B. L'IMPORTANCE DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

Les prélèvements sur recettes devraient atteindre 47,256 milliards d'euros , soit 73 % de l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités territoriales contre 62 % en 2003.

Leur existence a été consacrée par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, dont l'article 6 dispose qu'« un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales . Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ».

1. Un poids croissant

Le poids pris par les prélèvements sur recettes s'explique par l'intégration au sein de la dotation globale de fonctionnement, en application de la loi de finances initiale pour 2004, de diverses dotations budgétaires qui ont fait doubler son montant. Cette dotation représente à elle seule plus de 80 % des prélèvements sur recettes et près de 60 % de l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales.

a) Les dotations de fonctionnement

Constituent des prélèvements sur recettes destinés à contribuer aux dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, outre la dotation globale de fonctionnement : la dotation spéciale instituteurs, la dotation de compensation des pertes de base de taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale, la dotation « élu local », les reversements de taxe intérieure sur les produits pétroliers aux collectivités de Corse et la compensation de la suppression de la part « salaires » des bases de la taxe professionnelle versée aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Leur montant total est fixé à 42,6 milliards d'euros en 2006.

b) Les dotations d'investissement

Constituent des prélèvements sur recettes les dotations d'équipement suivantes : le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et le produit des amendements forfaitaires de police. Leur montant est fixé à 4,6 milliards d'euros pour 2006, dont 4 milliards d'euros pour le seul FCTVA.

2. Des objectifs de performances et des indicateurs de résultats

La loi organique relative aux lois de finances n'impose pas d'objectifs et d'indicateurs de résultats pour les prélèvements sur recettes. L'importance des montants en cause a toutefois conduit le gouvernement à en prévoir.

Trois objectifs sont ainsi assignés aux concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales et à leurs groupements :

- accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale , qui sera mesuré à l'aune du niveau du coefficient d'intégration fiscale et du rapport entre la population regroupée dans les établissements à taxe professionnelle unique et la population totale regroupée par l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale ;

- poursuivre la couverture du territoire par l'intercommunalité , l'indicateur retenu étant la proportion de la population et des communes couvertes par l'intercommunalité ;

- assurer la péréquation des ressources entre collectivités , qui sera évaluée par la mise en exergue des volumes financiers relatifs consacrés à la péréquation et par une étude quinquennale évaluant l'efficacité des dotations en termes de réduction des inégalités mesurées par un indicateur synthétique des inégalités.

a) Parfaire la coopération intercommunale

La coopération intercommunale a connu un développement extrêmement rapide depuis l'adoption de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 dite « loi Chevènement ».

Au 1 er janvier 2005, 88 % des communes françaises étaient membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre , c'est-à-dire d'une communauté de communes, d'une communauté d'agglomération, d'une communauté urbaine ou d'un syndicat d'agglomération nouvelle. Elles regroupaient 84 % de la population totale , soit 52,2 millions d'habitants. Le nombre des communes concernées par le régime fiscal de la taxe professionnelle unique avait encore progressé , de 13.362 à 14.387, le nombre d'habitants concernés par ce régime fiscal particulièrement intégré augmentant quant à lui de plus de 1,7 million d'habitants.

Ce développement tient à plusieurs raisons. L'émiettement communal représente à la fois une chance, puisque les lieux de vie démocratique se trouvent démultipliés, et une difficulté, car les 36.500 communes que compte notre pays ne peuvent exercer seules les compétences qui leur sont dévolues par la loi, maintenir les services de proximité et créer les équipements publics dont leurs habitants ont besoin. La mise en commun des moyens constitue donc une nécessité. L'échec des fusions de communes en 1971 et le succès des premières communautés urbaines créées en 1966 ont conduit l'Etat à privilégier des formules souples et à prévoir des incitations financières fortes.

En ce qui concerne les instruments juridiques, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu diverses mesures - fusions, transformations et retraits dérogatoires - pour parachever la couverture du territoire par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et rationaliser les périmètres de ces structures . Au 1 er janvier 2005, 10 communautés de communes avaient fusionné, ce qui a donné naissance à cinq nouveaux établissements aux périmètres plus larges et aux compétences renforcées. Aucune transformation de syndicats en établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre n'avait en revanche été recensée. Quant aux procédures de retraits dérogatoires des communautés d'agglomération, qui pouvaient être mises en oeuvre jusqu'au 31 décembre 2004 afin d'autoriser des communes à rejoindre d'autres établissements à fiscalité propre, elles ont permis de régler les dysfonctionnements les plus flagrants sans causer de préjudices majeurs aux agglomérations concernées. Quatre communes ont ainsi été autorisées par les préfets à quitter leur communauté d'agglomération d'origine : Noyal-sur-Vilaine (communauté d'agglomération de Rennes), Escaupont (communauté d'agglomération de Valenciennes), Bresson (communauté d'agglomération de Grenoble) et Palavas-les-Flots (communauté d'agglomération de Montpellier).

En ce qui concerne les incitations financières , la dotation globale de fonctionnement moyenne par habitant des communautés de communes à fiscalité additionnelle était de 17,28 euros en 2005, celle des communautés de communes à taxe professionnelle unique de 21,11 euros, celle des communautés de communes bénéficiant d'une dotation bonifiée de 29,36 euros, celle des communautés d'agglomération de 41,35 euros, et celle des communautés urbaines de 82,21 euros. Ces moyennes masquent toutefois des écarts importants entre établissements membres d'une même catégorie.

Ce succès rapide, s'il mérite d'être salué et encouragé, ne doit pas faire oublier un certain nombre de limites récemment mises en exergue par le Conseil économique et social et la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la fiscalité locale.

Lors du congrès de l'Assemblée des communautés de France organisé le 7 octobre 2005, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a évoqué cette « crise de croissance » en ces termes :

« L'intercommunalité a trop souvent été l'occasion de surcoûts alors que sa raison d'être était très précisément inverse (...). Les économies d'échelle qu'il fallait rechercher n'ont pas eu lieu (...).

« L'intercommunalité manque parfois de pertinence . Manque de pertinence territoriale, tout d'abord, par rapport aux bassins de vie, aux bassins d'emploi ou aux zones de chalandise (...) Manque de pertinence des compétences prévues par la loi, ensuite. Il existe de trop nombreuses redondances où des SIVU gèrent finalement des compétences qui devraient relever des intercommunalités, rendant ainsi le paysage administratif souvent illisible .

« Troisième point, l'intérêt communautaire est resté trop souvent flou , voire inexistant. On ne peut pas se contenter de compétences qui, après plusieurs années d'existence, ne sont exercées que partiellement. Une telle situation est source de gaspillage et d'incompréhension pour les citoyens usagers. Il n'est pas non plus acceptable que l'intercommunalité cautionne une politique anarchique de multiplications d'équipements publics de nature identique et juxtaposés les uns aux autres . Il faut que les stratégies d'investissement communautaires s'appuient sur de véritables synergies, sources d'un service public de meilleure qualité mais aussi d'économies pour le contribuable local . »

Pour remédier à ces difficultés , la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu diverses mesures. La possibilité d'une gestion commune des personnels et des équipements entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale a ainsi pour objet de favoriser les économies d'échelle. Les possibilités de fusion et de transformation des structures existantes dans un but de rationalisation ont été évoquées ci-dessus. Enfin, un délai a été imposé aux communes pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice de telle ou telle compétence transférée à l'établissement dont elles sont membres. Passé ce délai, qui a été porté par la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 d'orientation pour l'énergie à deux ans à compter soit de l'entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 soit du transfert de compétences s'il est plus récent, l'ensemble de la compétence sera exercé par l'établissement.

Les concours financiers de l'Etat aux communes et à leurs groupements ont eux aussi pour objectif d'accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale. L'un des deux instruments de mesure retenus est le coefficient d'intégration fiscale , qui est égal au rapport entre la fiscalité levée par l'établissement et la totalité de la fiscalité levée sur son territoire. La loi de finances initiale pour 2005 a simplifié les modalités de calcul de cet indicateur.

Coefficients d'intégration fiscale moyens des différentes catégories
utilisés pour la répartition de la DGF depuis 2000

2000

2001

2002

2003

2004

2005

CC 4T

17,3838 %

20,7887 %

22,1578 %

24,2116 %

26,4629 %

28,2130 %

CC à TPU

32,8805 %

34,1059 %

36,6341 %

34,9074 %

35,7822 %

32,0758 %

CA

-

50,1958 %

42,1294 %

39,4378 %

37,0357 %

32,6590 %

Source : ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

b) Renforcer la péréquation

La péréquation des ressources financières entre collectivités locales a pour objet d'aider les collectivités considérées comme défavorisées compte tenu de leur niveau de ressources et de charges. L'article 72-2 de la Constitution, inséré par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, en fait une exigence constitutionnelle en disposant que : « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales . »

Cet objectif sous-tend de nombreuses dispositions relatives aux dotations de l'Etat et à la fiscalité locale. Après avoir inspiré la réforme de la dotation globale de fonctionnement opérée par la loi du 31 décembre 1993, il a fait l'objet d'un effort soutenu depuis.

La loi de finances pour 2004 a rénové l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. La dotation globale de fonctionnement se compose désormais, pour chaque niveau de collectivités territoriales, y compris les régions, d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation. L'agrégation de diverses dotations a permis de multiplier par deux son montant et, ainsi, de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires en faveur de la péréquation.

La loi de finances pour 2005, s'inspirant des conclusions établies en avril 2004 par un groupe de travail du Comité des finances locales a créé un nouvel indicateur, le potentiel financier, et modifié les critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement, afin de mesurer objectivement les écarts de richesse et de mieux cibler l'effort de l'Etat consacré à la péréquation sur les collectivités les plus défavorisées.

Les volumes financiers relatifs consacrés explicitement à la péréquation constituent le premier indicateur retenu par le projet de loi de finances pour 2006 pour évaluer la mise en oeuvre de cet objectif. Ils traduisent l'effort spécifique fourni en faveur de la redistribution.

Diverses composantes de la dotation globale de fonctionnement des communes sont ainsi explicitement dédiées à la péréquation : la dotation nationale de péréquation permet de comparer toutes les communes entre elles quel que soit leur caractère, urbain ou rural, tandis que la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale visent à comparer les communes au sein de groupes homogènes. L'intercommunalité supposant la mutualisation des charges et des moyens, la dotation d'intercommunalité concourt, elle aussi, à la péréquation entre communes. Enfin, le Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France est spécifique à cette région. Ces dotations représentaient 17,83 % du montant total de la dotation globale de fonctionnement des communes et du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France en 2004 . Cette proportion devrait atteindre 19,10 % en 2005 .

Depuis la réforme opérée par la loi de finances pour 2005, la péréquation départementale est assurée par la dotation de péréquation urbaine 5 ( * ) et la dotation de fonctionnement minimale qui constituent deux composantes de la dotation globale de fonctionnement versée à ces collectivités. Leur part dans le montant total de cette dotation s'est élevé à 7,63 % en 2004 et devrait atteindre 9,18% en 2005 .

Enfin, la dotation de péréquation régionale correspond à la reprise, au sein de la dotation globale de fonctionnement des régions, de l'ancien Fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR). Le montant total de la dotation de péréquation est égal à la différence entre l'ensemble des ressources affectées à la dotation globale et la dotation forfaitaire. Cette masse est répartie au profit des régions dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 85 % du potentiel fiscal moyen des régions, et selon une formule impliquant le potentiel fiscal par habitant (pour 50 % de la masse) et le potentiel fiscal par kilomètre carré (pour le solde). La part de la dotation de péréquation dans le montant total de la dotation globale de fonctionnement des régions s'est élevée à 1,58 % en 2004 et devrait atteindre 1,95 % en 2005 .

Effort financier de l'Etat en faveur de la péréquation en 2005

En millions d'euros

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale

759,6

Dotation de solidarité rurale

503,0

Dotation nationale de péréquation

631,6

Dotation de fonctionnement minimale

562,7

Dotation de péréquation urbaine

434,6

DGF des groupements (hors dotation de compensation des EPCI)

2 044,7

Dotation de péréquation des régions

95,9

TOTAL

5 032,1

Source : ministère de l'intérieur.

Au delà de ces dotations spécifiques, deux études réalisées en 2002 et en 2004 par MM. Gilbert et Guengant pour le compte du Commissariat Général au Plan montrent que la quasi-totalité des concours financiers de l'Etat, à l'exception des compensations d'exonérations fiscales, contribue peu ou prou à la péréquation .

Ces études se sont attachées à mesurer, d'une part, le taux de correction des inégalités de ressources des collectivités corrigées en fonction de leurs charges, d'autre part, l'efficacité de chaque dotation et sa contribution à la réduction des écarts entre collectivités.

Elles montrent ainsi qu'« en 2001, la péréquation corrige 40% des inégalités de pouvoir d'achat entre communes, 51% entre départements et 54% entre régions. (...) Le taux de correction des inégalités progresse systématiquement dans le temps. De 1994 à 2001, la péréquation communale gagne 6% en niveau, la péréquation départementale 8% et la péréquation régionale 19% . »

Le second indicateur retenu par le projet de loi de finances consiste à prévoir une étude quinquennale évaluant l'efficacité des dotations en termes de réduction des inégalités selon la méthodologie retenue par le Commissariat Général au Plan.

* 5 Sont considérés comme départements urbains, et donc susceptibles de bénéficier de la DPU, les départements dont la densité de population est supérieure à 100 habitants au km² et dont le taux d'urbanisation est supérieur à 65 %, ces deux conditions étant cumulatives.

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