2. La réforme de l'assurance maladie

Les travaux du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, mis en place par le Premier ministre au mois d'octobre 2003, avait permis de mettre en évidence qu'en l'absence de mesures correctrices et en retenant un taux de croissance des dépenses d'assurance maladie supérieur de 1,5 % à celui du produit intérieur brut (PIB), l'accumulation des déficits (hors charges d'intérêt) représenterait plus de 260 milliards d'euros en 2013 et 640 milliards d'euros en 2020. En retenant ces hypothèses, le déficit annuel de l'assurance maladie s'élèverait à 29 milliards d'euros en 2010 et à 66 milliards d'euros en 2020 (hors charges de la dette et en euros constants 2002).

Dès lors, pour relever le défi de la réforme structurelle de l'assurance maladie, le Haut conseil écartait d'emblée différentes options : le recours à un endettement massif pour couvrir la croissance des dépenses ; une solution consistant simplement à accroître les recettes, qui se traduirait par une augmentation importante des prélèvements obligatoires et à un effet d'éviction massif au détriment des autres besoins collectifs ; une solution fondée exclusivement sur une baisse des remboursements, ce qui conduirait à remettre en cause les principes de solidarité et d'égalité ; enfin, une solution reposant sur un rationnement insidieux des soins, qui se ferait au détriment de leur qualité.

C'est pourquoi le Haut Conseil a préconisé une réforme basée sur la qualité, conjuguant trois actions : tout d'abord, l'amélioration du système de soins et de la coordination des acteurs, ensuite, sans remettre en cause l'universalité de la couverture, la nécessité de faire des choix et de hiérarchiser les financements ; enfin, un ajustement des recettes pour combler le besoin de financement. Le Haut Conseil attirait en outre l'attention sur la nécessité d'une meilleure transparence des rapports financiers entre l'Etat et l'assurance maladie.

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie propose d'améliorer l'efficacité du système de santé et d'enrayer la dégradation des comptes de la branche maladie. Elle repose sur les axes définis par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et vise à développer la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, à responsabiliser l'ensemble des acteurs du système de santé, à renforcer son efficacité, notamment grâce à la mise en place d'un dossier médical personnel, et à clarifier les responsabilités 4 ( * ) .

En outre, le redressement financier de l'assurance maladie sera également permis par l'affectation de recettes nouvelles, qui se traduira par une augmentation des prélèvements obligatoires à compter du 1 er janvier 2005 .

On relèvera en particulier la mise en place d'une contribution additionnelle de 0,03 point à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (CSSS), l'augmentation du taux de contribution sociale généralisée (CSG), sur les revenus des retraités imposables, qui serait porté de 6,2 % à 6,6 %, l'élargissement de l'assiette de la CSG sur les revenus des actifs et la majoration du taux de CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (+ 0,7 point) et sur les jeux (+ 2 points). A cela s'ajoutent la majoration de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments et la pérennisation de la taxe exceptionnelle sur le chiffre d'affaire des laboratoires pharmaceutiques, instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

La loi du 13 août 2004 précitée prévoit, enfin, la reprise du déficit cumulé de la branche maladie du régime général, qui devrait atteindre 35 milliards d'euros fin 2004, par la CADES. Celle-ci reprendrait également à sa charge les déficits des exercices 2005 et 2006, dans la limite de 15 milliards d'euros. La CADES, à laquelle il restait, au 31 décembre 2003, 38,25 milliards d'euros à rembourser d'ici 2014, serait prolongée jusqu'à l'extinction de ses missions.

L'impact financier du projet de loi relatif à l'assurance maladie en 2007

(en milliards d'euros)

1. Organisation et fonctionnement du système de soins

 

. maîtrise médicalisée

3,5

. médicaments génériques et tarifs forfaitaires de responsabilité

2,3

. économies de gestion à hôpital

1,6

. renforcement du contrôle des indemnités journalières

0,8

. systématisation du recours contre tiers

0,3

. économies sur les frais financiers (reprise de la dette par la CADES)

1,1

. diminution des coûts de gestion de la CNAMTS

0,2

Total « Offre de soins »

9,8

2. Participation des usagers

 

. contribution de 1 euro par acte

0,7

. revalorisation du forfait journalier hospitalier

0,3

Total « Participation de l'usager »

1,0

3. Redressement financier

 

. transfert d'une partie des droits sur les tabacs de l'Etat à la CNAMTS

1,0

. création d'une contribution additionnelle à la C3S

0,9

. relèvement de la CSG :

 

- élargisssement de l'assiette de la CSG des actifs

1,0

- relèvement de 0,4 point du taux de CSG des retraités imposables

0,6

- relèvement de 0,7 point du taux sur les revenus du patrimoine

0,6

- augmentation de 2 points du taux de CSG sur les jeux

0,1

Total « Redressement financier »

4,2

Total général

15,0

Source : ministère de la santé et de la protection sociale, juin 2004

 

La réforme proposée ne devrait donc pas avoir d'effet sur le solde public en 2004. Les mesures devraient toutefois permettre à l'assurance maladie de réaliser 15 milliards d'euros d'économies par an à l'horizon 2007.

Votre rapporteur pour avis observe néanmoins que l'amélioration de la situation financière de la sécurité sociale n'équivaut pas à une amélioration globale de 15 milliards d'euros de la situation des finances publiques : le transfert d'un milliard d'euros du produit des droits sur les tabacs de l'Etat vers la CNAMTS, comme le transfert de dette vers la CADES et l'économie de frais financiers induites pour l'ACOSS (1,1 milliard d'euros), sont des mesures de périmètre, qui sont neutres si l'on adopte une approche consolidée des finances publiques.

Dès lors, toutes administrations publiques confondues, le redressement devrait être plus limité, de l'ordre de 13 milliards d'euros, compte tenu du transfert de recettes de l'Etat vers la sécurité sociale, du transfert de dette vers la CADES, qui permet une économie sur les frais financiers de la CNAMTS, et de l'impact de la hausse de la CSG sur le rendement de l'impôt sur le revenu .

En outre, s'il est acquis que ces mesures représentent un progrès nécessaire vers l'équilibre financier de l'assurance maladie, il n'est pas certain qu'elles suffisent à y parvenir en 2007.

La question se pose évidemment de savoir si ces normes s'avèreront suffisantes pour infléchir réellement l'évolution du solde des comptes sociaux. Elles ont le mérite d'être équilibrées et de ne faire appel aux prélèvements obligatoires que pour 3,2 milliards d'euros. En ce qui concerne l'appel à la responsabilité des assurés sociaux, les mesures prises sont assez symboliques et constituent un pari sur la capacité des assurés et des professionnels de santé à modifier leurs comportements . Enfin, l'évaluation des aspects relatifs à l'organisation et au pilotage financier du système de soins a été assez largement contestée.

En outre, votre rapporteur pour avis se doit ici de rappeler les doutes émis par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'après les prévisions desquels, le rendement attendu des mesures de redressement contenues dans la réforme de l'assurance maladie peut être évalué à 8 milliards d'euros seulement, à l'horizon 2007.

Dans une note en date du 10 juin 2004, la direction du budget et la direction de la prévision et de l'analyse économique précisait en effet que le cadrage financier associé à cette réforme reposait sur des hypothèses de changement de comportements dont l'incidence financière était difficile à évaluer et que des volets importants du plan affichaient des objectifs non étayés par des mesures précises, en particulier s'agissant de la politique du médicament ou de la réforme des établissements de santé.

Ainsi, il apparaît, d'après les prévisions des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que, toutes administrations publiques confondues, une fois neutralisées les mesures de transferts, sans incidence en termes de besoin de financements, l'impact de la réforme peut être estimé à environ 0,15 point de PIB en 2005 et environ 0,3 point de PIB en 2007, à comparer avec les 0,4 point de PIB en 2005 et 0,7 point de PIB en 2007 introduits dans le programme de stabilité transmis à Bruxelles fin 2003.

S'agissant de l'impact financier de long terme de la réforme, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2005, a exploré deux scénarios :

- dans un premier scénario, après la réalisation des économies prévues par la réforme de l'assurance maladie à l'horizon 2007, on fait l'hypothèse qu'à partir de 2008, les dépenses progressent à un rythme plus rapide que le PIB (+ 1,5 %). Dès lors le calcul actuariel montre que la réforme permettrait un ajustement structurel de 0,75 point de PIB, dont 0,2 point lié à l'augmentation des recettes ;

- dans un second scénario, plus favorable, on fait l'hypothèse d'un fléchissement durable du rythme de progression des dépenses de santé, identique à celui du PIB. Dès lors, l'écart de financement serait presque totalement résorbé.

Impact financier de long terme des réformes des retraites et de l'assurance maladie

(en points de PIB)

Ecart de financement actualisé des régimes sociaux 5 ( * )

Avant réforme

Après réforme

Gain structurel associé aux réformes

Retraites

3

2 ou 1,5

1 ou 1,5

Assurance maladie

 
 
 

Scénario 1

3,1

2,4

0,7

Scénario 2

3,1

0,4

2,7

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2005

La réforme adoptée constitue-t-elle la réforme structurelle qui garantirait la « soutenabilité » à long terme de notre système de sécurité sociale ? Seul l'avenir le dira.

Source : direction du budget et direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, note du 10 juin 2004

* 4 Pour une analyse d'ensemble de la réforme, se reporter au rapport pour avis de notre collègue  Adrien Gouteyron, rapport n° 425 (2003-2004).

* 5 Ces évaluations sont fondées sur une actualisation à partir de 2004 et sur un taux d'actualisation de 2 %.

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