C. VERS UN CADRE PLUS CONTRAIGNANT À TERME ?

1. De la différence irréductible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale

Ainsi que le soulignait M. Loïc Philip 9 ( * ) , « la loi de financement n'est pas véritablement une loi budgétaire » puisque le budget est « un acte de prévision et d'autorisation sur un ensemble de dépenses et de recettes et qui a pour effet de limiter les pouvoirs des autorités chargées de son exécution ».

En effet, il demeure une différence d'importance entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale qui réside dans la compétence exclusive de la loi de finances d'autorisation de la perception des impôts et taxes, cette autorisation étant également valable pour les prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale.

En outre, les dépenses sociales apparaissent éloignées des dépenses du budget de l'Etat dans la mesure où les montants de dépenses par branche inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale restent des objectifs et ne sont pas limitatifs, à la différence des crédits budgétaires pour lesquels la loi de finances fixe le plafond de l'autorisation. Il ne s'agit donc pas d'une « obligation de dépenses » et le dépassement éventuel de ce plafond est soumis à des règles strictes tant sur le fond, que sur la forme.

Dès lors, votre rapporteur pour avis s'interroge sur le fait de savoir si cette nouvelle réforme organique constitue une simple étape intermédiaire vers un rapprochement de plus en plus poussé entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, deux instruments juridiques d'une portée aujourd'hui très différente et présentant un degré de contrainte sans commune mesure l'un avec l'autre, ou si l'exercice parlementaire consistant à voter le budget de la sécurité sociale ne restera pas toujours enserré dans des limites inhérentes à la nature même des lois de financement de la sécurité sociale et des dépenses votées en loi de financement, qui sont des dépenses non limitatives.

2. Les limites du vote du Parlement

Si les modifications proposées par la présente réforme constituent indéniablement des progrès qu'il convient de saluer, il reste que la portée du vote du Parlement sur les objectifs de dépenses n'est pas, en tant que telle, renforcée par le présent projet de loi organique .

Le Parlement ne fixera pas plus qu'aujourd'hui d'enveloppe limitative et aucun mécanisme de sanction n'est introduit par le présent projet de loi organique en cas de dépassement des objectifs de dépenses à la différence de ce qui existe en loi de finances. La décomposition de l'ONDAM en sous-enveloppes est certes intéressante pour le Parlement, mais le mécanisme retenu n'empêchera pas une progression de l'ONDAM plus rapide que celle souhaitée par le Parlement, pas plus qu'une croissance plus vive des dépenses des sous-objectifs qui le composent. La question qui se pose est alors celle de la crédibilité et de l'autorité du vote du Parlement. Celui-ci voit finalement son rôle davantage accru par la transparence résultant des dispositions proposées, qui renforceront le degré de contrainte politique pesant sur le système de sécurité sociale, que par la contrainte juridique découlant de l'approbation d'objectifs de dépenses ou de prévisions de recettes.

Pour autant, le Parlement ne peut comme aujourd'hui se contenter de constater, impuissant, les dérives des dépenses par rapport au cadre qu'il avait fixé.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur pour avis propose, suivant les dispositions de la proposition de loi organique de notre collègue député Yves Bur 10 ( * ) , d'encadrer de manière plus stricte les dépassements des objectifs de dépenses, en mettant l'accent sur le cadrage pluriannuel des lois de financement de la sécurité sociale. Ce mécanisme aurait le double mérite de renforcer les contraintes résultant de l'approbation parlementaire et de ménager une certaine souplesse, nécessaire compte tenu de la nature particulière des dépenses de sécurité sociale.

3. Un nécessaire effort d'appropriation et de contrôle

Votre rapporteur pour avis considère également essentiel que le Parlement se réapproprie l'outil des lois de financement et mène un travail continu de contrôle des dépenses, dans le champ de la sécurité sociale comme dans le champ de l'Etat. La logique de performance impulsée par la LOLF dans le domaine des lois de finances doit s'appliquer également aux finances sociales . La réussite de cette démarche repose sur le Parlement, dont le contrôle doit devenir la « seconde nature », suivant l'heureuse formule du président Christian Poncelet. Votre commission des finances, à laquelle l'article 57 de la LOLF confie un pouvoir général de contrôle dans le domaine des finances publiques, y prendra une part active, conjointement avec nos collègues de la commission des affaires sociales.

* 9 « Nouvelles réflexions sur la nature et le devenir des lois de financement de la sécurité sociale », Droit social n° 9/10 septembre-octobre 1997, p. 785.

* 10 Proposition de loi organique n° 2031, XII ème législature relative aux lois de financement de la sécurité sociale, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 janvier 2005.

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