C. LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL

Un audit sur la politique du logement social outre-mer a été publié en avril 2006 dans le cadre de la mission d'audit de modernisation.

1. Le constat

La mission d'audit relève que les efforts financiers de l'Etat ont permis un accroissement du parc de 15 % depuis 1999 et l'amélioration de ses éléments de confort (à l'exclusion de l'assainissement) sauf en Guyane et à Mayotte. Cependant, est-il indiqué, la production globale de logements stagne depuis 2000 autour de 20.000 logements autorisés par an et la part des logements locatifs sociaux autorisés a décru, passant de près de 30 % en 2000 à environ 15 % en 2005.

Les causes en sont :

- la rareté du foncier aménagé à prix abordable, du fait des carences de l'action publique en matière de planification de l'espace et de maîtrise foncière, conjuguée à la hausse des coûts de construction ;

- le concours limité, voire insuffisant, de certains opérateurs fonciers et de logement social à la production de nouveaux logements sociaux ;

- des montages financiers complexes en raison de l'incohérence des arbitrages sur l'utilisation des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU), du rôle insuffisant de financeurs tels que l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah), le « 1% » logement et, dans une moindre mesure, l'agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ;

- l'effet de la défiscalisation sur la production de logement social ;

- l'implication insuffisante de la plupart des collectivités territoriales en matière d'aménagement et de politique de l'habitat.

Les analyses de la mission d'audit ont été largement contestées par le ministère , dont le directeur des affaires économiques, sociales et culturelles critique dans une lettre publiée en annexe au rapport les « constats incomplets et parfois erronés qui nécessitent d'être précisés ». En outre, « le schéma de résolution des problèmes proposé présente des lacunes, des ambiguïtés et, dans certains cas, des contradictions, qui risquent fort, si l'on n'y apporte pas les éclaircissements nécessaires, de réduire singulièrement sa portée opératoire ». Une note annexée à la même lettre estime que les « données relatives au parc locatif social ne sont pas corroborées par les statistiques provenant des services Habitat des DDE », et précise : « on ne peut absolument pas conclure, comme le fait la mission, que la production de logement social neuf a été divisée par deux dans la période 2000-2005 : un pic de production a même été atteint en 2003 (5.096 logements livrés) et la moyenne de production effective dans la période 2000-2004 est de 4.141 logements locatifs sociaux livrés ». La même note refuse « le reproche adressé au ministère de l'outre-mer de ne pas avoir défini une politique adaptée accompagnant la responsabilité de la gestion des crédits qui lui a été transférée il y a près de dix ans », et évoque à cet égard « le souci d'adapter en permanence pour les rendre plus efficients les instruments financiers mis en oeuvre par l'Etat (réforme dite de déconnexion des subventions et des prêts), la définition de « produits », destinés à répondre précisément aux problèmes à résoudre [la prime à l'aménagement des quartiers pour faire face au défi de la pénurie foncière, la définition d'un logement en accession très sociale (LATS), pour succéder à la contestable case SIM à Mayotte], la défiscalisation, la coopération active avec l'Anru pour adapter les interventions outre-mer de cette dernière ».

Le ministère de l'outre-mer regrette par ailleurs que la mission, bien que manquant d'informations à ce sujet, souligne exclusivement l'impact négatif de la défiscalisation sur le logement social. Le ministère évoque à l'inverse la contribution de cet instrument « à la production de logements utiles sur certains segments du marché immobilier (logements intermédiaires au profit de fonctionnaires, dont la mission souligne le besoin) et à une plus grande fluidité dans les parcours résidentiels, dans une proportion qui reste, il est vrai, à mesurer ». Ceci posé, le ministère « partage l'avis de la mission de recentrer la défiscalisation sur le logement social ».

2. Les recommandations

Répondant aux remarques adressées par les ministères concernés ainsi que par les principaux intervenants de la politique du logement social outre-mer et qui invoquent l'insuffisance des crédits budgétaires de la politique du logement, la mission a rappelé sur un plan général que son rapport étant un audit de modernisation de l'État, il se préoccupe essentiellement des moyens de parvenir à une plus grande efficacité de l'intervention publique et à des économies de gestion. La mission a alors privilégié l'hypothèse d'une ressource budgétaire durablement sous contrainte. Dans cette perspective, et compte tenu des besoins importants en logements neufs, en logement social et en opérations de réhabilitation, elle a réfléchi aux marges de manoeuvre financières mobilisables à côté des ressources budgétaires.

Dans cette logique, elle a retenu les orientations suivantes :

redéfinir le rôle de l'État, tant au niveau central que local, tant dans ses fonctions de pilotage que d'opérateur (à cet égard le rapport note que l'État n'a pas à être le premier bailleur social outre-mer au travers des sociétés immobilières d'État) ;

Une agence de l'habitat des Dom pourrait être créée à cette fin pour rassembler et sécuriser les moyens financiers disponibles, animer la mise en oeuvre de la politique globale de l'habitat par une démarche contractuelle, fournir un appui opérationnel aux opérateurs, procéder à l'évaluation de l'action. La mission propose aussi d'encourager l'émergence d'une collectivité territoriale chef de file dans chaque Dom. Enfin, elle plaide en faveur de partenariats locaux entre la future agence et, selon les cas, la collectivité locale chef de file, les opérateurs locaux ou les collectivités territoriales ;

la deuxième orientation porte sur la mobilisation de la ressource foncière grâce à une combinaison de moyens alliant la planification de l'espace à la viabilisation des terrains constructibles et à l'utilisation des mécanismes de maîtrise foncière.

Il est en particulier conseillé de modifier les documents d'urbanisme pour favoriser la production de logements à hauteur des besoins reconnus. Il est aussi conseillé de créer ou d'adapter dans chaque Dom les outils d'aménagement foncier nécessaires. La nécessité de résoudre certaines difficultés juridiques, telles que l'indivision, est aussi évoquée ;

la troisième orientation porte sur l'optimisation des moyens de financement grâce à la recherche de financements complémentaires tels que ceux mis en place en métropole pour financer le volet logement du plan de cohésion sociale. Il est aussi demandé de rendre la défiscalisation plus efficace.

Il est en particulier recommandé de faire de la future agence de l'habitat des Dom un guichet unique en dirigeant vers elle tous les moyens de financement disponibles. Le recentrage de la défiscalisation vers les opérateurs concourant à la production de logement locatif à loyer social ou maîtrisé est préconisé comme on l'a vu ci-dessus. L'affectation prioritaire des moyens au financement de l'action foncière, de l'équipement des terrains et de la surcharge foncière des logements sociaux, locatifs et en accession est enfin envisagée ;

la quatrième orientation consiste à dynamiser les opérateurs . La mission propose à cet égard de recentrer les missions des sociétés immobilières des départements d'outre-mer (Sidom). Elle demande l'apurement des dettes de l'État auprès des opérateurs du logement social et la réduction en cinq ans de l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Elle suggère enfin d'offrir aux opérateurs et aux entreprises du BTP des perspectives pluriannuelles d'activité sous la forme de contrats d'objectifs ;

la cinquième orientation propose une stratégie de développement durable . Il s'agirait de revoir, dans chaque Dom, les conditions d'élaboration et le contenu des normes de construction, et de rechercher les produits les mieux adaptés aux modes de vie, aux savoir-faire et aux matériaux locaux, ainsi que d'encourager les dispositifs d'auto-construction accompagnée et encadrée.

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