3. La modification des comportements : un enjeu essentiel

La modification des comportements apparaît comme un vecteur essentiel de la réussite de la réforme de l'assurance maladie.

La progression de la pénétration des génériques dans le répertoire et de la consommation d'antibiotiques, qui a baissé de 17 % entre 2001 et 2003, montrent que cette évolution des comportements est possible.

Néanmoins, il apparaît que le comportement des médecins en matière de prescription et celui des pharmaciens pour la substitution demeurent les facteurs déterminants de la consommation de médicaments. Or la susbtitution des médicaments par le pharmacien représente une source non négligeable d'économies. La Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2004, indique ainsi, d'après des études menées par la CNAMTS, que l'économie potentielle en cas d'alignement sur un prix génériqué de la classe à environ 100-130 millions d'euros pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine et à 250-310 millions d'euros pour les statines.

De manière générale, les économies liées au bon usage des médicaments sont potentiellement importantes. La Cour des comptes estime ainsi l'économie potentielle liée au bon usage des médicaments hypolipémiants peut être évaluée à 660 millions d'euros.

4. La politique de négociation des remises entre l'Etat et les industriels : une efficacité incertaine

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2004, la Cour des comptes met en évidence le caractère complexe et l'effet incertain, sinon contradictoire, de la politique de négociation des remises entre l'Etat et les industriels.

En effet, depuis 1994, des conventions sont ?xées chaque année entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Afin de fixer des remises, c'est-à-dire des versements effectués par les laboratoires au profit de l'assurance maladie en fonction de la progression de leur chiffre d'affaires lorsqu'il y a dépassement du « taux K ».

Le « taux K »

L'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué une clause permanente de sauvegarde applicable aux entreprises exploitant des médicaments remboursables sauf à celles ayant passé une convention avec le Comité économique des produits de santé (article L. 138-10 du code de la sécurité sociale). Cette clause de sauvegarde consiste dans le versement d'une contribution par ces entreprises lorsque leur chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre des spécialités remboursables et agréées à l'usage des collectivités s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'ONDAM tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de l'année en cours et des années précédentes. Ce taux est appelé « taux K ». Les entreprises ayant passé une convention avec le Comité économique des produits de santé, qui s'acquittent du paiement de remises conventionnelles, sont exonérées du paiement de cette contribution.

À l'origine, le taux de la contribution variait en fonction du dépassement du taux de progression de l'ONDAM. Le montant global calculé était ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :

- le niveau brut du chiffre d'affaires, pour 30 % ;

- la progression du chiffre d'affaires, pour 40 % ;

- les frais de publicité, pour 30 %.

Au titre de l'année 2000, pour la contribution versée en 2001, l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a fixé un seuil de déclenchement de la contribution à 2 %, déconnecté de tout lien avec l'ONDAM. Cet article tirait donc les conséquences du nouveau mode de calcul de l'ONDAM. Retenir l'évolution entre l'objectif de 1999 et l'objectif de 2000 aurait élevé le seuil de déclenchement à 4,5 % au lieu de 2,5 %. Mais le gouvernement de l'époque avait ainsi accentué le caractère arbitraire de cette contribution en retenant le taux de 2 % qui n'avait plus aucun lien avec l'ONDAM.

L'article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a remplacé le mécanisme existant par un mécanisme de récupération linéaire en fixant un barème de taxation dont chaque taux (50 %, 60 % et 70 %) s'applique successivement à une tranche déterminée de supplément de chiffre d'affaires par rapport au taux de l'objectif K (respectivement inférieur à 0,5 %, compris entre 0,5 et 1 % et supérieur à 1 %). En outre, pour le seuil de déclenchement de la contribution, il a substitué au taux de progression de l'ONDAM un taux de progression fixé à 3 % pour 2001.

L'article 23 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a défini un taux K spécifique fixé à 3 % pour le calcul de la contribution due au titre de l'année 2002, soit le même taux que celui fixé l'année précédente par la loi de financement de la sécurité sociale. Le taux K a été fixé à 4 % en 2003 et à 3 % en 2004. La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fixé le taux K applicable en 2005, 2006 et 2007 à 1 %.

La fixation du « taux K » revêt, dans ce cadre, une réelle importance, en influant sur la négociation des remises conventionnelles entre le CEPS et l'industrie pharmaceutique. La fixation du « taux K » à 1 % revient donc indirectement à exercer une pression visant à modérer fortement la croissance des dépenses de médicament.

Les remises ainsi négociées entre le CEPS et les fabricants sont au nombre de trois :

- les remises dites de classe thérapeutique, qui pèsent sur les produits les moins innovants ou dont les taux de croissance en volume sont élevés et qui visent à ne pas pénaliser les médicaments innovants pour des pathologies graves ;

- les remises sur chiffre d'affaires, qui ne peuvent être plus élevées que la taxe payée par les laboratoires refusant la démarche conventionnelle (système dit de « clause de sauvegarde ») ;

- les remises par produits, ?xées pour des médicaments pour lesquels existe notamment un risque de mésusage.

Toutefois, la Cour des comptes relève que divers dispositifs d'exonérations, de plafonnements ou de crédits de remise complexifient ce système et en minorent la portée.

S''intéressant particulièrement aux crédits de remise, qui compensent les baisses de prix des médicaments à service médical rendu faible ou insuf?sant, et donc la diminution du chiffre d'affaires, la Cour note qu'il existe une « contradiction entre, d'une part, l'objectif de cette politique conventionnelle de remises qui vise à promouvoir les produits innovants pour des pathologies graves et, d'autre part, l'instauration de crédits de remise pour des médicaments dont la faible ef?cacité justi?e une baisse de prix ».

La Cour souligne en outre le faible rendement ?nancier de ces dispositifs, les remises nettes totales représentant une part limitée et décroissante des ventes de médicaments remboursables, passée de 2,03 % en 2000 à 1,2 % en 2002).

Suivant l'analyse de la Cour des comptes, votre rapporteur pour avis estime qu'il convient de reconsidérer avec attention le système de la politique conventionnelle entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique, afin d'éviter des contradictions telles que celles constatées.

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