N° 353

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la Charte de l'environnement ,

Par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, M. Francis Grignon, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard Claudel, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ.) : 992 , 1595 , 1593 et T.A. 353

Sénat : 329 et 352 (2003-2004)

Environnement.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

EXAMEN DES ARTICLES 11

• Article 1 er - Modification du Préambule de la Constitution 11

• Article 2 - Définition de la Charte de l'environnement 14

I. LES CONSIDÉRANTS 15

II. LES ARTICLES DE LA CHARTE 20

• Article 1 er de la Charte de l'environnement - Droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé 20

• Article 2 de la Charte de l'environnement - Participation à la préservation et à l'amélioration de l'environnement 22

• Article 3 de la Charte de l'environnement - Devoir de prévention et de limitation des atteintes à l'environnement 23

• Article 4 de la Charte de l'environnement - Réparation des dommages causés à l'environnement 25

• Article 5 de la Charte de l'environnement- Principe de précaution 28

• Article 6 de la Charte de l'environnement - Promotion du développement durable 37

• Article 7 de la Charte de l'environnement - Droits d'accès aux informations relatives à l'environnement et participation à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement 39

• Article 8 de la Charte de l'environnement - Education et formation à l'environnement 43

• Article 9 de la Charte de l'environnement - Rôle de la recherche et de l'innovation en matière de préservation et de mise en valeur de l'environnement 43

• Article 10 de la Charte de l'environnement - Action européenne et internationale de la France 45

• Article additionnel après l'article 3 - (article 34 de la Constitution) Extension du champ de compétences du domaine de la loi 46

ANNEXE I - AUDITION EN COMMISSION DE M. ERNEST-ANTOINE SEILLIÈRE, PRÉSIDENT DU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF) ET DE M. JEAN-PIERRE RODIER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION « ENVIRONNEMENT » DU MEDEF (9 JUIN 2004) 49

ANNEXE II - EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS EN COMMISSION 55

ANNEXE III - LISTES DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS DES COMMISSIONS DES LOIS ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES 65

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Pour la première fois dans l'histoire du Sénat de la V ème République, une commission permanente demande à se saisir pour avis d'un projet de loi constitutionnelle qui relève, au fond, de la compétence de la commission des Lois. La raison en est que le thème abordé par cette révision constitutionnelle dépasse largement le cadre même de l'organisation des pouvoirs publics pour, à travers la réforme du Préambule de la Constitution, donner valeur constitutionnelle à « des principes fondamentaux relatifs au droit à un environnement protégé et au développement durable ».

La prise en compte de l'environnement, et sa nécessaire articulation avec le développement économique, relève à l'évidence de la compétence de votre commission des Affaires économiques, ce qui justifie sa saisine.

Il convient de rappeler qu'il s'agit, à travers cette révision constitutionnelle, de transcrire au plus haut niveau de nos normes juridiques, l'initiative du Président de la République, annoncée lors de son discours à Orléans, le 3 mai 2001, et à Avranches, le 18 mars 2002.

Ayant explicité les enjeux planétaires d'une prise de conscience et d'une mobilisation de tous pour une meilleure prise en compte de l'environnement, il a proposé aux Français une Charte adossée à la Constitution. Elle fonde une nouvelle relation entre l'homme, la nature et l'économie pour permettre de conjuguer développement économique et respect d'un équilibre harmonieux.

« L'heure n'est plus à la prise de conscience. L'heure est à l'action. Tout est une question de volonté, placée au service d'une philosophie pour l'homme : l'écologie humaniste. Une écologie qui reconnaît la place centrale de l'homme sur la planète, et l'étendue de ses responsabilités. Une écologie concrète qui cherche à améliorer notre quotidien, tout en préservant les grands équilibres planétaires. Une écologie ouverte, qui inspire des règles rigoureuses, lorsque c'est nécessaire, dans le respect des libertés individuelles. Il s'agit d'inventer un nouveau mode de développement, un nouvel art de vivre où la qualité l'emporte sur la quantité, où l'environnement, l'économie et le social sont placés sur un pied d'égalité. Il s'agit de conduire le développement durable et de lui donner un contenu concret : c'est la mission historique de nos générations en ce début du XXI e siècle que de protéger l'environnement, bien commun de l'humanité ».

Source : Discours du Président de la République. Avranches. 18 mars 2002 .

Le choix s'est donc porté sur une Charte de l'environnement, auquel va se référer le préambule de la Constitution, de la même manière qu'à la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946.

Le parallélisme intentionnel des intitulés, traduit de façon symbolique la troisième étape ainsi franchie dans la construction de l'édifice constitutionnel français, à savoir la reconnaissance d'une écologie humaniste, qui consacre un droit de l'homme à l'environnement mais le place aussi face à ses responsabilités et à ses devoirs s'agissant de sa préservation.

Le caractère novateur de la procédure d'élaboration de ce projet de révision constitutionnelle mérite d'être souligné car il s'appuie sur une démarche participative originale, en raison des enjeux de société induits par le texte. Il en est résulté une intense mobilisation de toutes les composantes de la société à travers plusieurs structures et un processus ainsi identifiés :

- la composition de la commission Coppens, installée en juin 2002 et chargée de faire des propositions au Président de la République, reflétait la diversité des secteurs concernés par la problématique de l'environnement. Composée d'élus, d'experts juridiques et scientifiques, de représentants des partenaires sociaux, des associations et des entreprises, on peut considérer qu'elle a permis à toutes les sensibilités de s'y exprimer. Ayant pour mission d'éclairer les enjeux notamment juridiques, environnementaux, sociaux de la Charte de l'environnement, elle s'est entourée d'un comité juridique, d'un comité scientifique, ainsi que d'un groupe éthique et d'un groupe de consultation ;

- ses réflexions se sont également enrichies des contributions recueillies lors des consultations, nationale et locale, conduites auprès de la société civile et des citoyens qui ont fait ressortir la très large adhésion de ceux-ci au projet.

L'organisation d'un débat participatif

- L'organisation de la consultation nationale a été fixée par le Conseil des ministres, et elle a été organisée pour entendre le plus grand nombre de citoyens.

- Un questionnaire centré sur les attentes concernant la future Charte a été adressé au niveau national à 700 élus et personnalités politiques, associations, organisations professionnelles et syndicales, experts et autorités administratives de niveau national. 356 contributions en réponse ont été reçues, dépouillées et synthétisées. Le même questionnaire mis en ligne a été rempli par près de 1 500 internautes. Il a été également largement diffusé par l'intermédiaire des préfectures à 55 000 acteurs régionaux, dont 11 000 ont répondu ; une synthèse de ces réponses a également été faite lors des assises territoriales. Un sondage réalisé mi-janvier 2003 sur les attentes des Français en matière d'environnement et de cadre de vie a complété le recueil des opinions.

- Il a également été décidé d'organiser un débat contradictoire sur les enjeux de la Charte à travers quatorze assises territoriales organisées par le ministère de l'Ecologie et du développement durable et préparées tant par des réunions restreintes en ateliers que par une documentation fournie aux participants. La première assise a été ouverte à Nantes le 29 janvier 2003 par le chef de l'Etat, tandis que le Premier ministre a clos la dernière tenue en métropole le 25 février 2003 à Cergy-Pontoise. Quatre assises se sont également déroulées dans chaque département d'outre-mer. Au total, environ 8 000 participants ont pu s'exprimer au cours de ces assises, confrontant ainsi les points de vue, les principes envisageables, leur pertinence et leurs limites.

- Enfin, un colloque national a réuni, en mars 2003, plus de 400 experts pour débattre des principales options de la commission Coppens, notamment sur l'opportunité d'élever au niveau constitutionnel le principe de précaution.

La consultation nationale a mis en avant certaines orientations claires :

le souhait d'un acte politique fort pour une meilleure protection de l'environnement et son inscription dans la Constitution ;

l'importance des devoirs de chacun pour protéger l'environnement et réparer les atteintes qui y sont portées ;

l'importance des modes d'actions incitatifs dans les politiques d'environnement, qui doivent avoir pour objet de prévenir et réduire ce qui est dangereux ou nuisible pour la santé et de préserver la biodiversité et la qualité du patrimoine naturel ;

la nécessité de redéfinir les principes placés en tête du code de l'environnement afin de les rendre plus compréhensibles et d'éviter les effets de blocages qu'ils pourraient avoir, particulièrement s'agissant du principe de précaution ;

la nécessité de solidarité entre les hommes et entre les territoires dans une perspective de développement durable ;

l'importance de l'éducation, de la participation, de la recherche et de l'évaluation des politiques publiques conduites en matière d'environnement ou l'affectant.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire du ministère de l'Ecologie et du développement durable pour 2004.

La commission Coppens a tenu sa réunion de conclusion en mars 2003, pour adopter à l'unanimité un texte élaborant une Charte de l'environnement. Mais compte tenu des objections de certains membres représentatifs de la sensibilité « environnementaliste » absents lors du vote, la commission s'est réunie une nouvelle fois, pour adopter par consensus, un texte de douze articles, dont deux, relatifs au principe pollueur-payeur et au principe de précaution, comportaient deux variantes.

Ce texte, remis au Gouvernement et revu dans sa formulation pour être plus concis a été adopté en Conseil des ministres le 25 juin 2003.

L'originalité de ce projet de loi constitutionnelle réside également dans son contenu.

- Le choix a été fait d'insérer dans le Préambule, une affirmation de principe se référant à la Charte de l'environnement et à adosser à la Constitution, une loi constitutionnelle séparée, contenant la Charte. Ceci signifie, comme le souligne M. Bertrand Mathieu, « que la protection de l'environnement est une dimension nouvelle et autonome de la protection des droits fondamentaux . La protection de l'environnement est mise à la même place que les droits de l'homme et la souveraineté nationale » 1 ( * ) .

- Il convient également de souligner que la démarche choisie pour intégrer la protection de l'environnement dans la Constitution est très novatrice au regard de ce qui a été fait, à ce sujet, dans la plupart des constitutions européennes.

Dans un grand nombre des Etats européens, la protection de l'environnement est considérée comme un objectif constitutionnel, mis en oeuvre par la loi.

Certains textes sont plus étoffés, comme la Constitution grecque qui prévoit des dispositions spécifiques à la protection de la forêt et à l'urbanisation en rapport avec la protection de l'environnement.

Parmi les Constitutions qui contiennent des dispositions d'une importance équivalente à celle du projet de Charte français, on peut signaler celle de la Suisse qui associe la protection de l'environnement à celle de l'être humain. Sont reconnus en tant qu'objectif constitutionnel le développement durable, le principe de prévention et de réparation renvoyant implicitement au principe pollueur-payeur. On peut enfin indiquer que l'Italie, dont la Constitution mentionne déjà la protection de l'environnement, a engagé une procédure de révision constitutionnelle, dans laquelle plusieurs dispositions relatives à la protection des écosystèmes, la reconnaissance de droits subjectifs de l'individu en matière d'environnement, voire la reconnaissance de la protection de l'animal en tant que sujet de droit, sont en cours d'examen.

En définitive et de manière très novatrice en droit constitutionnel français, cette Charte intègre dans le champ des droits fondamentaux des éléments tout à fait nouveaux comme les générations futures, l'écosystème ou la biodiversité.

Mais il faut rappeler que le droit européen, à l'instar du droit international, a déjà largement pris en compte la protection de l'environnement, à travers la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui se réfère à la protection de l'environnement dans le cadre des objectifs du développement durable, ou encore l'article 174 du traité européen qui stipule que la politique communautaire se fonde sur le principe de précaution et le principe de prévention.

Comme le suggère M. Bertrand Mathieu, « c'est ainsi à une réception du droit international et du droit communautaire qu'est invité à se livrer le constituant français » 2 ( * ) . C'est aussi donner valeur constitutionnelle à des grands principes qui ont été définis en droit national, pour l'essentiel, par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Au-delà de la valeur symbolique forte et du geste politique témoignant de l'intérêt porté à la préservation de l'environnement dans une démarche de développement durable, l'impact de la Charte de l'environnement s'imposera au législateur, sous le contrôle éventuel du Conseil Constitutionnel, dans toutes les lois susceptibles d'affecter l'environnement, à l'administration, tant nationale que locale et régionale mais aussi aux différents ordres judiciaires.

*

* *

* 1 M. Bertrand Mathieu - Les conséquences juridiques de l'intégration de la Charte de l'environnement au niveau constitutionnel. Etude pour la commission des Affaires économiques du Sénat (mai 2004), p. 68.

* 2 M. Bertrand Mathieu - Les conséquences juridiques de l'intégration de la Charte de l'environnement au niveau constitutionnel. Etude pour la commission des Affaires économiques du Sénat (mai 2004), p. 67.

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