III. UN RÉSEAU CULTUREL DANS L'IMPASSE ?

Notre réseau culturel à l'étranger demeure, pour le ministère des affaires étrangères, un outil de diffusion et de coopération privilégié. A travers les services qu'il propose aux publics désireux de découvrir la culture française - cours de langue, manifestations culturelles, médiathèques et centres de ressources sur la France contemporaine - ce réseau a en effet vocation à moderniser l'image de notre pays à l'étranger, à promouvoir la création française contemporaine et à faire entendre la voix de la France dans le débat mondial des idées.

Composé de centres, d'instituts mais également des Alliances françaises, ce réseau, constitue un irremplaçable instrument de coopération au service de l'expression artistique des pays d'accueil. Il tend également à devenir, pour votre rapporteur, un exemple des contradictions de la politique du Gouvernement en matière de politique culturelle extérieure. Héraut de la diversité culturelle, celui-ci diminue une nouvelle fois les crédits d'intervention d'un outil pourtant essentiel à la défense de cette cause.

A. UN RÉSEAU ESSENTIEL POUR NOTRE RAYONNEMENT CULTUREL

1. Une analyse budgétaire artificielle

Dans son rapport pour avis précédent, votre rapporteur avait regretté le manque de lisibilité des crédits attribués au réseau culturel. Cette opacité était principalement liée aux différentes expérimentations menées dans le cadre de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances conduisant à d'importants transferts budgétaires vers des programmes tests consacrés à sept pays » (Chine, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Suisse et Hongrie).

Force est de constater que cette remarque n'a pas complètement perdu son actualité. En effet, la distinction quelque peu artificielle entre pays développés au sens de l'OCDE et pays éligibles à l'aide au développement ne permet plus d'envisager de manière globale les crédits octroyés aux principaux acteurs du réseau.

Votre rapporteur tient toutefois à souligner que les crédits de paiement alloués à l'action « Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle » progressent de 7 % passant de 101,8 millions d'euros à 109,1 millions d'euros en 2006.

Il regrette que les crédits consacrés spécifiquement aux centres et instituts culturels demeurant dans le champ du programme diminuent une nouvelle fois. Les crédits de fonctionnement alloués aux centres et instituts culturels passent ainsi de 18,11 millions d'euros à 18,07 millions d'euros, soit une baisse de 0,2 %. Surtout, les crédits d'intervention diminuent de 9,5 % en 2006 passant de 4,2 millions d'euros en loi de finances pour 2005 à 3,87 millions d'euros dans le présent projet de budget.

Votre rapporteur constate ainsi que, privé progressivement de moyens d'action, le réseau tend à devenir une véritable « coquille vide ».

2. Les principaux acteurs du réseau

A l'image de nos voisins allemands et britanniques, notre pays s'est doté d'un réseau dense et diversifié chargé de promouvoir notre culture et nos valeurs à travers le monde. Trop souvent assimilé aux seuls centres et instituts culturels français implantés à travers le monde, il se compose également des services culturels localisés au sein même de notre dispositif diplomatique et du réseau des Alliances françaises.

a) Les services de coopération et d'action culturelle (SCAC)

Notre réseau culturel est d'abord marqué par la figure du conseiller culturel. Nommé dans les ambassades depuis 1949, ce collaborateur direct de l'ambassadeur est investi d'une double mission :

- assurer la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels placés sous son autorité ;

- définir et répartir les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives.

L'organisation des services dépendants du conseiller culturel est fonction de l'importance du poste. Dans les plus modestes d'entre eux, un seul collaborateur de l'ambassadeur, portant généralement le titre d'attaché de coopération et d'action culturelle, gère non seulement la coopération culturelle et éducative mais aussi la coopération scientifique, technique, sociale, juridique, médicale....

Concernant les postes les plus importants, il convient de faire une mention spéciale pour les plus prestigieux d'entre eux (Londres, Rome, Berlin, Tokyo, Washington). Dans ce cas en effet, le conseiller culturel peut diriger un service composé d'une centaine d'agents dédié uniquement aux actions culturelles, éducatives et linguistiques, les actions scientifiques et techniques dépendant quant à elles d'un autre conseiller. Toutefois, dans la plupart des cas, le chef du poste culturel gère l'ensemble de ces fonctions au sein d'une même structure intitulée service de coopération et d'action culturelle (SCAC).

b) Les centres et instituts culturels

Sur les 148 établissements culturels répartis dans 91 pays à travers le monde et constituant le « coeur » de notre réseau, seuls 69 demeurent au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

La diminution des crédits d'intervention qui leur sont alloués en 2006 ne pénalisera certes pas la mission principale de la plupart des centres et instituts, à savoir l'enseignement du français. Aux termes de l'arrêté du 30 avril 1999, les établissements sont en effet chargés de contribuer « à l'emploi de la langue française par l'apport de méthodes, d'instruments et d'expertise appropriés ». Cette fonction occupe souvent la plus grande partie des locaux et des personnels, et la taille d'un institut est couramment appréciée par le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue. Les cours proposés sont généralement des cours généralistes mais certains instituts s'efforcent de développer des cours en direction de publics spécialisés (chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires, responsables politiques). Les centres ne délivrent eux-mêmes aucun diplôme mais préparent au diplôme d'études en langue française (DELF) et au diplôme approfondi de langue française (DALF) destinés aux personnes de nationalité étrangère et délivrés par le ministère français de l'éducation nationale.

En revanche, cette diminution des crédits d'intervention est susceptible de compliquer un peu plus la diffusion et la programmation culturelle incombant à ces structures. M. Yves Dauge faisait d'ailleurs remarquer, dans son « Plaidoyer pour le réseau culturel français à l'étranger 21 ( * ) » combien cette mission peinait à se développer dans les pays demeurant dans le champ de la présente mission : « Nous avons eu l'occasion d'apprécier, lors de nos divers déplacements en Afrique francophone, le rôle primordial assuré par les centres culturels français dans les pays francophones à faibles revenus, en tant qu'animateur de la vie culturelle locale et découvreurs de talents. (...) La tâche est plus compliquée dans d'autres pays. C'est le cas de manière générale dans la plupart des pays développés où les événements culturels de l'institut français entrent en concurrence avec des centaines d'autres, mais c'est le cas également d'autres pays -comme la Chine- où il n'existe a priori qu'une faible appétence pour découvrir la culture française. » Nul doute que la diminution des crédits d'intervention contribuera à affaiblir un peu plus nos positions en ce domaine.

Pour mémoire, votre rapporteur rappellera que les centres culturels sont également chargés d'assurer la fourniture de documentation et d'informations sur la France. Un programme de modernisation et de dynamisation des bibliothèques des établissements culturels français à l'étranger a ainsi été lancé en 1995 afin de pouvoir mettre en place de véritables « centres de ressources documentaires sur la France contemporaine ». Ces centres, appelés à répondre concrètement aux demandes d'information de toute nature et à promouvoir une image plus moderne de notre pays, sont désormais dotés de médiathèques incluant tous les supports de communication culturelle actuelle : imprimés, audiovisuels, numériques et télématiques.

c) Les Alliances françaises

Afin d'établir une radiographie exhaustive de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger, votre rapporteur évoquera enfin brièvement le réseau de l'Alliance française. Créée en 1883 sous l'impulsion de savants, d'ingénieurs, d'écrivains et de diplomates, cette association à but non lucratif reconnue d'utilité publique s'est donné pour mission de favoriser la diffusion de notre langue et de notre culture en s'appuyant sur les amis de la France dans le monde.

Mise en place habituellement à l'issue d'une démarche spontanée émanant de personnes francophiles, chaque comité de l'Alliance est une structure autonome de droit local liée toutefois par une procédure d'approbation à l'Alliance française de Paris. Il n'appartient donc pas au ministère des affaires étrangères de créer ou de supprimer une Alliance française. Toutefois, ce dernier peut s'appuyer sur certaines d'entre elles pour assurer son action culturelle à l'étranger.

Fort de 1 070 comités 22 ( * ) répartis dans 130 pays, le réseau de l'Alliance française est un complément indispensable au réseau des centres culturels. Comme l'indiquait M. Yves Dauge dans son rapport « dans de nombreux pays - au total une cinquantaine, principalement en Amérique latine et en Asie - il n'y a pas actuellement d'autres opérateurs susceptibles de relayer sur le terrain l'action culturelle française. Plutôt que d'implanter des centres dans ces régions, il a été jugé plus simple, plus efficace - compte tenu de l'insertion souvent remarquable des Alliances - et moins onéreux de renforcer l'effort d'association des Alliances à l'action des postes diplomatiques.»

Le ministère signe ainsi des conventions de partenariat avec les comités locaux en faveur de projets s'inscrivant dans ses priorités. Chacune des 283 Alliances conventionnées peut dès lors avoir accès aux mêmes moyens d'action que les établissements culturels relevant de l'État à savoir : mise à disposition de personnels d'encadrement, subventions d'intervention, fonds d'aide spécialisés, assistance de l'Association française d'action artistique... En 2005, 73 d'entre elles ont bénéficié de subventions du ministère des affaires étrangères pour un montant de 3,1 millions d'euros.

Lors d'une récente mission en Chine, une délégation de la commission des affaires culturelles a visité les Alliances françaises de Pékin et de Shanghai dont elle a pu apprécier le dynamisme et la qualité des prestations.

Votre commission souligne le rôle essentiel de ces établissements pour la promotion de notre langue et la diffusion de la culture française.

* 21 Rapport d'information de l'Assemblée nationale n° 2924, onzième législature.

* 22 Autonome et de droit local, chaque comité relève néanmoins d'une procédure d'approbation par l'Alliance française de Paris.

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