il estime que ce processus appelle trois remarques :

- la compensation aux régions des charges liées au transfert de compétence, qui sera réalisée par le projet de loi de finances pour 2005, ne pourra pas être fondée sur les seules dépenses réalisées par l'État au titre de l'exercice 2004 mais devra également prendre en compte la fin de la montée en charge du plan pluriannuel , c'est-à-dire l'extension en année pleine des places créées à la rentrée scolaire 2004 : votre rapporteur estime en effet que les régions n'ont pas à supporter le poids d'un engagement pris par l'État ;

- la création de places de formation supplémentaires n'est pas la panacée pour résoudre la pénurie prévisible des travailleurs sociaux : il s'agit en effet de pourvoir les places créées. Or, l'association française des organismes de recherche et de formation en travail social (AFORTS) estimait à 3.000 le nombre de places de formation non pourvues en 2002. Le problème est particulièrement aigu en région parisienne, où les difficultés de logement pour les étudiants viennent renforcer le manque d'attractivité de ces formations constaté au niveau national. Les régions auront à mettre en oeuvre un travail de communication et de promotion auprès des étudiants autour des métiers du travail social ;

- malgré la décentralisation, l'État restera responsable de la qualité et du contenu des formations 9 ( * ) . Votre rapporteur encourage donc le Gouvernement à poursuivre la rénovation des diplômes du travail social et les concertations sur la création de nouvelles formations adaptées aux besoins du secteur, notamment dans le domaine de la médiation familiale, de l'accompagnement des personnes handicapées ou de l'encadrement de proximité.

b) La décentralisation ne devra pas remettre en cause l'alignement des bourses en travail social sur celles de l'enseignement supérieur

A compter de la rentrée scolaire 2001-2002, de nouvelles modalités d'attribution des bourses en travail social ont été mises en place, avec pour objectif un alignement progressif de leur barème et de leur taux sur le régime des bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur. Un décret du 12 novembre 2002 10 ( * ) est venu donner une base réglementaire à ces nouvelles modalités d'attribution.

Le rattrapage en niveau du barème et des taux des bourses en travail social est désormais terminé. Il a, d'ores et déjà, permis une augmentation de plus de 40 % en deux ans du nombre de boursiers. Le taux de boursiers est ainsi passé de 20,3 % à la rentrée 2001 à 22,9 % à la rentrée 2002, se rapprochant ainsi de celui constaté dans l'enseignement supérieur (26 %).

Evolution du nombre de boursiers par type de formation

Filière de formation

Nombre de boursiers 2000-2001

Nombre de boursiers 2001-2002

Nombre de boursiers 2002-2003

Évolution en %

Assistant de service social

1.458

1.818

2.085

+ 40,4

Éducateur spécialisé

1.365

1.630

1.842

+ 35

Éducateur de jeunes enfants

569

744

819

+ 44

Conseiller en économie sociale et familiale

125

162

116

- 7,2

Technicien de l'intervention sociale et familiale

78

128

188

+ 141

Moniteur-éducateur

536

598

700

+ 30,6

Auxiliaire de vie sociale

-

-

88

-

TOTAL

4.131

5.078

5.838

+ 41,3

La proportion de boursiers parmi les étudiants en travail social devrait donc être stabilisée à la rentrée 2004, lors du transfert à la région du financement de ces bourses. Votre rapporteur estime, de ce fait, que les crédits consacrés par l'État en 2004 aux bourses en travail social constituent une base sincère pour la compensation aux régions du transfert de compétence.

Cette dotation pour 2004 s'élève à 19,3 millions d'euros, en augmentation de 6,3 % et prend en compte le rattrapage de la revalorisation du montant des cinq échelons de bourses pour l'année scolaire 2002-2003, l'ouverture à la formation initiale du diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale et l'augmentation du nombre des étudiants en formation liée à la montée en charge du plan pluriannuel des formations sociales.

Il convient de rappeler que, dans le cadre de la décentralisation, l'État conserve la responsabilité de fixer, par décret, les règles minimales de barème et de taux applicables aux bourses en travail social, les régions ayant la possibilité de fixer des règles plus favorables. Votre rapporteur insiste pour que ces règles minimales permettent de préserver la parité retrouvée avec les règles régissant les bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur.

4. Des chantiers ouverts sur de nombreux aspects du développement social

a) L'expérimentation d'un nouveau mode de financement devrait permettre à terme une atténuation des dépenses de tutelles et curatelles

Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoit une dotation de 149 millions d'euros pour les tutelles et curatelles d'État, soit une augmentation de 16,3 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2003.

Ce taux de progression des dépenses apparaît sensiblement plus réaliste que celui retenu pour 2003 : en effet, la loi de finances pour 2003 avait prévu une dotation de 128,1 millions d'euros qui était certes en progression de 5 % par rapport à 2002 mais qui s'est avérée en retrait de 7,4 millions d'euros par rapport aux dépenses réellement constatées en 2002.

La dotation pour 2004 prend en compte :

- une progression limitée du nombre de mesures déférées à l'État : cette hypothèse est fondée sur la décélération constante de la progression des mesures attribuée à l'État observée depuis trois ans : alors que, depuis 1992, l'augmentation annuelle moyenne était de 14,3 %, celle-ci a été de 11,6 % et 11,3 % en 2000 et 2001 et surtout de 9,62 % seulement en 2002 ;

- l'augmentation annuelle de la rémunération maximale allouée par l'État aux organismes tutélaires : au titre de 2004, le taux de revalorisation prévu actuellement est de 1,5 %, soit le taux d'inflation prévisionnel relatif à cet exercice.

Malgré l'effort financier important consenti par l'État et dont témoigne la progression encore vive des dépenses, le mode de financement actuel des services tutélaires ne satisfait ni les associations tutélaires qui dénoncent l'inadaptation des rémunérations au service qui leur est désormais demandé, ni les pouvoirs publics qui ne parviennent plus à maîtriser l'inflation des mesures de protection prononcées par les juges et le coût de gestion de ces mesures.

C'est la raison pour laquelle, conformément d'ailleurs aux préconisations du groupe de travail interministériel présidé par le professeur Favard, une réforme du dispositif de protection des majeurs devrait être présentée au Parlement d'ici 2005.

Dans cette perspective, une première expérimentation a été proposée par le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance en matière de financement des services tutélaires.

Les principales critiques adressées au dispositif actuel de financement du dispositif de protection des majeurs

« Le système s'avère tout d'abord largement inflationniste, dans la mesure où le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget est de rechercher un nombre croissant de mesures. Or, celles-ci ne correspondent pas nécessairement aux besoins de la personne protégée : on constate notamment un biais en faveur des mesures de tutelle aux prestations sociales, dont le financement est particulièrement avantageux et qui, en « doublon » avec une autre mesure de protection relevant du code civil, permettent en même temps de supprimer tout prélèvement sur les ressources de la personne.

« La différenciation des coûts en fonction de la nature de la mesure apparaît par ailleurs peu pertinente, dans la mesure où l'importance du travail demandé dépend moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque personne concernée, notamment en termes d'accompagnement.

« Du point de vue de l'association elle-même, on constate que les besoins de financement sont, pour une large part, indépendants du nombre de mesures à une date donnée. En revanche, le coût d'une mesure est variable dans le temps, les premiers mois de mise en place représentant la charge de travail la plus importante.

« Le système actuel de financement des associations tutélaires est enfin dénoncé comme inéquitable et opaque pour la personne protégée, dans la mesure où, pour une même mesure ou une mesure très proche, sa contribution peut varier de zéro à plus de 8 % de son revenu. »

Source : Rapport n° 10 (2003-2004) de M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance

Par conséquent, dès 2004, un nouveau mode de financement des services tutélaires par dotation globale devrait permettre de disposer d'une base de référence concernant les besoins financiers des intervenants dans l'exercice des mesures de tutelle au regard des caractéristiques de leur activité.

Votre rapporteur souligne toutefois que l'introduction de cette dotation globale ne constitue qu'un des aspects de la réforme du financement des tutelles. La généralisation de la dotation globale n'étant par ailleurs prévue que pour 2005, la portée de cette mesure en 2004 devrait être limitée.

Il convient toutefois de saluer ce premier pas en direction d'une réforme globale du dispositif de protection des majeurs.

b) Les conditions financières de la décentralisation des FAJ en 2005 doivent d'ores et déjà être précisées

Les fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ), généralisés par la loi du 29 juillet 1989 réformant le RMI, ont pour vocation d'attribuer aux jeunes, âgés de 18 à 25 ans, en difficulté sociale, des secours temporaires et des aides destinées à soutenir un projet d'insertion.

Ils sont actuellement financés à parité dans chaque département par l'État et les conseils généraux, pour lesquels la contribution représente une dépense obligatoire. Les conseils régionaux, les communes et les organismes de protection sociale peuvent également participer au financement des fonds d'aide aux jeunes.

Les crédits délégués aux directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS) se sont élevés, en 2002, à 15,9 millions d'euros. Il n'est pas possible de préciser les montants correspondant pour 2003 et 2004 dans la mesure où les crédits relatifs aux FAJ ne sont pas individualisés dans le projet de loi de finances mais sont globalisés au sein du chapitre 46-81, article 20 (action sociale d'intégration et de lutte contre les exclusions).

Tout au plus est-il possible d'indiquer que les crédits versés effectivement aux jeunes, et qui proviennent des contributions conjointes de l'État et des collectivités locales, se sont élevés à 38,39 millions d'euros en 1999 et sont restés stables depuis lors.


Bilan de l'action des fonds d'aide aux jeunes en difficulté

La nature des aides attribuées par les FAJ

En 2002, 163.000 demandes d'aide individuelle ont été examinées par les commissions d'attribution des FAJ. Le nombre de jeunes aidés s'élève à 103.000 pour cette même année.

Le montant moyen des aides attribuées s'élève 224 euros. Un tiers des aides accordées l'est dans le cadre d'une procédure d'urgence : dans ce cas, le montant moyen de l'aide est de 106 euros.

Les trois motifs les plus importants de demande d'aide sont :

Aide alimentaire : 50 % des demandes, montant moyen de l'aide 202 euros,

Transport : 31 % des demandes, montant moyen de l'aide 187 euros,

Formation : 14 % des demandes, montant moyen de l'aide 353 euros.

L'âge moyen des demandeurs est de 21 ans, 53 % sont des femmes, 44 % des demandeurs sont sans ressources.

Le financement des FAJ

Le niveau de consommation des crédits versés effectivement aux jeunes, et qui provient des contributions conjointes de l'État et des collectivités locales, a été estimé à 38,39 millions d'euros en 1999 et est resté stable entre 2000 et 2002.

L'engagement des conseils généraux a été la plupart du temps à même hauteur que celui de l'État, conformément à l'obligation juridique de parité à laquelle ils sont tenus.

La participation, volontaire, des autres collectivités publiques (régions et communes) a été globalement de l'ordre de 2,13 millions d'euros ; trente CAF ont été impliquées dans le financement, à hauteur de 0,5 million d'euros.

Source : DGAS

2004 sera la dernière année au cours de laquelle les FAJ seront financés à parité par l'État et par les conseils généraux : le projet de loi relatif aux libertés locales prévoit en effet de confier, aux seuls départements, la responsabilité de ce dispositif.

Votre rapporteur approuve la fin du copilotage des FAJ et leur transfert aux départements, par ailleurs cohérent avec leur compétence nouvelle sur le RMI . Il estime toutefois que ce transfert exige, à ce stade, deux garanties :

- dans la mesure où les dépenses effectivement réalisées en 2004 serviront de base à la compensation aux départements des charges liées au transfert de compétence, il convient que le Gouvernement précise, au moins à titre prévisionnel, les crédits qu'il compte affecter aux FAJ pour l'année à venir ;

- il est également nécessaire que l'État prenne l'engagement de ne pas modifier en cours d'année la répartition des crédits entre les différentes actions financées sur le chapitre 46-81, comme cela a été le cas ces dernières années, en raison de la priorité donnée au dispositif d'accueil et d'hébergement d'urgence pour les populations en situation d'exclusion extrême, de façon à donner aux départements une certaine visibilité quant aux charges qu'ils auront à assumer en 2005, du fait de la décentralisation.

c) Le règlement des derniers contentieux concernant les rapatriés est subordonné à un texte législatif

Les crédits inscrits au budget du ministère des affaires sociales ne représentent qu'une fraction de l'ensemble des crédits consacrés aux rapatriés gérés par la mission interministérielle aux rapatriés.

Sous l'impulsion de cette mission, créée en 2002, la condition de ressource à laquelle était soumise la rente viagère servie aux anciens supplétifs et, depuis 2000, à leurs veuves, a été supprimée. Elle bénéficie désormais à 11.000 personnes et les crédits afférents représentent 11 millions d'euros en 2004, soit une progression de 37,5 % par rapport aux crédits inscrits à ce titre en loi de finances initiale pour 2003.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de la reconnaissance de la Nation que manifeste cet effort en faveur des rapatriés. Il se réjouit également de constater que le Gouvernement s'attache à résoudre des contentieux anciens et à solder enfin la question de l'indemnisation.

Le Premier ministre a en effet chargé M. Michel Diefenbacher, député du Lot-et-Garonne, d'une mission de bilan des actions entreprises en faveur des anciens supplétifs et son rapport, remis le 17 septembre 2003, présente des pistes constructives pour achever le processus de réparation des dommages subis par ces populations qui souffrent encore des séquelles du rapatriement.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, « le contenu de ce rapport devrait alimenter un débat parlementaire d'ici à la fin de l'année qui devrait déboucher sur des textes réglant de façon définitive les préjudices subis par cette population. » 11 ( * )

Votre rapporteur voudrait insister de façon particulière sur la question de la réduction de l'indemnisation des rapatriés qui avaient contractés, avant 1970, un prêt de réinstallation.

Ces derniers ont, en effet, vu leur indemnisation réduite du montant du remboursement anticipé de ces prêts, alors que les rapatriés qui avaient fait valoir leur droit à indemnisation plus tardivement n'ont subi aucun prélèvement. Dans un tiers des cas, ledit prélèvement a amputé l'indemnisation de 100 % et, dans les deux tiers restant, de 50 %. D'après le ministère des affaires sociales, 28.700 personnes seraient concernées par ces réductions, pour un coût évalué à 311 millions d'euros.

Votre rapporteur souhaite que le débat annoncé par le Premier ministre permette enfin de résoudre ce litige.

II. LA POURSUITE DE L'EFFORT EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES PERMET DE POSER LES BASES D'UNE REFORME AMBITIEUSE DE LA LOI D'ORIENTATION

Les crédits consacrés aux personnes handicapées dans le budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées pour 2004 s'élèvent à 6,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à 2003 . Par ailleurs, les crédits relatifs à l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le budget du travail (1,1 milliard d'euros) et au budget du Premier ministre (7,6 millions d'euros), progressent également respectivement de 11,5 % et de 11,4 %.

En dépit d'un contexte budgétaire difficile, votre rapporteur se réjouit que, conformément à la volonté du Président de la République, l'action en faveur des personnes handicapées soit une priorité forte du Gouvernement.

Il rappelle également que l'effort public en faveur des personnes handicapées ne se résume pas au budget de l'État : ainsi la Cour des Comptes a-t-elle estimé les dépenses de l'ensemble des collectivités publiques en faveur des personnes handicapées à 26,2 milliards d'euros en 2001 .

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit, pour sa part, un taux de progression de 6 % de l'enveloppe « handicap » au sein de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), ce qui représente une enveloppe supplémentaire de 360 millions d'euros par rapport à 2003. Là encore, il convient d'apprécier l'ampleur de la dépense consentie au regard de la situation financière de la branche maladie.

Effort public en faveur des personnes handicapées en 2001

Auteur de la dépense

Montant

État

10.088

- Dépenses budgétaires

9.287

- Dépenses fiscales

801

Collectivités

3.412

- Régions

16

- Départements

3.379

- Communes

16

Organismes de sécurité sociale

12.293

- Etablissements médico-sociaux

5.050

- Prestations

7.137

- Action sociale

106

AGEFIPH

412

TOTAL

26.205

Source : Cour des comptes,
rapport au Président de la République, 17 juin 2003.

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE À LA MESURE DES PRIORITÉS ÉNONCÉES PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

1. Un soutien non démenti aux établissements pour enfants et adultes handicapés

a) La mise en oeuvre des plans de création de places est globalement satisfaisante

L'appréciation du besoin de places d'accueil en établissement est difficile, car elle se heurte à l'absence d'études statistiques fiables et globales. Tout au plus peut-on rappeler que les associations faisaient état, en 2001, de 20.000 personnes handicapées sans solution d'accueil et qu'une enquête conduite auprès des DDAS et des inspections académiques aboutissait à un chiffre de 6.600 places manquantes à la rentrée scolaire 2001 en établissements d'éducation spéciale ou en classes d'intégration collective.

Votre rapporteur déplore encore une fois l'incapacité de notre système d'information à fournir un état des lieux des personnes handicapées en attente d'une solution d'accueil en établissement.

Si les chiffres restent imprécis, force est tout de même de constater que la France connaît depuis de nombreuses années un déficit de structures d'accueil. En témoigne le taux d'occupation particulièrement élevé des établissements qui s'élève en moyenne à 97,3 % et qui ne permet pas, à l'évidence, d'absorber le flux normal des nouvelles demandes.

Taux d'occupation des établissements pour adultes handicapés au 1 er janvier 2002

Type d'établissement

Nombre de places installées

Nombre de places occupées

Taux d'occupation

Maisons d'accueil spécialisé (MAS)

14.482

14.038

96,9

Foyers d'accueil médicalisé (FAM)

9.200

8.887

96,6

Foyers de vie ou foyers occupationnels

34.791

34.171

98,2

Foyers d'hébergement

40.607

38.813

95,6

Centres d'aide par le travail (CAT)

98.866

96.690

97,8

TOTAL

197.946

192.599

97,3

Source : Enquête « établissements et services » 2002, DREES

C'est la raison pour laquelle un plan pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés a été lancé en 1999, pour une période de cinq ans. Il a concentré les efforts sur les créations de places pour adultes, afin de résoudre la situation des jeunes adultes maintenus, faute de place, en établissement pour enfants et de permettre, par la suite, l'intégration annuelle des jeunes sortant des établissements d'éducation spéciale dans les établissements pour adultes.

Il comportait deux volets :

- un volet pris en charge par l'assurance maladie, doté de 205,8 millions d'euros correspondant à un objectif de création de 5.500 places nouvelles en maisons d'accueil spécialisé (MAS) et en foyers d'accueil médicalisé (FAM) ;

- un volet pris en charge par l'État, à hauteur de 84,9 millions d'euros pour la création de 8.500 places nouvelles en centres d'aide par le travail (CAT).

A l'occasion des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le Gouvernement avait enfin décidé de doubler l'effort de création de places correspondant à la dernière année du plan : l'objectif total avait ainsi été porté à 6.600 places nouvelles en MAS et FAM et à 10.000 places nouvelles en CAT.

Ce premier plan a été complété par un plan triennal en faveur des enfants, adolescents et adultes handicapés qui comprend, dans son volet « établissements », un effort supplémentaire de création de places pour les enfants très lourdement handicapés (à hauteur de 18 millions d'euros), de places pour enfants, adolescents et adultes autistes (23 millions d'euros), de places pour enfants, adolescents et adultes traumatisés crâniens ou cérébro-lésés (23 millions d'euros) et enfin pour personnes handicapées vieillissantes (6,8 millions d'euros).

Dans son rapport de juin 2003 12 ( * ) , la Cour des Comptes portait l'appréciation suivante sur les créations de places programmées : « Les prévisions du plan quinquennal semblent acceptables, si l'on fait l'hypothèse qu'en moyenne une personne handicapée en attente de place s'inscrit dans deux établissements. Il restera toutefois à examiner à l'issue du plan, fin 2003, combien de places auront été effectivement créées. »

Le tableau suivant retrace le bilan des créations de places permises par le plan 1999-2003, au 30 avril 2003 :

Type de structure

Objectif fixé par le plan

Places financées

Places réalisées

MAS

6.500

2.501

935

FAM

3.016

1.342

CAT

10.000

10.000

7.162

Total

16.500

15.517

8.439

S'agissant du plan triennal, le bilan des programmations régionales, réalisé en avril 2003, montre que les crédits dégagés ont permis de créer 615 places pour les enfants et adolescents très lourdement handicapés, 1.020 places pour les personnes autistes, 706 places pour les personnes atteintes d'un traumatisme crânien et 276 places pour les personnes handicapées vieillissantes.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, « le décalage entre les prévisions de créations de places du plan et le nombre effectif des créations est directement lié au mode de détermination de l'objectif de création : il a été établi sur la base de la moyenne du coût moyen de la place en MAS et du coût moyen de la place en FAM. Dans la mesure où la participation de l'assurance maladie est intégrale dans le fonctionnement des MAS et seulement partielle dans celui des FAM, le nombre de créations diffère selon la nature des projets. De plus, le coût moyen à la place a été établi en 1999 sur la base de l'année 1998. Il ne prend donc pas en compte l'augmentation du prix de la place en établissement de ces six dernières années. » 13 ( * )

Si cet argument est recevable concernant le nombre de places financées, il n'explique pas l'écart constaté entre ce dernier et le nombre de places effectivement installées. D'après votre rapporteur, cet écart tient à deux facteurs :

- s'agissant des places en FAM, les créations sont bien entendu liées aux crédits départementaux disponibles pour cofinancer chaque projet ;

- d'une manière générale, un délai de réalisation est inévitable car la création d'un nouvel établissement suppose l'acquisition d'un terrain et la construction de locaux adaptés, la sélection d'une association capable de gérer la structure et le recrutement de professionnels qualifiés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées a, d'ailleurs, précisé 14 ( * ) que, si les premières créations de places avaient pris la forme d'extension d'établissements existants et avaient pu, de ce fait, être réalisées rapidement, il en irait différemment à l'avenir, dans la mesure où il faudrait créer des structures entièrement nouvelles. C'est la raison pour laquelle elle avait fixé aux DDASS un objectif de réalisation des places financées de seulement 75 % dans l'année. Votre rapporteur approuve cet objectif réaliste.

Mais il estime qu'il est subordonné à un changement de mentalité car nombre de nos concitoyens sont encore réticents à la perspective de voir s'implanter un établissement accueillant des personnes handicapées dans leur voisinage. Témoigne de cette difficulté le stock des crédits d'investissement disponibles au 31 juillet 2003 : 41,3 millions d'euros en crédits de paiement et 77,2 millions en autorisations de programme. Aucun engagement n'est, d'ailleurs, intervenu sur l'article 10 du chapitre 66-20 (établissements pour adultes et enfants handicapés) en 2003.

Votre rapporteur regrette cette situation, qui fait obstacle à la pleine réalisation des objectifs du plan, alors que les besoins de places restent importants. Il conviendrait notamment de mieux faire valoir, auprès des élus locaux, l'intérêt - social mais aussi, il faut oser le dire, économique - de l'implantation de ce type de structure sur leur territoire .

b) Les créations de places n'ont pas souffert de l'arrivée à terme des plans pluriannuels

Votre rapporteur est heureux de constater que, malgré l'arrivée à échéance des deux plans, quinquennal et triennal, l'effort de création de places, demandé par le Président de la République, ne s'est pas démenti.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit en effet une mesure nouvelle de 16,1 millions d'euros, pour financer 3.000 places nouvelles en CAT, qui complète la dotation supplémentaire de 360 millions d'euros prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Cette dernière devrait permettre la création de 2.200 places nouvelles en MAS ou en FAM , avec un effort spécifique pour des pathologies ou handicaps encore largement sous-dotés (jeunes présentant des troubles du comportement, personnes handicapées psychiques, autistes ou polyhandicapées, personnes handicapées vieillissantes), ainsi que pour le développement de places d'accueil de jour ou d'accueil temporaire.

Votre rapporteur ne peut qu'encourager le Gouvernement à poursuivre dans cette voie. Il ne doute pas, cependant, que la réforme de la loi du 30 juin 1975, annoncée pour les prochaines semaines, s'accompagnera d'une nouvelle programmation.

2. La poursuite des actions en faveur du maintien à domicile des personnes handicapées

a) L'action du Gouvernement a porté jusqu'ici surtout sur le développement de l'offre de service d'aide à domicile

Un effort important a été engagé, depuis 2000, pour le développement de l'offre de services d'aide à domicile, notamment pour celui des services d'auxiliaires de vie, qui, destinés aux bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), ont longtemps été les seuls services accessibles aux personnes handicapées : le nombre de postes subventionnés par l'État est ainsi passé de 1.864 en 2000 à 4.485 en 2003, soit une augmentation de 140 % en quatre ans.

Evolution du nombre de postes d'auxiliaires de vie financés par l'État

Année

Nombre de forfaits créés

Total des postes financés

Evolution

Dépense totale (en M€)

2000

-

1.864

-

17,9

2001

+ 962

2.826

+ 51,6 %

27,2

2002

+ 939

3.765

+ 33,2 %

36,2

2003

+ 720 1

4.485

+ 19,1 %

43,2

2004

+ 1.014 2

5.499

+ 22,6 %

53,0

1 Dont 320 forfaits destinés aux personnes lourdement handicapées.

2 Dont 500 forfaits destinés aux personnes lourdement handicapées.

La subvention de l'État prend la forme d'une aide forfaitaire par poste équivalent temps plein d'un montant de 9.650 euros par an. Ces forfaits sont répartis dans chaque département entre les associations gestionnaires de services d'auxiliaires de vie (deux ou trois associations par département, en moyenne). Au total, entre 200 et 300 services prestataires intervenant auprès des personnes handicapées bénéficient de ces aides.

Le financement de l'intervention des auxiliaires de vie est assuré, par ailleurs, par une contribution des usagers, la majoration pour tierce personne de la sécurité sociale ou l'ACTP, selon les cas, devant leur permettre de faire face à cette participation aux frais.

Il convient enfin de préciser que certains de ces services bénéficient également de subventions des collectivités locales, notamment des départements. La DREES évalue à 21,5 millions d'euros leur participation à ces services.

Le projet de loi de finances pour 2004 poursuit cette politique, en prévoyant le financement de 1.014 nouveaux forfaits , ce que votre rapporteur ne peut qu'approuver, car il considère que l'accès aux aides humaines est une composante essentielle de la compensation du handicap.

Il conviendrait toutefois de clarifier la répartition des compétences en la matière, car aucun texte ne permet actuellement de déterminer la collectivité compétente pour créer et financer les services d'auxiliaires de vie. Pour votre rapporteur, il serait cohérent de confier cette responsabilité aux départements , dans la mesure où cette compétence pourrait être rattachée à leur responsabilité en matière d'hébergement et, d'une façon plus générale, à leur rôle d'accompagnement dans la vie quotidienne.

b) L'aide renforcée au poste pour les personnes lourdement handicapées répond à un véritable besoin

Un dispositif expérimental a été mis en place à compter de 2002 pour répondre aux besoins particuliers des personnes lourdement handicapées souhaitant rester à leur domicile. Il prévoit la possibilité de majorer l'aide au poste, actuellement fixée à 9.650 euros par an et par bénéficiaire, cette majoration pouvant aller jusqu'à un triplement du forfait, soit 28.800 euros, lorsque la présence continue d'une tierce personne s'avère indispensable.

Une circulaire n° 2003-157 du 31 mars 2003 est venue préciser les conditions d'octroi de ces forfaits, en donnant une base légale à l'expérimentation menée depuis 2002. Ainsi, 900 des forfaits d'auxiliaires de vie créés par la loi de finances pour 2002 et l'ensemble des 720 forfaits créés en 2003 sont susceptibles d'être majorés, dès lors qu'une évaluation des besoins de la personne aura fait apparaître la nécessité d'une prise en charge renforcée. A ce jour, 320 personnes bénéficient de cette aide.

Le projet de loi de finances pour 2004 poursuit dans cette voie, puisque 500 des 1.014 forfaits créés sont destinés à des personnes lourdement handicapées.

Votre rapporteur tient à souligner le bien-fondé de ce dispositif qui permet enfin à des personnes lourdement handicapées de pouvoir envisager une vie à domicile . Il estime, en effet, que cette mesure répond à un véritable besoin. C'est la raison pour laquelle il demande que le développement de ce dispositif soit poursuivi, car le nombre de personnes lourdement handicapées, vivant à domicile et qui nécessitent la présence continue d'une tierce personne, est estimé à 5.000 personnes.

Une mention particulière doit également être faite de la possibilité, ouverte par la circulaire du 31 mars 2003, de mettre en oeuvre ces forfaits d'aide à domicile dans le cadre de services ambulatoires adossés à des MAS ou des FAM. Selon votre rapporteur, cette disposition devrait permettre tout à la fois de garantir la qualité du suivi des soins et de réaliser des économies de structure.

Il invite donc le Gouvernement à prendre rapidement les dispositions réglementaires nécessaires à la définition des conditions de fonctionnement et de financement de telles sections, de façon à donner un cadre aux expérimentations aujourd'hui en cours.

Il rappelle enfin que la loi de finances pour 2001 avait prévu l'ouverture des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) aux personnes handicapées mais que cette disposition reste, à ce jour, inappliquée, faute d'un décret d'application. Il ne peut, encore une fois, que demander instamment que le pouvoir réglementaire permette enfin la mise en oeuvre de cette mesure très attendue des personnes handicapées.

c) L'ACTP reste insuffisante pour assurer une véritable compensation

Alors que les aides forfaitaires au poste constituent un soutien à l'offre de service à domicile, l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) vise à compenser, pour la personne handicapée elle-même, les dépenses supplémentaires exposées par le recours à une tierce personne pour accomplir les actes essentiels de l'existence ou par l'exercice d'une activité professionnelle.

En 2002, 99.030 personnes de moins de 60 ans bénéficiaient de cette prestation servie par les départements, soit une augmentation de 3,8 %. Avec la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les plus de 60 ans, les personnes handicapées représentent désormais 82 % des bénéficiaires de l'ACTP, contre à peine 30 % en 1998.

Evolution du nombre de bénéficiaires de l'ACTP âgés de moins de 60 ans

 

1999

2000

2001

2002

Nombre de bénéficiaires à domicile

n. d.

77.366

80.729

81.263

Nombre de bénéficiaires en établissement

n. d.

14.438

14.318

17.267

TOTAL

88.204

91.804

95.407

99.030

Votre rapporteur tient à souligner que le montant de l'ACTP 15 ( * ) reste très en deçà des besoins de compensation des personnes handicapées. Bien plus, compte tenu de son mode d'indexation sur l'inflation, son pouvoir d'achat n'a pas suivi l'évolution des salaires des auxiliaires de vie qu'elle est censée rémunérer et qui, eux, ont augmenté en fonction des revalorisations du SMIC et des mesures décidées par les conventions collectives.

Par conséquent, alors qu'une ACTP à taux plein permettait de rémunérer quatre heures et demie de présence d'une auxiliaire de vie par jour en 1982, ce montant est aujourd'hui à peine suffisant pour en financer deux heures.

Votre rapporteur ne peut, encore une fois, qu'appeler à une refonte complète de cette allocation qui devrait constituer le coeur de la politique de compensation du handicap. Il rappelle qu'il a déjà, à ce sujet, avancé des propositions qui pourraient servir de base à la création, dans le cadre de la réforme attendue de la loi du 30 juin 1975, d'une véritable « allocation compensatrice individualisée ».

d) Le bilan du fonctionnement des sites pour la vie autonome se révèle très positif

Compte tenu du maquis que constituent l'accès aux solutions de compensation et le financement des aides techniques, la création des sites pour la vie autonome (SVA) représente une avancée importante pour les personnes handicapées. Après une expérimentation débutée en 1997 dans quatre départements pilotes, le projet de loi de finances pour 2000 a décidé de leur généralisation. La montée en charge de ce dispositif s'est achevée en 2003, avec la création de 30 nouveaux sites dans les derniers départements qui n'en étaient pas encore pourvus.

Fonctionnement des sites pour la vie autonome

Le fonctionnement des sites pour la vie autonome a été précisé par une circulaire du 19 juin 2001. Ce dispositif, piloté dans chaque département, par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), repose sur trois instruments :

- un comité technique de suivi , qui regroupe l'ensemble des partenaires intervenant dans la politique du développement de l'autonomie des personnes handicapées ;

- une équipe technique d'évaluation , labellisée par le préfet, qui effectue l'évaluation des besoins de la personne handicapée sur son lieu de vie, avec l'accord de celle-ci, et préconise des aides et des plans de financement à la commission des financeurs. Pour l'évaluation des besoins, elle s'appuie sur un référentiel d'analyse des besoins et sur une composition pluridisciplinaire (médicale, technique et sociale) ;

- une commission des financeurs qui a pour fonction de définir les modalités de coordination des interventions financières de chaque partenaire et d'examiner les dossiers de financement des solutions de compensation fonctionnelle préconisées. Afin de faciliter la mobilisation de ces financements, la commission désigne, pour chaque personne handicapée concernée, une caisse délégataire.

Chaque site pour la vie autonome bénéficie, en année pleine, d'un financement de l'État qui varie, selon le poids démographique de chaque département, de 228.670 à 381.100 euros. Cette dotation vise à financer le fonctionnement du site (appui à la mise en place, mise en réseau, formation...) et à abonder, en complément des autres dispositifs légaux, un fonds de compensation destiné à la prise en charge des aides techniques et des aménagements de lieux ordinaires de vie prescrits par les équipes techniques.

En 2003, les crédits affectés par l'État au financement des sites pour la vie autonome se sont élevés à 23,7 millions d'euros. Ils ont permis de financer :

- le fonctionnement des sites et l'abondement des fonds de compensation dans les soixante-dix départements entrés dans le dispositif antérieurement à 2003 ;

- la création de trente nouveaux sites dans les départements n'en disposant pas encore. La dotation pour 2003 pour ces derniers a toutefois été limitée au fonctionnement des sites, compte tenu de la nécessité de créer les structures et de former les équipes techniques.

Le projet de loi de finances pour 2004 achève la montée en charge du dispositif, en prévoyant une mesure nouvelle de 3,85 millions d'euros, afin de financer les fonds de compensation dans ces trente derniers départements.

Une évaluation, menée par le centre technique national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI) et publiée à la fin du mois de juillet 2003, fait ressortir un bilan extrêmement positif de ce dispositif :

- le comité technique de suivi a, d'ores et déjà, été mis en place dans les quarante-trois départements disposant d'un SVA depuis 2002. Leur installation est en voie d'achèvement pour les trente sites créés en 2003 ;

- la coordination des financeurs au sein de la commission des financeurs permet déjà, dans les départements où elle existe, un raccourcissement significatif des délais de traitement des dossiers ;

- la mobilisation des financements, permise par la constitution de « sites pour la vie autonome », diminue sensiblement le montant des dépenses restant à la charge des bénéficiaires : celui-ci est passé de 22,5 % dans le cadre de l'expérimentation 1997-1999, à 11,9 % en 2003, toutes solutions de compensation confondues.

Nature des aides attribuées par les sites pour la vie autonome

Source : CTNERHI

Votre rapporteur se félicite du succès des sites pour la vie autonome qui constituent un réel progrès pour les personnes handicapées, dans leur accès à toutes les formes de compensation. Il regrette toutefois que leur rôle se limite aux aides techniques et d'aménagement du logement et il plaide pour une extension de ce rôle aux aides humaines, afin de permettre aux SVA d'avoir une vision globale des besoins de compensation de la personne.

Il estime que ces structures constituent un embryon de ce que pourraient être les futures agences départementales du handicap dont il proposait la création dans sa proposition de loi 16 ( * ) , déposée le 13 mai dernier. Dans cette perspective, il conviendrait d'étudier un rapprochement des SVA avec les CDES et les COTOREP, afin d'unifier le dispositif d'évaluation des besoins des personnes handicapées.

3. La scolarisation des enfants handicapés : la nécessité d'un saut qualitatif

a) Les données concernant les moyens budgétaires consacrés par l'État à la scolarisation des enfants handicapés sont d'une imprécision regrettable

La nomenclature budgétaire de l'État ne permet pas à ce jour de connaître avec précision l'effort de l'État en faveur de la scolarisation des enfants handicapés.

Le rapport de la Cour des Comptes du 17 juin 2003 17 ( * ) met en évidence les éléments suivants, s'agissant du coût de la prise en charge des enfants handicapés selon la structure qui les accueille :

- la scolarisation en milieu ordinaire reviendrait à 4.039,89 euros par an mais la Cour souligne que cette évaluation émanant des services du ministère de l'éducation nationale ne tient pas compte des dépenses engagées pour la rémunération des auxiliaires de vie scolaire, l'achat de matériel pédagogique adapté ou des actions médico-sociales périscolaires ;

- le coût de la scolarisation en établissement spécialisé de l'éducation nationale s'élèverait à 7.790,14 euros par an ;

- le coût de la prise en charge en établissement d'éducation spéciale dépend du type de structure et de la nature du handicap des enfants qui y sont accueillis :

Coût annuel d'une place en établissement d'éducation spéciale,
selon de type d'établissement

Type d'établissement

Coût annuel moyen de la place en 1999

Etablissements d'éducation spéciale pour déficients intellectuels

27.989

Etablissements d'éducation spéciale pour enfants polyhandicapés

50.137

Instituts de rééducation

33.397

Etablissements d'éducation spéciale pour enfants déficients moteurs

35.938

Instituts d'éducation sensorielle pour enfants déficients visuels

26.571

Instituts d'éducation sensorielle pour enfants déficients auditifs

27.971

Services d'éducation spéciale et de soins à domicile

13.409

Source : INFODAS, DGAS, « le financement des établissements et services sous compétence État », n os 64, 67 et 70

Il convient toutefois de souligner que ces derniers chiffres ne sont guère comparables avec ceux affichés pour le milieu ordinaire ou les établissements spécialisés de l'éducation nationale, car les frais pris en charge sont plus larges que les frais de scolarisation stricto sensu .

Pour sa part, le ministère de l'éducation nationale évalue les dépenses afférentes à la scolarisation des enfants handicapés en établissement d'éducation spéciale à 360 millions d'euros en 2001.

Votre rapporteur regrette l'imprécision des informations disponibles sur les dépenses consacrées par l'État à la scolarisation des enfants handicapés. Il espère que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, ces actions pourront faire l'objet d'une meilleure individualisation, de façon à permettre de suivre l'effort de l'État dans ce domaine.

b) L'intégration en milieu scolaire ordinaire passe par le développement de services d'accompagnement

La loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées avait posé le principe de l'obligation éducative pour les enfants handicapés, en affichant une priorité pour leur intégration scolaire en milieu ordinaire.

Il reste que, comme le soulignait la Cour des Comptes dans son rapport précité, « cette disposition législative n'a (...) jamais été complétée par un décret d'application. Sa mise en oeuvre par les services du ministère de l'éducation nationale ne repose en conséquence que sur des circulaires, dont les premières ont été publiées plus de sept ans après la promulgation de la loi de 1975. Il en résulte une fragilité juridique certaine du dispositif. »

• Le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire progresse mais reste insuffisant

Le plan Handiscol lancé en 1999 et, plus récemment, le plan quinquennal pour l'intégration des élèves handicapés, annoncé le 21 janvier 2003, sont venus rappeler le caractère prioritaire de l'intégration scolaire en milieu ordinaire.

Ils ont assurément permis une progression du nombre d'enfants handicapés accueillis dans le premier, comme dans le second degré. Mais on constate toujours une préférence pour l'intégration collective, à travers les classes d'intégration scolaire (CLIS) à l'école primaire et les unités pédagogiques d'intégration (UPI) au collège et au lycée.

Bilan de l'évolution du nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire

Mode de scolarisation

2000

2003

Evolution

Intégration individuelle en milieu ordinaire

43.601

44.884

+ 2,9 %

- dont scolarisés dans le 1 er degré

26.541

29.732

+ 12 %

- dont scolarisés dans le 2 nd degré

17.060

15.152

- 11,2 %

Intégration collective en milieu ordinaire

30.194

40.779

+ 35 %

- dont CLIS

28.459

36.737

+ 29 %

- dont UPI

1.735

4.042

+ 133 %

Total

73.795

85.663

+ 16,1 %

Source : Ministère de l'éducation nationale et ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Votre rapporteur tient à souligner l'effort important accompli par le Gouvernement pour le développement des UPI, dont le nombre a plus que doublé par rapport à 2000. Cet effort doit néanmoins être poursuivi, car le nombre de places disponibles dans ces classes spécialisées reste très inférieur à celles ouvertes dans le premier degré, ce qui conduit à des ruptures de parcours pour un grand nombre d'élèves lorsqu'ils parviennent au collège.

• Le développement des places de SESSAD permet d'offrir un soutien renforcé aux enfants accueillis en milieu scolaire ordinaire

Si les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ne sont pas uniquement tournés vers l'intégration scolaire, leur souplesse et leur mobilité leur confèrent un rôle particulier dans le dispositif d'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés.

C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du plan triennal 2001-2003 en faveur des enfants, adolescents et adultes handicapés, un effort particulier leur a été consacré. Une enveloppe de 12,2 millions d'euros par an a ainsi été inscrite chaque année entre 2001 et 2003 dans le cadre de l'ONDAM. Le bilan de ce plan, réalisé en avril 2003, montre que l'ensemble de ces crédits a permis de financer 3.228 places nouvelles.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 poursuit cet effort, en prévoyant une dotation complémentaire de 4 millions d'euros. Au total, on comptait en 2002, 22.835 places de SESSAD, soit une progression de 69 % entre 1994 et 2002.

Votre rapporteur approuve le développement de ces structures qui constituent, pour un grand nombre d'enfants, une alternative positive au placement dans un établissement d'éducation spéciale.

Malgré les progrès accomplis, il estime que l'effort de création de places en SESSAD doit être poursuivi car les besoins d'accompagnement ne pourront qu'augmenter, au fur et à mesure du développement de l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés.

Dans le cadre de la programmation qui devrait accompagner la réforme de la loi du 30 juin 1975, il conviendrait également de veiller davantage à la répartition géographique de ces services, ainsi qu'à l'équilibre du nombre de places ouvertes par type de déficience.

• Le dispositif des auxiliaires de vie scolaire a été conforté et pérennisé

Pour accompagner l'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire, des dispositifs d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) ont été développés, sur une base expérimentale, conduisant à des statuts très divers :

- une partie des AVS était recrutée sur la base de contrats d'aide-éducateur, directement par l'éducation nationale. Leur nombre était de 1.100 en 2003 ;

- la grande majorité des AVS était recrutée sur la base de contrats emplois jeunes ou de CES, soit par des associations, soit par des collectivités locales, et mise à disposition des enfants par le biais de conventions entre l'association ou la collectivité employeur, les parents et l'académie. Leur nombre s'élève à 2.100 en 2003.

Parmi ces AVS associatifs, certains recevaient également une subvention au poste versée par le ministère des personnes handicapées, sur le modèle des services d'auxiliaires de vie. Cette subvention s'élevait à 3.917 euros par poste et par an en 2003. Le nombre de postes ainsi subventionnés était de 1.583 en 2003.

La loi relative aux assistants d'éducation du 30 avril 2003 est venue pérenniser le statut et le rôle des auxiliaires de vie scolaire (AVS), désormais recrutés pour trois ans renouvelable une fois, dans le cadre d'un contrat de droit public.

Les auxiliaires de vie scolaire dans la loi du 30 avril 2003

La loi relative aux assistants d'éducation du 30 avril 2003 crée deux catégories d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) :

- les auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-CO) chargés d'aider une équipe d'école ou d'établissement, intégrant plusieurs jeunes handicapés dans le cadre d'un dispositif collectif tel qu'une classe d'intégration scolaire (CLIS) ou une unité pédagogique d'intégration (UPI) ;

- les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-I) chargés d'accompagner les élèves handicapés pour lesquels cette aide a été reconnue nécessaire par la commission départementale de l'éducation spéciale (CDES). Ces derniers se voient reconnaître quatre rôles : accompagner l'élève dans ses activités scolaires, dans la classe en concertation avec l'enseignant ou en dehors des temps d'enseignement, l'assister à l'occasion des sorties de classes occasionnelles ou régulières, accomplir les gestes techniques ne requérant pas une qualification médicale ou paramédicale particulière nécessités par son handicap et enfin collaborer au suivi des projets d'intégration.

Dans la mesure où les AVS-CO exercent une mission de renforcement de l'équipe éducative et d'encadrement des élèves, ils entrent dans le cadre général des dispositions applicables aux assistants d'éducation, à savoir recrutement par le chef d'établissement et niveau de diplôme au moins égal à celui du baccalauréat. Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 29.500 créations de postes d'assistants d'éducation, sans qu'il soit possible, à ce stade, de préciser dans quelle proportion ceux-ci seront affectés à des fonctions d'auxiliaires de vie scolaire.

Les AVS-I seront, en revanche, recrutés par l'inspection d'académie et non par le chef d'établissement, afin d'unifier le dispositif départemental. Leur contrat précisera les établissements dans lesquels ils seront appelés à accompagner les élèves sur décision de la CDES. Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit la transformation ou la création de 3.500 postes d'auxiliaires de vie scolaire individuels au 1 er janvier 2004. La dotation correspondante s'élève à 64,6 millions d'euros.

Votre rapporteur se félicite de la prise en charge par l'éducation nationale du dispositif des auxiliaires de vie scolaire, car il considère que ce service relève de sa mission de service public à l'égard de l'ensemble des enfants d'âge scolaire.

Le transfert de l'ensemble des AVS vers l'éducation nationale ne peut à l'évidence pas être totalement effectif dès 2004. Les deux rentrées scolaires de 2003 et 2004 seront donc des rentrées de transition : les contrats emplois jeunes en cours se poursuivront ainsi jusqu'à leur terme et les associations ayant précédemment signé une convention de partenariat en tant que gestionnaire d'un service d'AVS seront associées aux commissions de recrutement des AVS-I.

De plus, il apparaît que les enquêtes de terrain, qui ont servi de base à la détermination du nombre de créations de postes d'assistants d'éducation, avaient sous-estimé le nombre de personnes assurant actuellement, tous statuts confondus, une mission d'accompagnement des élèves handicapés. Par conséquent, il subsistera, en 2004, des auxiliaires de vie scolaire non financés par budget de l'éducation nationale. Pour éviter une réduction de l'offre de service, les subventions au poste actuellement versées par le ministère des personnes handicapées seront donc maintenues en 2004, pour un montant de 6,2 millions d'euros.

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le financement en année pleine des 500 postes d'auxiliaires de vie scolaire créés à la rentrée scolaire 2003.

c) Le nombre de places en établissements d'éducation spéciale semble globalement suffisant mais qualitativement inadapté

En s'appuyant sur les données issues des fichiers des CDES et des COTOREP, la Cour des Comptes fait état, dans son rapport précité du 17 juin 2003, de 9.716 enfants handicapés en attente de place en établissement d'éducation spéciale en 2001 . Encore faut-il préciser que ce chiffre n'inclut pas les besoins en Ile de France.

Demandes en attente dans les établissements pour enfants handicapés

Déficients intellectuels

Polyhandicapés

Instituts de rééducation

Handicapés moteurs

Handicapés sensoriels

Total

4.720

659

1.480

255

209

7.323

Source : CDES/COTOREP, novembre 2001.

Or, en 1998, 5,5 % des places étaient soit inoccupées, soit occupées par de jeunes adultes maintenus dans ces établissements au titre de l'amendement Creton, ce qui représente un total de plus de 6.000 places.

Ces chiffres sont anciens et ne reflètent sans doute plus totalement la réalité du nombre d'enfants sans solution d'accueil. En effet, compte tenu des efforts réalisés depuis cette date en matière de créations de places pour adultes, le chiffre de 3.920 jeunes adultes maintenus dans les établissement d'éducation spéciale est sans doute surévalué. Le bilan du plan triennal 2001-2003 montre également que 615 places pour enfants polyhandicapés et 1.015 places pour autistes ont été programmées et sont en cours d'installation.

Il semble donc que l'éducation spéciale souffre moins d'un déficit quantitatif de places que d'une répartition géographique et par type de handicap déséquilibrée.  Le manque de places reste notamment important s'agissant des enfants souffrant de déficiences intellectuelles plus ou moins profondes.

Votre rapporteur regrette que l'absence de chiffres récents ne permette pas de connaître avec précision le besoin réel de places. Seul le développement d'un système d'information homogène au niveau des commissions d'orientation (CDES mais aussi COTOREP) serait à même d'améliorer notre connaissance de ces besoins.

d) La proportion d'enfants handicapés non scolarisés reste préoccupante

Malgré les progrès réalisés depuis trois ans, votre rapporteur souhaite faire part de son inquiétude face à la proportion encore importante d'enfants handicapés non scolarisés.

Ainsi, le volet « domicile » de l'enquête « Handicap - Incapacités - Dépendance » (HID) de l'INSEE, conduite entre 1998 et 2002, évalue entre 5.000 et 14.000 le nombre d'enfants handicapés en âge d'obligation scolaire pour lesquels un dossier a été déposé devant une CDES et qui n'ont jamais été scolarisés. Par ailleurs, autour de 30.000 enfants accueillis en établissement d'éducation spéciale ne sont pas scolarisés , soit 24 % de l'effectif accueilli par ces établissements.

Scolarisation des enfants de 6 ans et plus, accueillis en établissement d'éducation spéciale, en fonction de leur déficience principale (1995)

(en %)

 

Proportion d'enfants non scolarisés

Retard mental profond et sévère

78

Retard mental moyen

33

Retard mental léger

8

Autres déficiences de l'intelligence

12

Déficiences de la conscience

29

Troubles du caractère et du comportement

11

Déficiences de langage

19

Déficiences auditives

4

Surdité-cécité

44

Déficiences visuelles totales

13

Autres déficiences visuelles

3

Déficiences motrices

15

Déficiences viscérales, métaboliques, nutritionnelles

15

Polyhandicap

94

Déficiences non précisées

23

Ensemble

24

Source : DREES, enquête ES

S'agissant des enfants accueillis en établissement d'éducation spéciale, votre rapporteur reconnaît que, pour certains enfants lourdement handicapés, la scolarisation paraît difficile, tant les apprentissages de base en matière d'autonomie paraissent être la première urgence. Elle serait en revanche possible et souhaitable pour un grand nombre d'autres enfants, dont les déficiences sont compatibles avec un parcours scolaire adapté.

Votre rapporteur souhaite qu'un effort particulier soit conduit dans ce domaine et que des instructions claires soient données aux services de l'éducation nationale pour que des moyens supplémentaires - en enseignants et en matériel pédagogique adapté - soient affectés à ces établissements.

4. L'intégration professionnelle des personnes handicapées : la clé d'une insertion sociale réussie

a) La mise en oeuvre de l'obligation d'emploi doit être redynamisée

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 fait obligation à tout employeur occupant au moins vingt salariés d'employer, à temps plein ou partiel, un nombre de personnes handicapées représentant 6 % de son effectif. Elle s'applique aussi bien aux entreprises privées qu'à l'État, aux collectivités locales et à leurs établissements publics.

• L'obligation d'emploi dans le secteur privé

Les établissements assujettis à cette obligation s'élevaient à 92.187 en 2000. Ces établissements employaient alors 219.000 bénéficiaires de la loi de 1987, comptabilisés pour 302.000 « unités bénéficiaires » 18 ( * ) , soit un taux moyen d'emploi de 4,1 %.

Ce taux, stable depuis 1993, recouvre des réalités très différentes, compte tenu des alternatives ouvertes aux entreprises pour s'acquitter de leur obligation.

Répartition des entreprises selon les modalités de mise en oeuvre de l'obligation d'emploi des personnes handicapées (en %)

Les personnes handicapées sont l'une des catégories les plus vulnérables sur le marché de l'emploi : le nombre de demandeurs d'emploi handicapés a augmenté de 3,5 % entre 2001 et 2002, pour s'établir à 147.820 personnes, dont 41 % sont en situation de chômage de longue durée.

L'aggravation relative de la situation des demandeurs d'emploi handicapés a pu être évitée grâce à un recentrage efficace des mesures d'emploi autour de ce public : ainsi, 184.012 demandeurs d'emploi handicapés ont bénéficié du programme « programme d'action personnalisée pour un nouveau départ » (PAP-ND) en 2002, contre 80.000 en 2000 et 123.413 en 2001. De même, 69.551 contrats aidés (CIE, CES ou CEC) ont été conclus au bénéfice des personnes handicapées en 2002.

Votre rapporteur tient également à souligner la mobilisation du réseau Cap Emploi, spécialisé dans le placement des personnes handicapées, qui a réalisé, en 2002, plus de 43.000 placements, soit une progression de 2,41 % par rapport à 2000.

• L'obligation d'emploi dans la fonction publique

S'agissant de la fonction publique, le taux d'emploi atteint 4,33 % en 2001. Il s'élevait, dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, en 1998, dernière année connue, respectivement à 5,12 % et 5,73 %.

Votre rapporteur tient à souligner les progrès réalisés par l'État, qui faisait jusqu'ici figure de mauvais élève, en matière d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, grâce à la mise en oeuvre du protocole d'accord du 8 octobre 2001 :

- les plans triennaux prévus par le protocole ont été signés dans la plupart des ministères. Ils prévoient qu'à leur échéance, la commission d'agrément et de suivi pourra prononcer des sanctions à l'encontre des ministères qui n'auraient pas atteint les objectifs quantitatifs fixés en matière d'insertion des travailleurs handicapés. Selon les informations transmises à votre rapporteur, « ces sanctions pourront prendre la nature de sanctions financières, au bénéfice du fonds interministériel pour l'insertion des handicapés dans la fonction publique, et d'impossibilité de pourvoir les emplois sur lesquels des travailleurs handicapés auraient dû être recrutés, par des agents qui ne seraient pas bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés » 19 ( * ) ;

- les décrets relatifs à la suppression des COTOREP « secteur public » et à la réforme de la COTOREP « éducation nationale » sont en cours d'élaboration. Leur mise en oeuvre dépend toutefois de la mise en place d'un réseau de médecins spécialisés dans l'examen de l'aptitude médicale des personnes handicapées ;

- la révision du décret de 1995 relatif à la mise en oeuvre des recrutements directs de travailleurs handicapés, sans concours, est également en cours de préparation, afin de rapprocher la situation des personnes handicapées ainsi recrutées de celle des fonctionnaires stagiaires, notamment en matière de rémunération et de reprise d'ancienneté.

Enfin, le fonds interministériel pour l'insertion des handicapés dans la fonction publique voit sa dotation augmenter de 11,4 % en 2004, pour atteindre 7,6 millions d'euros. Ces crédits permettent d'offrir aux agents de l'État un service proche de celui qui est réservé aux salariés du secteur privé par l'AGEFIPH.

Votre rapporteur ne peut que se réjouir de cet effort de l'État employeur en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Comme l'an passé, toutefois, il remarque que, compte tenu du nombre de fonctionnaires, les sommes attribuées au fonds restent proportionnellement inférieures à celles collectées par l'AGEFIPH pour l'ensemble du secteur privé (373 millions d'euros en 2002). Il conviendrait également d'encourager les autres fonctions publiques à se doter d'instruments équivalents.

b) Une redéfinition des rôles respectifs de l'État et de l'AGEFIPH est nécessaire à moyen terme

Le mécanisme mis en place par la loi du 10 juillet 1987 repose sur un double mécanisme d'incitation à l'embauche, par l'octroi d'aides spécifiques aux entreprises, et de pénalisation des employeurs qui ne participent pas à l'effort d'emploi des personnes handicapées.

Les montants collectés par l'AGEFIPH en 2002, dernière année connue, progressent de 6,9 % par rapport à 2001. Cette hausse est surtout liée à l'augmentation de la contribution moyenne par entreprise (+ 7 %). En effet, le nombre d'établissements contributeurs n'a, lui, que peu progressé sur cette période (à peine 0,1 %).

Il n'y a pas lieu de se réjouir de la hausse des montants collectés car ils témoignent d'un effort plus faible des entreprises en matière d'emploi des personnes handicapées. Cette évolution est d'autant plus préoccupante que, compte tenu des délais de mise à jour des rôles de contribution, cette collecte est basée sur les évolutions des effectifs salariés en 2000, c'est-à-dire une année de forte croissance.

La conjoncture économique dégradée de l'année 2003 et les prévisions de reprise modérée pour 2004 devraient avoir une influence contrastée sur la collecte : le nombre d'entreprises contributrices ne devrait plus augmenter que faiblement, compte tenu de la stagnation de l'effectif salarié. En revanche, le ralentissement économique pourrait se traduire par un moindre recrutement et donc par des montants moyens par entreprise plus importants.

Evolution de la collecte de l'AGEFIPH depuis 1996

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Montants collectés
(en millions d'euros)

253

260

278

300

313

349

373

Evolution (en %)

+ 4,5

+ 2,8

+ 6,9

+ 7,9

+ 4,3

+ 11,5

+ 6,9

Nombre d'établissements contributeurs

43.712

44.916

45.550

47.080

47.277

48.933

49.000

Evolution (en %)

+ 4,5

+ 2,8

+ 1,4

+ 3,4

+ 0,4

+ 3,5

+ 0,1

Contribution moyenne
(en milliers d'euros par entreprise)

5,8

5,8

6,1

6,3

6,7

7,1

7,6

Evolution (en %)

0,0

0,0

+ 5,2

+ 3,3

+ 6,3

+ 6,0

+ 7,0

Source : Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Depuis 1999, le montant des actions et des aides financées par l'AGEFIPH est supérieur à celui de la collecte : cet effort, lié à des réserves accumulées depuis la création de l'association en 1988, a été engagé à la demande de l'État, dans le cadre d'une convention quinquennale d'objectifs conclue le 9 décembre 1998, intitulée « programme exceptionnel ».

Il reste que cette politique atteint aujourd'hui ses limites et les actions de l'AGEFIPH sont en recul de 14,6 millions d'euros en 2003. Ainsi, alors que la formation des personnes handicapées a été définie comme une priorité de son action, les crédits correspondant en 2003 diminuent de 14,7 %.

Cette diminution est d'autant plus regrettable que le vieillissement de la population handicapée actuellement employée au sein des entreprises devrait avoir pour conséquence, à moyen terme, un besoin de recrutement des entreprises et que le manque de travailleurs handicapés qualifiés pourrait faire obstacle à ce renouvellement, alors même qu'il constitue une chance pour l'emploi des personnes handicapées.

Evolution des actions de l'AGEFIPH et répartition des financements depuis 2000

Compte tenu de l'épuisement des réserves et du palier que devrait marquer la collecte dans les années à venir, il est nécessaire que l'AGEFIPH procède à une réallocation de ses moyens en fonction d'actions prioritaires. Le renouvellement de la convention d'objectif, dont votre rapporteur demande la consécration législative, devrait permettre de fixer ces priorités.

L'AGEFIPH pourrait également gagner des marges de manoeuvre si l'État reprenait à son compte les actions dont il s'est, au fil des ans, déchargé , comme le financement du réseau de placement spécifique que constituent les Cap Emploi, ou celui de la garantie de ressources en milieu ordinaire.

Votre rapporteur considère que ces deux dispositifs relèvent en effet, pour le premier de la politique de l'emploi, pour le second de la solidarité nationale, toutes deux sous la responsabilité de l'État.

c) L'effort en faveur des structures de travail protégé reste soutenu

Le travail protégé reste toujours l'instrument privilégié de la politique de l'emploi en faveur des personnes handicapées. Le projet de loi de finances pour 2004 ne déroge pas à cette règle, puisqu'il prévoit la création de 3.000 places supplémentaires en centres d'aide par le travail (CAT).

Cette mesure nouvelle de 16,1 millions d'euros, qui s'ajoute à une mesure d'ajustement de 13,5 millions d'euros pour tenir compte de la revalorisation du taux directeur de ces établissements, porte à 1,1 milliard d'euros l'effort de l'État en leur faveur. Au total, le nombre de places de CAT financées par l'État s'élèvera donc à 104.811 à la fin de l'année 2004.

Votre rapporteur ne nie pas l'utilité de ces créations de places. Il estime cependant qu'un certain nombre de personnes accueillies par ces structures pourraient faire l'objet, sous réserve d'un accompagnement spécifique, d'une orientation vers des structures plus proches du travail en milieu ordinaire.

La loi du 2 janvier 2002 permet notamment la création de services d'aide par le travail, relevant d'un financement par l'aide sociale de l'État au même titre que les CAT. Ces nouvelles dispositions donnent une base juridique à des pratiques déjà existantes, dénommées jusqu'alors « CAT hors les murs ». Votre rapporteur tient à souligner l'intérêt de ces expériences qui offrent aux personnes handicapées une prise en charge et un suivi médico-social identiques à ceux offerts en CAT, tout en permettant leur intégration dans un milieu professionnel de droit commun.

L'outil que constituent les ateliers protégés semble également sous-exploité. Leur rénovation, à l'occasion de la réforme de la loi du 30 juin 1975, doit, selon votre rapporteur, s'attacher à mieux prendre en compte à la fois l'aspiration des travailleurs handicapés qui y sont employés à s'approcher du statut des salariés ordinaires et la compensation légitime des charges particulières qui pèsent sur ces entreprises, en matière de formation et d'encadrement, grâce à de nouvelles modalités de subvention par l'État.

Evolution du nombre de personnes handicapées employées dans un atelier protégé

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Nombre d'ateliers protégés

480

493

515

532

548

547

559

Nombre de travailleurs handicapés

14.209

15.039

16.095

16.765

18.264

18.760

19.444

Le projet de loi de finances pour 2004 ne revalorise que faiblement la subvention de l'État aux ateliers protégés : elle s'élève à 4,95 millions d'euros, soit une augmentation de 0,06 % par rapport aux crédits inscrits à ce titre en loi de finances initiale pour 2003. Elle permet toutefois de financer 500 postes supplémentaires dans ces structures, par le biais d'une augmentation des crédits consacrés à la garantie de ressources des travailleurs handicapés.

La faible revalorisation de ces crédits n'est pas pour apaiser l'inquiétude de votre rapporteur face aux comportements de sélection observés dans les ateliers protégés : la faiblesse du soutien de l'État conduit en effet ces entreprises à écarter des candidats jugés trop peu productifs ou, à l'inverse, conserver leurs meilleurs éléments alors qu'ils pourraient évoluer vers le milieu ordinaire de travail, pour pouvoir faire face à la pression concurrentielle à laquelle ils sont soumis.

d) L'augmentation des crédits consacrés à la garantie de ressources sont la conséquence du développement du secteur protégé

La garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) est un complément de rémunération fixé en pourcentage du SMIC et versé à la personne handicapée pour lui permettre de toucher un salaire global équivalent à celui d'un travailleur valide. Depuis 1997, son financement dépend de deux autorités différentes, suivant que la personne est employée en milieu ordinaire ou en milieu protégé :

- en milieu ordinaire, la GRTH est prise en charge par l'AGEFIPH. Celle-ci a concerné, en 2003, 11.500 personnes pour un coût total de 37 millions d'euros ;

- en milieu protégé, elle est financée par l'État. Son coût total en 2003 est de 952,1 millions d'euros, pour 111.550 personnes.

Il convient toutefois de constater qu'en 2002, les dépenses réelles de l'État en matière de GRTH ont été supérieures de 40 millions d'euros aux crédits ouverts en loi de finances initiale et que la dotation de 952,1 millions d'euros prévue en 2003 n'a, en réalité, permis qu'un simple rattrapage par rapport aux besoins constatés l'année précédente, à nombre de bénéficiaires constants et ce, malgré la création simultanée de 500 places en ateliers protégés et de 3.000 places en CAT.

Cette sous-estimation des besoins explique l'augmentation de 12 %, soit un rythme presque trois fois plus élevé qu'en 2003, des crédits consacrés par l'État à la GRTH dans le projet de loi de finances pour 2004 : les crédits supplémentaires se répartissent ainsi en une mesure d'ajustement de 97,9 millions d'euros et une mesure nouvelle de 16,26 millions d'euros correspondant à la création, comme en 2003, de 500 places en ateliers protégés et de 3.000 places de CAT.

B. LA RÉFORME ANNONCÉE DE LA LOI D'ORIENTATION DU 30 JUIN 1975 : UNE RÉVOLUTION COPERNICIENNE

1. Une attente de plus en plus forte des personnes handicapées et de leurs familles

La loi d'orientation du 30 juin 1975 a, sans conteste, constitué une étape fondamentale pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées et pour l'amélioration de leur prise en charge.

Il reste que les attentes des personnes handicapées et de leurs familles ont changé, tant vis-à-vis des modalités de la prise en charge institutionnelle que dans le domaine de l'égalité des droits et des chances. Cette évolution des attentes s'est traduite par la revendication d'un droit nouveau, le droit à compensation.

Celui-ci, reconnu par l'article premier de la loi du 4 mars 2002 20 ( * ) , n'est à ce jour pas défini dans son contenu. Lors du débat parlementaire sur ce texte, votre commission s'était engagée à en préciser les contours à l'occasion de la réforme annoncée et attendue de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.

Ce chantier, engagé par le précédent gouvernement, a connu une impulsion nouvelle, à la demande du Président de la République, qui a fait de l'intégration des personnes handicapées une des trois priorités de son quinquennat.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, la future loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées devrait comporter trois axes 21 ( * ) :

« - rendre effectif l'accès à la Cité pour une pleine participation, en généralisant à l'ensemble des secteurs de la vie sociale le principe d'accessibilité, en organisant chaque fois que nécessaire l'indispensable adaptation des institutions ou des procédures, en développant l'accompagnement et la personnalisation des aides ;

« - créer les conditions financières d'une vie autonome digne pour toute personne handicapée, en donnant un contenu au droit à compensation et en garantissant des ressources suffisantes de manière à permettre aux personnes handicapées de former leur projet personnel de vie ;

« - organiser les institutions et les procédures de réalisation de ces objectifs dans un souci de simplification et de clarification administratives, de transparence et d'efficacité en même temps que de participation des intéressés, de leurs familles et de leurs associations aux décisions qui les concernent. »

Au-delà des nécessaires créations de places prévues dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2003 et 2004, des progrès ont d'ores et déjà été réalisés sur ces trois axes, chaque fois que les mesures proposées pouvaient être mises en oeuvre par la voie réglementaire ou à l'occasion d'une loi sectorielle. On notera en particulier les mesures suivantes :

- en matière d'accessibilité, la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction facilite les travaux de mise en accessibilité des parties communes dans les copropriétés ;

- un module de formation à la problématique de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite, expérimenté en 2003, sera généralisé à la rentrée 2004 dans les écoles d'ingénieurs et d'architectes ;

- un plan de rattrapage pour le sous-titrage des programmes télévisés a été lancé avec pour objectif de porter de 15 % à 50 % d'ici 2006, dans le service public télévisuel, la part des programmes sous-titrés.

Le projet de loi de finances comporte également des mesures qui vont dans le sens des orientations retenues pour la réforme de la loi du 30 juin 1975 :

- il rend éligible au crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale les travaux d'installation d'équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées ;

- il pérennise le statut des auxiliaires de vie scolaire et transfère la responsabilité de leur recrutement et de leur financement à l'éducation nationale.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de ces mesures dont un certain nombre figurait, d'ailleurs, dans les propositions du rapport de notre commission du 26 juillet 2002 22 ( * ) et qui contribuent à améliorer, au quotidien, la vie de nos concitoyens handicapés.

Il reste que la réforme de fond, celle de la loi du 30 juin 1975 se fait attendre : de multiples propositions ont déjà été faites, notamment par notre commission ; il convient de les convertir en actes car l'attente des personnes handicapées est désormais à son comble .

2. Vers la création d'une « cinquième branche » de protection sociale : le plan « Vieillissement et solidarité »

Initialement promis pour les personnes âgées, suite à la catastrophe sanitaire de l'été dernier, le plan « Vieillissement et solidarité », rendu public le 6 novembre 2003 par le Premier ministre, a été étendu aux personnes handicapées.

Tout en reprenant les orientations annoncées dans le cadre de la future réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975, il s'inscrit dans une perspective nouvelle, celle de la création d'une nouvelle branche au sein de notre protection sociale, avec la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).


La réforme de solidarité pour les personnes dépendantes du 6 novembre 2003 dans son volet « Handicap »

De nouveaux droits personnalisés :

- prise en charge des surcoûts de toute nature liés au handicap dans le cadre d'un plan personnalisé de compensation du handicap ;

- promotion de la participation des handicapés dans la vie sociale et accès aux droits (accessibilité, emploi, éducation) ;

- mise en oeuvre d'un plan pluriannuel de création de places en CAT et en MAS.

Un accès aux droits simplifié :

- décentralisation dès 2005 des auxiliaires de vie, des CAT et des centres de rééducation professionnelle ;

- réforme de la tarification des établissements ;

- mise en place d'un « guichet unique », à travers la création de maisons départementales des personnes handicapées.

La création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie :

- chargée de rassembler en un lieu unique les moyens mobilisables par l'État et l'assurance maladie pour prendre en charge la dépendance des personnes âgées et handicapées, de veiller à l'égalité de traitement sur le territoire, de fixer les orientations nationales et de mener les études, recherches et évaluations sur les phénomènes de dépendance ;

- gérée de façon décentralisée, par la délégation aux départements des outils de prise en charge de la dépendance ;

- financée par une journée de solidarité : les entreprises seront soumises à une cotisation supplémentaire de 0,3 %, compensée par une journée de travail supplémentaire. Les revenus du capital seront également soumis à cette contribution.

Source : Dossier de presse - services du Premier ministre

Le plan prévoit une mise en oeuvre de la contribution de solidarité à compter du 1 er juillet 2004, avec un rendement de 980 millions d'euros à mi-année et de 1,9 milliard d'euros en année pleine. Serait également transférée à la future caisse la part du produit de la CSG actuellement affectée par l'État au fonds de financement de l'APA.

L'ensemble de ces ressources serait, dans un premier temps, en 2004, affecté au financement des mesures d'urgence pour les personnes âgées, à la pérennisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et au remboursement de l'emprunt contracté en 2003 pour financer cette même allocation.

Dès 2005, et sous réserve de l'adoption de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975, le volet « personnes handicapées » serait doté de 850 millions d'euros. Ces ressources serviraient à financer la future prestation de compensation du handicap dont l'objet serait de prendre en charge « les surcoûts liés aux aides nécessaires pour compenser les conséquences des handicaps, qu'il s'agisse d'aides humaines ou techniques, d'aides à l'aménagement du logement, d'aides juridiques ou techniques, d'aide aux aidants ou d'autres aides. » 23 ( * )

Votre rapporteur approuve totalement la définition retenue pour la future prestation de compensation, dont les contours rejoignent ceux de l'« allocation compensatrice individualisée » qu'il appelait de ses voeux dans ses précédents rapports et qu'il s'était attaché à définir dans sa proposition de loi du 13 mai dernier.

Le périmètre exact des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie devrait être précisé d'ici mai 2004, en fonction des recommandations du rapport demandé par le Premier ministre à MM. Briet, conseiller maître à la Cour des Comptes et Jamet, directeur général des services du département du Rhône.

A ce stade, votre rapporteur tient à souligner les interrogations soulevées par le dispositif et qui devront être clarifiées à l'occasion du texte qui sera soumis au Parlement aux fins de création de la CNSA.

A l'évidence, les ressources affectées à la caisse pour financer l'APA en régime de croisière, soit 400 millions d'euros par an, ne concernent que la participation de l'État à ce financement. Le coût total de cette prestation est en effet estimé à 1,2 milliard d'euros en 2003. Par conséquent, la création de la caisse ne remet pas en cause le financement de l'APA, à titre principal, par l'aide sociale départementale.

De la même manière, et dans la mesure où les dépenses prévisibles en matière de compensation du handicap devraient être au moins égales au coût de l'APA, il sera nécessaire, pour financer cette nouvelle prestation, de faire appel à des financements complémentaires . Il est donc vraisemblable que la création de la caisse s'accompagnera, si ce n'est d'un maintien de l'actuelle ACTP, tout au moins d'un transfert des sommes qui y étaient jusqu'ici consacrées par les départements, à savoir 560 millions d'euros en 2002 24 ( * ) , à la prise en charge d'une partie de la nouvelle allocation de compensation.

Ces interrogations ne remettent assurément pas en cause l'appréciation très positive de votre rapporteur vis-à-vis de cette réforme ambitieuse qui apporte une réponse bienvenue à la question du financement du droit à compensation.

3. Les recommandations de votre commission

a) Rapprocher les COTOREP et CDES des futures « maisons départementales du handicap »

L'une des demandes les plus fortes des personnes handicapées et de leurs familles est de voir leur projet de vie reconnu et que les réponses apportées à ce projet ne fassent plus l'objet d'un traitement fractionné, par des autorités totalement déconnectées les unes des autres.

La définition d'un plan personnalisé de compensation des handicaps, proposé par le Gouvernement, et son élaboration en partenariat avec une équipe pluridisciplinaire, vont incontestablement dans ce sens et constituent l'aboutissement de la démarche engagée avec la création des sites pour la vie autonome.

Votre rapporteur tient toutefois à rappeler que la compensation du handicap va au-delà de l'attribution d'aides financières à l'acquisition de matériels adaptés ou à la rémunération d'auxiliaires de vie. Il estime notamment qu'elle doit également pouvoir inclure, selon les besoins de la personne, une orientation vers un établissement adapté, l'accès à un service d'accompagnement ou encore une mesure de protection juridique.

C'est la raison pour laquelle, afin que le projet de vie de la personne puisse être apprécié dans sa globalité et pour unifier le dispositif d'évaluation du handicap, il paraît nécessaire de rapprocher les instances d'orientation que sont les COTOREP et les CDES des futures « maisons départementales des personnes handicapées ».

Il s'agirait également d'une simplification administrative importante pour les bénéficiaires : dans la mesure où la porte d'entrée sur le monde du handicap est bien souvent la décision de reconnaissance de ces commissions, il convient de pouvoir, dès ce stade, donner une information complète aux familles et amorcer immédiatement une démarche de compensation.

b) Rendre enfin effective la rénovation des établissements sociaux et médico-sociaux

La loi n° 2002-2 rénovant l'action sociale et médico-sociale, votée à l'unanimité par la Haute Assemblée, a profondément modifié la partie législative du code de l'action sociale et des familles relative à la mise en oeuvre de l'action sociale et médico-sociale par des établissements ou services.

Elle a prévu des dispositions essentielles en matière de participation des usagers aux décisions qui les concernent et de qualité de la prise en charge. A ce titre, elle contribue à la reconnaissance des personnes handicapées comme citoyens à part entière.

Il reste que, bientôt deux ans après la publication de la loi, celle-ci reste encore largement inapplicable : 41 articles, soit près de la moitié du texte, attendent toujours des mesures réglementaires d'application .

Ce retard est une source d'insécurité juridique pour les professionnels du secteur et il pénalise la pleine prise en compte des droits des usagers : ainsi, les dispositions relatives au livret d'accueil, au médiateur, au conseil de la vie sociale, au règlement de fonctionnement et au projet d'établissement restent inapplicables et les établissements « pilotes » qui tentent par eux-mêmes une définition de leur contenu courent le risque de voir leurs efforts réduits à néant lors de la parution des décrets.

La commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux a pourtant montré l'importance de ces dispositions, notamment dans le domaine de la lutte contre la maltraitance institutionnelle. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, dans son rapport en date du 12 juin 2003, elle demandait « instamment au Gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires à assurer la pleine effectivité des dispositifs adoptés par le Parlement, le 2 janvier 2002. » 25 ( * )

A la veille de la réforme de la seconde loi de 1975, votre rapporteur ne peut que s'associer encore une fois à cette demande, en insistant sur le fait que la prise en compte des aspirations des personnes handicapées accueillies en établissements participe du droit à compensation.

c) Prendre en compte les attentes nouvelles des personnes handicapées et de leurs familles à l'égard de l'accueil institutionnel

Lors du vote des deux lois de 1975, l'urgence résidait dans le développement de structures d'accueil jusqu'alors presque inexistantes. Cette logique institutionnelle, légitime à l'origine, a peu à peu pris le pas sur les attentes des personnes handicapées elles-mêmes, la pénurie de places conduisant bien souvent à des orientations par défaut.

Aujourd'hui, c'est au monde institutionnel de s'adapter aux nouveaux besoins des personnes handicapées. Votre rapporteur estime que cette adaptation pourrait suivre trois axes :

• Développer l'accueil de jour et l'accueil temporaire

Une évolution dans ce sens est déjà en marche dans le domaine de l'enfance : ainsi, sur les 108.235 places installées dans les établissements d'éducation spéciale, 58,4 % sont des places de semi-externat ou d'externat. Cette orientation reste, en revanche, à développer s'agissant des adultes.

Or, et peut-être plus encore dans le cadre de l'accompagnement d'un adulte handicapé, les familles ont besoin de pouvoir prendre des temps de repos. Ces « pauses » permettraient certainement, comme le soulignait le rapport de la commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées, d'éviter que l'épuisement des aidants conduise à des situations de violence plus ou moins larvées.

Toute la difficulté de l'accueil temporaire, dans un contexte de pénurie de places, consiste, pour les établissements, à ne pas transformer ces places en places d'accueil permanent. Comme il le faisait valoir dans son avis de l'an passé, votre rapporteur observe que la préservation de places d'accueil temporaire au sein des établissements suppose l'acceptation, par les autorités de tutelle, que ceux-ci ne fonctionnent pas, comme c'est le cas actuellement, à plein régime, avec des budgets fondés sur des taux d'occupation de 98 %.

• Développer l'intégration par le logement

Pour un certain nombre de personnes handicapées, notamment handicapées mentales, vivre seul à domicile est inimaginable. Les solutions classiques de compensation du handicap, à travers la mise à disposition d'une auxiliaire de vie, sont, pour ces personnes, impraticables.

La solution alternative doit-elle, dès lors, être impérativement le foyer collectif ? Votre rapporteur estime que des solutions intermédiaires doivent être trouvées, notamment pour des travailleurs en CAT faisant preuve d'une autonomie suffisante. Des expériences originales de résidences, doublées d'un service d'accompagnement à la vie sociale, existent déjà. Il convient de les encourager et de les amplifier.

Ces établissements d'un type nouveau constitueraient également une transition adaptée aux personnes handicapées ayant toujours vécu à domicile, avec leurs parents et qui, du fait du vieillissement de ceux-ci, doivent rejoindre le monde institutionnel.

• Améliorer la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes

Ni les établissements, ni la collectivité n'avaient anticipé que les personnes handicapées bénéficieraient, comme le reste de la population, et dans de telles proportions, de l'allongement général de la durée de la vie. Pourtant, aujourd'hui, les personnes handicapées âgées de plus de 40 ans représentent plus de 30 % des résidants en établissement.

Le vieillissement des personnes handicapées n'est pourtant pas tout à fait comparable à celui observé dans la population générale : il est souvent plus précoce (aux alentours de 55 ans) et a pour conséquence des pathologies surajoutées particulières qui demandent une réponse spécifique.

Votre rapporteur s'est déjà plusieurs fois prononcé en faveur du développement de sections spécifiques au sein des établissements pour adultes handicapés. Il estime en effet que c'est dans ces structures que la connaissance des particularités du handicap est la meilleure et que la continuité de la prise en charge, dans un milieu familier, est préférable pour des personnes fragilisées.

De telles sections existent d'ores et déjà mais il est évident que leur développement demande qu'il soit mis fin à la barrière d'âge à 60 ans opposée aux établissements en termes d'agrément. Aujourd'hui cette contrainte est levée au cas par cas. Il serait sans doute préférable de prévoir un dispositif réglementaire général et permanent à cet effet.

III. L'ACTION SOCIALE DES DÉPARTEMENTS À LA VEILLE DE L'ACTE II DE LA DÉCENTRALISATION : L'ENJEU DE LA MAÎTRISE DU COÛT DES PRESTATIONS EN ÉTABLISSEMENTS

Comme chaque année, et d'une façon plus particulière à la veille de l'acte II de la décentralisation dont la mise en oeuvre débutera, dès 2004, par le transfert aux départements de la responsabilité du RMI, votre rapporteur a souhaité consacrer une partie de son avis à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.

A cet égard, il tient encore une fois à saluer l'action de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), sur les travaux duquel il s'est appuyé pour conduire cette analyse.

A. DES DÉPENSES D'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE MARQUÉES PAR LA MONTEE EN CHARGE SPECTACULAIRE DE L'APA

1. La progression des budgets sociaux départementaux en 2002 : une croissance sans précédent

En 2002, la dépense nette d'action sociale des départements atteint, selon les estimations de l'ODAS, près de 13,5 milliards d'euros, soit une progression de 12 % par rapport à 2001 . Une telle évolution n'avait pas été observée depuis la décentralisation en 1983 : en un an, le rythme de progression de ces dépenses a été multiplié par trois.

Evolution de la dépense nette d'action sociale entre 1997 et 2002

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Dépense nette d'action sociale

10,85

11,25

11,52

11,71

12,1

13,5

Evolution (en %)

+ 2,6

+ 3,7

+ 2,4

+ 1,6

+ 3,5

+ 12

Source : ODAS

Trois phénomènes, d'importance comparable, expliquent cette progression spectaculaire des dépenses :

- le premier correspond à l'évolution normale des coûts, compte tenu de l'indexation des salaires sur les prix et des créations de places réalisées, notamment dans le domaine du handicap, pour adapter l'offre de service aux besoins ;

- le deuxième est la montée en charge de l'APA qui entraîne une hausse importante des dépenses d'aide sociale en faveur des personnes âgées ;

- le dernier, plus préoccupant, correspond à l'impact de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et des revalorisations salariales exceptionnelles, liées à l'application des conventions collectives du secteur médico-social.

2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale

a) L'aide sociale à l'enfance

Les dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) sont constituées par :

- les frais de prise en charge des enfants faisant l'objet d'une décision de placement, en établissement d'éducation spécialisée ou en famille d'accueil, financés par le département. En 1997, ces dépenses représentent 70 % des dépenses d'aide sociale à l'enfance ;

- les dépenses liées au soutien en milieu ouvert, qu'il s'agisse des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), du recours aux travailleuses familiales ou des aides aux associations.

Evolution de la dépense nette d'aide sociale à l'enfance

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Dépense directe nette d'ASE

3,34

3,69

3,83

3,90

4,05

4,38

Dépense indirecte d'ASE

0,38

0,40

0,39

0,41

0,41

0,42

Dépense totale

3,92

4,09

4,22

4,31

4,46

4,80

Evolution (en %)

-

+ 4

+ 3

+ 2

+ 4

+ 8

Source : ODAS

Malgré la stabilisation, depuis plusieurs années, du nombre d'enfants confiés à l'ASE, les dépenses progressent, en 2002, de 8 %, soit le double du rythme constaté en 2001.

Cette forte augmentation ne s'explique donc que par la hausse du coût des prestations, due, pour l'essentiel, à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et à la modification de la rémunération du travail de nuit, à la suite de l'accord de branche conclu en 2002.

Votre rapporteur est préoccupé par cette augmentation du coût des prestations car il ne semble pas qu'elle se traduise par un renforcement de la qualité qui profite aux enfants accueillis.

b) Les dépenses d'aide sociale en faveur des personnes âgées

L'aide sociale en faveur des personnes âgées s'élève à 2,14 milliards en 2002, en augmentation de 21,6 %. Cette hausse spectaculaire consacre une rupture par rapport au rythme antérieur de progression de ces dépenses qui diminuaient jusqu'ici d'année en année.

Evolution de la dépense nette d'aide sociale aux personnes âgées

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Aide sociale à l'hébergement

0,91

0,88

0,88

0,82

0,72

 

+ 1,1 %

- 3,3 %

0

- 6,8 %

- 12,2 %

ACTP (+ de 60 ans)

0,62

0,38

0,25

0,15

0,11

 

- 31,1 %

- 38,7 %

- 34,2 %

- 40 %

- 26,7 %

Aide ménagère

0,14

0,13

0,12

0,12

0,12

 

- 6, 7 %

- 7,1 %

- 7, 7 %

0

0

PSD

0,24

0,44

0,55

0,67

0,35

 

+ 1100 %

+ 83,3 %

+ 25 %

+ 21,8 %

- 47,8 %

APA nette (après déduction de la participation du fonds)

 
 
 
 

0,84

TOTAL

1,91

1,83

1,8

1,76

2,14

 

- 3,0 %

- 4,2 %

- 1,6 %

- 2,2 %

+ 21,6 %

Source : ODAS

Cette évolution recouvre deux mouvements contrastés :

- des dépenses supplémentaires à hauteur de 840 millions d'euros (après déduction de la participation du fonds de financement), liées à la montée en charge, très rapide, de l'APA ;

- une diminution sensible de tous les autres postes de l'aide sociale aux personnes âgées qui s'explique par le fait que l'APA prend désormais en charge des prestations (aide ménagère, auxiliaire de vie) qui étaient financées par ces aides. On constate notamment une réduction brutale de l'ACTP et de la PSD, deux allocations « annonciatrices » de l'APA.

Il convient de rappeler que le coût de l'APA et la rapidité de sa montée en charge n'avaient pas été anticipés, ce qui a conduit à l'adoption, le 31 mars 2003, d'une proposition de loi organisant le « sauvetage » financier de cette prestation.

La loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 ou comment assurer le sauvetage de l'APA...

Compte tenu des prévisions de dépenses d'APA et d'une montée en charge du nombre de bénéficiaires qui, au vu de l'évolution démographique de la population française, ne semblait pas près d'être achevée, la loi du 31 mars 2003 a mis en place de nouveaux instruments de maîtrise de la dépense et apporté un financement complémentaire :

- le plafond de ressources au-dessous duquel les personnes étaient exonérées de toute participation financière a été abaissé, de même que le plafond au-delà duquel la personne verse la participation maximale. Il devait résulter de cette modification des deux extrémités de la grille de ressources une meilleure prise en compte des capacités contributives des bénéficiaires de l'aide. Les économies réalisées à ce titre devaient représenter 80 millions d'euros en 2003 et 270 millions d'euros en année pleine ;

- la date d'ouverture des droits à l'allocation a été modifiée et repoussée à la date de notification de la décision du président du conseil général : cette mesure devait permettre d'économiser 142 millions d'euros en 2003 ;

- le contrôle de l'effectivité de l'aide versée a été renforcé, générant une économie de 210 millions d'euros ;

- les règles de fonctionnement du fonds de financement de l'APA (FFAPA) ont été modifiées, afin de lui permettre de recourir, de manière exceptionnelle, à des recettes non permanentes. Grâce à cette disposition, le FFAPA a été autorisé à emprunter 400 millions d'euros.

Enfin, afin d'améliorer la répartition de l'aide apportée par le FFAPA, le principe d'un concours de solidarité , au bénéfice des départements les plus affectés financièrement par la mise en place de cette prestation, a été introduit.

La création, annoncée par le Premier ministre, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie devrait clarifier définitivement le financement de cette allocation. Elle règle, en tout cas, la question du remboursement du prêt consenti au FFAPA : ce remboursement est acquis, dès 2004, puisqu'une partie des recettes de la contribution de solidarité (400 millions d'euros) y sera affectée.

c) L'aide sociale en faveur des personnes handicapées

Avec un effort supplémentaire de 290 millions d'euros en un an, les dépenses d'aide sociale en faveur des personnes handicapées ont augmenté de 10,8 %. Pour ce poste de dépense, le rythme de croissance des dépenses a donc également doublé en 2002.

Evolution des dépenses d'aide sociale en faveur des personnes handicapées

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Aide sociale à l'hébergement

1,8

1,91

2,01

2,15

2,41

Evolution (en %)

+ 7,1

+ 6,1

+ 5,2

+ 7,0

+ 12,1

ACTP

0,49

0,5

0,52

0,53

0,56

Evolution (en %)

+ 4,3

+ 2,0

+ 4

+ 1,9

+ 5,7

Total

2,29

2,41

2,53

2,68

2,97

Evolution (en %)

+ 6,5

+ 5,2

+ 5,0

+ 5,9

+ 10,8

Source : ODAS

Trois facteurs permettent d'expliquer cette progression :

- le recentrage de l'ACTP autour des personnes handicapées s'est poursuivi, compte tenu du passage des personnes de plus de 60 ans dans le régime de l'APA ;

- les départements ont fortement participé à la politique de création de places en établissements. Cet effort a, en partie, été contraint par les créations de places en FAM, prévues dans le cadre du plan pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés lancé par l'État en 1999, et pour lesquelles ils interviennent comme cofinanceurs aux côtés de l'assurance maladie ;

- comme dans les autres domaines de l'action sociale, le coût des prestations a également augmenté, du fait de la mise en oeuvre des 35 heures et de l'application d'accords salariaux qui ont revalorisé les primes de certaines catégories de personnels dans les établissements médico-sociaux régis par la convention collective de 1966.

Encore une fois, votre rapporteur ne peut que plaider pour que soit pris en compte, tant dans le cadre des programmations d'ouverture de places que dans celui de l'agrément des accords salariaux applicables dans les établissements, l'impact de ces mesures sur les finances départementales.

d) Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social

Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social s'élèvent à 3,6 milliards d'euros en 2002, ce qui correspond à une hausse de 10,5 %.

Ces dépenses recouvrent deux postes sensiblement différents :

- les dépenses d'insertion spécifiques aux bénéficiaires du RMI, dans le cadre de l'obligation faite aux départements de consacrer une somme au moins égale à 17 % des crédits versés, l'année précédente, par l'État au titre de l'allocation : ces sommes représentent 570 millions d'euros en 2002 et progressent de 7,5 % par rapport à 2001 ;

- les dépenses d'accompagnement social qui correspondent aux dépenses de fonctionnement du service départemental d'action sociale et de la protection maternelle et infantile (PMI), ainsi que leurs dépenses d'intervention : elles progressent de 11,1 %, pour atteindre 3 milliards d'euros.

Evolution des dépenses d'insertion et d'accompagnement social

(en milliards d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Dépenses d'insertion des bénéficiaires du RMI

0,53

0,59

0,55

0,53

0,57

Evolution en  %

+ 12,8

+ 11,3

- 6,8

- 3,6

+ 7,5

Dépenses d'accompagnement social

2,42

2,47

2,52

2,7

3,0

Evolution (en %)

+ 3,0

+ 2,1

+ 2,0

+ 7,1

+ 11,1

Total

2,95

3,06

3,07

3,23

3,57

Evolution (en %)

+ 4,6

+ 3,7

+ 0,3

+ 5,2

+ 10,5

Source : ODAS

D'après l'ODAS, l'augmentation des dépenses d'insertion des bénéficiaires du RMI est « essentiellement liée à des phénomènes conjoncturels avec la mise en oeuvre de l'ARTT et une clôture administrative des comptes anticipée en 2001 au moment du passage à l'euro, mais pas encore à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. » 26 ( * )

Votre rapporteur déplore cette dérive des crédits consacrés à l'insertion vers le financement de structures administratives. Il estime en effet que ces ressources doivent être mobilisées en priorité au service des bénéficiaires.

Une telle maîtrise est particulièrement importante dans le cadre de la décentralisation du RMI qui devrait intervenir au 1 er janvier 2004, même s'il est évident, compte tenu de la responsabilité confiée aux départements, que ceux-ci seront amenés à renforcer leurs équipes. En témoigne, d'ailleurs, l'évolution des crédits consacrés au service social départemental, qui augmentent sous la pression des recrutements liés à la gestion de l'APA.

Il apparaît d'ailleurs que, dans ce contexte, le cadre contraignant des crédits obligatoires d'insertion n'aura plus grand sens, dans la mesure où les départements seront responsable à la fois de la gestion de l'allocation et de l'insertion des bénéficiaires : les conséquences financières d'un échec de l'insertion reposant de toute façon entièrement sur leurs épaules, la règle des 17 % deviendrait obsolète.

e) Les budgets primitifs des départements pour 2003

Une première estimation de l'évolution des dépenses d'aide sociale décentralisées pour 2003 peut être donnée à travers l'analyse des budgets primitifs des départements menée par l'Assemblée des départements de France 27 ( * ) .

Les dépenses directes d'aide sociale représentent, en 2003, 52,5 % des dépenses de fonctionnement des départements. Elles s'élèvent à 15,3 milliards d'euros, contre 12,8 en 2002, soit une progression de 19,3 %. A titre de comparaison, ce taux de croissance était déjà de 11,9 % en 2002.

Trois principaux facteurs expliquent cette augmentation des dépenses directes d'aide sociale en 2003 :

- les dépenses en direction de la famille et de l'enfance augmentent de 5 %, pour s'établir à 4,56 milliards d'euros. Il convient de noter que ce poste n'est plus, désormais, le premier poste de l'aide sociale départementale : son poids a été réduit, en un an, de 34 à 29,7 % du total des dépenses d'aide sociale ;

- les dépenses consacrées au handicap progressent de 5,3 %, à hauteur de 3,32 milliards d'euros ;

- les dépenses en faveur des personnes âgées connaissent une hausse spectaculaire. Les dépenses liées à l'APA augmentent à elles seules de 96 % en un an, pour s'établir à 3,29 milliards d'euros contre 1,68 en 2002. Ces seules dépenses représentent 21,5 % du total des dépenses d'aide sociale, soit presque autant que l'effort envers les personnes handicapées. Au total, l'aide sociale en faveur des personnes âgées devient le premier poste de l'aide sociale départementale, avec 35 % du total.

Répartition des dépenses directes d'aide sociale en 2003

Source : ADF - CEDI

B. LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX : UN ENJEU DE TAILLE POUR LES FINANCES DÉPARTEMENTALES

1. Une évolution à nouveau dynamique de la masse salariale des établissements sociaux et médico-sociaux

L'augmentation du coût des prestations, soulignée depuis deux ans par l'ODAS, donne une acuité particulière à la question de la maîtrise des dépenses de personnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux, car celles-ci représentent les deux tiers de leurs dépenses de fonctionnement.

Les salariés de ces établissements, soit plus de 500.000 personnes, relèvent principalement de deux branches :

- la branche UNIFED qui regroupe 450.000 salariés, est régie par deux conventions collectives principales : la convention du 15 mars 1966 de la Fédération 28 ( * ) des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif et la convention du 31 octobre 1951 de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif (FEHAP) ;

- la branche « aide à domicile », qui compte 140.000 salariés et regroupe quatre conventions collectives.

Les conventions collectives applicables à l'ensemble de ces deux branches relèvent du régime de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles et sont donc soumises à agrément ministériel.

a) Après plusieurs années de modération forcée, les dépenses de personnel repartent à la hausse

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux s'était, dans un premier temps, traduite, comme dans un grand nombre d'entreprises, par des accords de modération salariale, comme en témoigne le tableau suivant.

Coûts des accords agréés en 2002 dans le secteur social et médico-social

(en millions d'euros)

Type de mesure

Coût total

Coût 2002

Revalorisation de la valeur du point

123,8

48,3

- dont branche UNIFED

123,8

48,3

- dont branche aide à domicile

0

0

Accords exceptionnels

29,1

21,3

- revalorisation des cadres (SOP)

7

7

- rénovation de la grille des cadres (CC 65)

0,6

0

- prime des infirmières (CC 65)

0,04

0,02

- indemnités kilométriques (branche aide à domicile)

21,5

14,3

Total

153,0

69,7

Source : Rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, DGAS, 3 juin 2003.

L'ensemble des accords agréés en 2002 représente un coût équivalent à une augmentation de 0,8 % de la masse salariale sur deux ans, dont 0,4 % en 2002.

Des accords collectifs aux conséquences financières importantes ont, en revanche, été signés et agréés en 2003 :

- l'accord relatif au travail de nuit du 17 avril 2002, d'abord refusé en raison de l'insuffisance du chiffrage fourni et de difficultés d'ordre juridique, a été agréé le 28 mai 2003 : il porte de huit à douze heures, par dérogation à l'article L. 213-3 du code du travail, la durée maximale quotidienne de travail de nuit et, en contrepartie, prévoit un repos équivalent à la durée de ce dépassement. Par ailleurs, il prévoit, pour les travailleurs de nuit définis comme tels ainsi que pour les salariés travaillant occasionnellement la nuit, des contreparties sous forme de repos. Son coût total pour 2003 et 2004 est évalué à 35,1 millions d'euros (15,8 millions pour 2003 et 19,3 millions pour 2004) ;

- la convention collective du 31 octobre 1951 a été totalement rénovée par un avenant du 25 mars 2002, agréé le 11 décembre 2002 : applicable en deux étapes, à compter du 1 er juillet 2003 puis du 1 er juillet 2004, elle refond l'ensemble du dispositif de classification des emplois et met en place un nouveau système de rémunération. Malgré un coût évalué à 103,12 millions d'euros, l'agrément a été rendu possible grâce à une diminution sensible, à terme, du GVT qui devrait conduire à de moindres charges pour les autorités de tutelle ;

- l'accord relatif aux emplois et aux rémunérations dans la branche « aide à domicile », signé le 29 mars 2002 et modifié le 4 décembre 2002 a été agréé le 24 janvier 2003 : il revalorise l'ensemble des carrières de ce secteur, en unifiant les grilles de rémunération des quatre conventions collectives de la branche et en définissant une valeur unique du point. Son coût, étalé sur quatre années (2003-2006) a été estimé pour l'ensemble de la période à 23,76 % de la masse salariale, soit 237 millions d'euros.

Au total, les engagements conventionnels pour la période 2003-2006 s'élèvent à 375,2 millions d'euros, soit 2,19 % de la masse salariale des deux branches, et ce avant même toute négociation sur la valeur du point.

Ces mesures salariales, qui devraient se traduire par une augmentation encore soutenue du coût des prestations en établissement, engagent donc les prochains budgets, qu'il s'agisse du budget de l'État ou de ceux de la sécurité sociale et des départements.

b) Des incertitudes demeurent sur l'application de certains accords

• Le refus d'agrément de l'accord du 14 mai 2002 sur les astreintes

Cet accord qui définit les conditions de recours aux astreintes et les contreparties correspondantes pour les salariés cadres et non-cadres a été refusé à l'agrément en raison de l'insuffisance de son chiffrage. En l'état actuel des évaluations, son coût serait de 66,8 millions d'euros, soit 0,41 % de la masse salariale, ce qui en tout état de cause n'est pas compatible avec les financements ouverts en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale, tant en 2003 qu'en 2004.

Il reste que l'UNIFED a déposé un recours gracieux contre ce refus d'agrément et que celui-ci pourrait, sous réserve d'un avenant prévoyant une modération salariale, être finalement agréé en cours d'année.

Votre rapporteur tient à souligner la fréquence des avis négatifs donnés par la commission nationale d'agrément, le plus souvent faute de pouvoir évaluer précisément l'impact financier des accords qui lui sont soumis. Il paraît nécessaire d'améliorer l'information des partenaires sociaux sur la marge de manoeuvre dont ils disposent dans la négociation collective, notamment en termes d'évolutions salariales.

C'est la raison pour laquelle la loi du 2 janvier 2002 avait fait obligation aux ministres en charge de la sécurité sociale et de l'action sociale d'établir, pour le 1 er mars de chaque année, un rapport annuel au Parlement qui dresse le bilan de l'activité de la commission d'agrément et fixe les perspectives pour l'année en cours.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit que ce rapport fixera désormais « les paramètres d'évolution de la masse salariale pour l'année en cours, liés notamment à la diversité des financeurs et aux modalités de prise en charge des personnes, qui sont opposables aux parties ».

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de ce qu'une meilleure visibilité soit donnée, tant aux partenaires sociaux qu'aux financeurs, et notamment aux départements, en matière d'évolution des dépenses salariales dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

• La fragilisation, au niveau communautaire, des régimes d'équivalence

Suite à l'échec des négociations au niveau de la branche et conformément aux dispositions de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, un décret du 31 décembre 2001 a établi un nouveau régime de rémunération des heures de veille qui prévoit que le temps de présence, lors des périodes de surveillance nocturne, sera décompté comme trois heures de travail effectif pour neuf heures.

Si dans un premier temps, la Cour de cassation, par un arrêt du 24 avril 2001, avait refusé d'appliquer ce nouveau régime aux contentieux formés avant le 1 er février 2000, date d'entrée en vigueur de la loi, un nouvel arrêt du 24 janvier 2003 est revenu sur cette interprétation, estimant que la validation à laquelle procédait la loi obéissait à d'impérieux motifs d'intérêt général.

Enfin, le 18 mars 2003, elle a confirmé que le nouveau régime était applicable, tant pour la période antérieure au 1 er février 2000 que pour la période comprise entre cette date et celle de l'entrée en vigueur du décret du 31 décembre 2001.

Or, un arrêt du 9 septembre 2003 de la Cour de justice des Communautés européennes 29 ( * ) pourrait remettre en cause l'équilibre fragile auquel était parvenu le législateur français, après trois ans d'incertitudes jurisprudentielles.

A l'occasion d'une question préjudicielle posée par une juridiction du travail allemande, la Cour a en effet estimé qu'un médecin de garde à l'hôpital, et donc contraint d'être physiquement présent dans un lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à disposition pour pouvoir immédiatement fournir ses services en cas de besoin, ne pouvait être considéré comme étant au repos, même lorsqu'il n'exerçait pas effectivement son activité professionnelle. Elle a donc conclu qu'une réglementation nationale, telle que le droit allemand, qui qualifie ledit service de garde de temps de repos, sauf pour la période pendant laquelle le travailleur a effectivement exercé ses tâches professionnelles, et qui ne prévoit une compensation que pour les périodes d'activité effective, est contraire au droit communautaire.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, le mécanisme d'équivalence retenu par le droit français permettrait, à l'inverse du droit allemand, de conserver le caractère de temps de travail effectif à l'ensemble des temps de présence du salarié en chambre de veille, mais qu'il s'agit alors d'un temps de travail effectif soumis à un mode de décompte particulier.

Il n'en demeure pas moins que le régime d'équivalence instauré par la loi du 19 janvier 2000 pourrait, une fois de plus, être fragilisé par un nouveau contentieux : plusieurs organisations syndicales françaises ont en effet introduit un recours contre le décret du 31 décembre 2001 devant la juridiction communautaire.

c) Les établissements subissent encore les avatars de la réduction du temps de travail

Si l'article 8 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a permis de mettre fin au contentieux concernant le maintien des rémunérations pendant la période transitoire d'entrée en vigueur des accords de réduction du temps de travail, les difficultés de financement liées aux 35 heures n'en sont pas pour autant terminées.

En témoigne la question de la suppression des aides forfaitaires au poste prévues par la loi Aubry II et de sa combinaison avec les aides instituées par la loi du 17 janvier 2003 précitée.

Dans un souci de simplification des dispositifs d'allégement de charges sociales, cette dernière a en effet substitué, à compter du 1 er juillet 2003, aux aides forfaitaires au poste et aux ristournes sur les bas salaires prévues par la loi du 19 janvier 2000, un nouveau régime unifié d'allégement des charges.

Cette modification du régime d'allégement des charges pourrait avoir des conséquences financières importantes pour les établissements médico-sociaux, dans la mesure où elle remet en cause l'équilibre financier qui a prévalu à l'établissement de leurs budgets : ainsi, le SNAPEI 30 ( * ) évalue le besoin supplémentaire de financement lié à l'extinction des aides Aubry II, à 261 millions d'euros en année pleine.

Les difficultés soulevées par ce changement du droit applicable illustrent bien la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les établissements médico-sociaux, soumis au droit du travail mais financés entièrement sur fonds publics. Votre rapporteur invite le Gouvernement à suivre avec vigilance ce dossier, afin d'éviter une nouvelle fragilisation d'un secteur qui demeure essentiel et qui assure, au plein sens du terme, un service public.

2. Une clarification attendue des conditions de financement des établissements

a) La campagne budgétaire 2004 se déroulera dans un cadre budgétaire et comptable rénové

Dans le cadre de la rénovation de l'action sociale et médico-sociale, la loi du 2 janvier 2002 avait posé un certain nombre de principes nouveaux en matière de financement des établissements, parmi lesquels il convient notamment de mentionner le principe d'une fixation contradictoire des budgets des établissements (article L. 314-7 du code de l'action sociale et des familles) ou encore celui d'un financement par dotation globale opposable (articles L. 314-3 à L. 314-5).

Jusqu'ici, seuls les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) disposaient du cadre réglementaire rénové nécessaire à un fonctionnement satisfaisant en dotation globale, le décret n° 2001-388 du 4 mai 2001 ayant fixé les critères d'opposabilité des enveloppes, tant pour l'État que pour l'assurance maladie.

Attendu depuis deux ans, le décret n° 2003-1010 du 22 octobre 2003 relatif à la gestion budgétaire, comptable et financière, et aux modalités de financement et de tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux refond l'ensemble de la réglementation jusque-là en vigueur dans un texte unique, abrogeant huit anciens décrets spécifiques.

L'objectif principal de ce décret est de renforcer la responsabilité des gestionnaires. A cet effet, il prévoit :

- un allégement des contrôles a priori : les budgets seront désormais approuvés en trois groupes fonctionnels de recettes et de dépenses et non plus compte par compte ;

- une procédure contradictoire pour l'approbation des budgets et la fixation des tarifs : celle-ci offre non seulement la possibilité aux autorités de tutelle de réduire les dépenses abusives et excessives, les dépenses manifestement hors de proportion et les dépenses incompatibles avec le montant des crédits des enveloppes régionales limitatives mais aussi aux établissements celle de justifier ces dépenses, notamment au regard de l'application des conventions collectives ou des dispositions du projet d'établissement ;

- une comparaison du coût des prestations entre établissements et services analogues : des indicateurs médico-économiques et socio-économiques élaborés par la DGAS en partenariat avec les représentants des associations gestionnaires d'établissement permettront d'améliorer l'allocation des ressources.

En contrepartie, les capacités de contrôle a posteriori des autorités de tarification sont améliorées : celles-ci pourront notamment demander aux établissements des études sur leurs conditions de gestion et diligenter des missions d'enquête en cas de difficultés de fonctionnement ou de gestion dans un établissement.

Votre rapporteur tient également à souligner la possibilité pour les établissements d'obtenir, par convention avec les autorités de tutelle, des perspectives budgétaires pluriannuelles. Cet assouplissement devrait notamment faciliter les programmes d'investissement des établissements, tout comme d'ailleurs, la possibilité ouverte par le décret d'affecter, avec l'accord de l'autorité administrative, les produits de trésorerie non pas à la réduction des tarifs mais à des opérations d'investissement.

b) Les incertitudes sur le financement de l'amendement Creton persistent

Votre rapporteur regrette que l'adoption du nouveau décret budgétaire et comptable n'ait pas été l'occasion d'une clarification des conditions de financement de l'accueil des jeunes adultes maintenus dans des établissements d'éducation spéciale au titre de l'amendement Creton.

Il convient de rappeler que les deux circulaires du 17 mai 1989 et du 27 janvier 1995 qui tentaient de préciser les compétences respectives des différents financeurs en la matière ont été successivement annulées par le Conseil d'État.

Celui-ci avait pourtant estimé, en 1993, que « les frais d'hébergement, d'une part, et les frais de soins, d'autre part, à l'exclusion de tous autres frais effectivement occasionnés par le maintien d'une personne handicapée dans un établissement d'éducation spéciale doivent être supportés par la ou les personnes morales qui auraient été normalement compétentes pour prendre en charge les frais de même nature entraînés par le placement de cette personne dans la catégorie d'établissements vers laquelle elle a été orientée par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel », confirmant ainsi la position du ministère sur le partage des frais selon la nature de la prestation. Dans un arrêt du 28 mai 2003, il a, par ailleurs, précisé que le dispositif législatif ne nécessitait pas de décret d'application pour entrer en vigueur.

Mais si la position de la juridiction administrative est désormais claire, elle reste en contradiction avec celle de la Cour de Cassation qui, en 1996, a jugé qu'il ne pouvait pas y avoir de partage des frais entre différents financeurs.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur estime qu' il aurait été raisonnable de donner une base juridique à ce partage dans le nouveau décret budgétaire. Or, si celui-ci fait référence aux jeunes adultes accueillis dans les établissements d'éducation spéciale, il ne fixe pas pour autant de règles particulières pour le financement de ce maintien. Il est à craindre que cette ambiguïté ne vienne relancer les contentieux sur le financement de l'amendement Creton.

L'imprécision de la rédaction du décret en la matière pourrait, en effet, conduire à mettre à la seule charge de l'assurance maladie, qui finance les établissements d'éducation spéciale, le maintien des jeunes bénéficiaires de l'amendement Creton. Votre rapporteur tient à faire part de son opposition à une telle interprétation car il estime qu'elle dédouanerait l'État et les départements, responsables de l'accueil des adultes, de leur obligation.

Quatorze ans après l'adoption de ce dispositif, il serait temps de parvenir à un système de financement équilibré.

*

* *

Au prix parfois de choix difficiles, le projet de budget pour 2004 relève au total un défi qu'on aurait pu croire impossible : garantir le financement effectif de chantiers prioritaires, malgré des ressources en dégradation sensible, du fait de la situation économique et budgétaire.

C'est la raison pour laquelle votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2004.

TRAVAUX DE COMMISSION

I. AUDITION DE M. FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITÉ, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004 (CRÉDITS DU TRAVAIL, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE LA SOLIDARITÉ)

Réunie le mercredi 12 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits du travail, de la formation professionnelle et de la solidarité).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a présenté les deux lignes de force du projet de budget de son ministère pour 2004 :

- d'une part, la rebudgétisation du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Elle permettrait de clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale et d'afficher, entre 2003 et 2004, un relèvement de plus d'1,2 milliard d'euros de l'effort global en faveur de l'emploi, sachant que, depuis 2003, les allégements de charges sociales représentaient plus de la moitié des dépenses ;

- d'autre part, la réorientation des aides à l'emploi marchand. La part des aides au secteur marchand et à la formation passerait de la moitié en 2002 aux deux tiers en 2004.

Puis il a attiré l'attention de la commission sur les deux dispositifs prioritaires de son projet de budget : les contrats-jeunes en entreprise et les contrats initiative-emploi. S'agissant des contrats-jeunes en entreprise, il a estimé à 90.000 les entrées en 2003, ce qui était conforme aux prévisions initiales. Annonçant sur la base de ces performances 110.000 contrats pour 2004, il a déclaré que le Gouvernement était en passe de réussir son pari en permettant à des jeunes, avec ou sans qualifications, d'accéder directement à des emplois en contrat à durée indéterminée. S'agissant des contrats initiative-emploi (CIE), il a annoncé la réalisation de 70.000 entrées en 2003, prévoyant, à la suite de la relance du dispositif lors de la table ronde du mois de mars dernier, 110.000 entrées pour 2004. Les prévisions ont pu, de ce fait, être revues à la hausse grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il a démontré, sur la base d'une étude récente de la DARES, que le dispositif rencontrait un vif succès. Ainsi, 40 % des anciens titulaires d'un CIE restaient dans l'entreprise où ils avaient effectué leur CIE et, lorsqu'ils n'avaient pu être maintenus dans l'entreprise, ils trouvaient généralement un emploi un mois seulement après le terme de leur contrat.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a ensuite annoncé la création de deux nouveaux dispositifs, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et le revenu minimum d'activité (RMA). Sur le premier point, après avoir déclaré que le CIVIS « associations », créé par décret du 13 juillet 2003, accueillerait 11.000 entrées d'ici la fin de l'année 2004 et 25.000 à terme, il a expliqué que le CIVIS avait été enrichi par deux nouveaux volets, « accompagnement vers l'emploi » et « création d'entreprise », proposés par l'Assemblée nationale, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2004. Il a ajouté que ces nouvelles mesures seraient gérées par les régions dès leur entrée en vigueur, à partir du 1 er janvier 2004. Sur le second point, estimant qu'il était préférable, chaque fois que cela était possible, de financer le retour à l'emploi plutôt que le maintien dans la dépendance, il a précisé que, dans le cadre du RMA, l'employeur embauchant un bénéficiaire du revenu minimum d'insertion (RMI) recevrait une aide à l'emploi d'un montant équivalent à celui du RMI.

Enfin, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a conclu que le Gouvernement s'efforçait de réhabiliter le travail, de favoriser l'emploi-marchand et de conduire des réformes structurelles, afin qu'au moment de la reprise économique, la France soit en situation de gagner la bataille de l'emploi.

S'exprimant sur le volet relatif à la solidarité du projet de loi de finances pour 2004, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a interrogé le ministre sur les nouvelles modalités de gestion du revenu minimum d'insertion, la situation financière des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et la réforme de la politique de solidarité envers les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées. D'une part, rappelant qu'à compter du 1 er janvier 2004, la gestion et le financement du RMI seraient confiés aux départements en contrepartie d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), il a souhaité savoir si et comment cette compensation serait ajustée aux dépenses constatées en 2003, compte tenu de la réforme annoncée de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et, de manière plus générale, comment serait compensée aux départements une modification des « termes de l'échange », par un coup de pouce à l'ASS ou une modification de l'assiette de la TIPP par exemple. D'autre part, relevant que le Gouvernement avait fait le choix, pour 2004, d'un assainissement de la situation budgétaire des CHRS, plutôt que la création de places supplémentaires, il a demandé si cet ajustement du niveau de financement des CHRS tenait compte des 13 millions d'euros d'avance ouverts pour faire face aux besoins de financement des établissements fin 2003 et si le programme de création de « maisons-relais » se poursuivrait en 2004. Enfin, s'agissant de la réforme, annoncée par le Premier ministre le 6 novembre dernier, de la politique de solidarité envers les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, il a souhaité connaître les mesures susceptibles d'être mises en place dès 2004 et selon quelles modalités de financement.

Jugeant normales et légitimes les inquiétudes des présidents de conseils généraux sur la décentralisation de la gestion du RMI, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a confirmé qu'en 2003 les dépenses des départements en faveur du RMI avaient atteint un niveau record. Du côté des recettes de compensation, il a fait valoir que les départements devraient être systématiquement consultés de manière à leur éviter de supporter des surcoûts importants. Ainsi, la revalorisation du RMI en 2003 était égale à l'inflation et il devrait en être de même en 2004. Quant à une éventuelle modification de l'assiette de la TIPP, il a affirmé n'en avoir pas eu connaissance, considérant qu'une telle réforme ne pouvait avoir lieu sans l'aval des départements.

Concernant la situation budgétaire des CHRS, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que les 13 millions d'euros ouverts par décret d'avances visaient, pour une part importante, à régler des contentieux et ne constituaient donc pas des dépenses reconductibles en 2004. Le projet de loi de finances pour l'année à venir prévoyait presque 9 millions d'euros pour les CHRS, permettant une remise à niveau très significative des dotations globales de fonctionnement afin de tenir compte des insuffisances dans la prise en compte de la masse salariale. Concernant les maisons-relais, il a établi que 850 places étaient ouvertes à la mi-octobre 2003 pour un objectif de 1.000 à la fin de l'année et de 5.000 à moyen terme, conformément au programme national de lutte contre l'exclusion.

Concernant la réforme de la politique de solidarité, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé qu'elle tirait les leçons de la canicule estivale et de la progression continue de l'espérance de vie. Il a alors expliqué que le plan annoncé par le Premier ministre permettrait, dès le 1 er janvier 2004, de :

- pérenniser l'APA, même si le financement du plan par la taxe de solidarité payée par les entreprises, en contrepartie de la suppression du jour férié, ne pourra s'appliquer qu'à partir du 1 er juillet 2004. Cette taxe permettrait de dégager un produit d'un million d'euros dans un premier temps, et de deux millions d'euros en année pleine ;

- renforcer le maintien à domicile par la création de 4.200 places de services de soins infirmiers à domicile et de solutions alternatives du domicile (pour une durée limitée) : 2.000 places d'accueil de jour et 1.000 places d'hébergement temporaire seraient créées en 2004 pour répondre aux demandes des familles ;

- accélérer la signature des conventions de médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ces conventions amélioreraient le taux d'encadrement en personnel soignant et renforceraient ainsi la qualité et la sécurité du séjour ;

- créer 2.500 places nouvelles en maison de retraite, après une période entre 1996 et 2002 où le taux d'équipement a baissé en valeur relative par rapport à la population de plus de 75 ans.

M. André Lardeux a fait part de ses préoccupations concernant l'entrée en vigueur de la décentralisation au 1 er janvier 2004 du RMI. Rappelant que les départements devaient adopter leur budget en décembre, il s'est demandé si les services de l'État seraient en mesure de transmettre aux départements, avant le 30 novembre prochain, le montant des sommes que l'État allait leur transférer en 2004 à ce titre.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a rappelé que le Gouvernement souhaitait voir la décentralisation du RMI applicable dès le 1 er janvier prochain et que la concertation menée avec les représentants des départements conclurait à la faisabilité d'un tel transfert de compétences pour la gestion de l'allocation. Il a indiqué que les départements seraient en mesure de connaître les crédits qui leur seront transférés d'ici au 30 novembre. Il a néanmoins observé que la mise en oeuvre du revenu minimum d'activité (RMA) au 1 er janvier serait sans doute plus difficile, compte tenu de la nécessaire réorganisation des dispositifs d'insertion et de la nécessité d'évaluer des transferts de personnels.

M. Jean Chérioux s'est félicité de l'augmentation du nombre de places en maisons-relais, observant que cette modalité d'accueil permettait aux familles de rester unies. Il a alors souhaité obtenir des précisions sur la durée maximum d'accueil et sur les conditions de maintien des familles dans le logement.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a rappelé que les crédits ouverts au titre des CHRS et des maisons-relais visaient avant tout à honorer les dettes passées de l'État et qu'il souhaitait à l'avenir assurer un versement plus régulier des concours financiers de l'État. S'agissant de la durée d'accueil en maison-relais, il a indiqué que les familles n'avaient pas vocation à y rester indéfiniment puisqu'il s'agissait de les inscrire dans un processus d'accès au logement, mais qu'il n'était pas non plus prévu de durée maximale d'accueil, cette durée devant être adaptée à chaque cas.

Après avoir approuvé la réorientation de la politique de l'emploi engagée par le Gouvernement, M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur la possibilité, pour les associations d'alphabétisation, de conclure un CIVIS avec une aide de l'État équivalente à 66 % du SMIC. Estimant que le transfert de la gestion du RMI aux départements au 1 er janvier prochain suscitera des difficultés, il a souhaité que le Gouvernement adresse, d'ores et déjà, un signal fort aux collectivités territoriales, en annonçant que la compensation financière du transfert de charge intégrerait, dès 2004, le surcoût entraîné par l'augmentation du nombre d'allocataires du fait de la réforme de l'ASS et il s'est interrogé sur les conséquences de la suppression des commissions locales d'insertion (CLI).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a confirmé que l'alphabétisation entrait dans le champ des missions d'utilité sociale pour lesquelles l'aide financière de l'État au CIVIS était la plus élevée. Il a indiqué que le projet de loi portant décentralisation du RMI ne prévoyait pas la suppression des CLI, mais laissait aux départements le soin d'organiser leur activité. Il a déclaré prendre acte de la suggestion de M. Jean-Pierre Fourcade s'agissant de la compensation financière et s'est engagé à la transmettre au ministre des finances.

II. AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS MATTEI, MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004 (CRÉDITS DE LA SANTÉ ET DE LA SOLIDARITÉ)

Réunie le jeudi 13 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , puis de M. Jean-Louis Lorrain, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , et de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits de la santé et de la solidarité).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a tout d'abord indiqué que ce budget était en progression de 1,4 % à périmètre constant (soit 9,6 milliards d'euros, y compris les crédits de gestion des politiques sanitaires et sociales cogérés avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité).

Il a précisé que, hors minima sociaux, les dépenses progresseront de 0,9 % et que cet effort était destiné à financer plus particulièrement les domaines de la santé publique, le plan de lutte contre le cancer, la mise à niveau des subventions aux agences sanitaires, le développement de l'aide aux familles ainsi que la poursuite de l'effort en faveur des personnes handicapées.

Abordant la politique de la famille, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a rappelé les objectifs ambitieux fixés par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier, consacrée à la petite enfance.

Il a indiqué que la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) s'accompagnait de la nécessité de développer l'offre de garde. Outre le lancement, au 1 er janvier 2004, du « plan crèches » de 200 millions d'euros permettant de créer 20.000 places supplémentaires, des dispositions vont permettre d'ouvrir le secteur de la petite enfance à d'autres acteurs, issus notamment du secteur privé, et de mettre en oeuvre un vrai statut pour les assistantes maternelles. Enfin, le « crédit d'impôt familles » donnera possibilité aux entreprises qui le souhaitent de participer financièrement à de nouvelles actions en faveur des familles.

En conclusion, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a déclaré que le budget du ministère de la santé était positif et qu'il permettait une meilleure prise en compte des besoins de nos concitoyens.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées , a déclaré qu'il s'agissait, pour les personnes handicapées, d'un budget de consolidation et de transition, à la veille de la réforme de la loi d'orientation du 31 décembre 1975 en faveur des personnes handicapées et au moment où la prise en charge de la dépendance sera bientôt débattue. Elle a souligné que la progression de ce budget, par rapport à 2003, témoignait de la volonté du Gouvernement de poursuivre son effort en direction des personnes handicapées. Elle a également annoncé qu'elle présenterait les orientations du projet de loi portant réforme de la loi du 31 décembre 1975 en Conseil des ministres le mois prochain, afin que le Sénat puisse en débattre au début de l'année 2004.

Elle a rappelé que ce budget ne représentait qu'une partie de l'ensemble des moyens financiers consacrés, par la collectivité, à l'intégration des personnes handicapées. Les crédits du secrétariat d'État aux personnes handicapées s'élèvent à 6,171 milliards en 2004, soit un montant sensiblement équivalent à celui des crédits consacrés par l'assurance maladie aux établissements et services accueillant des enfants et des adultes handicapés.

S'agissant du soutien à domicile, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées , a noté que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) bénéficiera de 4,661 milliards d'euros de crédits et que le nombre de bénéficiaires a augmenté de 2,8 % en 2002, pour atteindre 753.000 personnes. Elle a expliqué que cette forte croissance s'expliquait par l'évolution de la catégorie des personnes ayant un taux d'incapacité entre 50 et 80 %, auxquelles on octroie l'AAH car elles n'ont pas d'emploi. Elle a considéré que cette situation était préoccupante et qu'il convenait de sensibiliser les COTOREP et le service public de l'emploi sur ce cas particulier.

Elle a rappelé que l'aide de l'État au développement des services d'auxiliaires de vie prenait la forme de forfaits alloués à des associations gestionnaires, ce qui permettait d'atténuer le prix de revient horaire du service rendu. Elle a jugé que ce dispositif avait vocation à être remanié dans le cadre de la réforme à venir de la loi de 1975 et de la mise en oeuvre de la compensation du handicap. Elle a indiqué que le recentrage, amorcé en 2003 au profit des personnes très lourdement handicapées, sera poursuivi et que le plan pluriannuel, qui avait pour objectif 5.000 forfaits fin 2003, sera dépassé avec près de 5.500 réalisations. Elle a déclaré que l'État avait tenu ses engagements et que la décentralisation de cette compétence pouvait être envisagée.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées , a indiqué qu'en raison de l'intégration progressive au sein de l'Éducation nationale des auxiliaires de vie scolaire, les crédits du ministère jusqu'alors utilisés pour financer des compléments de postes d'emploi-jeunes seront réorientés en 2004 en faveur d'actions d'accompagnement des étudiants handicapés.

Elle a précisé, par ailleurs, que tous les sites de la vie autonome bénéficieront en 2004 du financement du fonds participant à la prise en charge des aides techniques. Elle a noté que le déploiement progressif de ces sites sera achevé en 2004, grâce à une mesure nouvelle de 3,8 millions d'euros et que la dotation de l'État atteindra au total 27,8 millions d'euros. Elle a observé que des assises nationales des sites de la vie autonome prévues au premier trimestre 2004, permettront de tirer les enseignements de ce dispositif et de préparer leur évolution en maisons départementales du handicap.

S'agissant des centres d'aide par le travail (CAT), elle a affirmé que son objectif consistait à combler le retard accumulé par notre pays. Elle a considéré que même s'il paraissait difficile de définir avec certitude l'ampleur des besoins réels, dans la mesure où certaines inscriptions sur des listes d'attente présentaient un caractère de précaution, le chiffre de 15.000 places manquantes était régulièrement avancé. Elle a relevé que les crédits consacrés aux CAT seront fixés à 1,125 milliard d'euros en 2004, contre 1,096 en 2003, pour permettre la création de 3.000 nouvelles places.

Elle a également indiqué que les frais de fonctionnement des cinq instituts accueillant des jeunes sourds et de celui consacré aux jeunes aveugles s'élèveront à 12,1 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 2,8 millions d'euros de subvention d'investissement pour l'entretien de leurs locaux.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées , a considéré qu'après ce budget, la réforme de la loi de 1975 permettra de franchir une nouvelle étape dans la politique en faveur des personnes handicapées. Elle a estimé que cette réforme reposera sur trois aspects principaux : la mise en oeuvre du droit à compensation, qui permettra de séparer la prestation de compensation et le revenu d'existence, l'accès des personnes handicapées à tous les domaines de la vie sociale et professionnelle et la participation des personnes handicapées ou de leurs associations aux décisions les concernant.

Elle a, en outre, estimé que la réforme « dépendance et solidarité » annoncée par le Gouvernement la semaine dernière donnait à la politique en faveur des personnes handicapées la perspective d'un financement sécurisé et durable de 850 millions d'euros par an, et une organisation moderne et originale, associant la sécurité sociale et les collectivités locales dans une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits de la solidarité , a relevé que le projet de loi de finances pour 2004 prévoyait une augmentation des crédits relatifs à l'AAH limitée à 1,9 % et s'est interrogé sur la faiblesse de cette progression.

Il a demandé à Mme Marie-Thérèse Boisseau quels étaient les éléments qui lui permettaient d'escompter un ralentissement de la progression du nombre de bénéficiaires et si l'on ne risquait pas un nouveau dérapage des dépenses de l'AAH en 2004.

Il a ensuite rappelé que le Premier ministre avait annoncé, le 6 novembre dernier, un programme de quatre ans visant à réformer la politique de solidarité en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Il s'est interrogé, à ce titre, sur la nature des mesures susceptibles d'être mises en place dès 2004, sur les modalités de leur financement et sur l'articulation de ce plan avec le futur projet de loi relatif à l'égalité des chances pour les personnes handicapées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées , a indiqué que la croissance moyenne du nombre des bénéficiaires de l'AAH avait été de 6 % par an entre 1995 et 2002, mais que le Gouvernement entendait l'an prochain mettre en oeuvre un renforcement de l'évaluation et des contrôles. Elle a affirmé que cette orientation sera maintenue en 2004, et avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en 2005.

S'agissant des dispositions du plan « dépendance et solidarité », M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a estimé qu'il n'y aura pas de rupture dans l'action en faveur des personnes handicapées. Il a rappelé que l'effort tendant à créer des postes d'auxiliaire de vie était indispensable, mais difficile à mener à bien car ces emplois demandaient déjà à être pourvus par des personnes réellement compétentes. La formation de 15.000 personnes en quatre ans était réalisable, à condition de commencer rapidement.

Il a précisé qu'un milliard d'euros de financements nouveaux seront disponibles dès l'année prochaine, ce qui permettra de consolider l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à hauteur de 400 millions d'euros. Il a observé qu'à partir de l'année 2005, plus de 2 milliards d'euros seront mis en oeuvre en année pleine, au bénéfice des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes.

Il a insisté sur les délais nécessaires pour créer les 10.000 nouvelles places annoncées en maison de retraite, dans la mesure où il faut disposer, en plus des crédits budgétaires, des terrains disponibles et des autorisations pour les projets architecturaux. Il a observé que la réalisation du programme du Gouvernement supposait aussi qu'existent des acteurs locaux qui fassent preuve d'esprit d'initiative.

Il a souligné que le plan « dépendance et solidarité » représentait un effort budgétaire de 9 milliards d'euros mobilisés sur une période de quatre ans et demi, soit l'équivalent du budget du ministère pour l'année 2004.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a mis en avant le caractère nouveau de ces financements qui viennent s'ajouter aux dispositions figurant déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Chérioux a indiqué qu'il fallait aussi parfois, s'agissant des personnes handicapées, faire face à l'égoïsme d'une partie de la population.

III. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 26 novembre 2003 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits consacrés à la solidarité ).

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

M. Michel Esneu a déploré la faiblesse des crédits consacrés à la prévention par rapport à ceux alloués aux actions curatives, alors même que l'alcool et le tabac constituaient deux fléaux pour la jeunesse et devaient, à ce titre, faire l'objet d'une information préventive, notamment à l'occasion de la visite médicale scolaire.

M. Alain Vasselle s'est inquiété de l'absence de définition claire des périmètres d'action respectifs de l'État et de l'assurance maladie, en particulier dans les domaines de la prévention et, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, en matière de lutte contre la toxicomanie et d'interruption volontaire de grossesse. Il a déploré le caractère mouvant de ces périmètres, au gré des nécessités de la loi de finances, qui ne permettait pas une visibilité satisfaisante des actions menées en matière de santé publique et s'est interrogé sur la réflexion que le Sénat pourrait conduire sur cette question, en amont des conclusions du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Il a ensuite demandé à M. Gilbert Barbier si les bourses en faveur des étudiants des formations paramédicales seraient prises en charge par les régions, dans le cadre de la décentralisation, et si la formation médicale continue ne tendait pas progressivement à être financée par l'assurance maladie.

Concernant la question des transferts de compétences, il a enfin souligné que tout transfert de charges devait être compensé par un transfert équivalent de ressources et que ce principe devait constituer un pilier essentiel de la future réforme de l'assurance maladie.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur la définition de la « mortalité évitable », pour savoir si cette notion intégrait les décès liés à la canicule, ce qui aurait pour conséquence d'étudier l'organisation des institutions d'accueil des personnes âgées.

M. Serge Franchis a estimé que les fumeurs qui souhaitaient arrêter leur consommation de tabac, notamment en raison de l'augmentation des prix, devaient être aidés à le faire, ce qui pourrait justifier le remboursement des produits de substitution.

M. Guy Fischer a rappelé que si 59 millions d'euros étaient bien destinés, dans le présent projet de budget, au plan de lutte contre le cancer, l'assurance maladie y contribuait, pour sa part, à hauteur de 100 millions d'euros. Il a estimé que les transferts à l'assurance maladie constituaient une charge trop importante, compte tenu de ses difficultés financières actuelles.

Il a enfin déploré que le transfert de la médecine scolaire aux départements, dont le Gouvernement avait abandonné l'idée au printemps dernier, soit finalement opéré par la voie d'un amendement au projet de loi relatif aux responsabilités locales.

M. Bernard Cazeau a abondé dans le sens des critiques portées aux transferts incessants de charges entre l'État et l'assurance maladie.

Concernant la prévention, il a déploré la faible participation financière de l'État à ces campagnes, alors que la prévention permettait des économies importantes, en dépistant en amont des cancers aux traitements coûteux, et qu'elle évitait aussi des drames humains.

M. Nicolas About, président, a estimé, à cet égard, qu'il fallait rester prudent sur la question de la prévention. En effet, la prévention atteint sa limite lorsque, intervenant à un stade trop précoce, elle peut conduire à des interventions qui n'auraient pas été justifiées par l'évolution réelle de la maladie. Il a ainsi rappelé que, dans 50 % des cas, des cancers du sein étaient opérés sans justification médicale, correspondant ainsi à des « faux positifs » du dépistage.

Rappelant que le système de santé français produisait d'excellents résultats, bien qu'il consacre peu de moyens à la prévention, il a souhaité que celle-ci ne soit pas érigée en nouveau dogme de la santé publique. Sans méconnaître l'utilité de la prévention, il a estimé que les différentes actions menées dans ce domaine devaient impérativement faire l'objet d'une évaluation, en termes de résultats médicaux et de définition des groupes de patients à risque.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a affirmé qu'il ne devait pas y avoir de confusion entre la prévention, qui s'appliquait à des sujets sains et constituait une action de santé publique, par exemple en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, et le dépistage précoce, qui était un acte médical à l'égard de sujets potentiellement malades, et relevait donc de l'assurance maladie. Il a considéré que le projet de loi relatif à la santé publique et la future réforme de l'assurance maladie pourraient fixer plus clairement la limite entre les deux notions et qu'il convenait impérativement de préciser aussi les périmètres d'actions respectifs de l'État et de l'assurance maladie.

Il a ensuite indiqué que la notion de « mortalité évitable » pouvait s'appliquer aussi aux décès liés aux accidents de la route et à la consommation de drogues licites ou illicites, mais qu'elle ne concernait pas ceux consécutifs à la canicule.

Il a confirmé que les bourses d'étudiants en formations paramédicales seraient bien transférées à la charge des régions et a précisé que M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, avait souhaité qu'une réflexion soit engagée sur l'opportunité du remboursement éventuel des substituts nicotiniques aux jeunes souhaitant cesser de fumer. Concernant le plan cancer, il a enfin indiqué que la part financée par l'État devrait normalement passer de 20 à 40 % à compter de 2006.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la santé dans le projet de loi de finances pour 2004 .

Au cours de sa réunion du 26 novembre 2003, la commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la solidarité pour 2004.

Elle a émis un avis favorable à l'article 76 (nouveau) rattaché à ces crédits.

* 1 Ces crédits regroupent les agrégats « Développement social » (23), « Intégration et lutte contre les exclusions » (24), « Famille et personnes handicapées » (25) et « Gestion des politiques de santé et de solidarité » (31).

* 2 Rapport n° 304 (2002-2003) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un revenu minimum d'activité.

* 3 Note d'orientation de la loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées, avril 2003.

* 4 Selon l'IGAS, près de la moitié des dossiers d'AME des années 2000 et 2001, soit 235 millions d'euros de prestations, a ainsi été reportée sur l'année 2002.

* 5 Décret n° 2003-973 du 13 octobre 2003 portant ouverture de crédits à titre d'avance.

* 6 Décret n° 2003-1010 du 22 octobre 2003 relatif à la gestion budgétaire, comptable et financière, et aux modalités de financement et de tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, et des établissements mentionnés au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique.

* 7 Circulaire n° 2002-595 du 10 décembre 2002.

* 8 Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Jura, Nord, Bas-Rhin, Rhône, Sarthe, Vienne, Hauts-de-Seine, Val d'Oise.

* 9 Il convient de rappeler, à cet égard, que le projet de loi relatif aux responsabilités locales donne à tous les diplômes du travail social le caractère de diplômes d'État.

* 10 Décret n° 2002-1342 du 12 novembre 2002 relatif aux aides financières de l'État pouvant être attribuées aux étudiants inscrits dans les établissements de formation mentionnés à l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 11 Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

* 12 Cour des Comptes, rapport au Président de la République, 17 juin 2003 « La vie avec un handicap ».

* 13 Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

* 14 Audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits de la santé et de la solidarité), le 13 novembre 2003.

* 15 Au 1 er janvier 2003, ce montant variait de 40 % (372,02 euros par mois) à 100 % (892,84 euros par mois) de la majoration pour tierce personne servie par la sécurité sociale.

* 16 Proposition de loi n° 287 (2002-2003) de MM. Nicolas About et Paul Blanc rénovant la politique de compensation du handicap.

* 17 Cour des Comptes, rapport au Président de la République, 17 juin 2003, « La vie avec un handicap ».

* 18 Le calcul du quota d'emploi fait référence non pas au nombre d'individus employés mais aux « unités bénéficiaires ». Cette unité de calcul intègre divers éléments tels que la lourdeur du handicap, l'âge, le parcours professionnel ou encore la durée de travail. Ainsi, un travailleur handicapé est-il comptabilisé pour un chiffre compris entre 1 et 5,5 unités bénéficiaires.

* 19 Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

* 20 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 21 Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, note d'orientation sur le projet de loi relatif à l'égalité des chances des personnes handicapées, avril 2003.

* 22 Rapport d'information n° 369 (2001-2002) de la commission des Affaires sociales « Compensation du handicap : le temps de la solidarité ».

* 23 Dossier de presse sur le plan « Vieillissement et solidarité », services du Premier ministre.

* 24 Dernière année connue.

* 25 Commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées accueillies en établissements ou services sociaux ou médico-sociaux, rapport n° 339 (2002-2003) de M. Jean-Marc Juilhard.

* 26 La lettre de l'ODAS, mai 2003 : « Evolution de la dépense nette d'aide sociale en 2002 : une progression sans précédent ».

* 27 ADF - CEDI «Budgets primitifs et fiscalité des départements 2003 - analyse nationale », septembre 2003.

* 28 La fédération rassemble : le syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP), le syndicat national des associations pour la sauvegarde de l'enfant et de l'adulte (SNASEA) et le syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (SNAPEI).

* 29 Cour de justice des Communautés européennes, « Landeshauptstadt Kiel contre Norbert Jeager », 9 septembre 2003.

* 30 Syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales

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