IV. LA PRISE EN COMPTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE CHAMP INSTITUTIONNEL ET ÉCONOMIQUE

Votre rapporteur pour avis s'est intéressé à la prise en compte de la notion de développement durable tant dans le champ institutionnel qu'économique, convaincu que ce concept est désormais incontournable et qu'il ne doit plus apparaître comme une contrainte supplémentaire.

1. Rappel sur la notion de développement durable

La notion de développement durable a été définie par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, créée par l'ONU, puis promue par les sommets de Rio en 1992 et de Johannesburg en 2002.

Ce concept entend donner une réponse aux deux grands déséquilibres planétaires que sont la répartition très inégale des richesses et des ressources et la dégradation préoccupante de la biosphère, qui compromet le développement des générations futures. Cette dégradation est notamment imputable à la concentration des gaz à effet de serre, à l'érosion accélérée de la biodiversité et à l'accumulation de polluants divers, dans le sol, l'eau et l'atmosphère.

Le développement durable entend concilier les dimensions économique, sociale et écologique du développement, étant entendu que la réponse à la dégradation de la biosphère n'est pas la décroissance au risque sinon d'interdire toute réduction de la pauvreté et de remettre en cause les fondements des systèmes démocratiques. En revanche, il convient de disjoindre le dynamisme économique, financier, scientifique, technologique, social et culturel de la croissance des flux de matière et d'énergie qui l'a toujours sous-tendu, car c'est la croissance de ces flux qui met en péril la préservation de la biosphère. L'écologie industrielle cherche ainsi à réduire le substrat matériel des économies.

La réponse au déséquilibre constaté dans la répartition inégale de la richesse à l'échelle de la planète passe par la promotion d'un mode de développement géographiquement et territorialement plus homogène.

Enfin, la promotion du développement durable implique des changements profonds dans les modalités d'adoption des décisions publiques en favorisant la participation des citoyens à l'amont du processus décisionnel.

2. La prise en compte du développement durable dans le champ de l'action publique et économique

a) Les structures publiques intervenant en matière de développement durable.

Au delà du ministère de l'écologie et du développement durable qui est la première structure nationale en charge de la promotion du développement durable, par le décret du 15 mai 2002, plusieurs structures publiques ont été mises en place.

Il en est ainsi du délégué interministériel au développement durable , institué par le décret du 24 juin 2004 8 ( * ) et dont la mission consiste à animer et coordonner, au nom du Premier ministre, l'action des administrations de l'Etat en faveur du développement durable.

Le délégué contribue à la coordination de l'action des établissements publics de l'Etat dans ce domaine. Il prépare les délibérations du comité interministériel pour le développement durable (CIDD), en assure le suivi et veille à leur mise en oeuvre. Il met en place des actions d'évaluation, de formation et de communication et participe à la définition des programmes de recherche en matière de développement durable. Il anime et coordonne l'action des hauts fonctionnaires chargés du développement durable. Il est associé à la définition du programme des travaux du Conseil national du développement durable. Pour l'exercice de ses missions, le délégué interministériel dispose notamment du service chargé du développement durable et de la mission interministérielle de l'effet de serre et fait appel, en tant que de besoin, aux services des autres ministères. Son secrétariat est assuré par le ministère en charge du développement durable.

Le comité interministériel pour le développement durable (CIDD) 9 ( * ) créé par le décret du 21 février 2003 est présidé par le Premier ministre (ou, par délégation, le ministre en charge du développement durable) et réunit l'ensemble des membres du Gouvernement. Après avoir adopté la stratégie nationale de développement durable, il veille à sa mise en oeuvre et à son actualisation. En outre, il examine la cohérence de l'action de chaque ministère avec la politique de développement durable arrêtée par le Gouvernement.

Le comité permanent des hauts fonctionnaires du développement durable prévu par l'article 5 du décret du 21 février 2003 portant création du CIDD est composé d'un représentant de chaque ministre, chargé de préparer la contribution de son administration à la stratégie nationale de développement durable, de coordonner l'élaboration des plans d'actions correspondants et d'en suivre l'application. Il est présidé par le délégué interministériel au développement durable.

Enfin, le Conseil national du développement durable 10 ( * ) créé par le décret du 13 janvier 2003, est associé à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation de la stratégie nationale du développement durable.

b) Mise en oeuvre de la stratégie nationale du développement durable

Adoptée le 3 juin 2003 pour une durée de cinq ans, après un travail de concertation ayant associé la société civile, la stratégie nationale du développement durable est articulée autour de dix plans d'action. Son bilan détaillé est consultable sur le site Internet du Premier ministre et sur celui du ministre de l'écologie et du développement durable.

Lors du conseil des ministres du 1 er décembre 2004, M. Serge Lepeltier a dressé un bilan d'étape de la mise en oeuvre de cette stratégie.

Sur 488 mesures recensées il y a 18 mois, 17 % sont réalisées, 34 % sont engagées, 19 % sont avancées (réalisées à plus de 50 %) et 30 % restent à faire, relève le ministre de l'écologie. Concrètement, cela signifie par exemple que les aides de l'Etat pour inciter les Français à adopter des chauffe-eau solaires ont été renforcées pour 2005, que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) a vu ses moyens augmentés, ou encore que le nouveau code des marchés publics autorise désormais la prise en compte de l'environnement dans les achats publics).

Néanmoins, force est de souligner que certains chapitres importants ont pris du retard, comme la mise en oeuvre du Plan Climat 2003, adopté seulement en juillet 2004, ou encore le Plan véhicules propres. Des efforts importants doivent encore être accomplis par l'Etat, qui affiche son intention d'être « exemplaire » en termes de consommation d'eau et d'énergie. Dans ces secteurs, il convient de mettre au point les outils permettant de mesurer les efforts accomplis.

Votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction la mobilisation de la sphère gouvernementale sur la promotion du développement durable et souligne, à l'instar du conseil national du développement durable, le rôle stratégique des préfets pour décliner, au niveau local, la stratégie nationale du développement durable. La réforme du cadre de l'action territoriale réaffirme le caractère interministériel de la fonction des préfets de région qui s'incarne à travers la mise en place de huit pôles regroupant les services déconcentrés de l'Etat, dont un pôle « environnement et développement durable ».

L'objectif du pôle est de mieux coordonner l'action de ses membres dans l'exercice de leurs missions pour le compte du MEDD, sous l'autorité du préfet de région.

Parallèlement au renforcement du rôle du préfet de région vis à vis des préfets de département, les services déconcentrés régionaux verront leur rôle de coordination renforcé par rapport aux services départementaux. Le chef de pôle, sous l'autorité du préfet de région et en liaison avec les préfets de département qui ont autorité sur les services départementaux, jouera un rôle d'animation, de coordination et d'harmonisation de l'action des dits services.

Il souligne, enfin, tout l'intérêt qu'il y aurait à mettre en place dans le cadre de la LOLF un document de politique transversale (DPT) retraçant les actions menées en matière de développement durable.

3. La promotion du développement durable dans le champ de l'action économique

A travers l'audition de M. Jean-Pierre Rodier, président du comité de développement durable du MEDEF, votre rapporteur pour avis a pu mesurer l'impact de la prise en compte du développement durable par les entreprises françaises.

De manière générale, ce sont les grandes entreprises qui ont le mieux intégré le concept de développement durable 11 ( * ) et il s'agit désormais d'amener les petites et moyennes entreprises à adhérer à cette notion en leur montrant les avantages attendus d'une telle démarche.

Le comité du développement durable du MEDEF a notamment fait des propositions pour améliorer les relations entre les entreprises et les organisations non gouvernementales (ONG).

L'une des démarches volontaires, qui traduit l'implication des entreprises dans la mise en oeuvre du développement durable est qualifiée de « responsabilité sociétable des entreprises », démarche qui fait référence à des principes et à des programmes que les entreprises adoptent pour répondre, au-delà de la conformité au cadre légal, à des demandes émanant des investisseurs, des consommateurs, des employés ou du grand public.

En France, les entreprises les plus engagées sont réunies dans des associations qui travaillent sur ces questions. Il s'agit de : l'ORSE (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises), l'AERES (Association des entreprises pour la réduction des gaz à effet de serre) et l'EPE (Entreprises pour l'environnement).

Au titre de la RSE, certaines entreprises françaises se sont également lancées dans l'exercice dit de reporting et publient depuis quelques années des rapports environnementaux, ou incluent des données sociales à leur rapport annuel, répondant ainsi à un besoin d'information croissant. Le reporting social est donc né d'une dynamique privée et la notion de RSE laisse une large part à l'initiative volontaire des entreprises.

Cette initiative a été reprise par l'article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui prévoit que les rapports annuels des entreprises cotées de droit français d'inclure des « informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ».

Votre rapporteur pour avis se félicite de l'implication réelle des entreprises françaises dans la démarche de développement durable et souhaite que par incitation, plus que par contrainte, les PME adhèrent et mettent en oeuvre ce concept.

Il rappelle néanmoins, afin de préserver la compétitivité des entreprises françaises et européennes, la nécessité absolue de promouvoir un consensus international sur les principaux enjeux en matière de protection de l'environnement et de développement durable.

Il est enfin convaincu que la mise en oeuvre du développement durable doit induire un effort financier majeur en matière de recherche et développement. S'agissant ainsi plus particulièrement de la lutte contre le changement climatique, enjeu majeur du développement durable, il s'agit, au-delà de l'effort à court terme de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre consenti à travers le Protocole de Kyoto, de développer des nouvelles technologies propres ou plus économes en énergie. Ceci nécessite des moyens financiers considérables qui doivent être mobilisés tant au plan national qu'européen.

Sur ce point, votre rapporteur pour avis se félicite vivement de la majoration de 1 milliard d'euros pour la recherche en 2005 sur lesquels 350 millions d'euros seront gérés par l'Agence nationale pour la recherche nouvellement créée.

En effet, cette agence est chargée de financer des programmes de recherche s'inscrivant dans trois axes prioritaires, à savoir la santé humaine, les sciences et technologies de l'information et de la communication et, enfin, l'énergie et le développement durable.

En outre, sur le plan communautaire, votre rapporteur pour avis appuie la demande du Président de la République, concernant la « sanctuarisation » des dépenses publiques consacrées à la recherche et au développement s'agissant de l'appréciation des déficits publics des Etats membres, puisqu'il s'agit là d'un objectif communautaire 12 ( * ) .

*

* *

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable, les groupes socialistes communistes républicains et citoyen votant contre.

* 8 Par décret du 9 juillet 2004, le Président de la République a nommé M. Christian Brodhag délégué interministériel.

* 9 Ce comité se substitue au comité interministériel de l'environnement (CIEN), à la commission interministérielle de lutte contre l'effet de serre (CIES) et au comité interministériel de prévention des risques majeurs (CIPRNM).

* 10 Présidé par Mme Anne-Marie Ducroux, le CNDD est composé de quatre-vingt dix membres, représentants de la société civile et des collectivités territoriales répartis en quatre collèges.

* 11 Plusieurs entreprises cotées au CAC 40 ont adhéré au Pacte mondial et appliquent la grille d'indicateurs reconnue au niveau international (GRI - Global reporting initiative) et élaborée en 1997.

* 12 Le Conseil Européen de Barcelone du 16 mars 2002 a arrêté un objectif de 3 % du PIB en matière de R&D en 2010.

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