3. Les crédits du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, une situation dérogatoire singulière au regard de la performance

Rattachés à la mission Pouvoirs publics 49 ( * ) , les crédits alloués au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République dérogent aux règles de droit commun définies par la nouvelle nomenclature budgétaire . En effet, ces budgets se déclinent en dotations budgétaires -et non en programmes-, lesquelles constituent des unités budgétaires présentées par nature de dépenses et affranchies de tout objectif de performance 50 ( * ) .

Les budgets du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République
et de la Haute Cour de justice en 2007

Le Conseil constitutionnel : une dotation en forte augmentation

Le budget alloué au Conseil constitutionnel par le projet de loi de finances pour 2007 (7,2 millions d'euros contre 5,7 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2006) augmente de 26 %. Cette inflation s'explique principalement par le triplement de la dotation prévue pour le financement des opérations exceptionnelles pour la préparation de l'élection présidentielle qui passe de 0,4 million d'euros à 1,7 million d'euros 51 ( * ) . Cette somme est destinée à financer notamment les vacations versées aux 1.600 magistrats (300 euros par tour) et aux 41 premiers présidents (900 euros pour les deux tours) délégués par le Conseil constitutionnel pour contrôler les opérations de vote en métropole et outre-mer (1,2 million d'euros), la modernisation du réseau informatique pour le traitement des formulaires de parrainages (40.000 euros), les frais de contrôle particulier en outre-mer (72.000 euros) ou encore la mise en place d'un observatoire de la presse (9.000 euros).

Les dépenses liées aux opérations courantes croissent modestement (+4 %) pour s'élever à 5,5 millions contre 5,3 millions d'euros l'année dernière. Cette majoration résulte de l'augmentation des dépenses de rémunération allouées aux membres du Conseil (rémunération à taux plein d'un nouveau membre en remplacement d'un professeur d'Université, rémunération d'un second membre de droit du Conseil) comme à ses personnels (revalorisation des salaires de la fonction publique, prise en charge d'un militaire détaché pour assurer la sécurité du Conseil). Malgré un budget en hausse, il convient de souligner que les dépenses de fonctionnement hors personnel marquent une légère diminution (10.000 euros), le Conseil constitutionnel s'étant engagé à ne pas renouveler son parc automobile, à faire des économies sur les achats de matériel et à diminuer les frais de réception des délégations étrangères.

La Cour de justice de la République : une enveloppe en baisse

Le budget alloué à la Cour de justice de la République par le projet de loi de finances pour 2007 baisse (- 6 %), pour s'établir à 886.680 euros. Ces crédits se répartissent principalement en quatre postes. Le plus important concerne les charges de loyer qui représentent près de 50 % de l'enveloppe de fonctionnement (438.580). Les indemnités des magistrats (131.000 euros) représentent 15 % de la dotation globale 52 ( * ) , les dépenses courantes de fonctionnement (167.100 euros) et les frais de justice (150.000 euros) respectivement 18 et 17 %. Les enveloppes budgétaires varient peu par rapport aux sommes inscrites en loi de finances pour 2006, la diminution des crédits prévue cette année s'expliquant par une réduction des frais de justice.

L'absence de dotation allouée à la Haute cour de justice

La haute Cour de justice compétente pour juger les crimes et délits commis par le Président de la République n'a à ce jour jamais fonctionné. Comme les années précédentes, aucun crédit n'est donc inscrit au projet de budget. Toutefois, le maintien de cette dotation dans la nomenclature budgétaire est destiné à servir de support de rattachement dans l'hypothèse où cette cour serait appelée à fonctionner.

Sources : Réponses aux questionnaires budgétaires

Seuls compétents pour élaborer et exécuter leur budget, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République disposent d' une large autonomie administrative et financière . Ce statut budgétaire particulier exempte ces institutions de tout contrôle externe.

Votre rapporteur pour avis a cependant souhaité savoir si ces deux juridictions, à l'instar de leurs homologues judiciaires et administratifs, étaient sensibles aux nouvelles exigences prévues par la LOLF en termes de performance et de culture de résultat. La réponse diffère sensiblement d'une institution à l'autre. A la satisfaction de votre rapporteur pour avis, la mesure de la performance -s'agissant des décisions qu'il rend comme de sa gestion quotidienne- constitue une préoccupation réelle pour le Conseil constitutionnel .

Ainsi, la brièveté du délai dans lequel il rend ses décisions constitue un impératif. Des efforts d'organisation ont été menés pour traiter rapidement les affaires qui lui sont soumises, tout en assurant la qualité des jugements rendus.

Les décisions relatives au contrôle de constitutionnalité -pour lesquelles le délai est fixé par la Constitution 53 ( * ) - sont ainsi préparées très en amont, notamment grâce à un suivi attentif des débats parlementaires, une collégialité renforcée (les membres autres que le rapporteur assistant désormais également aux auditions) ; les avant-projets de décisions sont débattus et retravaillés, les dossiers documentaires et les notes distribués avant la séance. Le délai moyen entre les saisines et les décisions sur la période 1996-2006 s'élève à 15 jours . Selon le type de texte, ce délai varie entre 10 et 25 jours. La célérité est également une exigence forte qui s'applique au traitement du contentieux électoral et des questions afférentes au statut des parlementaires bien qu'aucun délai légal ne soit imposé. En ces domaines, le délai moyen entre les saisines et les décisions entre 1996 et 2006 s'établit à 32 jours . Selon le type de contentieux, le temps de traitement oscille entre 27 et 89 jours.

Source : Conseil constitutionnel

La rapidité des délais d'examen des textes soumis à la consultation du Conseil constitutionnel 54 ( * ) (entre 1 et 13 jours) mérite en outre d'être signalée.

De même, le Conseil constitutionnel s'efforce, dans ses actes de gestion quotidiens, de concilier l'efficacité de son action et le souci de modération de la dépense publique. En 2005, son enveloppe budgétaire a diminué de 4,11 % et en exécution, un excédent de 20.181 euros a été constaté. En 2006, malgré les majorations des rémunérations de la fonction publique, les moyens de fonctionnement ont été stabilisés, en dépit d'un accroissement de son activité tant en matière de contrôle de constitutionnalité des lois que de contentieux électoral.

Le souci de maîtrise des crédits a conduit le Conseil constitutionnel à adopter un certain nombre de pratiques vertueuses comme l'appel systématique à la concurrence (même pour l'achat des produits d'entretien), la diffusion auprès du personnel d'une culture de la polyvalence (les huissiers comme les chauffeurs accomplissent des tâches variées en fonction des besoins : petits travaux, transport de documents, sécurité, aménagement de locaux...), ou encore le fait de confier aux chefs de service la responsabilité de leur budget de fonctionnement.

La Cour de justice de la République n'a pas répondu aux interrogations de votre rapporteur pour avis sur l'impact de la LOLF sur sa gestion et sa performance.

Un effort de maîtrise des frais de justice destinés à financer les expertises ordonnées dans le cadre d'affaires soumises à la commission d'instruction de la Cour de justice 55 ( * ) est pourtant perceptible cette année. Ainsi que l'indique l'annexe Pouvoirs publics au projet de loi de finances pour 2007, les « expertises, très techniques, peuvent avoir un coût très élevé. Toutefois, il a été décidé de ne pas solliciter la somme de 203.00 euros et de la réduire à 150.000 euros . » 56 ( * ) Sans qu'il y soit fait explicitement référence, il semble que le souci de rigueur budgétaire explique la réduction de ce poste de dépenses. Cette démarche n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle des juridictions judiciaires et administratives.

L'exemple du Conseil constitutionnel démontre que le statut dérogatoire conféré aux institutions rattachées à la mission Pouvoirs publics n'interdit pas à ces dernières d'adhérer aux grands principes de la LOLF.

A cet égard, une réflexion pourrait utilement être engagée pour réduire le poids de la dépense liée au loyer dans le budget de la Cour de justice de la République. En 1994, l'acquisition de l'immeuble actuellement loué 57 ( * ) avait été envisagée et des démarches en ce sens avaient été entreprises par le président de l'époque. Le ministère de l'économie et des finances n'a pas donné suite à cette proposition. Il pourrait toutefois être opportun d'engager de nouvelles négociations pour alléger ce poste budgétaire très lourd.

* 49 Qui rassemble 8 enveloppes budgétaires d'inégale importance en termes de volume (la Présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat, la Chaîne parlementaire, le Conseil constitutionnel, la Haute cour de justice, la Cour de justice de la République et les indemnités des représentants français au Parlement européen).

* 50 Article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 51 Au total, la dotation exceptionnelle pour la préparation de l'élection présidentielle s'élève donc à 2,1 millions d'euros.

* 52 Le président de la Cour de justice de la République, les juges titulaires et suppléants de cette cour, les membres titulaires et suppléants de la commission d'instruction et de la commission des requêtes ainsi que les magistrats assurant le ministère public perçoivent des indemnités selon les modalités prévues par le décret n° 95-692 du 9 mai 1995.

* 53 Voir article 61 de la Constitution

* 54 En effet, une part des activités du Conseil constitutionnel est consultative, celui-ci étant consulté sur des projets de décret ou des décrets relatifs aux élections ou aux référendums. Par exemple, le Conseil constitutionnel a été saisi pour avis, le 31 mars dernier, d'un projet de décret relatif à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

* 55 Quatre procédures sont actuellement en cours d'instruction.

* 56 Page 43.

* 57 La Cour de justice de la République occupe un hôtel particulier, situé 21 rue de Constantine à Paris (VIIème arrondissement), dont la superficie s'élève à 805 m 2 .

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