Avis n° 79 (2004-2005) de M. Philippe GOUJON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 novembre 2004

Disponible au format Acrobat (514 Koctets)

N° 79

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME V

JUSTICE :

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Philippe GOUJON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Hubert Haenel, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 27 ) (2004-2005)

Lois de finances .

SOMMAIRE

Pages

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS 3

INTRODUCTION 5

I. LES GRANDES LIGNES DU PROJET DE BUDGET POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 5

A. LE RESPECT DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE 5

1. La création de 533 emplois (15,7 millions d'euros) 6

2. Le financement des réformes statutaires 7

3. L'augmentation des moyens de fonctionnement (+ 35,5 millions d'euros, soit + 9,7  %) 7

4. Un programme ambitieux d'investissement 8

B. UN EFFORT PARTICULIER POUR PRÉPARER LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES 8

1. Des objectifs et des indicateurs de performance d'ores et déjà définis 8

2. La dotation globalisée dans le cadre d'expérimentations locales 9

II. LES CONDITIONS DE DÉTENTION : LE REFUS DU STATU QUO DANS UN CONTEXTE DIFFICILE 11

A. UNE POLITIQUE PÉNITENTIAIRE SOUS CONTRAINTE 11

1. L'augmentation continue de la population pénale 11

2. Le renforcement des mesures alternatives à l'emprisonnement 12

B. PLUSIEURS ÉVOLUTIONS POSITIVES POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE DÉTENTION 16

1. Un effort de rapprochement avec le droit commun en matière d'accès aux soins 17

2. Une prise de conscience pour la prévention du suicide 20

3. Un premier bilan positif des unités expérimentales de vie familiale 21

4. Le bilan contrasté du travail et de la formation 22

III. LES PERSONNELS : L'ENJEU DU RECRUTEMENT ET DES RÉFORMES STATUTAIRES 24

A. LA RÉALISATION DES OBJECTIFS EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT 25

B. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION STATUTAIRE 27

1. La réforme statutaire de la filière d'insertion et de probation 27

2. Une réflexion liée à l'évolution des missions : le point sur les transfèrements 27

IV. UNE FORTE AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE DÉTENTION 28

A. LE POINT SUR LES PROGRAMMES IMMOBILIERS 29

1. Le programme « 4000 » 29

2. La mise en oeuvre de la LOPJ 30

3. Le programme de rénovation des cinq grands établissements 31

4. Les mesures d'urgence pour faire face à l'augmentation de la population pénale 32

5. L'enjeu de la sécurité 33

B. UN PREMIER BILAN DE LA GESTION MIXTE 34

V. LES CONSTATATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR 35

1. La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis 35

2. La maison d'arrêt de Beauvais 39

ANNEXE 40

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu, le mardi 30 novembre 2004, le garde des sceaux, M. Dominique Perben, ministre de la justice, et Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, la commission des Lois, réunie le mardi 7 décembre 2004 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé, sur le rapport pour avis de M. Philippe Goujon, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 2005.

Le rapporteur pour avis a d'abord relevé que les crédits prévus pour les services pénitentiaires en 2005 s'élèveraient à 1,65 milliards d'euros soit une progression de 3,8 % par rapport à la loi de finances pour 2004. L'effort budgétaire consacré aux prisons se poursuivrait ainsi l'année prochaine et se traduirait par :

- l' augmentation des effectifs , conforme aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, avec la création de 533 emplois ;

- la progression des crédits de fonctionnement des établissements pénitentiaires (+ 35,5 millions d'euros soit une hausse de 9,7 %) afin de favoriser l'humanisation des conditions de détention et, aussi, de développer des alternatives à l'incarcération (notamment la mise en oeuvre du bracelet électronique) ;

- une enveloppe de 438 millions d'euros d'autorisations de programme afin de lancer la construction de huit nouveaux établissements (4 en conception - réalisation et 4 en maîtrise d'ouvrage privée) ;

Il a rappelé cependant les difficultés soulevées par l'augmentation de la population pénale et l' aggravation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires et plus particulièrement des maisons d'arrêt (138 % en 2003 contre 131 % en 2002) même si, par ailleurs, ce phénomène concernait également les autres pays européens.

La commission a attiré l'attention sur plusieurs thèmes de réflexion qui lui paraissaient déterminants pour l'avenir des services pénitentiaires.

En premier lieu, une évolution des missions des personnels est actuellement envisagée. Elle se traduirait par une prise en charge accrue des transfèrements et escortes des détenus mais supposerait un transfert de moyens humains dont les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies. Parallèlement la réforme des statuts a été mise en oeuvre pour la filière d'insertion et de probation et doit être engagée pour les personnels de surveillance.

Ensuite, la mise en oeuvre des mesures alternatives à la détention suppose, surtout après l'entrée en vigueur de la loi « Perben 2 », une forte mobilisation des services d'insertion et de probation. La création de 200 emplois de personnels d'insertion et de probation dans le projet de budget pour 2005 ne s'avèrera peut-être pas suffisante pour répondre au souci de développer l'aménagement des peines et à la priorité reconnue à l'insertion.

Par ailleurs, la diversité de la population pénale appelle sans doute une plus grande différenciation des conditions de détention . Une telle préoccupation vaut plus particulièrement pour les personnes atteintes de troubles mentaux dont la proportion s'est accrue au sein des détenus. Il devient ainsi indispensable de mieux concilier incarcération et soins psychiatriques. La mise en place, à compter de 2007, des unités hospitalières spécialement aménagées constitue une première étape dans cette voie.

Enfin, le suivi socio judiciaire des délinquants sexuels demeure encore insuffisant alors même qu'il est impératif de prévenir la récidive des personnes les plus dangereuses. Le Président de la République, dans son discours de Nîmes, le 8 novembre dernier, a appelé de ses voeux un renforcement des dispositifs dans ce domaine qui pourrait justifier la mobilisation de ressources financières nouvelles.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aux termes du projet de loi de finances pour 2005, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire s'élèvent à 1,654 milliards d'euros contre 1,592 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 3,8  %. Cette évolution apparaît très proche de l'augmentation moyenne des crédits de la justice dans leur ensemble (4  %).

Leur part demeure stable au sein du budget de la justice et représente 30  % de l'enveloppe dévolue à ce ministère.

Avant de présenter les grandes lignes de ce projet de budget, votre rapporteur pour avis souhaiterait rendre hommage au travail accompli par son prédécesseur, M. Georges Othily, qui a beaucoup contribué à éclairer notre Haute Assemblée sur la situation des prisons françaises.

I. LES GRANDES LIGNES DU PROJET DE BUDGET POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. LE RESPECT DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE

Répartition des crédits de l'administration pénitentiaire
(en millions d'euros)

 

Loi de finances
pour 2004

Projet de loi
de finances pour 2005

Dépenses ordinaires

1.419

1.481

Dépenses en capital

173

173

Total crédits de paiement

1.592

1.654

Autorisations de programme

688

438

Source : projet de loi de finances initiale pour 2005 (bleu budgétaire)

La progression de l'enveloppe de l'administration pénitentiaire pour 2005 répond à quatre priorités : l'augmentation des emplois conformément aux objectifs définis par la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002, la mise en oeuvre des réformes statutaires, le renforcement de la sécurité des établissements et, enfin, la réalisation du programme de construction ou de rénovation des prisons.

1. La création de 533 emplois (15,7 millions d'euros)

La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu la création de 3.470 emplois pour l'administration pénitentiaire en 5 ans. Dans ce cadre, le projet de loi de finances pour 2005 a inscrit la création de 533 emplois au profit de l'administration pénitentiaire :

- 210 personnels de surveillance ;

- 123 personnels administratifs ;

- 200 personnels d'insertion et de probation afin, en particulier, de mieux préparer la sortie des détenus dans le souci de prévenir la récidive.

L'effectif de l'administration pénitentiaire devrait ainsi, au total, augmenter de 1,67  % pour réunir 30.197 agents .

Le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice dépassera l'objectif fixé pour 2005 (60  %) et s'élèvera à 68,28  % .

 

2003

2004

2004

Total 2003-2005

Fonctionnaires

870

1.111

533

2.514

ENAP

20

17

3

40

TOTAL

890

1.128

536

2.554

Il convient également de relever que la dotation pour 2005 prévoit la création de trois emplois pour l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) -0,13 million d'euros- ainsi que le recrutement de 120 agents contractuels, assistants de formation auprès du personnel de l'Education nationale exerçant en milieu pénitentiaire en vue de renforcer la lutte contre l'illettrisme et de compenser le départ des emplois jeunes (3,7 millions d'euros).

2. Le financement des réformes statutaires

Les crédits de l'administration pénitentiaire pour 2005 devraient également permettre de mettre en oeuvre deux réformes statutaires :

La première concerne l'ensemble de la filière des personnels d'insertion dont les responsabilités ont été étendues avec l'adoption de la loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004. Des provisions avaient d'ores et déjà été inscrites en lois de finances 2003 et 2004 pour un montant de 1,5 million d'euros. Le coût total de la réforme s'élèvera à 3,2 millions d'euros.

La seconde réforme statutaire bénéficiera aux personnels de surveillance afin de répondre au besoin d'une présence accrue de personnels qualifiés et au renforcement du niveau d'encadrement. Le coût total de la réforme a été évalué à 3,4 millions d'euros : compte tenu des provisions obtenues précédemment pour un montant de 1 million d'euros, une dotation de 2,4 millions d'euros a été inscrite dans le projet de loi de finances.

Par ailleurs, une mesure de transformation d'emplois permettra de créer 10 emplois de conseiller d'insertion et de probation et 5 emplois de chefs de services d'insertion et de probation par la suppression de 10 emplois d'assistants de service social et de 5 emplois de conseillers techniques de service social.

Enfin, la mise en place d'un régime de retraites additionnel obligatoire pour les agents titulaires de l'Etat aux termes de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 1 ( * ) a justifié un abondement de crédits à hauteur de 3,3 millions d'euros au titre des cotisations sociales.

3. L'augmentation des moyens de fonctionnement (+ 35,5 millions d'euros, soit + 9,7  %)

La forte progression des moyens de fonctionnement de l'administration pénitentiaire est d'abord liée à la hausse de la population carcérale (+ 11,9 millions d'euros). Elle vise aussi à développer les alternatives à l'incarcération en permettant en particulier de poursuivre le placement sous surveillance électronique (7,1 millions d'euros).

De même, un effort particulier (+ 5 millions d'euros) est consenti pour favoriser le recours aux associations par les services d'insertion et de probation dans l'exercice de leurs missions.

4. Un programme ambitieux d'investissement

Aux termes du projet de loi de finances pour 2005, l'administration pénitentiaire devrait disposer de 438 millions d'euros d'autorisations de programme, dont 365 millions d'euros au titre de la LOPJ.

Cette enveloppe permettra le lancement de la construction de 4 établissements pénitentiaires en conception-réalisation (130 millions d'euros), la construction de quatre nouveaux établissements en maîtrise d'ouvrage privée (200 millions d'euros), la rénovation, la maintenance lourde et le renforcement de la sécurisation des établissements existants (37 millions d'euros), la maintenance des dispositifs de sécurité (5 millions d'euros) et la poursuite du programme d'optimisation du parc pénitentiaire (30 millions d'euros).

En outre, les acquisitions foncières relatives, d'une part, aux nouveaux établissements pénitentiaires (programme : 13.200 places) et, d'autre part, aux centres de semi-liberté mobilisent respectivement 13 et 12 millions d'euros.

Enfin, un montant de 5 millions d'euros est consacré à la réalisation d'établissements pénitentiaires outre-mer.

B. UN EFFORT PARTICULIER POUR PRÉPARER LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

1. Des objectifs et des indicateurs de performance d'ores et déjà définis

Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui entrera en vigueur en 2006 , l'administration pénitentiaire constitue l'un des six « programmes » 2 ( * ) de la « mission » justice .

Le périmètre de l'enveloppe budgétaire que présente votre rapporteur n'est donc pas affecté par la réforme de la loi de finances.

Le programme administration pénitentiaire se décline lui-même en cinq actions : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice , accueil des personnes en détention , accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice , soutien et, enfin, formation .

La loi organique relative aux lois de finances prévoit également la définition d'objectifs dont la réalisation est évaluée au travers d'un certain nombre d'indicateurs. C'est ainsi que l'administration pénitentiaire s'est fixée sept objectifs assortis de 11 indicateurs.

Ces indicateurs devront faire l'objet d'une appréciation nuancée car plusieurs des objectifs, en particulier dans le domaine de l'insertion, ne pourront être atteints qu'avec le concours d'autres services publics.

2. La dotation globalisée dans le cadre d'expérimentations locales

En 2004, l'administration pénitentiaire a décidé d'expérimenter à l'échelle de la direction régionale de Lyon la globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement destinée à s'appliquer à l'ensemble des services de l'Etat à compter de 2006. Cette évolution devrait notamment permettre de transformer les marges éventuelles dégagées sur les crédits de rémunération liées à des vacances de fonctionnaires titulaires en crédits de fonctionnement et, le cas échéant, de recourir à l'externalisation de certaines fonctions.

En 2005, l'expérimentation engagée à Lyon sera étendue à quatre autres directions régionales (Rennes, Marseille, Toulouse et Lille) tandis que son périmètre sera élargi à d'autres catégories de dépenses (garde et contrôle des personnes placées sous main de justice, accueil des personnes en détention...). Ainsi, près de la moitié des dépenses ordinaires de l'administration pénitentiaire (579 millions d'euros) relèvera, l'année prochaine, de la gestion globalisée.

Objectif n° 1
(du point de vue de l'usager)

Renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires

Objectif n° 2
(du point de vue du contribuable)

Adapter le parc immobilier aux catégories de populations accueillies (mineurs-majeurs)

Objectif n° 3
(du point de vue du citoyen)

Augmenter l'effectif des personnes placées sous main de justice qui exécutent leur peine dans le cadre d'un aménagement

Indicateurs
1° Nombre d'évasions
(milieu fermé / milieu ouvert / hospitalisation d'office / escortes)

2° Taux d'incident (voies de fait entre détenus et agressions contre le personnel)

Indicateurs
1° Coût de la journée de détention

Indicateurs
1°  % des personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d'un aménagement de peine (surveillance électronique, placement extérieur, semi-liberté)

Observation :
Les escortes pour extraction judiciaire ne relèvent pas de la seule responsabilité de l'administration pénitentiaire.

Observation :
Cet indicateur permettra notamment de comparer le coût en gestion publique / gestion privée.

Observation :
Cet indicateur permettra de mesurer en particulier l'impact de la législation pénale en matière d'aménagement de peine.

- 12 -

Objectif n° 7
(du point de vue de l'usager)

Améliorer le délai de mise en oeuvre du suivi du condamné en milieu ouvert

 
 
 
 

Indicateur
1° Pourcentage d'établissements dotés de locaux d'accueil des familles

Indicateur
1°Nombre moyen de consultations par an et par détenu

Observations :
Sans doute faudra-t-il à terme affiner cet indicateur de sorte de distinguer consultations somatiques et psychiatriques ainsi que consultations et hospitalisations (dans le cadre des unités hospitalières sécurisées ou aménagées).

Indicateurs
1°  % des détenus bénéficiant d'une formation générale et professionnelle

2°  % des détenus bénéficiant d'une activité rémunérée (travail et formation professionnelle).

3°  % des détenus bénéficiant d'un projet de préparation à la sortie (personnes sorties de prison éventuellement dans le cadre d'une mesure d'aménagement de peine, qui ont bénéficié d'un entretien d'embauche, d'une inscription à une formation continue ou d'une prestation agréée par l'ANPE)

Indicateurs
Délai moyen entre la modification par le juge d'application des peines et la date du premier entretien avec un travailleur social

II. LES CONDITIONS DE DÉTENTION : LE REFUS DU STATU QUO DANS UN CONTEXTE DIFFICILE

A. UNE POLITIQUE PÉNITENTIAIRE SOUS CONTRAINTE

1. L'augmentation continue de la population pénale

Entre le 1 er janvier 2003 et le 1 er janvier 2004, le nombre de personnes détenues est passé de 55.407 à 58.976 soit une hausse de 6,4 %. Au 1 er avril de cette année, il avait même atteint 62.569 avant de revenir à la suite du décret de grâce du 14 juillet au dessous du seuil symbolique de 60.000 pour s'établir au 1 er novembre à 57.950.

Le nombre de prévenus qui avait régulièrement décrû entre 1996 et 2002 a progressé pour la deuxième année consécutive (+ 4,37 %) tandis que le nombre de condamnés continue d'augmenter (+ 8,5 %). Ainsi, au 1 er janvier 2004, le taux de détention en métropole et outre-mer est de 96 détenus pour 100.000 habitants (contre 75,6 pour 100.000 habitants au 1 er janvier 2001).

Le nombre d'entrées en détention est demeuré élevé en 2003 -77.833- très proche de celui constaté en 2002 et significativement supérieur au nombre enregistré en 2001 (63.922). Après l'infléchissement observé l'an passé, la durée moyenne de détention s'est établie en métropole à 8,4 mois (7,7 mois en 2002... et 4,3 mois en 1975).

Si le nombre de condamnés à une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement est resté stable, le nombre de condamnés à une peine inférieure à cinq ans a augmenté de 13,4  %. Au 1 er janvier 2004, 30 % des condamnés exécutaient une peine d'une durée inférieure à un an d'emprisonnement, 34,5 % une peine comprise entre une année et cinq ans d'emprisonnement et 35 % une peine d'une durée supérieure à cinq ans d'emprisonnement.

Au premier rang des infractions à l'origine de l'incarcération, figurent le viol et les autres agressions sexuelles (21 %), devant les coups et blessures volontaires et coups à enfants (16 %), les infractions à la législation sur les stupéfiants (14 %) et les vols qualifiés et crimes de sang (9 % chacun) .

L'augmentation de la population pénale se traduit par un taux d'occupation de 121,9 % en 2003 contre 115,5 % en 2002. La situation des maisons d'arrêt est particulièrement préoccupante avec un taux d'occupation de 138 % en 2003 (plusieurs établissements affichant au 1 er juillet 2004 un taux supérieur à 200 % : les maisons d'arrêt de Tulle -222 %-, Orléans -225 %-, Fontenay le Comte -230 %-...). Le taux de surpopulation carcérale était revenu à 116,8% au 1 er novembre de cette année. La situation de surpopulation des établissements pénitentiaires n'est du reste pas propre à la France mais concerne aussi les autres pays européens de même culture juridique.

2. Le renforcement des mesures alternatives à l'emprisonnement

Le phénomène de surpopulation carcérale résulte d'une double évolution récente : le recours systématique à l'emprisonnement et l'allongement des peines prononcées. Parallèlement, les mesures alternatives à l'emprisonnement ont connu un certain essoufflement.

Ainsi, selon le centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, 82  % des condamnés libérés sont sortis en fin de peine sans avoir bénéficié ni d'un placement à l'extérieur, ni d'une semi-liberté, ni d'une libération conditionnelle 3 ( * ) .

Or, les mesures alternatives présentent plusieurs avantages. D'abord, elles contribuent à limiter la récidive . Ensuite, elles apparaissent également moins onéreuses pour l'Etat que les peines d'emprisonnement. En effet, la construction d'une nouvelle place en maison d'arrêt coûte 106.400 euros alors que le coût d'une place en semi-liberté représente le tiers de cette somme.

De même, le prix de revient journalier d'un détenu en maison d'arrêt s'élève à 55,80 € contre 22 € pour un placement sous surveillance électronique et de 12 à 18 € pour un chantier extérieur.

Le Gouvernement a souhaité redonner toute leur place aux mesures alternatives à l'emprisonnement. L'année 2002 a d'ailleurs été marquée par une progression des mesures d'aménagement de peine. Surtout, dans le prolongement des recommandations du rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur les « peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison » remis en avril 2003, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 a réformé en profondeur le régime de l'application des peines.


Des évolutions encourageantes

Alors que les mesures d'aménagement de peines avaient marqué le pas en 2002, elles ont progressé en 2003 :

- 99.829 réductions de peine ont été accordées, soit une hausse de 6  % par rapport à 2002 ;

- 2.733 ordonnances de placement à l'extérieur ont été prononcées, soit une augmentation de 7  % -dont 1.648 sans surveillance continue et 1.085 avec surveillance continue. Elles ont principalement été prises pour permettre l'exercice d'un travail. Dans 38  % des cas, l'hébergement se fait dans un établissement pénitentiaire ;

- 5.509 décisions d'admission à la libération conditionnelle, soit une hausse de 13  % par rapport à l'an passé, dont 5.286 par les juges d'application des peines et 223 par les juridictions régionales de libération conditionnelle;

- 6.261 placements en semi-liberté ont été prononcés, soit un nombre presque stable par rapport à 2002 (6.524) ;

- 33.786 permissions de sortir ont été accordées contre 31.777 en 2002, soit une augmentation de 6,3%.


Les perspectives ouvertes par la loi du 9 mars 2004

Aux termes de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un nouvel article 707 a été introduit dans le code de procédure pénale pour expliciter pour la première fois l'objet de l'exécution des peines :

« L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.

« A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. »

La loi a profondément modifié le régime de l'application des peines.

En premier lieu, elle en a modifié l'organisation pour la rapprocher du droit commun. Ainsi, elle a substitué à la juridiction régionale de libération conditionnelle le tribunal de l'application des peines compétent pour les mesures de libération conditionnelle, de suspension de peine et de relèvement de la période de sûreté.

Par ailleurs, les pouvoirs du juge de l'application des peines ont été accrus. Celui-ci est désormais compétent pour révoquer le sursis avec mise à l'épreuve ou assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt régional, pour mettre à exécution tout ou partie de la peine prévue par la juridiction de jugement en cas d'inexécution de la peine d'intérêt général ou pour prolonger le délai d'épreuve.

Les décisions du tribunal de l'application des peines et du juge de l'application des peines sont susceptibles d'appel devant la chambre d'application des peines de la cour d'appel.

Ensuite, le texte prévoit diverses mesures d'aménagement de peines, tant au moment du prononcé de la peine (possibilité pour la juridiction de jugement de prononcer ab initio le placement extérieur et le placement sous surveillance électronique en plus de la semi-liberté) ou de sa mise à exécution (faculté pour le juge de l'application des peines de substituer une mesure d'aménagement de peine à une autre si la situation le demande, obligation pour le parquet de communiquer au juge de l'application des peines un extrait de la décision avant toute mise à exécution d'une peine inférieure à un an afin de déterminer les modalités d'exécution de la peine...), qu'en cours de l'exécution.

La loi a également posé le principe de l'aménagement des fins de peines d'emprisonnement comprises entre six mois et cinq ans d'emprisonnement 4 ( * ) et défini, à cette fin, une nouvelle procédure (articles 723-20 à 723-27 du code de procédure pénale). Le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) a désormais l'obligation de proposer la mesure d'aménagement de peine la mieux adaptée à la personnalité du condamné au juge de l'application des peines sauf s'il décide de ne pas saisir le juge pour l'un des quatre motifs limitativement énumérés par la loi (mauvaise conduite du condamné, absence de projet sérieux de réinsertion, impossibilité matérielle de mettre en place la mesure ou refus par le condamné de bénéficier de la mesure qui lui est proposée). Le juge de l'application des peines dispose alors d'un délai de trois semaines pour homologuer ou non la proposition. A défaut de réponse, le directeur des SPIP peut décider de ramener à exécution la mesure d'aménagement. Les dispositions relatives à l'aménagement des fins de courtes peines d'emprisonnement sont applicables depuis le 1 er octobre 2004.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique s'est développé.

La loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 avait consacré le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté dont le quantum ou le reliquat à exécuter n'excèdent pas un an. Cette mesure est décidée par le juge de l'application des peines, qui peut également l'ordonner à titre probatoire d'une libération conditionnelle 5 ( * ) . La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a étendu la possibilité d'utilisation du PSE à la mise sous contrôle judiciaire 6 ( * ) .

Enfin, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est venue compléter l'ensemble des possibilités de recours au placement sous surveillance électronique, dans le cadre du prononcé de la mesure ab initio ou de la proposition d'aménagement des fins de peine par le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ces dispositions entreront en vigueur le 1 er janvier 2005.

Un nombre croissant de juridictions a prononcé un PSE.

Le 1 er juillet 2002 : 340 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 100 étaient en cours et 10 juridictions étaient concernées par la mesure.

Le 1 er juillet 2003 : 860 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 216 étaient en cours et 41 juridictions étaient concernées par la mesure.

Le 15 juillet 2004 : 3.118 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 863 étaient en cours et 126 juridictions étaient concernées par la mesure.

Il convient de rappeler que la loi du 9 septembre 2002 a prévu la possibilité de recourir à des personnes de droit privé pour la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance dans des conditions fixées par le décret du 17 mars 2004. De nouveaux marchés ont été passés au cours de cette année, en vue d'externaliser la gestion technique du placement sous surveillance électronique.

Dans ce cadre, le prestataire loue le matériel de surveillance à l'administration pénitentiaire. Le coût d'un bracelet électronique s'élève environ à 22 euros par jour (contre 63 euros pour une journée de détention). Si, jusqu'à présent, chaque direction régionale assume les responsabilités du marché conclu selon les instructions de l'administration centrale, un marché de généralisation -actuellement au stade de l'analyse des offres- devrait progressivement reprendre ces marchés régionaux pour couvrir l'intégralité du territoire.

L'objectif serait d'atteindre 3.000 personnes placées sous surveillance électronique en 2007. Les efforts de l'administration pénitentiaire pour promouvoir cette mesure auprès des services judiciaires commencent à porter leurs fruits. Ainsi, au 1 er juin 2004, 118 juridictions avaient prononcé des placements sous surveillance électronique (115 tribunaux de grande instance et trois cours d'appel) au lieu de 28 au 1 er juin 2003, et le nombre de mesures avait progressé dans la même période de 171 à 699.

Enfin, le Gouvernement a décidé de créer 500 places de semi-liberté supplémentaires destinées à s'ajouter aux 2000 places existantes. En effet les quartiers ou centres de semi-liberté, caractérisés par des dispositifs de sécurité allégés, ont vocation à accueillir des personnes poursuivant une formation ou une activité professionnelle dans une perspective de réinsertion. Ainsi une première tranche de travaux permettra la réalisation de trois quartiers de semi-liberté (210 places réparties entre Bordeaux Gradignan, Aix-Luynes et Lille-Loos).

B. PLUSIEURS ÉVOLUTIONS POSITIVES POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE DÉTENTION

Dans un contexte caractérisé par des taux d'occupation élevés, les conditions de détention demeurent un sujet de préoccupation récurrent même si de réels progrès ont été accomplis pour favoriser l'accès aux soins et faciliter les relations des détenus avec leurs familles. Ainsi, les constats et les recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons 7 ( * ) ne seront pas restés lettres mortes. La formation et l'emploi dans le milieu pénitentiaire en revanche ne paraissent pas encore vraiment à la mesure de l'objectif de réinsertion fixé à l'administration pénitentiaire.

1. Un effort de rapprochement avec le droit commun en matière d'accès aux soins

La prise en charge sanitaire des personnes incarcérées demeure un sujet de préoccupation récurrent. Cependant la période récente a été marquée par des évolutions positives.

En premier lieu, d'une manière générale, un effort réel a été engagé pour améliorer les conditions d'hygiène en détention. Ainsi le principe de trois douches par semaine a été généralisé dans tous les établissements. Il en a été de même pour la fourniture systématique de produits d'hygiène de première nécessité à tous les entrants. Par ailleurs, tous les établissements ouverts en 2003 comprennent la création d'un espace sanitaire avec douche au sein de chaque cellule.

L'ouverture des premières unités hospitalières sécurisées régionales

Sur le plan sanitaire, la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a contribué à améliorer de manière significative l'accès aux soins des personnes détenues en confiant cette mission au service public hospitalier. Ainsi, dans chaque établissement pénitentiaire, a été créée une unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) rattachée au service hospitalier où les soins sont prodigués uniquement par des personnels sanitaires qualifiés (médecins, infirmiers...). Cette orientation a été confirmée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice aux termes de laquelle « les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui offert à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenu ». Cependant, le droit ainsi reconnu aux détenus s'est parfois heurté aux difficultés pratiques liées à l'insuffisance des effectifs dans certaines unités de consultations et de soins ambulatoires.

Par ailleurs, il convient également de favoriser l'accès au soin à l'issue de la période d'incarcération . Cet objectif doit être poursuivi au travers d'une part, d'une démarche d'éducation pour la santé développée pendant l'incarcération à l'occasion des soins et d'actions spécifiques et, d'autre part, des dispositions prises pour organiser le suivi sanitaire à la sortie de l'établissement pénitentiaire.

Les préconisations prévues par un nouveau guide méthodologique élaboré par le ministère de la santé et le ministère de la justice -dont la publication est attendue avant la fin de l'année- porteront en particulier sur le rôle du médecin de l'UCSA afin de permettre une bonne coordination entre celui-ci et le médecin de la personne détenue à sa sortie. Le cas échéant, une prescription ainsi que des médicaments sont délivrés au patient afin d'assurer la continuité des soins et des traitements. Ces principes ne peuvent néanmoins s'appliquer aux personnes prévenues dans la mesure où lorsque l'ordonnance de mise en liberté du juge d'instruction est reçue par le greffe de l'établissement pénitentiaire, la mise en oeuvre de cette mesure s'impose immédiatement.

Par ailleurs, les conditions d' hospitalisation des personnes détenues connaîtront une amélioration progressive avec la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) dont la première a été ouverte à Nancy le 16 février dernier. Ainsi, pour la première fois, en application de l'arrêté du 24 août 2000, des unités accueillent dans des centres hospitaliers universitaires, pour des séjours d'une durée supérieure à quarante-huit heures, des détenus souffrant de pathologies somatiques (non psychiatriques). Ceux-ci seront encadrés par des personnels pénitentiaires et pris en charge médicalement par des personnels hospitaliers.

Toutes les circulations de cette unité sont contrôlées directement ou, à défaut, par l'intermédiaire d'un système de caméras. En outre, l'UHSI est commandée par un accès unique contrôlé par un poste central protégé, situé dans l'unité tandis que la sécurité du périmètre extérieur est renforcée afin d'empêcher toute évasion ou tentative d'intrusion.

Après Nancy (17 lits), de telles unités ont été ou seront créées à Lille (21 lits) en octobre, Lyon (23 lits) en avril 2005, Bordeaux (16 lits), Toulouse (16 lits), et Marseille (45 lits) en 2006, Paris (25 lits) en janvier 2007 8 ( * ) et Rennes (19 lits) en décembre 2007. Les UHSI ont vocation à rassembler la majorité des hospitalisations (entre 60 et 80  %) hors urgence et hospitalisations de jour -qui demeurent réalisées dans les hôpitaux de proximité au sein de chambres sécurisées (le programme de sécurisation de ces chambres sera engagé de novembre 2004 à 2006 sur la base d'une liste arrêtée en septembre dernier par un comité interministériel santé-justice-police-gendarmerie). Une note interministérielle a été adressée en novembre dernier aux préfets pour lancer la mise en oeuvre de ce programme.

La prise en charge psychiatrique des personnes détenues relève, aux termes de la loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002, d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). En effet la loi a fusionné les régimes d'hospitalisation sous contrainte des personnes détenues (hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins. L'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues sera, à terme, réalisé dans les UHSA implantées en milieu hospitalier. Les activités des actuels services médico-psychologiques régionaux seront alors progressivement recentrées sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers thérapeutiques. La mise en place de ces unités est prévue à compter de 2007.

Ces unités seront-elles cependant à la mesure d'un besoin croissant au sein de la population pénale ? Selon une étude conduite en 2001 au sein de 25 SMPR, un détenu sur deux entrant en détention souffrirait de troubles mentaux. Cette situation s'est encore aggravée depuis lors comme l'a confirmé un projet de recherche épidémiologique mené entre juillet 2003 et septembre 2004 auprès de 1.400 détenus et dont les résultats ont été rendus publics le 7 décembre dernier. Ainsi, un détenu sur quatre serait atteint de troubles psychotiques et un peu moins d'un sur dix de schizophrénie. Ne faudrait-t-il pas dès lors envisager une plus grande différenciation des établissements pénitentiaires et, comme l'a envisagé le garde des sceaux lors de son audition devant votre commission, le 30 novembre dernier, concevoir des structures remplissant à la fois les fonctions de détention et de soins ?

Par ailleurs, la question du suivi des pathologies psychiatriques au-delà de la détention n'a pas encore reçu de réponse vraiment satisfaisante. Ces troubles mentaux touchent plus particulièrement les auteurs des infractions sexuelles. La loi du 17 juin 1998 (art. 131-36-4 du code pénal) prévoit que les auteurs d'une infraction sexuelle peuvent être condamnés à une mesure de suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, lors du jugement ou à l'issue de l'incarcération, s'il est établi après une expertise médicale qu'ils sont susceptibles de faire l'objet d'un traitement.

Il semble que les juridictions prononcent rarement un suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins. Les statistiques manquent en la matière, mais d'après les informations obtenues de manière empirique par l'administration pénitentiaire, parmi les mesures de suivi socio-judiciaire dont les services pénitentiaires d'insertion et de probation ont été saisis, le nombre des injonctions de soins depuis 2001 n'aurait pas dépassé 200 -soit moins du tiers du total. En outre, le nombre de médecins coordonnateurs -placés à l'interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant- apparaît insuffisant.

Le président de la République dans une allocution prononcée à Nimes le 8 novembre dernier, s'est particulièrement inquiété de « la récidive des crimes les plus dangereux et notamment de ceux qui sont liés à des pulsions sexuelles ». Il a formulé à cet égard deux propositions : d'une part, l'amélioration du dispositif d'accompagnement socio-judiciaire prévu par la loi du 17 juin 1998, d'autre part, la création pour « les personnes les plus dangereuses (...) d'un nouveau type d'établissement qui ne soit ni des prisons ni des hôpitaux psychiatriques ». Cette suggestion concernant les personnes sorties de détention prolonge la piste de réflexion sur la mise en place d'établissements associant détention et soins pour les personnes incarcérées.

Ainsi, malgré les progrès réalisés pour l'accès aux soins, de nouvelles initiatives doivent encore être encore prises dans ce domaine. Tel est l'objet de la commission installée le 22 juillet dernier par le garde des sceaux et le ministre de la santé, présidée par M. Jean-François Burgelin, et chargée de définir les moyens d'améliorer le traitement des détenus malades pendant leur séjour en mission ainsi que leur suivi après la sortie.

La suspension de peine pour raison médicale

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé la possibilité de suspendre, pour une durée indéterminée, l'exécution d'une peine privative de liberté si la personne est atteinte d'une pathologie engageant à brève échéance le pronostic vital ou si son état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux (art. 720-1-1 du code de procédure pénale).

La demande de suspension de peine appartient à la personne détenue. Toutefois, compte tenu de la spécificité du public susceptible de bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale (vulnérabilité et diminution des facultés physiques ou intellectuelles), les chefs d'établissements sont tout à fait fondés à attirer l'attention du juge d'application des peines et du parquet sur le cas des personnes posant de graves problèmes d'ordre sanitaire dans la gestion de la détention 9 ( * ) . Certains obstacles à l'application de la suspension de peine soulevés, l'an passé, par M. Georges Othily dans son rapport pour avis, demeurent : l'absence de tout lien familial des détenus concernés et la difficulté de trouver des places pour ces personnes dans les centres de soins palliatifs ou de long séjour.

Au cours de l'année 2003, soixante-trois personnes condamnées ont bénéficié d'une suspension de peine pour raison médicale (contre vingt personnes au cours de l'année 2002). Ainsi, les services pénitentiaires se sont mobilisés pour porter à la connaissance des services sanitaires et des autorités judiciaires la situation des personnes susceptibles de connaître un tel aménagement de leur peine. Au 31 décembre 2003, les procédures en cours concernaient quarante-neuf personnes détenues. Plus de la moitié des dossiers est traitée dans un délai inférieur à deux mois. Par ailleurs, lorsque la loi le permet, les juridictions peuvent recourir à d'autres mesures d'aménagement de peine moins difficiles à mettre en oeuvre telle que la libération conditionnelle et la suspension de peine à durée limitée dans le cadre de l'article 720-1 du code de procédure pénale pour motif grave d'ordre médical.

2. Une prise de conscience pour la prévention du suicide

Le nombre de suicides en milieu carcéral demeure élevé : 120 en 2003 (121 en 2002).

Aussi, parallèlement à la prise en charge sanitaire du détenu, un effort particulier a-t-il été engagé pour prévenir le suicide en détention. Il convient d'abord de rappeler que la circulaire interministérielle du 29 mai 1998 relative aux axes fondamentaux de la prévention du suicide en milieu pénitentiaire a été complétée, dans le cadre de la stratégie nationale d'action face au suicide pour 2000-2005 initiée par le ministère de la santé, par une circulaire interministérielle du 26 avril 2002 cosignée par les ministres de la justice et de la santé.

Par ailleurs, installée en novembre 2002, une commission centrale pluridisciplinaire de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral composée de magistrats, de fonctionnaires de la direction de l'administration pénitentiaire et du ministère de la santé, veille au recensement effectif de tous les décès par suicide en détention et contrôle l'application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide.

Enfin, au terme de la mission qui lui avait été confiée le 23 janvier 2003, M. le professeur Jean-Louis Terra a présenté en décembre de la même année plusieurs recommandations destinées à réduire le nombre de suicides en milieu pénitentiaire. Dans le prolongement de ce rapport, le Gouvernement a d'abord engagé une formation face à la crise suicidaire pour 2.200 personnels d'ici à la fin 2005 10 ( * ) . En outre, il a également décidé de tester sur trois ou quatre sites pilotes des dispositions susceptibles de faire l'objet d'une généralisation ultérieure -actions de formation de codétenus à la gestion de la crise suicidaire et aménagement de cellules spécialement conçues pour la surveillance de personnes détenues identifiées comme traversant une crise suicidaire. Une étude sera également conduite pour évaluer la possibilité de constituer un document partagé afin d'assurer le suivi de la personne de la garde à vue à l'écrou pour mieux estimer le risque suicidaire à chaque stade procédural et d'anticiper les actions à entreprendre.

3. Un premier bilan positif des unités expérimentales de vie familiale

L'administration pénitentiaire a décidé au printemps 2000 de mettre en place à titre expérimental des unités de vie familiale (UEVF). Ces structures ont vocation à permettre aux personnes détenues condamnées à de longues peines et ne bénéficiant pas de permissions de sortie, de recevoir dans l'enceinte pénitentiaire les membres de leur famille de 6 à 48 heures une fois par trimestre (72 heures une fois par an) dans des conditions matérielles, de durée et d'intimité satisfaisantes. Trois sites pilotes ont été retenus : les UEVF du centre pénitentiaire de Rennes ont ouvert le 23 septembre 2003, celles de Saint-Martin de-Ré le 10 avril 2004. L'inauguration de celle de Poissy -dont les travaux ont commencé début 2004- est envisagée dans le courant du premier semestre 2005.

A Rennes, la maison centrale accueille des femmes condamnées à de longues peines provenant de toute la France, un quart d'entre elles seulement bénéficiant de permissions de sortie. L'instauration des UEVF a permis de rompre, au moins partiellement, l'isolement familial lié à l'éloignement géographique. Ainsi en neuf mois de fonctionnement, 52 visites ont effectivement eu lieu (42 d'une durée de 6 heures, 8 d'une durée de 24 heures, 2 d'une durée de 48 heures 11 ( * ) ). Il s'est agi pour moitié de visites d'enfants à leur mère incarcérée, souvent accompagnés de l'autre parent ou d'un membre de la famille, voire d'un travailleur social du domicile des enfants. Les autres visites présentent un caractère conjugal.

Les personnels se sont impliqués dans cette expérience et plusieurs surveillantes se sont ainsi portées candidates pour participer au fonctionnement de ces structures.

Le directeur de l'administration pénitentiaire a observé, lors de son audition par votre rapporteur, que l'ouverture de ces appartements familiaux avait créé un climat favorable non seulement au sein de la population pénale concernée -les effets positifs de la visite en UEVF dans les relations avec les proches paraissant s'être prolongés lors des parloirs traditionnels- mais aussi au sein des différentes équipes de personnels qui se sont véritablement appropriées le projet.

4. Le bilan contrasté du travail et de la formation

Il convient de rappeler que le code de procédure pénale (article 720) institue un droit au travail et à la formation professionnelle pour la population pénale et fixe à l'administration une obligation de moyens en vue de procurer une activité professionnelle aux détenus qui en font la demande. Ces activités outre les rémunérations qu'elle procure, concourent à l'équilibre personnel en détention et préparent à l'insertion.

Le travail s'effectue selon des modalités variées. En premier lieu, les activités de travail gérées par l'administration couvrent d'une part, les activités du service général -besoins de fonctionnement de l'établissement- (30  % de l'effectif des détenus soit 6.700 postes de travail pour un salaire moyen de 180 euros) et, d'autre part, le travail réalisé dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire (SEP) effectué par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » (RIEP), compte spécial du trésor. Ces ateliers concernent des secteurs d'activité variés et occupent 1.300 détenus pour un salaire moyen de 453 euros. En second lieu, les entreprises privées concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte gèrent des ateliers de production -9.300 détenus pour un salaire mensuel moyen de 375 euros. Enfin, 1.300 détenus travaillent à l'extérieur dans le cadre des mesures d'aménagement de peine (placement à l'extérieur et semi-liberté).

Le travail occupe ainsi 32  % de la population pénale en maison d'arrêt et 55  % en établissement pour peines, soit au total 18.600 détenus.

Les deux dernières années ont été marquées par un recul du volume d'activité dans les ateliers de la RIEP (- 21  % en maison d'arrêt et - 9 % dans les établissements pour peines). Cette évolution apparaît le résultat conjugué de trois facteurs : le ralentissement de la croissance économique (dont l'effet est amplifié par la délocalisation des activités de main d'oeuvre vers les pays de l'Europe centrale 12 ( * ) ), l'inadaptation du parc pénitentiaire aux exigences de la production (surfaces d'atelier et de stockage par exemple) et l'augmentation de la population pénitentiaire.

Par ailleurs, la situation financière de la RIEP apparaît préoccupante. En effet, le compte de résultat se solde par un déficit de 2.780 millions d'euros et l'analyse des premières données pour 2004 ne permet pas de prévoir un rétablissement de la situation financière du compte de commerce.

L'état des réserves financières laisse présager des difficultés pour la RIEP pour le financement de sa production au cours de l'année 2005. Ce contexte ne paraît pas propice, à ce stade, à la mise en oeuvre des recommandations formulées par notre ancien collègue, M. Paul Loridant (développement de l'offre de travail, amélioration de la dimension professionnelle des activités ...). Un audit a été engagé en septembre 2004 afin de permettre d'évaluer :

- la situation comptable et financière du compte de commerce, notamment comparée aux résultats comptables d'entreprises de même nature ;

- l'organisation industrielle (procédures, rentabilité) ;

- la conformité et la pertinence des actions mises en oeuvre ;

- les faiblesses dans le fonctionnement de la structure SEP/RIEP.

Cependant, le service de l'emploi pénitentiaire s'est d'ores et déjà fixé un objectif de réduction de 10  % du montant des achats de matières premières et de frais généraux (développement des marchés globaux passés pour l'approvisionnement en matières premières des ateliers d'un même secteur, mise en place d'un progiciel de gestion destiné à une meilleure analyse des coûts et des moyens).

En revanche, le nombre de personnes détenues ayant bénéficié d'une formation professionnelle a augmenté de 13  % par rapport à l'année précédente pour atteindre 26.098 personnes. Cette évolution favorable s'explique pour partie par l'augmentation des modules d'accueil et des bilans d'évaluation et d'orientation mis en place dans les établissements pénitentiaires.

Près de 60  % de ces formations sont orientées vers l'acquisition de savoirs professionnels, théoriques et pratiques. Votre rapporteur a d'ailleurs pu mesurer l'intérêt suscité par la formation à l'emploi d'agent de restauration lors de la visite effectuée à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis en novembre dernier.

Actions qualifiantes et préqualifiantes

Pourcentage

Métiers de bouche

14,7  %

Electricité - Electrotechnique

11,1  %

Bâtiment

28,4  %

Métallerie

3,4  %

Informatique - Bureautique - Comptabilité

15,9  %

Vente

1,7  %

Hygiène nettoyage

7,7  %

Mécanique - Maintenance

4,6  %

Cariste - Magasinier

5,9  %

Confection

1,0  %

Espaces verts - Agriculture

5,7  %

TOTAL

100  %

III. LES PERSONNELS : L'ENJEU DU RECRUTEMENT ET DES RÉFORMES STATUTAIRES

En 2004, l'effectif budgétaire de l'administration pénitentiaire s'élève à 29.931 agents .

Évolution des effectifs budgétaires de 2000 à 2004

 

2000

2001

2002

2003

2004

Personnel de direction

363

370

396

394

429

Personnel administratif

2.308

2.376

2.489

2.565

2.766

Personnel de surveillance

20.256

20.595

21.816

22.435

23.146

Personnel technique

675

680

722

731

745

Personnel d'insertion et de probation

1.560

1.681

1.815

1.966

2.126

Contractuels (dont professeurs)

166

184

203

206

212

Personnel social

540

533

508

507

507

A. LA RÉALISATION DES OBJECTIFS EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT


Des besoins de recrutement importants

Le besoin de recrutement des personnels de surveillance est estimé à près de 8.000 entre 2003 et 2007. Il se fonde principalement sur la création, sur cette période, de 2.653 emplois prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Par ailleurs, les départs en gestion sont estimés entre 240 et 300 agents par an. Le rythme de départ en retraite se stabilisera jusqu'en 2007 mais devrait progresser fortement entre 2009 et 2012.

Pour les autres filières, les départs en retraite progresseraient dès 2005 et resteraient importants pendant plusieurs années. Ainsi, en 2010, 170 départs sont prévus contre 50 en 2003. Une telle évolution apparaît du reste commune aux autres secteurs d'activité.

Le besoin de recrutement pour les filières autres que celles de personnel de surveillance s'établirait ainsi pour la période 2003-2007 :

- 150 pour les personnels de direction,

- 950 pour les personnels administratifs,

- 200 pour les personnels techniques,

- plus de 1.000 pour les travailleurs sociaux.

Afin de satisfaire ces besoins, l'administration pénitentiaire met en oeuvre depuis octobre 2002 des campagnes d'information sur les métiers pénitentiaires. Cet effort de communication a contribué à valoriser le travail des personnels pénitentiaires auprès de l'opinion publique. Il a également porté ses fruits en matière de recrutement. Ainsi les concours les plus récents ont permis de pourvoir tous les postes offerts - contrairement à la situation qui prévalait depuis 1999- et aussi de combler les vacances de postes héritées des recrutements déficitaires antérieurs 13 ( * ) . Au terme du concours de surveillant organisé l'an passé auquel 18.526 personnes se sont présentées aux épreuves d'admissibilité, 1.384 élèves ont été nommés constituant les deux promotions (respectivement de 693 et 691 élèves) les plus importantes jamais formées par l'école nationale de l'administration pénitentiaire d'Agen.

Il convient de relever que la proportion de femmes recrutées s'est infléchi en 2004 , représentant 26  % de l'ensemble -contre 34  % l'année dernière. Les femmes représentent aujourd'hui 11  % du corps des surveillants.

Le succès des campagnes de recrutement ne dépend pas seulement d'une communication plus efficace mais aussi et surtout de statuts plus attractif.

Les mesures indemnitaires

Parmi les mesures indemnitaires appliquées au cours de cette année, il convient de mentionner :

- la revalorisation à partir du 1 er janvier 2004 de la prime de sujétions spéciales à hauteur de 24  % du traitement brut pour les chefs de services pénitentiaires, les premiers surveillants et les surveillants 14 ( * ) ; en outre, un point supplémentaire de cette prime a été attribué à l'ensemble du personnel de surveillance au 1 er janvier 2004 ;

- l'uniformisation et l'augmentation de l'indemnité pour charge pénitentiaire versée initialement à l'ensemble du personnel de surveillance, administratif et technique des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire selon deux modalités- taux de base (404 euros) ou taux majoré (647,92 euros) 15 ( * ) ; à compter du 1 er janvier 2004, cette indemnité est accordée à certains personnels des services déconcentrés sur la base du seul taux majoré unifié dont le montant sera revalorisé de 15  % soit 750 euros annuels. Par ailleurs, l'indemnité pour charge pénitentiaire à taux majoré a été attribuée aux équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) ;

- la réforme du dispositif de l'indemnité de responsabilité pour les personnels de direction par la mise en place d'un « taux moyen d'objectif » -institué depuis 1997 au ministère de l'intérieur pour les personnels du cadre national des préfectures. Le nouveau dispositif repose sur un système de modulation (de - 20  % à + 20  %) autour d'un taux moyen défini pour chacun des grades concernés (ce taux moyen va de 4.000 euros pour les directeurs régionaux à 2.400 euros pour les chefs de service pénitentiaire de deuxième classe). L'indemnité de responsabilité représente 9  % de la rémunération nette annuelle et est versée sur une base trimestrielle.

Aucune mesure indemnitaire spécifique n'a été inscrite au projet de loi de finances pour 2005 ; l'administration pénitentiaire a en effet privilégié les mesures statutaires et en particulier, la revalorisation du statut des personnels d'insertion et de probation et la réforme statutaire des personnels de surveillance.

Enfin, plusieurs représentants des organisations syndicales rencontrés par votre rapporteur ont souligné la nécessité d'éviter tout décrochage indiciaire entre les personnels de surveillance et les corps homologues de la police.

B. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION STATUTAIRE

1. La réforme statutaire de la filière d'insertion et de probation

Comme l'avait relevé notre collègue, M. Georges Othily, l'année dernière la réforme des services d'insertion et de probation et la forte augmentation du nombre de mesures de prise en charge ne se sont pas accompagnées de mesures en faveur du personnel.

Aux termes d'un arbitrage interministériel du 15 avril 2004 relatif à la réforme statutaire de la filière d'insertion et de probation, les perspectives de carrière pour l'ensemble des agents devraient être améliorées. En effet, la réforme permettra la création d'un véritable corps d'encadrement -les directeurs d'insertion et de probation classés en catégorie A (ce corps comprendra initialement 200 agents : les 90 directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation actuels et 110 chefs des services d'insertion et de probation) et la revalorisation indiciaire du corps des chefs de service d'insertion et de probation. La création d'un 9 ème échelon à l'indice brut 730 permet d'aligner la grille indiciaire des chefs des services d'insertion et de probation sur le corps équivalent de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de redonner ainsi l'attractivité que le corps a perdu (le dernier concours n'a permis de recruter que 9 candidats pour 40 postes offerts...).

Par ailleurs, dans les deux années suivant la publication de la loi n° 2004-204 du 9 mai 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un bilan de l'activité des services d'insertion et de probation sera dressé afin d'évaluer l'évolution de leur charge de travail.

2. Une réflexion liée à l'évolution des missions : le point sur les transfèrements

Actuellement, l'administration pénitentiaire doit prendre en charge les transfèrements administratifs (d'un établissement pénitentiaire à l'autre) et, aux termes d'une décision du Conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999, applicable au 1 er janvier 2002, les escortes médicales pour consultations. Dans les deux cas, le concours des forces de l'ordre peut être sollicité lorsqu'un détenu est réputé dangereux.

Les extractions ou translations judiciaires incombent quant à elles à la police ou à la gendarmerie. Il en est de même pour le transport des détenus pour hospitalisation.

En pratique, l'administration pénitentiaire assure 90 % des escortes médicales pour les consultations 16 ( * ) et effectue en revanche la moitié des conduites des détenus hospitalisés. Or, il arrive fréquemment que les escortes pénitentiaires soient mobilisées pendant plusieurs heures avant d'être relevées aux dépens de la sécurité de l'établissement dont proviennent les personnels.

Aux termes d'un arbitrage interministériel, il avait été décidé à titre expérimental, dans le cadre de la direction régionale de Strasbourg, de confier à l'administration pénitentiaire la prise en charge de l'ensemble des escortes et des gardes à l'hôpital des détenus. Ce transfert impliquait selon le rapport d'un magistrat de la Cour des comptes, mandaté par le Gouvernement, la création de quelques 410 emplois (et l'extension de cette expérimentation à l'échelle nationale supposerait la mise à disposition de 4.500 à 5.000 emplois). Les conditions d'un transfert de personnels et de moyens au ministère de la justice n'ont pu cependant être réunies et l'expérimentation a dû être ajournée en juillet 2004.

En tout état de cause, ce dossier demeure d'actualité. Selon les informations communiquées par la Chancellerie, une évolution dans ce domaine n'implique pas la création d'un corps spécialisé au sein de l'administration pénitentiaire. Les surveillants seraient sélectionnés et formés pour assurer cette mission qui les conduirait à être armés à l'extérieur des établissements. Ils recevraient ainsi une formation spécifique au tir et à la sécurisation des escortes (pose des menottes et entraves, comportement et utilisation de l'arme sur la voie publique). A l'issue de cette formation -à laquelle devraient concourir des instructeurs de la police nationale- les surveillants seraient « habilités » mais pourraient à tout moment postuler pour rejoindre un établissement. Il resterait à déterminer par ailleurs dans quelle mesure la prise en charge de cette nouvelle mission s'accompagnerait de certains avantages indemnitaires pour les personnels intéressés.

IV. UNE FORTE AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE DÉTENTION

L'administration pénitentiaire dispose actuellement d'un parc de 188 établissements (118 maisons d'arrêt, 6 maisons centrales, 23 centres de détention, 26 centres pénitentiaires, 14 centres de semi-liberté et un hôpital national pénitentiaire) caractérisé par sa dispersion 17 ( * ) ainsi que par son ancienneté -57  % des établissements ont été construits avant 1920.

Cette situation a conduit l'administration pénitentiaire à relancer en 1997 le « programme 4000 » déjà proposé en 1994 par M. Pierre Méhaignerie, effort amplifié par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 avec la réalisation prévue de 13.200 places nouvelles de détention. Parallèlement, les grands établissements pénitentiaires font l'objet d'un programme de rénovation .

Votre rapporteur dressera le bilan de ces trois volets de l'investissement immobilier.

A. LE POINT SUR LES PROGRAMMES IMMOBILIERS

1. Le programme « 4000 »

Le programme de construction « 4000 » devrait s'achever en 2005 au terme de la construction de six nouveaux établissements. Il a entraîné la fermeture ou la reconversion des établissements anciennement implantés dans les villes concernées et s'est traduit par un gain net de 3.021 places .

Ouverture

Fermeture

Solde

Date de début de la construction

Date de livraison

Établissement

Nombre de places

Établissement

Nombre de places

Nombre de places

Toulouse-Seysses (A)

596

Toulouse

290

305

Octobre 2000

10-10-2002

Avignon-le Pontet (A)

605

Avignon

256

349

Novembre 2000

20-12-2002

Lille-Sequedin (A)

635

-

-

635

Novembre 2002

15-12-2004

Liancourt (B)

616

Liancourt

0

616

Septembre 2001

17-02-2004

Toulon-la-Farlède (B)

587

Toulon

50

537

Janvier 2002

15-04-2004

Meaux-Chauconin (B)

578

Meaux
Melun

0
0

578

Juillet 2002

08-07-2004

TOTAL

3.617

-

596

3.021

 
 

A : 1 ère tranche
B : seconde tranche

Le coût de ce programme est estimé à 355 millions d'euros, hors filins de protection anti-hélicoptères dont la pose représenterait 15 millions d'euros.

2. La mise en oeuvre de la LOPJ

La mise en oeuvre du nouveau programme d'établissements pénitentiaires pour majeurs

La LOPJ a prévu la construction de 13.200 places dont 10.800 dans de nouvelles prisons.

Ce programme s'articule autour de deux volets : d'une part, les établissements « classiques » (maisons d'arrêt, centres de détention ou centres pénitentiaires), soit 8.900 places, d'autre part, les maisons centrales.

Le volet établissements classiques lui-même sera réalisé selon des modalités distinctes.

En premier lieu, quatre établissements seront réalisés dans le cadre d'un montage en conception-réalisation : une convention de mandat pour un premier lot de trois établissements (Bourg-en-Bresse, Rennes et Mont-de-Marsan) a été approuvé le 7 juillet 2004 pour un montant de 218 millions d'euros et les livraisons devraient intervenir avant la fin 2008. L'établissement pénitentiaire d'Ajaccio sera adjoint à cette convention avant la fin 2005.

En outre, quatre autres établissements seront réalisés sur la base des nouveaux dispositifs juridiques permis par la loi d'orientation sur la sécurité intérieure du 29 août 2002 (procédure d'autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat dite « AOT-LOA »). l'Etat peut ainsi conclure avec le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire un bail portant sur des bâtiments à construire pour les besoins de la police, de la gendarmerie nationale et de la justice. Avant le terme fixé dans l'AOT, une option lui permet d'acquérir les installations ainsi édifiées. Le bail doit comprendre également des clauses destinées à garantir les exigences du service public.

Dans ce cadre, la procédure de mise en concurrence a été initiée pour un premier lot de quatre établissements (Hérault, Loire, Meurthe-et-Moselle, Rhône) et les candidatures ont été reçues en octobre dernier. Pour la poursuite de ce programme, le « contrat de partenariat de l'Etat » prévu par l'ordonnance n°2004-599 du 17 juin 2004 constitue une nouvelle forme de partenariat public privé qui par sa souplesse apparaît peut-être plus adaptée aux besoins de l'administration pénitentiaire que la procédure AOT-LOA.

Les autres établissements « classiques » devraient être conduits suivant un partenariat public-privé.

En second lieu, le programme de construction prévoit également la réalisation de deux maisons centrales , conduite, compte tenu du haut niveau de sécurité requis, en maîtrise d'ouvrage publique . 320 places seront ainsi réalisées à Alençon et Vendin-le-Vieil pour un coût de 92 millions d'euros.

La rénovation et l'extension des quartiers mineurs

Au moment de l'adoption de la LOPJ, il existait 853 places pour mineurs dont, seulement, 361 aux normes. La loi a fixé pour objectif de porter d'ici 2007 à 886 le nombre de places aux normes. A la fin de 2004, 983 places devraient être opérationnelles dont 653 aux normes (soit la création de 59 places cette année après la réalisation de 71 places en 2003). Ces opérations sont conduites sur tout le territoire national. Néanmoins, le programme a connu quelques modifications. Ainsi, le projet de création à Bois d'Arcy a été abandonné. Le coût du programme des quartiers mineurs a été ramené à 15 millions d'euros et a permis de compenser en partie le surcoût de création des établissements pénitentiaires pour mineurs.

La création des établissements pénitentiaires pour mineurs

Le programme prévoit la réalisation de 420 places 18 ( * ) réparties dans 7 établissements (Chauconin, Lyon-Mésieux, Marseille, Nantes, Toulouse, Valenciennes, Porcheville). Le coût a dû être révisé au regard notamment des dépenses d'aménagement nécessaires des sites retenus. Il s'élèvera à 100,7 millions d'euros soit un surcoût de 11 millions d'euros.

L'extension de l'école nationale de l'administration pénitentiaire

Les travaux engagés depuis le début de cette année devraient s'achever au début de l'année prochaine. Ils permettront de porter de 850 à 1.200 places la capacité des locaux d'enseignement pédagogique et, par ailleurs, de créer un bâtiment école de détention destiné à l'apprentissage des gestes et pratiques professionnelles considéré par certains syndicats professionnels entendus par votre rapporteur comme le maillon faible de la formation professionnelle.

3. Le programme de rénovation des cinq grands établissements

Décidé en 1993, ce programme concerne les cinq plus grands établissements de l'administration pénitentiaire (maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et Paris-La Santé, centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, établissement de Loos-les-Lille) soit près d' un cinquième de la capacité de détention des prisons françaises. Initialement destinée à mettre en place des aménagements limités, la rénovation a été réorientée vers une remise aux normes fonctionnelles, en référence aux programmes en cours : encellulement individuel, douche en cellule et création d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion. Le coût budgétaire total est estimé à 776 millions d'euros .

L'état d'avancement des travaux à Fleury-Mérogis est évoqué dans le compte rendu du déplacement de votre rapporteur dans cet établissement en novembre dernier (voir dernière partie du présent rapport).

La maison d'arrêt de Paris-La Santé

La volonté de maintenir dans Paris intra muros un lieu de première incarcération, à proximité du Palais de justice, implique en contrepartie un effort considérable de rénovation. Bien que les études de schéma directeur aient laissé un éventail des options très ouvert -jusqu'à la destruction et la reconstruction d'une nouvelle maison d'arrêt-, le choix de l'administration pénitentiaire s'est fixé aujourd'hui sur la restructuration de l'établissement.

Les travaux devront donc se dérouler tandis que l'établissement continuera de fonctionner en accueillant de 400 à 600 détenus. Un chantier en site occupé entraînera nécessairement des surcoûts et des délais supplémentaires actuellement en cours d'examen.

Les autres maisons d'arrêt

Compte tenu de l'état d'avancement du projet de rénovation de Fleury-Mérogis et de la rénovation d'autres grands établissements de la région parisienne alors même que le déficit de places de détention s'est aggravé au cours des deux dernières années, la rénovation de la maison d'arrêt de Fresnes a dû être retardée.

En revanche, le permis de construire du centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes a été déposé l'an passé ; l'élaboration du dossier de consultation des entreprises est en cours et les travaux devraient commencer au 1 er trimestre 2005 afin de porter la capacité (hors centre pour peines aménagées) à 1.287 places.

Enfin, le projet initial de regroupement de la maison d'arrêt et du centre de détention de Loos a été remis en cause compte tenu d'une part des directives sur l'encellulement individuel et, d'autre part, du coût très élevé de maintien des bâtiments actuels. Ainsi il est aujourd'hui envisagé de construire un nouveau centre pénitentiaire de 400 places sur la région lilloise.

4. Les mesures d'urgence pour faire face à l'augmentation de la population pénale

Confrontés à l'augmentation de la population pénale, le ministère de la justice a dû mettre en place un programme d'augmentation des capacités de 3.000 places de détentions destiné à satisfaire les besoins entre les livraisons des derniers établissements du programme 4000 et la réalisation du programme 13.200. Une première phase, décidée en juillet 2003, visait à optimiser le parc existant (rénovation de cellules désaffectées et maintien en activité partielle d'établissements dont la fermeture avait été programmée) par la création sur la période 2004-2005 de 1.000 places supplémentaires. Néanmoins, ce dispositif s'est révélé insuffisant. En conséquence, ce programme a été prolongé en 2004 par une deuxième phase - la création de 2.000 places supplémentaires dont 500 en centres de semi-liberté.

Au titre de ce programme, 544 places ont été réalisées en 2004 et 1.000 devraient l'être en 2005 (sur la base d'un coût moyen de 30.000 euros par place soit 30 millions d'euros en 2005).

5. L'enjeu de la sécurité

L'institution pénitentiaire est aujourd'hui confrontée à de nouveaux risques liés à l'accroissement du nombre de détenus terroristes et des détenus appartenant à des réseaux de grand banditisme dont les liens avec des associations de malfaiteurs à l'extérieur n'ont pas cessé 19 ( * ) . L'attaque extérieure des établissements à l'arme de guerre ne peut plus être considérée aujourd'hui comme un cas d'école.

Aussi, dans le prolongement des recommandations du rapport Lemonnier, la sécurisation des bâtiments pénitentiaires apparaît-elle comme une priorité. Une enveloppe de 12 millions d'euros y est consacrée dans le projet de loi de finances pour 2005. Cette action se décline en six volets :

- la sécurisation des cinq maisons centrales dites sécuritaires -Arles, Clairvaux, Lannemezan, Moulins et Saint-Maur ;

- le brouillage des téléphones portables (devant l'impossibilité de déceler l'ensemble des téléphones portables entrés illégalement dans les établissements, l'administration a décidé de passer un marché national pour installer un système interdisant toute communication téléphonique liée aux portables) ;

- la reconnaissance par biométrie des détenus pour éviter les évasions par substitution lors des parloirs (système de reconnaissance biométrique basée sur l'enregistrement de la cartographie de la taille et de la forme de la main doublé avec une carte d'identité intérieure infalsifiable) ;

- la mise aux normes des miradors ;

- la sécurisation des maisons d'arrêt et centres de détention ;

- la sécurisation des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Dans le domaine de la sécurité, votre rapporteur souhaiterait souligner le rôle très positif joué par les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) créées par la circulaire du 27 février 2003 et composées d'agents de l'administration pénitentiaire spécialement formés. L'ensemble des personnels pénitentiaires juge favorablement l'action de ces unités qui, le plus souvent, par le seul effet de la dissuasion, permet de ramener le calme dans les établissements confrontés à des mouvements de détenus.

B. UN PREMIER BILAN DE LA GESTION MIXTE

Le mode de gestion mixte repose sur la prise en charge, sous la forme de marchés, par une personne autre que l'Etat de certaines tâches concourant au fonctionnement des établissements pénitentiaires à l'exclusion des missions régaliennes -direction, greffe, surveillance. Ces fonctions couvrent l'intendance et la logistique ainsi que le travail pénitentiaire et la formation professionnelle des détenus. La fonction « santé » initialement incluse dans les marchés de fonctionnement des établissements pénitentiaires en gestion mixte a été confiée en mai 2001 au service public hospitalier.

Mis en oeuvre sur la base de marchés dits de la « première génération » pour la période 1990-2001, le mode de gestion mixte a été retenu dans le cadre de la seconde génération de marché (2002-2009) pour 27 établissements : en tranche ferme, les 21 établissements ayant déjà fonctionné sous ce mode de gestion (programme « 13000 ») et, en tranche conditionnelle, les six nouveaux établissements du programme « 4000 » - soit au total 15.045 places.

Le bilan de deux premières années 2002 et 2003 des marchés de la deuxième génération apparaît positif. Pour 21 établissements pénitentiaires, l'administration pénitentiaire a versé aux groupements privés 91,8 millions d'euros en 2002 et 103,7 millions d'euros en 2003 (pour un taux d'occupation de ces établissements de 96  % en 2002 et 104  % en 2003).

Les fonctions d'intendance et de logistique ont été exercées de manière satisfaisante. Dans le cadre des fonctions de réinsertion, les groupements privés peuvent se prévaloir d'une augmentation de 14  % des bilans d'évaluation (soit un dépassement de 40  % des seuils minima fixés par le cahier des charges) et un nombre d'heures-stagiaires plus élevé que la moyenne obtenue par les établissements en gestion publique. Ces résultats sont aussi le fruit d'une dotation budgétaire plus importante que dans les structures en gestion publique qui ne disposent pas de budgets réservés à la mise en place d'actions de formation professionnelle.

V. LES CONSTATATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Afin de préparer le présent rapport, votre rapporteur 20 ( * ) s'est rendu successivement dans les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Beauvais 21 ( * ) . Ces deux établissements présentent un caractère très contrasté à l'image de la situation actuelle des prisons françaises : d'un côté, avec Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe, construite dans les années soixante mais prématurément vieillie ; de l'autre, avec Beauvais, une maison d'arrêt traditionnelle construite à la fin du XIXème siècle, au coeur de la ville, et dont les capacités répondent mal aux normes actuelles de détention.

L'une et l'autre néanmoins, malgré la disparité de leurs moyens, connaissent un taux de sur-occupation préoccupant, mal endémique des établissements pénitentiaires.

1. La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis

La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dont la construction s'est échelonnée entre 1964 et 1968 comporte en fait trois entités distinctes :

- la maison d'arrêt des hommes avec cinq bâtiments disposés en étoile (2.636 places) ;

- le centre des jeunes détenus constitué d'un bâtiment également en forme d'étoile (107 places) ;

- la maison d'arrêt des femmes formé par un bâtiment hexagonal (245 places).

D'une capacité de 3.205 places 22 ( * ) , les effectifs s'élevaient au 29 octobre 2004 à 3.936 détenus -soit un taux d'occupation de 123  %- dont seulement un peu plus de la moitié est constituée de prévenus (2.067). Les autres détenus sont des condamnés (1.658 dans le cadre de procédures correctionnelles, 211 sur la base de procédures criminelles).

Si l'encellulement individuel est respecté pour les mineurs, tel n'est pas le cas pour les adultes. Beaucoup de cellules -malgré leur surface limitée puisque 95  % d'entre elles ont une surface de 10 m2- hébergent deux détenus -voire davantage en particulier pour la maison d'arrêt des femmes-. Cependant les lits superposés se sont généralisés alors que la concentration de la population pénale avait conduit, au milieu des années 80, à installer un couchage à terre. D'une manière générale, à l'exception des condamnés à une longue peine, les détenus manifestent une préférence pour un hébergement partagé.

Les détenus sont en principe répartis par département d'origine sauf dans les périodes où l'accroissement des effectifs (jusqu'à 4.500 détenus dans la période récente) n'autorise plus qu'une affectation empirique des personnes incarcérées.

Une rénovation indispensable

Bien que de conception relativement récente, la maison d'arrêt de Fleury Mérogis a mal vieilli. Au cours de sa visite, votre rapporteur a pu en prendre la mesure, en particulier, dans la maison d'arrêt des hommes.

L'exercice professionnel des personnels pénitentiaires se trouve compliqué par certaines dysfonctionnements. A titre d'exemple, le système de commande à distance du verrouillage de certaines des portes des couloirs de l'établissement ne fonctionne plus depuis plusieurs années et il faut procéder à un verrouillage ou déverrouillage manuel. Les conditions de détention apparaissent également affectées par la dégradation des infrastructures. Ainsi, le quartier disciplinaire exigerait une rénovation complète.

Certes, des travaux conservatoires importants ont été ou seront prochainement réalisés pour un coût de 7,8 millions d'euros (réfection de l'étanchéité des toitures terrasses, le remplacement des 12 monte-charges, la réfection de certaines cuisines...).

Cependant, dans le cadre du programme de rénovation des cinq grands établissements d'île de France décidé en 1998, Fleury Mérogis devrait faire l'objet d'une réhabilitation d'ensemble pour un coût de 382,15 millions d'euros . Il s'agirait d'abord d'une remise aux normes fonctionnelles (douche en cellule, réaménagement des parloirs, création d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion) et aussi d'un renforcement de la sécurité de l'établissement (restructuration des portes d'entrée principales, création d'un véritable poste de contrôle et d'information, amélioration de la gestion des flux des détenus).

Au terme de cette rénovation, la capacité de Fleury Mérogis serait portée à 3.847 places .

Un tel chantier pourrait s'étaler sur douze années.

Selon les informations communiquées par la direction de l'établissement, 350 cellules pourraient être rénovées en 2005 et une nouvelle tranche interviendrait ainsi tous les 18 mois. La mise en oeuvre du chantier suppose que de nouvelles capacités d'hébergement puissent être trouvées ailleurs. Or la saturation des établissements d'île de France interdit d'envisager contrairement aux prévisions initiales, le recours à des capacités relais hors les murs de Fleury Mérogis.

Néanmoins la remise en état de cellules insalubres, rendue possible par les travaux d'étanchéité des toitures terrasses, ainsi que la création d'hébergements au quatrième niveau de l'un des bâtiments de la maison d'arrêt des adultes en lieu et place de cours de promenade inutilisées devraient permettre de dégager le nombre de places nécessaires.

Ce programme invite à une réflexion plus large sur l'aménagement de structures appelées, comme Fleury-Mérogis, à accueillir des détenus dans des situations très diverses. Outre la différence essentielle entre prévenus et condamnés, il convient de distinguer, en effet, parmi ces derniers ceux dont le caractère dangereux requiert une surveillance toute particulière 23 ( * ) .

Or, au-delà des seuls quartiers d'isolement, les aménagements d'un établissement pénitentiaire apparaissent souvent commandés par des exigences de sécurité prises en considération des détenus les plus dangereux. Une telle situation apparaît coûteuse pour les finances publiques et ne contribue pas à l' « humanisation » des conditions de détention. Il semblerait souhaitable de privilégier des investissements différenciés selon le profil des personnes détenues, conformément du reste à l'objectif poursuivi par la loi d'orientation et de programmation pour la justice avec la création d'établissements pénitentiaires au régime de détention « allégé ».

Les spécificités de Fleury-Mérogis : la maison d'arrêt des femmes et le quartier des mineurs :

- La maison d'arrêt des femmes comporte 245 places et héberge actuellement 369 femmes (dont 9 mineures). Elle est l'un des 25 établissements pénitentiaires habilités à l'accueil des enfants laissés auprès de leur mère incarcérée . A ce titre, elle dispose d'un quartier « nurserie » composé de 13 places pour femmes détenus enceintes et 13 places pour les mères incarcérées gardant auprès d'elles leur enfant. La durée moyenne de séjour y est, pour une mère accompagnée de son enfant, de 5 mois et demie. Les enfants ne dépendent pas de l'administration pénitentiaire mais du conseil général de l'Essonne au titre de la protection maternelle et infantile. Ils peuvent passer d'ailleurs quelques heures par jour en crèche municipale ou chez une assistante maternelle en vue de leur socialisation. Dans ce quartier, tout a été fait pour atténuer les aspects les plus visibles de l'incarcération -de l'aménagement de salles de récréation (ou du patio extérieur) au choix d'une tenue civile pour les surveillantes en passant par la liberté pour les détenues d'aller et de venir dans les limites de ce quartier.

Le centre des jeunes détenus

La dénomination de cette structure ne correspond pas à sa vocation réelle. En effet, aux côtés d'un quartier des mineurs spécifique, elle abrite une majorité de majeurs choisis pour leur comportement calme ou leur implication dans un parcours de réinsertion par la formation ou le travail.

Le quartier des mineurs, le plus important de France, dispose de 106 cellules et abrite actuellement 70 mineurs (contre 122 au 1 er mai 2002).

Totalement isolé de la partie réservée aux adultes, il comporte six unités correspondant à autant de régimes de détention (« arrivants », « strict », « encadrement », « ordinaire », « libéral »).

Les décisions d'affectation entre chacun de ces régimes sont prises toutes les semaines. Ce dispositif, adapté au profil de chaque mineur, a contribué à mettre fin aux désordres qu'avait connu ce quartier il y a quelques années. Il fonctionnerait plus difficilement si le nombre de mineurs dépassait 70.

Les personnels de surveillance affectés au quartier des mineurs sont des volontaires et bénéficient d'une formation spécifique.

Le centre des jeunes détenus dispose par ailleurs de quatre ateliers de production employant environ 110 adultes et salles de formation professionnelle (peinture en bâtiment, mécanique automobile, électricité, cuisine de néo-restauration, etc.).

Les personnels

La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dispose d'un effectif de 1.407 agents parmi lesquels 1.289 personnels de surveillance (dont 30  % de femmes).

La principale difficulté tient à la rotation excessivement rapide des personnels. Ces derniers, affectés à l'issue de leur formation dans les établissements d'Ile-de-France, n'ont de cesse en effet de retrouver le plus rapidement possible leur département d'origine. En moyenne, les surveillants restent une année à Fleury-Mérogis. Selon l'observation d'un responsable de l'administration pénitentiaire, il revient souvent à l'avant-dernière promotion de l'ENAP de former les agents issus de la dernière promotion. Or, l'exercice -difficile et exigeant- de la fonction de surveillance requiert une bonne connaissance de la population pénitentiaire et une expérience professionnelle complémentaire de la formation donnée à l'école. Ces deux conditions paraissent difficilement satisfaites dans le contexte d'une trop grande mobilité.

2. La maison d'arrêt de Beauvais

Construite en 1872, la maison d'arrêt de Beauvais comptait, lors de la visite de votre rapporteur, 134 détenus (dont 17 femmes) pour 92 places théoriques.

Cet établissement présente les inconvénients caractéristiques des infrastructures conçues et réalisées il y a près d'un siècle et demi. Ainsi, il ne comporte, sinon dans le quartier disciplinaire, aucune cellule individuelle. Il dispose de vingt dortoirs de 13 à 25 m 2 hébergeant de 10 à 15 détenus. Dans certains d'entre eux, l'insuffisance des lits a obligé à disposer des matelas à terre.

L'infrastructure a fait l'objet de travaux successifs : réalisation d'un nouveau quartier disciplinaire ou encore de douches dans les cellules. Les parloirs doivent encore être rénovés car ils ne comportent actuellement que 7 places. Il n'en reste pas moins que l'établissement souffre des contraintes inhérentes à la taille de l'infrastructure. Ainsi il n'est pas possible de répondre à toutes les demandes d'emploi ou de formation faute d'espace suffisant. La formation professionnelle concerne aujourd'hui 12 détenus seulement (métiers du bâtiment).

Le contrôle de cellules collectives constitue une réelle difficulté. Le personnel de surveillance s'élève à 41 24 ( * ) -cet effectif ne permet pas d'assurer la présence d'un gradé en service de nuit. Néanmoins, il présente une stabilité plus grande qu'à Fleury-Mérogis.

Dans cette maison d'arrêt, les travaux d'entretien ainsi que les fonctions d'intendance sont assurés par les détenus (ainsi, la cuisine est préparée par trois détenus).

Les limites de ce type d'établissement ne doivent toutefois pas conduire à occulter certains avantages. Outre une dimension plus « humaine », l'emplacement au coeur de la ville permet de raccourcir les transfèrements ; il favorise aussi grandement les visites familiales. Il suscite aussi des convoitises qui, à terme, peuvent peser sur la pérennité d'une telle implantation.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

ANNEXE

1 - Personnes entendues par le rapporteur pour avis

- M. Patrice Molle, directeur de l'administration pénitentiaire

- Représentants des organisations syndicales (UFAP, SNP-FO, Interco-CFDT, SNEPAP-FSU)

2 - Déplacements

- Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis

- Maison d'arrêt de Beauvais

* 1 Ce régime additionnel permet l'acquisition de droits à retraite assis sur l'ensemble des rémunérations de toute nature non prises en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite. Il est prévu un taux de cotisation de 10  % (5  % à la charge de l'agent, 5  % à la charge de l'employeur) appliqué à l'ensemble des éléments de rémunération de toute nature perçus au cours de l'année civile à l'exception de ceux pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite et dans la limite de 20  % du traitement indiciaire brut total de l'année considérée.

* 2 Les cinq autres programmes sont : la justice administrative, la justice judiciaire, la protection judiciaire de la jeunesse, l'accès au droit et à la justice, le soutien de la politique de la justice et organismes rattachés.

* 3 Cité par Michaël Janas, Les mesures alternatives à l'emprisonnement in Regards sur l'actualité, n° 300, avril 2004.

* 4 Reliquat de 3 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 6 mois et inférieures à 2 ans, reliquat de 6 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 2 et inférieures à 5 ans. L'aménagement peut prendre la forme de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique.

* 5 Le décret n° 2002-479 du 3 avril 2002 portant modification du code de procédure pénale et relatif au placement sous surveillance électronique est venu préciser les modalités d'application de la mesure.

* 6 Les modalités d'application de cette disposition ont fait l'objet du décret n° 2002-243 pris en Conseil d'Etat le 17 mars 2004. Le 15 juillet 2004, deux personnes sous contrôle judiciaire bénéficiaient d'un placement sous surveillance électronique.

* 7 « Prisons : une humiliation pour la République », Jean-Jacques Hyest, président, Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, rapport n° 449, 1999-2000.

* 8 Cette unité sera créée au sein du groupe hospitalier de la Pitié-Salpétrière (25 lits). Cependant, l'établissement public de santé national de Fresnes est appelé à jouer à titre principal le même rôle que les unités d'hospitalisation sécurisées, au profit des détenus des directions régionales des services pénitentiaires de Paris, de la région Haute-Normandie et de Bourgogne, en lien étroit avec l'assistance publique-hôpitaux de Paris du fait des limites de son plateau technique.

* 9 Circulaire PMJA n° 515 du 28 octobre 2002.

* 10 En 2003, 339 personnels pénitentiaires ont d'ores et déjà été formés à la gestion de la crise suicidaire.

* 11 La circulaire du 18 mars 2003 relative au fonctionnement des UEVF prévoit une progressivité de la durée d'octroi des visites selon ces modalités, la première phase étant de six heures.

* 12 Le salaire moyen en Pologne ou en Roumanie apparaît largement inférieur à la rémunération moyenne dans les établissements pénitentiaires.

* 13 Ainsi au 1 er janvier 2004, 2250 postes restaient vacants.

* 14 Décret n° 2004-1195 du 12 novembre 2004 modifiant le décret n° 2001-1004 du 2 novembre 2001 relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.

* 15 Décret n° 2004-1196 du 12 novembre 2004 modifiant le décret n°99-900 du 25 octobre 1999 relatif à l'attribution d'une indemnité pour charges pénitentiaires à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.

* 16 La police est en effet souvent appelée à prendre en charge l'escorte dans les petites maisons d'arrêt.

* 17 Chaque département, à l'exception du Gers, dispose au moins d'une maison d'arrêt.

* 18 La LOPJ avait initialement prévu 400 places.

* 19 Le nombre des détenus affiliés aux mouvances terroristes est sans précédent -ainsi, en février 2004, 145 détenus poursuivis ou condamnés en raison de leurs liens avec les groupes terroristes ETA, l'ex-Iparétarrak, le GRAPO, 63 détenus impliqués dans les réseaux terroristes corses, 8 détenus condamnés pour des faits de terrorisme en relation avec le groupuscule Action directe, 6 détenus liés aux réseaux terroristes bretons, 92 détenus poursuivis ou condamnés en raison de leur implication dans des réseaux terroristes islamiques ou ayant été en contact avec un groupe terroriste, 7 détenus prévenus ou condamnés en raison de leurs liens avec des organisations criminelles italiennes. A la même date, les établissements pénitentiaires accueillaient 453 détenus prévenus ou condamnés en raison de leurs activités au sein de réseaux de grand banditisme.

* 20 Votre rapporteur était accompagné pour la visite de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis d'une délégation de votre commission composée de M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis du budget de la protection judiciaire pour la jeunesse, Mmes Nicole Borvo, Alima Boumediene-Thiery, MM. Christian Cointat et Richard Yung. La visite de la maison d'arrêt de Beauvais a été effectuée avec M. Nicolas Alfonsi.

* 21 La visite des maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Beauvais se sont déroulées respectivement le 9 et le 18 novembre 2004.

* 22 Au nombre de places offertes par les trois structures s'ajoutent 126 places au titre des cellules « arrivants » et 31 places pour l'hébergement en service médico-psychologique régional (SMPR). Fleury-Mérogis compte également 30 cellules en quartier d'isolement et 108 cellules en quartier disciplinaire.

* 23 Ainsi, après son évasion de Fresnes, Antonio Ferrara est actuellement détenu à Fleury Mérogis où sa seule surveillance mobilise plusieurs dizaines d'hommes tandis que l'intéressé est changé quotidiennement de cellule.

* 24 L'encadrement lui-même apparaît réduit avec un directeur et un directeur adjoint.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page