B. DES MESURES CIBLÉES

Les réformes des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales prévues par le projet de loi de finances pour 2006 ont pour objet de renforcer la péréquation et de soutenir l'investissement.

1. Des mesures destinées à renforcer la péréquation

La reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité associée à divers abondements devrait permettre de consolider et d'aménager la réforme de la dotation globale de fonctionnement des communes.

a) La consolidation de la réforme de la dotation de solidarité urbaine

L' article 84 du projet de loi de finances pour 2006 tend à apporter trois aménagements à la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

En premier lieu, la règle de partage de la masse entre les communes de 5.000 à 9.999 habitants et celles de plus de 10.000 habitants serait modifiée afin de consolider la majoration de 20 millions d'euros de l'enveloppe des communes de moins de 10.000 habitants intervenue en 2005. Sans cette mesure, l'enveloppe aurait été calculée en 2006 selon les règles précédentes, c'est-à-dire au prorata de la population éligible à chaque enveloppe, ce qui aurait entraîné une chute brutale des attributions des communes les moins peuplées.

En deuxième lieu, les communes de plus de 200.000 habitants pourraient désormais bénéficier des deux coefficients de majoration instaurés par la loi de programmation pour la cohésion sociale en faveur des communes dont la population se trouve en zone urbaine sensible (ZUS) et en zone franche urbaine (ZFU). Seraient notamment concernées par cette mesure : Lille, Marseille, Strasbourg et Toulouse.

Enfin, la garantie instituée au bénéfice des communes ayant cessé d'être éligibles à la dotation de solidarité urbaine serait prolongée d'un an. En 2005, cette garantie était égale à 100 % du montant perçu en 2004. En 2006, elle en représenterait 50%, afin d'assurer une sortie progressive du dispositif.

b) L'affectation de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement des communes au titre de l'année 2004 au solde de la dotation d'aménagement

Depuis 1996, en application de l'article L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales, il est procédé avant le 31 juillet de l'année au calcul de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement afférente à l'exercice précédent.

Cette régularisation intervient lorsque l'indice, calculé sur la base du taux d'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation des ménages hors tabac relatif à cet exercice (2005) et sur la base du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année précédente (2004), tels qu'ils sont constatés à cette date, appliqué au montant de la dernière dotation définitive connue (2003), entraîne un produit différent du montant prévisionnel de la dotation inscrit en loi de finances.

En cas de régularisation positive, le montant est réparti entre les bénéficiaires de la dotation. Cette répartition doit être effectuée au prorata des attributions initiales de la dotation de l'année au titre de laquelle est faite la régularisation. En revanche, si la régularisation est négative, elle s'impute sur la masse à répartir de la dotation globale de fonctionnement du plus prochain exercice.

La régularisation de la dotation globale de fonctionnement de 2004, au 31 juillet 2005, a conduit à retenir un taux d'évolution définitif de 2,1 % contre 1,75 % dans la loi de finances initiale pour 2004. Le montant de cette régularisation s'est ainsi élevé à 163,556 millions d'euros, après déduction d'une surestimation de la dotation globale de fonctionnement 2004 de 23,868 millions d'euros dont le montant définitif a atteint 36,716 millions d'euros.

En 2006, les départements et les régions recevraient la régularisation de la dotation globale de fonctionnement pour 2004 dans les conditions de droit commun .

En revanche, afin de favoriser la péréquation et d'éviter une dispersion des crédits, l' article 25 du projet de loi de finances prévoit d'affecter la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, soit 92 millions d'euros, au solde de la dotation d'aménagement et au financement, à hauteur de 4,2 millions d'euros, d'une garantie pour les communes ayant perdu le bénéfice de la dotation « élu local ».

La majoration de 88 millions d'euros de la dotation d'aménagement devrait permettre au Comité des finances locales , lorsqu'il procèdera à la répartition de la dotation globale de fonctionnement entre ses différentes composantes, de retenir le taux maximal d'évolution de la dotation forfaitaire, d'assurer à la dotation de solidarité rurale un taux de croissance identique à celui de la dotation de solidarité urbaine, supérieur à 15,8 %, et de consolider la croissance de la dotation nationale de péréquation .

2. Des mesures destinées à soutenir l'investissement des collectivités territoriales

a) Une réforme de la dotation globale d'équipement des départements

La dotation globale d'équipement des départements a été créée en 1982 en globalisant de diverses subventions spécifiques antérieurement versées par différents ministères dans un double objectif de simplification et de renforcement de la libre administration locale.

Divisée en deux parts, elle bénéficie aux départements, à leurs groupements ainsi qu'aux syndicats à caractère administratif regroupant des communes ou groupements de communes et un ou plusieurs départements ou régions, aux services départementaux d'incendie et de secours, aux centres de gestion de la fonction publique territoriale et au Centre national de la fonction publique.

La première part (229 millions d'euros en 2005) comprend une fraction principale, qui est attribuée par taux de concours au prorata des investissements réalisés, une fraction qui est fonction de la longueur de la voirie, une majoration en faveur des départements défavorisés, qui est fonction de leur potentiel fiscal, et une majoration au bénéfice des groupements de départements. Des seuils de garantie et d'écrêtement fixent les montants minimum ou maximum qu'un département peut recevoir au titre de cette première part, en dehors de la majoration « potentiel fiscal ». Le taux de concours, et donc l'effet de levier, des attributions de l'Etat est très faible, puisqu'il a atteint 2,78 % en 2005 en moyenne. Cette moyenne masque toutefois d'importantes disparités.

La seconde part (199,4 millions d'euros en 2005) comporte une fraction principale, qui est attribuée par taux de concours au prorata des investissements réalisés en matière d'aménagement foncier et des subventions versées par les départements pour des travaux d'équipement rural, une majoration au titre des dépenses d'aménagement foncier des départements et une autre majoration en faveur des départements défavorisés. Le taux de concours est bien plus élevé puisqu'il a atteint 14 % en 2005.

L' article 24 du projet de loi de finances pour 2006 tend à supprimer la première part , dont le montant aurait été de 291,79 millions d'euros en crédits de paiement en 2006, afin de concentrer les subventions et, ainsi, de les rendre plus efficaces. Le même objectif de rationalisation avait conduit à la suppression de la première part de la dotation globale d'équipement des communes en 1996.

Plusieurs mesures d'accompagnement sont toutefois prévues.

Les opérations en cours seraient intégralement soldées , des crédits de paiement d'un montant de 98,4 millions d'euros étant inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances.

La suppression des fractions attribuées en fonction de la longueur de voirie et du potentiel fiscal par habitant des départements serait compensée par une majoration de la dotation de compensation de la dotation globale de fonctionnement des départements sur la base des fractions perçues en 2004 et indexées deux fois sur l'indice de formation brute de capital fixe des administrations publiques pour 2005 et 2006. Le montant des crédits prévus à cet effet s'élève ainsi à 54,3 millions d'euros .

La dotation de compensation de la dotation globale de fonctionnement des départements serait également majorée, de manière pérenne cette fois, d'un montant égal au produit de la moyenne des investissements soutenus entre 2002 et 2004 - indexée selon le taux de formation brute de capital fixe des administrations publiques pour 2005 et 2006 - par la fraction du taux de concours réel constaté en 2004 - après versement du complément de garantie ou de l'écrêtement - excédant un certain seuil. Dans la rédaction initiale du projet de loi de finances, ce seuil était fixé de manière uniforme à 3,25 %. La compensation devait bénéficier à 71 départements et atteindre un montant total de 73,7 millions d'euros. Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a abaissé de 3,25 % à 2,5 % le seuil d'éligibilité à la compensation pour les départements percevant la dotation de fonctionnement minimale. Le montant total de cette compensation partielle atteindrait désormais 89 millions d'euros et bénéficierait à 76 départements.

Les départements percevraient enfin une majoration de leur dotation de compensation, pour un montant total représentant 15 millions d'euros , équivalent au montant versé en 2004 aux services départementaux d'incendie et de secours au titre de la première part de la dotation globale d'équipement. Cette majoration serait répartie au prorata de la moyenne des attributions perçues entre 2002 et 2004 par le SDIS du département concerné.

Si votre commission peut souscrire à l'objectif recherché, les mesures d'accompagnement prévues par l'article 24 du projet de loi de finances s'avèrent insuffisantes . Elles ne proposent en effet qu'une compensation partielle des pertes de recettes subies par les départements, l'économie budgétaire réalisée par l'Etat étant supérieure à 30 millions d'euros.

b) Une clarification des règles d'éligibilité, d'affectation et de reversement du FCTVA

L' article 28 du projet de loi de finances tend à clarifier les règles d'éligibilité, d'affectation et de reversement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

Désormais, les investissements consacrés à des biens mis à disposition de tiers pourraient ouvrir droit aux attributions du fonds à la condition que leur utilisation constitue une modalité d'exécution d'un service public ou réponde à un besoin d'intérêt général .

A titre d'exemple, une collectivité territoriale pourrait désormais bénéficier du FCTVA pour construire une maison de retraite dont elle n'assurerait pas la gestion ou mettre des locaux dont elle serait propriétaire à la disposition d'une association.

Lors de son audition devant votre commission des Lois, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a mis en exergue, outre la simplification du contrôle exercé par les préfectures sur les demandes de reversement présentées par les collectivités, l'intérêt financier de la mesure ainsi que son intérêt opérationnel. Il a ainsi observé que les conditions d'intervention du FCTVA n'interfèreraient plus dans les choix d'investissement des collectivités, ces derniers ne devant être guidés que par l'utilité de la dépense.

c) La création au sein de la dotation de développement rural d'une enveloppe destinée à financer le maintien des services publics en milieu rural

La dotation de développement rural a pour objet de financer les projets de développement économique, social et touristique ou les actions en faveur des espaces naturels des établissements publics de coopération intercommunale ruraux 9 ( * ) .

Ces projets sont évalués en fonction de critères comprenant notamment l'augmentation attendue des bases de fiscalité directe locale ou les créations d'emplois sur le territoire de l'établissement.

La gestion de la dotation est déconcentrée. Les modalités de sa répartition entre les départements sont fixées par un décret n° 2000-220 du 9 mars 2000. L'enveloppe départementale est répartie par le préfet sous forme de subventions aux établissements bénéficiaires, après avis d'une commission d'élus.

Cette répartition donne lieu à une sous-consommation des crédits : sur les 26,9 millions d'euros de crédits de paiement disponibles en 2004, 21,9 millions avaient été délégués aux préfets mais seulement 17 millions consommés.

L' article 82 du présent projet de loi de finances prévoit de créer, au sein de cette dotation, une enveloppe spécifique de 20 millions d'euros -sur un total de 124 millions d'euros en 2006 - destinée à financer des projets de maintien ou de développement des services publics en milieu rural . Le bénéfice de cette enveloppe serait étendu aux communes éligibles à la deuxième fraction de la dotation de solidarité rurale .

d) Une simplification des concours de la dotation générale de décentralisation relatifs au financement des bibliothèques

Les lois de décentralisation ont confirmé la compétence des communes sur les bibliothèques municipales et transféré la responsabilité des bibliothèques départementales de prêt aux départements.

Les crédits d'investissement et de fonctionnement auparavant consacrés par l'Etat à ces bibliothèques ont été inscrits dès 1986 au sein de la dotation générale de décentralisation, sous la forme d'un concours particulier.

Pour les bibliothèques municipales , le concours particulier comprend :

- une première part, destinée à l'aide au fonctionnement (24 millions d'euros en 2005) dont les crédits sont répartis entre les communes éligibles ;

- une deuxième part, destinée à l'aide à l'investissement (44 millions d'euros) dont les crédits sont répartis entre les régions sur une base égalitaire égale au rapport actualisé entre les surfaces disponibles et les habitants à desservir ;

- une troisième part, créée en 1992 au bénéfice de l'investissement pour des bibliothèques municipales à vocation régionale et éteinte depuis 2002. Douze villes ont pu bénéficier de ce dispositif exceptionnel, notamment Marseille, Toulouse, Nice, Rennes, Poitiers.

Les crédits du concours se sont élevés en 2005 à 68,361 millions d'euros : 35 % pour la première part et 65% pour la deuxième part.

Les charges de fonctionnement résultant pour les départements du transfert de la responsabilité des bibliothèques départementales ont été compensées sous la forme d'une attribution de dotation générale de décentralisation, tandis que les charges d'investissement ont donné lieu à la création d'un concours particulier. Les crédits de ce concours s'élèvent à 6,456 millions d'euros en 2005, répartis au prorata des dépenses de l'exercice précédent.

Faisant suite aux observations formulées à plusieurs reprises par les membres du Comité des finances locales, l' article 83 du projet de loi de finances pour 2006 a pour objet de réformer ce concours particulier dans un double objectif de modernisation et de simplification.

La première part de la dotation des communes serait supprimée en quatre ans (à partir des montants de 2005) avec une diminution progressive des versements aux communes de 25 % la première année, 50 % la deuxième année, 75 % la troisième année et 100 % la quatrième année.

Les crédits ainsi récupérés seraient transférés sur la deuxième part dédiée à l'investissement. Viendraient également abonder ce nouveau concours, dès 2006, les crédits auparavant affectés au concours particulier dédié au financement de l'investissement des bibliothèques départementales de prêt (à hauteur d'environ 6 millions d'euros).

Ces mesures doivent permettre une concentration des aides sur l'investissement en faveur des bibliothèques municipales et départementales de prêt pour une enveloppe globale, au terme des trois années de montée en charge, de l'ordre de 75 millions d'euros.

Cette enveloppe serait divisée en deux fractions :

- une première fraction, la plus importante, serait déconcentrée pour les projets de petite et moyenne importance ;

- une seconde fraction, plafonnée à 10 % du montant du concours particulier, serait mobilisable pour les projets structurants d'intérêt national ou régional d'ores et déjà lancés et succédant ainsi aux « BMVR », à Bordeaux (restructuration), Clermont-Ferrand, Lyon (restructuration), Quimper, Pau, Rouen, Strasbourg, pour lesquels les enveloppes régionales actuelles de la deuxième part sont insuffisantes.

* 9 L'article 108 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a modifié les règles d'éligibilité à la dotation de développement rural en excluant les communes de son bénéfice, à l'exception de celles des territoires d'outre-mer. En métropole et dans les départements d'outre-mer, seuls peuvent donc en bénéficier les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre exerçant une compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique et remplissant les conditions suivantes : avoir une population inférieure ou égale à 60 000 habitants, ne pas remplir les conditions démographiques permettant de se transformer en communauté d'agglomération et compter parmi leurs membres au moins deux tiers de communes de moins de 5.000 habitants.

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