b) L'expérimentation de nouveaux modes de rémunération (article 31)

L' article 31 du présent projet de loi de financement vise à introduire deux expérimentations : l'une portant sur les modes de rémunération des personnels de santé, l'autre sur le financement de la permanence des soins.

(1) L'expérimentation de modes de rémunération alternatifs au paiement à l'acte

La rémunération des professionnels libéraux reste, en France, principalement fondée sur le paiement à l'acte des prestations. Quelques éléments de rémunération forfaitaire ont certes été introduits, mais ne représentent qu'une part mineure des honoraires des médecins (indemnisations versées dans le cadre de la permanence de soins, forfait annuel rémunérant le médecin traitant pour la prise en charge des personnes souffrant d'affections de longue durée (ALD), par exemple).

Le I de l'article 31 introduit ainsi la possibilité d'expérimenter , à compter du 1 er janvier 2008 et pour une période n'excédant pas cinq ans, de nouveaux modes de rémunérations des professionnels de santé et des modes de financement des centres de santé.

Selon le gouvernement, cette mesure viserait, d'une part, à répondre aux aspirations des professionnels de santé en termes de qualité de travail et qualité de vie. D'autre part, elle semble mieux correspondre à la nature du suivi de certaines maladies, comme les maladies chroniques.

Le I de l'article 31 prévoit que les nouveaux modes de rémunération expérimentés compléteront ou se substitueront au paiement à l'acte . Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a précisé que ces nouveaux modes de rémunération pourront être : « la capitation, le forfait par pathologie, le paiement à l'acte, les incitations aux résultats individuels s'agissant des médicaments ou de l'indemnité journalière et enfin, pourquoi pas, une partie de salariat ».

Les expérimentations seront conduites par les missions régionales de santé , qui passeront des conventions avec les professionnels de santé volontaires. Les modalités techniques de leur mise en oeuvre sont renvoyées au décret. Les dépenses induites , mises à la charge des régimes obligatoires de base, seront prises en compte dans l'ONDAM . Les mutuelles et institutions de prévoyance seront, si elles le souhaitent, associées à ces expérimentations. Les missions régionales de santé procéderont, avec les organismes d'assurance maladie, à une évaluation annuelle de ces expérimentations, afin notamment d'apprécier le nombre de professionnels de santé et de centres de santé participant à l'expérimentation, les défenses induites et la qualité des soins dispensés dans ce cadre.

Les missions régionales de santé

« Une mission régionale de santé, constituée entre l'agence régionale de l'hospitalisation et l'union régionale des caisses d'assurance maladie , est chargée de préparer et d'exercer les compétences conjointes à ces deux institutions. Elle détermine notamment :

« 1° Les orientations relatives à l'évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux et des centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique en tenant compte du schéma régional d'organisation sanitaire mentionné à l'article L. 6121-3 du code de la santé publique ; ces orientations définissent en particulier les zones rurales ou urbaines qui peuvent justifier l'institution des dispositifs mentionnés à l'article L. 162-14-1 ;

« 2° Après avis du conseil régional de l'ordre des médecins et des représentants dans la région des organisations syndicales représentatives des médecins libéraux, des propositions d'organisation du dispositif de permanence des soins prévu à l'article L. 6315-1 du code de la santé publique ;

« 3° Le programme annuel des actions, dont elle assure la conduite et le suivi, destinées à améliorer la coordination des différentes composantes régionales du système de soins pour la délivrance des soins à visée préventive, diagnostique ou curative pris en charge par l'assurance maladie, notamment en matière de développement des réseaux, y compris des réseaux de télémédecine ;

« 4° Le programme annuel de gestion du risque , dont elle assure la conduite et le suivi, dans les domaines communs aux soins hospitaliers et ambulatoires. Ce programme intègre la diffusion des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique élaborés par la Haute Autorité de santé et l'évaluation de leur respect. »

Source : article 162-47 du code de la sécurité sociale

Deux amendements, à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail, avec l'avis favorable du gouvernement, ont été adoptés à l'Assemblée nationale :

- le premier prévoit que l'UNCAM, les syndicats représentatifs des professionnels de santé concernés et l'UNOCAM, sont consultés sur le décret définissant les modalités de mise en oeuvre de ces expérimentations ;

- le second étend la mesure aux réseaux de professionnels de santé pouvant être constitués en vertu de l'article L. 183-1-1 du code de la sécurité sociale.

(2) L'expérimentation de nouveaux modes de rémunération de la permanence de soins

Le II de l'article 31 du présent projet de loi de financement propose un second type d'expérimentation, portant sur la rémunération des médecins participant à la permanence de soin. Il est proposé d'offrir aux missions régionales de santé , à compter du 1 er janvier 2008 et à titre expérimental, la possibilité de fixer le montant et les modalités de ce type de rémunération .

Définie comme une « mission de service public » à l'article L. 6314-1 du code de santé publique, la permanence des soins repose la base du volontariat . Les médecins y participant sont rémunérés , comme le prévoit l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, selon des modalités fixées par les conventions médicales passées entre l'UNCAM et les représentants des professionnels de santé.

La rémunération forfaitaire des médecins participant à la permanence de soins

- Le financement de la régulation

« L'assurance maladie participe au financement de la régulation des médecins libéraux suivant les modalités ci-dessous :

- versement de 3 centimes, soit 60 euros de l'heure, au médecin libéral régulateur pour sa participation à la régulation organisée par le SAMU, le dimanche, les jours fériés et la nuit en fonction des besoins ;

- prise en charge de la formation à la régulation des médecins dans le cadre de la formation professionnelle conventionnelle ;

- prise en charge, si besoin, de la responsabilité civile professionnelle des médecins libéraux régulateurs pour leur activité de régulation. »

- Les majorations spécifiques des actes réalisés dans ce cadre

« Ainsi, lorsque le médecin inscrit sur le tableau de permanence [...] intervient à la demande du médecin chargé de la régulation ou du centre d'appel de l'association de permanence des soins [...], il bénéficie de majorations spécifiques » :

- une « majoration spécifique de nuit 20 heures - 0 heure / 6 heures-8 heures » : 46 euros pour une visite et 42,50 euros pour une consultation ;

- une « majoration spécifique de milieu de nuit 0 heure - 6 heures » : 55 euros pour une visite et 51,50 euros pour une consultation ;

- une « majoration spécifique de dimanche et jours fériés » : 30 euros pour une visite et 26,50 euros pour une consultation.

- La rémunération de l'astreinte

« Les médecins de permanence remplissant les engagements ci-dessus peuvent prétendre à une rémunération :

- de 50 € pour la période de 20 heures à 0 heure ;

- de 100 € pour la période de 0 heure à 8 heures ;

- et de 150 € pour les dimanches et jours fériés pour la période de 8 heures à 20 heures .

Cette rémunération est versée dans la limite d'une astreinte par secteur de permanence, ou par ensemble de secteurs mutualisés, et de 150 € par période de 12 heures. »

Source : avenant 4 de la convention médicale du 12 janvier 2005

Selon l'exposé des motifs de l'article 31, cette mesure vise deux objectifs : laisser plus de marges de décisions à l'échelon local pour tenir compte des spécificités territoriales et faciliter la coopération entre professionnels de santé et établissements de santé .

A cette fin, le II de l'article 31 du présent projet de loi de financement prévoit que les missions régionales de santé se verront déléguer les crédits nécessaires, pour la mise en oeuvre de cette expérimentation, par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) , fonds chargé de financer des actions ou des structures concourant à l'amélioration de la permanence de soins. Le fonds précisera les limites dans lesquelles les missions régionales de santé fixeront les montants de la rémunération des médecins. Il est à noter que l'article L. 221-1-1 du code de sécurité sociale relatif au FIQCS prévoit que le fonds peut confier des aides déconcentrées aux missions régionales de santé selon des modalités fixées par décret.

Une évaluation annuelle de ces expérimentations sera réalisée par les missions régionales de santé et seront transmises au FIQCS.

L'Assemblée nationale, a adopté un amendement, présenté par notre collègue Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, avec l'avis favorable du gouvernement, visant à ce que les syndicats représentant les médecins émettent un avis sur les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation.

Le III de l'article 31 du présent projet de loi de financement procède aux modifications rédactionnelles induites par le I et le II de cet article. Ces dernières tendent à compléter en conséquence les compétences des missions régionales de santé.

(3) La position de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis accueille favorablement ces mesures qui s'inscrivent dans une démarche de responsabilisation financière des prescripteurs et d'efficience des prescriptions de soins .

A cet égard, votre rapporteur pour avis rappelle les pistes intéressantes développées dans le rapport de l'inspection générale des finances de mars 2003 relatif aux expériences étrangères en matière de régulation et d'organisation de la médecine de ville 42 ( * ) . Ce rapport soulignait ainsi que dans la plupart des pays, où le paiement à l'acte était largement développé, avaient été mis en place des mécanismes de régulation , en vue de réduire les actes médicaux inutiles.

Votre rapporteur pour avis note que l'inspection générale des finances recommandait, notamment et sous certaines conditions, la mise en oeuvre, en France, d'un système de « droits de tirage » de paiement (« praxisbudget »). Ce mode de rémunération a, en effet, permis un infléchissement du volume d'actes réalisés en Allemagne. Sans préjuger du bien-fondé et de la transposabilité de cette mesure, votre rapporteur pour avis estime toutefois que la mise en place d'un tel dispositif gagnerait à être étudiée.

Le « praxisbudget »

Le praxisbudget consiste à attribuer à un médecin un « droit de tirage », exprimé en points de nomenclature, pour tout patient vu au moins une fois au cours d'un trimestre . Toute personne qui consulte pour la première fois un médecin au cours d'un trimestre est considérée comme un « cas » pour ce médecin. Il est indifférent que la personne ait ou non déjà consulté le médecin au cours de trimestres précédents. Par ailleurs, si la même personne consulte plusieurs fois son médecin au cours du trimestre, elle ne représente qu'un seul cas.

Le droit de tirage attribué au médecin correspond au coût moyen de traitement d'un patient sur une période de trois mois . Les droits de tirage acquis par le médecin pour chaque patient sont fongibles : un médecin qui aurait 100 patients ouvrant droit chacun à 800 points de nomenclature disposerait ainsi d'un droit de tirage global de 80.000 points sur le trimestre considéré.

Concrètement, le tiers-payeur - en Allemagne il s'agit de l'union régionale de médecins, gestionnaire d'une enveloppe d'honoraires déléguée par les caisses d'assurance-maladie - paye les factures présentées par le médecin jusqu'au point où le montant remboursé, exprimé en points de nomenclature, atteint le total des droits de tirage correspondant à la clientèle du médecin. Dans l'exemple choisi, le médecin sera donc remboursé pour toutes les factures émises au cours du trimestre jusqu'à un plafond de 80.000 points. Le point est affecté d'une valeur monétaire. La multiplication du nombre de points par le facteur de conversion monétaire permet d'obtenir la rémunération du médecin exprimée en euros.

Pour les actes réalisés au-delà de ce plafond, le médecin n'est pas rémunéré . Inversement, si le total de facturation du médecin est inférieur 80.000 points, le praticien ne percevra que le montant correspondant à son volume d'activité effectif.

Source : Inspection générale des finances, rapport d'enquête n° 2002-M-023-02 sur la régulation et l'organisation de la médecine en ville : les enseignements des expériences étrangères, établi par MM. Bertrand Cozzarolo, Eric Jalon et Guillaume Sarlat sous la supervision de M. Bruno Durieux, mars 2003

De façon plus générale, votre rapporteur pour avis note qu'il serait souhaitable que le Parlement soit destinataire des résultats de l'évaluation des expérimentations menées dans ce cadre. Votre rapporteur pour avis vous proposera un amendement en ce sens .

* 42 Inspection générale des finances, rapport d'enquête n° 2002-M-023-02 sur la régulation et l'organisation de la médecine en ville : les enseignements des expériences étrangères, établi par MM. Bertrand Cozzarolo, Eric Jalon et Guillaume Sarlat sous la supervision de M. Bruno Durieux, mars 2003.

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