b) Une dérive avant tout structurelle des dépenses d'assurance maladie

Aujourd'hui, c'est la dérive structurelle des dépenses d'assurance maladie qui est en cause . Au terme d'une accélération continue depuis 2000, ces dépenses ont, en outre, connu en 2002 et 2003 des augmentations particulièrement fortes où se sont d'ailleurs conjuguées les incidences simultanées de plusieurs facteurs : une croissance rapide de la consommation de soins, l'augmentation régulière du taux moyen de remboursement et la mise en oeuvre de mesures dont le coût financier a été très élevé (revalorisations tarifaires des professionnels de santé, réduction du temps de travail dans les établissements publics de santé notamment et plans de développement dans le secteur médico-social).

Il faut noter qu'en quatre ans, de 1999 à 2003, les dépenses d'assurance maladie auront augmenté de 26 % alors que sur la même période la progression du PIB s'est élevée à + 15,5 % seulement .

(1) Les chiffres de l'ONDAM depuis 2000 attestent d'une dérive affectant tous les postes de dépenses

D'abord concentrée sur les médicaments et les dispositifs médicaux, la dérive des dépenses s'est étendue aux honoraires et aux établissements entre 2001 et 2003. Dès lors, les dépenses qui augmentaient rapidement depuis 1997, notamment les médicaments, ont continué à progresser rapidement, tandis que celles qui évoluaient plus modérément, notamment les honoraires et les établissements, ont nettement accéléré depuis 2002 pour se rapprocher du rythme des précédentes.

Evolutions annuelles des réalisations de l'ONDAM de l'année N par rapport à la base définitive de l'année N-1

Source : ministère de la santé et de la protection sociale

Il faut toutefois se réjouir de l'infléchissement des dépenses d'assurance maladie à partir de 2003, après un pic en 2002 où le taux d'évolution des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM avait atteint un niveau record de + 7,2 %, pour des raisons principalement conjoncturelles liées aux revalorisations d'honoraires des professions de santé libérale s'agissant des dépenses de soins de ville et à la mise en place de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux s'agissant des dépenses des établissements.

Récapitulatif de l'impact sur 2004 et 2005 des mesures intervenues
depuis 2002 sur les remboursements d'honoraires des professions de santé

(en millions d'euros)

 

Mesures intervenues
en 2002

Mesures intervenues
en 2003

Mesures intervenues
en 2004

 

Effet année pleine

Effet année
pleine

Effet en 2004

Effet en 2005

Omnipraticiens

627

70

12

0

Spécialistes

110

219

15

1

Chirurgiens-dentistes

0

74

0

2

Sages-femmes

2

0

0

0

Infirmières

200

119

0

6

Masseurs-kinésithérapeutes

55

21

32

3

Orthophonistes

25

3

1

0

Orthoptistes

4

0

0

0

Biologistes

90

0

1

1

Transports sanitaires

44

40

10

0

Total honoraires

1 157

546

72

12

Source : ministère de la santé et de la protection sociale

? Pour 2003, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie avait été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale à 123,5 milliards d'euros, en augmentation de 5,3 % par rapport à la base 2002 telle qu'estimée en septembre 2002. Il convient de rappeler que cette base 2002 intégrait d'importants transferts de l'Etat vers l'assurance maladie, principalement les crédits de remplacement des protocoles hospitaliers (300 millions d'euros), le financement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes (110 millions d'euros) et le Fonds de modernisation des cliniques privées (180 millions d'euros).

Selon les comptes définitifs des régimes, les dépenses du champ de l'ONDAM se sont finalement élevées à 124,6 milliards d'euros en 2003, en progression de 6,2 %. Le dépassement par rapport à l'objectif fixé a donc été de près de 1,1 milliard d'euros .

La forte progression des dépenses de soins de ville en 2002 (+ 7,8 %) s'est poursuivie en 2003 à un rythme à peine moins soutenu (+ 7,3 %). La tendance des volumes a été forte sur la quasi-totalité des postes, à l'exception des indemnités journalières dont le rythme d'évolution s'est ralenti significativement. Les mesures de revalorisation des honoraires, pour un coût estimé à 740 millions d'euros, ont également fortement contribué à la croissance des dépenses de ville en 2003. La relative décélération de ces dépenses tient donc essentiellement aux mesures d'économies sur le médicament .

Les versements des régimes d'assurance maladie aux établissements ont augmenté à un rythme relativement plus rapide (+ 5,1 %) : deux à trois de plus que la tendance de long terme. Cette croissance porte sur l'ensemble des postes qui évolue chacun à un rythme soutenu : 4,8 % pour les établissements publics, 5,2 % pour les cliniques privées et enfin 6,4 % pour le secteur médico-social dans un contexte de croissance soutenu depuis plusieurs années.

Enfin, il faut souligner une forte croissance des dépenses dans les départements d'outre-mer : + 9,5 %.

? Pour 2004, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale à 129,7 milliards d'euros, en augmentation de 4 % par rapport à la base 2003 telle qu'estimée en septembre 2003.

Selon les prévisions réalisées par la commission des comptes de la sécurité sociale à partir des données en dates de soins fin mai 2004, l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 conduirait à un montant de dépenses de 131 milliards d'euros soit une progression des dépenses de 5,2 % par rapport aux dépenses constatées en 2003 et un dépassement de l'objectif de 1,3 milliard d'euros dont 900 millions d'euros au titre des seuls soins de ville.

En effet, l'année 2004 devait être marqué par un léger ralentissement des dépenses ambulatoires qui paraît néanmoins insuffisant pour espérer un respect de l'objectif. Cet infléchissement est lié aux remboursements d'honoraires de certains professionnels de santé libéraux et aux indemnités journalières. En revanche, les médicaments et les dispositifs médicaux poursuivent une progression très soutenue dans le prolongement de la tendance des années antérieures.

L'infléchissement constaté sur les remboursements d'honoraires est lié d'une part à un moindre impact des hausses tarifaires par rapport aux deux années précédentes, d'autre part à une relative stabilisation des volumes de certaines professions.

Une décélération relative du rythme d'évolution de l'activité pourrait donc s'observer en 2004 : de l'ordre de 2 % contre 4 % pour la tendance de long terme. Plusieurs explications peuvent être avancées concernant ce ralentissement, parmi lesquelles des mesures prises récemment, notamment des suppressions d'exonérations de ticket modérateur pour certains actes, l'absence d'épidémie en début d'année, l'annonce de la réforme de l'assurance maladie.

On note toutefois une accélération des dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux.

Les dépenses en établissements devraient, quant à elles, s'élever à 66 milliards d'euros en 2004, soit 150 millions d'euros de plus que l'objectif. Leur croissance, voisine de celle de 2003 (4,9 % contre 5,1 %, resterait sensiblement plus forte que la tendance de long terme. Une certaine décélération peut être constatée dans les établissements sanitaires publics tandis que les dépenses afférentes aux cliniques et aux établissements médico-sociaux continuent de croître à un rythme plus soutenu.

Décomposition de l'ONDAM 2004 et prévisions pour 2004

((en milliards d'euros)

 

Objectif 2004

Prévisions tous régimes

 

Objectif 2004

Obj. / Base 2003 (a)

Obj. / Réal. 2003 (b)

Prévisions actuelles tous régimes

Ecart à l'objectif

Evolution

I. Métropole

126,3

3,9 %

4,1 %

127,4

1,1

5,0 %

I. 1. Soins de ville

60,5

3,2 %

3,5 %

61,4

0,9

5,1 %

I.1.1. Objectif délégué

 
 
 

27,7

 

3,6 %

I.1.2. Autres dépenses de ville

 
 
 

33,7

 

6,3 %

I.2. Versements aux établissements

65,8

4,6 %

4,6 %

66,0

0,1

4,9 %

I.2.1. Etablissements sanitaires

48,0

4,1 %

3,8 %

48,1

0,1

4,0 %

I.2.1.1. Etablissements sanitaires sous dotation globale

47,6

4,1 %

4,0 %

47,6

0,0

4,0 %

I.2.2. Médico-social

9,8

7,4 %

8,6 %

9,8

0,0

8,6 %

I.2.2.1. médico-social (E.I. - A.H.)

6,2

6,0 %

8,3 %

6,2

0,0

8,3 %

I.2.2.1. médico-social (personnes âgées)

3,6

10,0 %

9,1 %

3,6

0,0

9,1 %

I.2.3. Cliniques privées

8,0

4,1 %

5,0 %

8,1

0,1

5,7 %

II. Ressortissants français à l'étranger

0,2

3,0 %

- 3,9 %

0,2

0,0

3,0 %

III. Prestations DOM

3,1

6,0 %

2,2 %

3,3

0,2

10,0 %

IV. Réseaux

0,1

171,7 %

495,2 %

0,1

0,0

495,2 %

ONDAM

129,7

4,0 %

4,1 %

131,0

1,3

5,2 %

Source : ministère de la santé et de la protection sociale

? L'article 16 du présent projet de loi de financement tient compte des prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2004 puisqu'il fixe à 131 milliards d'euros l'objectif national de dépenses d'assurance maladie révisé de l'ensemble des régimes obligatoires de base pour 2004 .

Or, force de constater que M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a informé la représentation nationale, lors de l'examen du présent projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, que « les données récentes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés confirment un infléchissement très significatif de l'évolution des dépenses de soins. Après une évolution de 5,9 % en 2001, de 7,2 % en 2002 et de 6,2 % en 2003, les dépenses d'assurance maladie augmenteront cette années d'environ 4,5 % ».

Votre rapporteur pour avis ne peut que s'étonner de la non prise en compte de ces données actualisées par les dispositions de l'article 16 du présent projet de loi de financement puisque le niveau de l'ONDAM révisé pour 2004 n'a pas été modifié en fonction des informations fournies par le ministre. Ceci n'oeuvre pas dans le sens d'une plus grande sincérité des lois de financement de la sécurité sociale .

En outre, la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2004 a critiqué cette technique dite du « rebasage » de l'ONDAM, en estimant certes nécessaire de fonder le calcul de l'ONDAM sur des bases réalistes tenant compte du niveau des dépenses atteint en fin d'année précédente, mais en soulignant que « la révision de l'objectif lui même n'a de sens que si elle intervient dans une LFSS rectificative à un moment de l'année où des mesures peuvent encore être prises pour éviter ou limiter les dépassements. La pratique actuelle a pour effet de ne pas faire apparaître la réalité de l'évolution des dépenses ».

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