II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 22 novembre 2006 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , puis de M. Gérard Dériot, vice-président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Souvet , sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Travail et emploi »).

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi » , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi » , a d'abord indiqué que les crédits affectés à la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2007 s'élèvent à un peu plus de 12,64 milliards d'euros, en baisse de près de 4 % par rapport aux crédits votés en 2006. Cette diminution s'explique toutefois par des modifications du périmètre de la mission : à périmètre inchangé, les dépenses de la mission auraient progressé d'environ 5 % l'année prochaine.

En outre, l'effort de la nation en faveur de l'emploi ne se limite pas aux seuls crédits inscrits en loi de finances : il convient de prendre en compte également les recettes fiscales affectées à la compensation des allégements de cotisations sociales, pour un montant proche de 20 milliards d'euros, ainsi que les dépenses fiscales relevant de la politique de l'emploi, qui représentent plus de 8 milliards d'euros. Au total, l'ensemble des moyens affectés à la politique de l'emploi s'élève à 41,8 milliards d'euros, en hausse de 6 % par rapport à 2006. L'emploi demeure donc incontestablement une politique prioritaire.

Celle-ci commence d'ailleurs à porter ses fruits : le chômage a diminué, quasiment sans interruption, depuis avril 2005, revenant de 10,1 % à 8,8 % de la population active. Cette évolution positive s'explique, pour partie, par le rebond de la croissance observé en 2005 et 2006, mais aussi par les réformes structurelles engagées, notamment la réforme du service public de l'emploi et le lancement d'une nouvelle génération de contrats aidés.

Evoquant la réforme du service public de l'emploi, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a d'abord salué les progrès accomplis sur la voie d'un rapprochement entre l'ANPE et l'Unedic. L'Etat, l'ANPE et l'assurance chômage ont conclu, le 5 mai 2006, une convention pluriannuelle définissant les modalités de coordination de leurs actions. Cette convention prévoit une mise en cohérence de l'offre de services des différents partenaires, la création de « guichets uniques », pour faciliter les démarches des demandeurs d'emploi, et la mise en place d'un système informatique commun à l'ANPE et à l'Unedic.

La création des maisons de l'emploi contribue également au rapprochement entre les différents acteurs du service public de l'emploi. Si 174 projets de maisons de l'emploi ont été labellisés à ce jour, le nombre de celles réellement opérationnelles est très inférieur à ce chiffre, les différents partenaires rencontrant souvent des difficultés pour déterminer la participation de chacun au financement du projet.

De même, la montée en charge des contrats aidés, créés ou rénovés par la loi de cohésion sociale, contribue positivement à la baisse du chômage. Le nombre de titulaires de contrat initiative-emploi (CIE), de contrat d'avenir, dont le démarrage a pourtant été laborieux, de contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) ou de contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) est en progression régulière.

Abordant ensuite les politiques mises en oeuvre pour soutenir la création d'emploi, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a rappelé que le Président de la République a souhaité amplifier la politique d'allégement du coût du travail peu qualifié en supprimant, dans les entreprises de moins de vingt salariés, les cotisations sociales qui subsistent au niveau du Smic. L'article 23 du projet de loi de finances procède à cette réforme, dont le coût pour la sécurité sociale sera compensé par l'affectation d'une fraction des droits sur les tabacs.

Toujours dans cette même logique d'allégement du coût du travail peu qualifié, le projet de loi de finances prévoit de prolonger d'un an l'aide aux hôtels, cafés et restaurants, d'en augmenter le montant et de créer une nouvelle aide pour l'embauche de salariés occasionnels. Ces dispositions sont la traduction législative d'un accord passé, le 17 mai 2006, entre l'Etat et les organisations professionnelles du secteur.

Au titre du programme consacré à l'accompagnement des mutations sociales, économiques et démographiques, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a tenu à souligner deux points. En premier lieu, les mesures prises en 2003, visant à restreindre l'accès aux préretraites, commencent à produire un effet visible dans les statistiques. En particulier, le nombre d'entrées dans le dispositif de cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés (CATS) a baissé de 84 % au premier semestre 2006, par rapport à la même période de 2005, et la décroissance du nombre global de bénéficiaires est amorcée. Cette évolution est conforme à l'objectif poursuivi par la commission de favoriser l'augmentation du taux d'emploi des seniors. En second lieu, les dispositifs de sécurisation des parcours professionnels sont en plein essor : convention de reclassement personnalisé (CRP), créée par la loi de cohésion sociale, d'une part, contrat de transition professionnelle (CTP), créé en mai 2006, à titre expérimental, dans sept bassins d'emplois, d'autre part.

Après avoir présenté les crédits, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a procédé à l'examen des articles rattachés à la mission.

Les articles 57 et 57 bis traitent des aides au secteur des hôtels, cafés et restaurants. L'article 58, qui met fin au caractère dégressif de l'aide versée par l'Etat à l'employeur d'un salarié en contrat d'avenir, lorsque ce dernier est un demandeur d'emploi de plus de cinquante ans titulaire de l'ASS depuis au moins deux ans, peut être adopté sous réserve d'une modification rédactionnelle. L'article 58 bis tend à faire prendre en charge par l'Etat une partie de l'aide versée par les départements aux employeurs qui recrutent en contrat d'avenir ou en CI-RMA un titulaire du RMI : cette mesure positive répond à une demande des départements et devrait encourager la politique d'activation des minima sociaux.

Le rapporteur pour avis s'est arrêté davantage sur l'article 59, qui met en oeuvre, pour la première fois, le droit à l'expérimentation reconnu aux collectivités territoriales, depuis la révision constitutionnelle de mars 2003. Cet article autorise les départements à adapter les règles applicables au contrat d'avenir et au CI-RMA, afin d'élaborer un dispositif « sur mesure », répondant à la fois aux spécificités locales et aux besoins des titulaires du RMI. De plus, l'Etat pourra transférer aux départements le versement de la prime de retour à l'emploi, créée par la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires des minima sociaux, qui vise à inciter les titulaires de minima sociaux à reprendre une activité. L'expérimentation est autorisée pour une durée de trois ans et, conformément à la règle, fera l'objet d'une évaluation.

Il a formulé, au sujet de ce dispositif, trois remarques : il s'inspire d'une proposition de M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs, pour que les dispositifs d'insertion présentent plus de souplesse en fonction de la réalité du terrain ; il fait du département, à juste titre, le pivot de la politique d'insertion, le Gouvernement rejoignant ainsi la position défendue par la commission lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2004 ; il permet de conclure, dans le cadre de l'expérimentation, des contrats d'avenir à durée indéterminée, ce qui impliquera d'apporter d'importantes adaptations au régime de ce contrat.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis , a ensuite présenté l'article 60, qui tend à supprimer l'exonération de cotisations accidents du travail et maladies professionnelles applicable aux contrats d'apprentissage et aux contrats de qualification. Cette mesure, justifiée dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances par la nécessité de responsabiliser les entreprises et de les inciter à la prévention, augmentera les charges des entreprises à hauteur de 73 millions d'euros. Il s'est déclaré peu favorable à cette mesure et a indiqué qu'il proposera en conséquence un amendement de suppression, car elle paraît contradictoire avec la politique, menée depuis 2004, en faveur du développement des formations en alternance.

L'article 60 bis, inséré par l'Assemblée nationale, donne une base légale au comité central de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP). Cet organisme, créé en 1947, regroupe les organisations d'employeurs et les syndicats de salariés du secteur et participe au financement de l'apprentissage, ainsi qu'à la promotion des métiers du bâtiment. Ses ressources sont constituées par une cotisation à la charge des entreprises, dont le taux est relevé pour les entreprises de plus de dix salariés.

L'article 61 prévoit d'affecter à l'Afpa 175 millions d'euros, prélevés sur le fonds unique de péréquation. Ce fonds, dont la situation financière est très excédentaire, a pour mission de gérer les excédents dont peuvent disposer les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), qui prélèvent les fonds de la formation professionnelle.

Enfin, les articles 61 bis et 61 ter, introduits par l'Assemblée nationale, modifient le régime applicable au chèque emploi-service universel (Cesu). Créé en 2005, le Cesu peut être « préfinancé » par les employeurs : il est alors acheté par l'employeur, puis remis ou vendu au bénéficiaire à un prix inférieur à sa valeur nominale. L'article 61 bis prévoit que le Cesu pourra désormais être préfinancé par les entreprises au profit de leurs clients, et non plus seulement de leurs salariés, et que le chef d'entreprise pourra aussi bénéficier du préfinancement. L'article 61 ter corrige une situation inéquitable en alignant le régime fiscal et social applicable aux Cesu préfinancés par les employeurs publics sur le régime avantageux applicable aux Cesu préfinancés par les employeurs du privé.

M. Alain Milon a souligné que la labellisation des maisons de l'emploi n'est qu'une étape d'un processus plus complexe, puisqu'il est nécessaire de déterminer ensuite les financements, ce qui crée souvent d'importantes difficultés. Il a souhaité obtenir des précisions sur la participation de l'Etat au financement des projets.

Mme Sylvie Desmarescaux a confirmé les propos d'Alain Milon, puis a souligné, pour le déplorer, que le conseil général du département du Nord s'est opposé à la mise en place du contrat d'avenir en raison du coût, non compensé par l'Etat, restant à la charge des départements. Prenant acte de l'avancée proposée par le projet de loi de finances, qui confirme les engagements pris par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, M. Jean-Louis Borloo, elle a regretté que l'application de la mesure soit subordonnée à la publication d'un décret, dont le contenu demeure encore hypothétique, et a souhaité que les parlementaires disposent des projets de décret au moment de l'examen des textes de loi. Elle s'est ensuite déclarée insatisfaite des prestations de l'ANPE dans le Dunkerquois : une personne reconnue handicapée par la Cotorep s'est vu proposer un contrat d'accompagnement vers l'emploi d'une durée de six mois non renouvelable, alors que la loi permet de signer des contrats beaucoup plus longs ; son intervention auprès du directeur de l'agence locale pour l'emploi a permis de trouver une solution plus satisfaisante pour ce demandeur d'emploi, mais il n'est pas acceptable qu'une intervention d'un parlementaire soit requise pour obtenir la simple application de la loi.

Mme Bernadette Dupont a souligné que les personnes handicapées n'ont que peu bénéficié de la décrue du chômage et qu'elles sont toujours affectées par un taux de chômage supérieur au double de la moyenne nationale.

M. Paul Blanc a confirmé ce point, puis a demandé pourquoi l'Afpa demeure subventionnée par l'Etat, alors que les régions se sont vu transférer la compétence de droit commun en matière de formation professionnelle.

M. Gérard Dériot , président, a indiqué que l'Afpa reçoit des financements des régions, mais qu'une partie de son financement demeure assurée par l'Etat, au titre de sa participation à la politique de l'emploi.

Mme Catherine Procaccia a approuvé la proposition du rapporteur de supprimer l'article 60 du projet de loi de finances, estimant qu'il ne faut pas porter préjudice à l'apprentissage. Elle a ensuite souhaité comprendre pourquoi le Cesu doit être désormais préfinancé par les entreprises au profit de leurs clients.

M. Louis Souvet , rapporteur pour avis, a confirmé le petit nombre de maisons de l'emploi opérationnelles à ce jour : quarante-trois conventions d'objectifs seulement ont été approuvées par le ministère de l'emploi, alors qu'il s'agit d'une procédure indispensable à leur création. Il a précisé que l'Etat participe au financement des maisons de l'emploi et a indiqué que la mise en place d'une maison de l'emploi, dans sa commune de Montbéliard, s'est déroulée dans des conditions satisfaisantes.

Concernant le financement des contrats d'avenir, l'Etat ne compense pas, à ce jour, le coût supporté par les départements, mais le projet de loi de finances prévoit justement une compensation partielle, à compter de 2007, dans des conditions qui seront précisées par décret. M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a admis que le renvoi à un décret laisse subsister une certaine incertitude sur le niveau de cette compensation, mais aucune autre solution ne semble possible à ce stade.

Il a regretté que certaines agences locales pour l'emploi omettent de proposer des contrats d'accompagnement vers l'emploi d'une durée supérieure à six mois, alors que la loi ouvre cette possibilité, et a proposé d'attirer l'attention du directeur général de l'ANPE sur ce point.

Il a justifié sa proposition de supprimer l'article 60 du projet de loi de finances, en indiquant qu'il va à l'encontre des efforts menés en faveur de l'apprentissage. Abordant le Cesu, il a souligné qu'il pourrait être préfinancé au profit du chef d'entreprise, à condition que l'ensemble des salariés en bénéficie également.

Mme Isabelle Debré a demandé si la distribution de Cesu préfinancés fait l'objet d'un contrôle, afin de s'assurer qu'ils sont équitablement répartis entre les salariés.

Sur ce point, M. Gérard Dériot, président , a rappelé que le Cesu s'inspire du chèque-restaurant et du chèque-vacances et qu'il est donc certainement régi par les mêmes règles de distribution.

Mme Catherine Procaccia a estimé que ce type de problème devrait être résolu par la voie de la négociation dans les entreprises.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis , a souligné que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale modifie la logique du Cesu, en permettant de les distribuer aux clients d'une entreprise, ce qui répond notamment à une demande des enseignes de la grande distribution. Il a ajouté que le code du travail ne contient pas de dispositions particulières relatives aux règles de distribution du Cesu entre les salariés et qu'il serait utile d'interroger le Gouvernement en séance sur ce point.

La commission a ensuite adopté quatre amendements présentés par son rapporteur pour avis : le premier supprime une disposition juridiquement superflue à l'article 57 ; le deuxième propose une nouvelle rédaction de l'article 58, afin de mieux l'insérer dans le code du travail ; le troisième est un amendement rédactionnel à l'article 59 ; le dernier supprime l'article 60.

Enfin, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » ainsi qu'aux articles 57 à 61 ter ainsi amendés.

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