TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 17 octobre 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , sur le projet de budget de son ministère pour 2007 (mission « Travail et emploi »).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a tout d'abord indiqué que le projet de budget du ministère du travail répond à une double préoccupation : respecter les engagements pris en matière d'emploi et participer à l'effort général de maîtrise des dépenses de l'Etat.

Une enveloppe de 41,85 milliards d'euros est consacrée aux politiques du travail et de l'emploi. Cette somme tient compte des crédits budgétaires, des exonérations de charges sociales, des dépenses fiscales, ainsi que des ressources extrabudgétaires. Les crédits budgétaires stricto sensu s'élèvent à 12,64 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2006, auxquels s'ajoutent environ 700 millions d'euros de recettes extrabudgétaires liées à une créance détenue par l'Etat sur l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a précisé que ce projet de budget permet de poursuivre, dans de bonnes conditions, la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, du plan de développement des services à la personne et la troisième étape du plan gouvernemental pour l'emploi.

Il a ensuite présenté les aspects essentiels de la politique poursuivie par le ministère du travail.

Après avoir rappelé que le Gouvernement a incité les partenaires sociaux à s'engager dans une politique de revalorisation des salaires, il a souligné que l'augmentation, à hauteur de 500 millions d'euros, des crédits affectés à la prime pour l'emploi devrait soutenir le pouvoir d'achat des ménages.

Les exonérations de charges sur les bas salaires devraient progresser en 2007, par rapport à 2006, en raison notamment de la mesure nouvelle prise en faveur des très petites entreprises (TPE) qui bénéficient désormais d'une exonération totale de charges pour les salaires équivalant au salaire minimum de croissance (Smic).

Les crédits affectés au secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration augmentent, en outre, de 190 millions d'euros et 160 millions d'euros d'exonérations de charges sont consacrés au développement des emplois de service à la personne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a également insisté sur la montée en puissance des contrats aidés, auxquels 2,2 milliards sont consacrés dans le projet de budget, pour un total de 350.000 entrées prévues en 2007. Le développement rapide des contrats de professionnalisation et de l'apprentissage rend par ailleurs plausible l'objectif de 500.000 apprentis fin 2009.

Puis il a souligné la contribution de la réforme du marché du travail à l'amélioration de la situation de l'emploi. Le renforcement des moyens accordés à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) permet de mettre en place le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emploi. 12 millions d'euros sont consacrés à des opérations de placement de jeunes demandeurs d'emploi par des opérateurs privés et le projet de budget prévoit de dédier 100 millions d'euros au retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux.

Un effort particulier est réalisé en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes : les employeurs qui embauchent un jeune titulaire d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) bénéficient désormais d'aides supplémentaires ; des actions préparatoires au recrutement sont destinées aux demandeurs d'emploi non indemnisés, notamment aux jeunes titulaires du Civis ; le programme « 50.000 stages de formation professionnalisante », engagé en 2006, est reconduit l'an prochain ; enfin, le projet de budget prévoit l'ouverture de 20.000 places supplémentaires dans les dispositifs d'acquisition des savoirs de base et de lutte contre l'illettrisme.

En conclusion de son propos liminaire, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a souligné que le projet de budget permet de poursuivre le financement des politiques conduites par le Gouvernement dans plusieurs domaines prioritaires. Il a cité le plan en faveur de l'emploi des seniors, le plan « entreprises adaptées », qui bénéficie aux travailleurs handicapés, le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, qui verra ses effectifs augmenter de 200 personnes dès 2007, le plan « santé au travail », marqué par le renforcement des moyens de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), et le plan relatif à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la mission « Travail-emploi » , a d'abord souhaité connaître les raisons de la baisse du chômage observée en 2006. Il a ensuite rappelé que la compensation à la sécurité sociale des allégements de charges est assurée, depuis cette année, par un panier de recettes fiscales et non plus par une dotation budgétaire. L'évolution de ce panier de recettes permet-elle, comme annoncé, d'assurer une compensation intégrale des allégements de charges ? Il s'est interrogé également sur l'état d'avancement de la réforme du service public de l'emploi et sur les intentions du Gouvernement concernant la créance que détient l'Etat sur l'Unedic. Il s'est enfin enquis des raisons de la sous-consommation des crédits affectés au programme Eden (encouragement au développement d'entreprises nouvelles).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a répondu que la baisse du chômage s'explique d'abord par des créations d'emplois dans le secteur marchand : 200.000 créations nettes d'emplois ont été enregistrées en 2006, dont un quart dans le seul secteur du BTP. Le contrat « nouvelles embauches » (CNE) aurait produit environ 80.000 emplois supplémentaires. La montée en charge des nouveaux contrats aidés s'est poursuivie : plus de 1.200 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) et environ 700 contrats d'avenir sont signés chaque jour. En revanche, les facteurs démographiques ont peu contribué à la diminution du chômage : 40.000 à 50.000 créations d'emplois supplémentaires sont encore nécessaires chaque année pour absorber le flux des nouveaux entrants sur le marché du travail.

Il a ensuite indiqué que le produit du panier de recettes affecté, depuis l'an dernier, à la sécurité sociale excède d'environ 330 millions d'euros le montant de la compensation due au titre des exonérations de charges.

Concernant le service public de l'emploi, le ministre a insisté sur les progrès réalisés grâce à la convention tripartite Etat-ANPE-Unedic du 5 mai 2006, complétée par la convention ANPE-Unedic du 2 juin 2006, qui traite des aspects opérationnels : le délai nécessaire pour obtenir un rendez-vous entre les deux organismes a été divisé par deux. Il convient maintenant d'aller plus loin, pour constituer un véritable dossier unique du demandeur d'emploi ; la création prochaine d'un groupement d'intérêt public (GIP), en charge du système informatique, commun à l'ANPE et à l'assurance chômage, devrait y contribuer. De plus, le quatrième contrat de progrès conclu entre l'Etat et l'ANPE fixe des objectifs à l'agence à l'horizon 2010.

S'agissant des maisons de l'emploi, 194 projets ont été labellisés à ce jour ; le ministère du travail veille à travailler en étroite collaboration avec le ministère de l'économie et des finances, afin de régler plus rapidement les difficultés de financement qui se posent parfois.

Le ministre a ensuite confirmé que l'Etat négocie avec l'Unedic pour obtenir le remboursement d'une créance déjà ancienne.

Abordant la question relative au dispositif Eden, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a souligné qu'il doit être analysé en lien avec le programme Accre (aide à la création et à la reprise d'entreprise), qu'il est proposé de réformer dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il a insisté sur l'enjeu que représente la création d'entreprises dans le cadre de la bataille pour l'emploi.

M. Nicolas About, président , a alors demandé la date de parution du décret très attendu pour la mise en oeuvre du curriculum vitae anonyme.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a répondu que le Gouvernement attend le résultat de la négociation menée par les partenaires sociaux pour statuer sur ce point, tout en tenant compte du vote du Parlement.

M. Jean-Pierre Godefroy a rappelé que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, s'était engagé à interdire, par décret, le travail de nuit des mineurs dans les bars, tabacs et débits de boissons. Il a demandé si le décret serait publié prochainement. Il a souhaité obtenir des informations sur le nombre de jeunes bénéficiant du dispositif de l'apprentissage « junior », ainsi que sur la participation du budget de l'Etat au financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).

M. Roland Muzeau a d'abord fait valoir que ce projet de budget est en réalité un projet de transition, destiné à être appliqué pendant seulement un semestre. Il a dénoncé l'absence de véritable politique de l'emploi, qui s'attaquerait aux problèmes posés par les délocalisations et par les fusions d'entreprises. Il a jugé que la politique du Gouvernement, consistant à multiplier les contrats aidés précaires, entre en contradiction avec les déclarations de l'ancien ministre François Fillon, qui s'était engagé à supprimer les emplois aidés dans le secteur non marchand.

Il s'est ensuite interrogé sur le bilan qu'il convient de dresser du plan d'aide aux hôtels, cafés et restaurants, en termes de créations d'emplois et d'amélioration des conditions de travail. Puis il a regretté que les exonérations de charges soient encore en progression, considérant que leurs effets positifs sur l'emploi sont loin d'être démontrés, et déploré que la compensation du manque à gagner pour la sécurité sociale demeure très imparfaite.

Il a jugé naturel que le Gouvernement s'attribue la responsabilité de l'amélioration des chiffres du chômage, mais a contesté le bien-fondé de cette appréciation, estimant que les facteurs démographiques et la multiplication des contrats aidés sont les causes principales de l'embellie observée.

M. Roland Muzeau s'est félicité, en revanche, de la décision de recruter deux cents inspecteurs du travail supplémentaires, tout en regrettant que le plan de recrutement ne soit pas à la fois plus ambitieux et plus rapide.

Mme Bernadette Dupont a fait part des difficultés qu'elle rencontre dans sa commune, en raison de problèmes de bonifications indiciaires, pour recruter des tuteurs chargés de suivre les jeunes apprentis.

Mme Annie Jarraud a d'abord souhaité obtenir des précisions sur les conditions de mise en oeuvre du plan de développement des emplois de services à la personne, et notamment sur les moyens affectés à l'agence nationale mise en place dans ce cadre. Elle a insisté sur les conditions de travail, souvent précaires, des professionnels du secteur qui doivent multiplier les contrats pour arriver à travailler à temps plein, avec de faibles perspectives de qualification.

Elle a ensuite estimé optimistes les annonces du ministre concernant les maisons de l'emploi : le nombre de projets labellisés inclut, en effet, des maisons de l'emploi qui existaient bien avant le lancement du plan de cohésion sociale ; elle a d'ailleurs fait observer que le projet de maison de l'emploi lancé à Bayonne, qui a finalement échoué, demeure répertorié comme effectif sur le site officiel du ministère.

Mme Valérie Létard s'est félicitée que le développement des emplois de services à la personne soit une priorité pour le Gouvernement. Elle a demandé comment cette politique peut être optimisée dans le cadre des contrats de projet avec les régions et les départements.

M. Nicolas About, président , a évoqué le problème posé par la fraude aux Assedic, dont la presse s'est récemment fait l'écho, et a souhaité obtenir des éclaircissements sur ce point.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a répondu à Jean-Pierre Godefroy que le décret relatif au travail de nuit des mineurs, en cours d'élaboration, fait l'objet d'une phase de concertation, avant d'être soumis au Conseil d'Etat. Concernant l'apprentissage « junior », il a indiqué que deux régions, l'Alsace et la Lorraine, sont entrées dans le dispositif et que les discussions se poursuivent avec l'association des régions de France (ARF) pour en généraliser l'application.

Il a également rappelé son engagement ancien en faveur des victimes de l'amiante et s'est déclaré peu satisfait des modalités de fonctionnement actuelles du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) : dans la mesure où il s'adresse aux salariés d'une entreprise, prise dans son ensemble, il peut arriver que des salariés, qui n'ont en réalité jamais été exposés à l'amiante, en bénéficient, tandis que des salariés exposés en sont exclus parce que leur entreprise ne figure pas sur les listes prises en compte par le fonds. Il est arrivé, de surcroît, que le Fcaata soit utilisé comme un simple instrument d'accompagnement des restructurations. Le ministère du travail travaille également avec le ministère de la santé sur la question du suivi post-professionnel des travailleurs de l'amiante et sur les risques associés à l'utilisation des fibres céramiques réfractaires, des éthers de glycol et des formaldéhydes.

M. Jean-Pierre Godefroy a demandé si le Gouvernement envisage de restreindre l'accès au Fcaata aux seules personnes effectivement malades de l'amiante.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a rappelé que cette suggestion a été formulée par la Cour des comptes, mais que le problème principal posé par le fonctionnement du Fcaata réside, selon lui, dans la prise en compte, de manière globale, de tous les salariés d'une entreprise et non de chaque salarié exposé à l'amiante pris individuellement.

A M. Jean-Marie Vanlerenberghe , qui l'interrogeait sur le coût d'une individualisation du fonctionnement du Fcaata, le ministre a répondu que cette question fait actuellement l'objet d'investigations par les services de son ministère.

En réponse à Mme Bernadette Dupont, il a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient des dispositions sur le tutorat et le cumul emploi-retraite et a indiqué avoir saisi le ministère de la fonction publique pour que des évolutions analogues soient opérées dans le secteur public. Il a regretté que l'apprentissage dans la fonction publique demeure encore confidentiel.

En réponse à M. Roland Muzeau, il a souligné que le panier de recettes fiscales affecté à la sécurité sociale permet de compenser intégralement les allégements de charges et même de dégager un supplément. Il a contesté l'idée selon laquelle le développement des emplois aidés serait la cause principale de la baisse du chômage et rappelé que la montée en puissance des nouveaux contrats aidés a été, pour partie, compensée par la baisse du nombre de contrats emplois solidarité et de contrats emplois consolidés. S'agissant de l'inspection du travail, il a estimé qu'il est impossible de recruter, dès 2007, un nombre plus élevé d'inspecteurs ou de contrôleurs du travail, compte tenu des capacités d'accueil limitées de l'Institut national du travail, chargé de leur formation.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a souligné que la mise en place des maisons de l'emploi est parfois ralentie du fait de l'absence de signature du contrôleur financier et confirmé le chiffre de 194 maisons labellisées, chiffre fourni par la commission présidée par le député Jean-Paul Anciaux.

En réponse à Mme Annie Jarraud, il a rappelé que le plan de développement des services à la personne a déjà favorisé la création de 11.000 entreprises et de 65.000 emplois nouveaux. Il a admis que le cumul de plusieurs contrats de travail est un facteur de précarité pour les professionnels de l'aide aux personnes et a fait part de l'intention du Gouvernement d'accompagner ces personnels en utilisant les contrats initiative-emploi ou les contrats « jeunes en entreprise ». Il a souhaité que les conventions collectives applicables à ces salariés prévoient de vrais déroulements de carrière, comportant des périodes de formation. Il a indiqué qu'il demanderait que soit examiné plus attentivement le cas de la maison de l'emploi de Bayonne.

Concernant le secteur des hôtels, cafés et restaurants, le ministre a rappelé que les partenaires sociaux mènent actuellement une négociation difficile, en vue de parvenir à un accord portant notamment sur les heures d'équivalence et l'octroi d'une sixième semaine de congés payés. Il a précisé que l'aide de l'Etat à ce secteur vise, notamment, à soutenir l'investissement dans l'hôtellerie indépendante.

Abordant la question des fraudes aux Assedic, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a fait part de la préoccupation du Gouvernement, qu'il a dite partagée par les partenaires sociaux, estimant que ces comportements frauduleux menacent la crédibilité de nos systèmes de solidarité. Il a néanmoins demandé que l'on ne soupçonne pas chaque chômeur d'être un fraudeur en puissance. Il a évoqué différentes modalités de la fraude aux Assedic, qui peut s'appuyer sur la constitution de sociétés-écrans et comporter une dimension transnationale. Si le croisement des fichiers et la centralisation de fichiers à l'Unedic permettent de déceler les fraudes, des progrès peuvent encore être accomplis dans la coordination entre les Assedic et les Urssaf.

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