H. LA MISE EN PLACE CHAOTIQUE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL

Certains articles du présent projet de loi de financement de financement témoignent des difficultés de mise en place du dossier médical personnel (DMP) , qui devait, selon le calendrier initialement prévu, être généralisé à la mi-2007 et permettre la réalisation d'économies, alors évaluées, pour l'ensemble des mesures de maîtrise médicalisée, à près de 3,5 milliards d'euros à l'horizon 2007.

Votre rapporteur pour avis avait, dans un rapport paru en novembre 2005, dénoncé le calendrier irréaliste de mise en oeuvre du DMP et mis en évidence certaines insuffisances des systèmes d'information de santé : défaillance du pilotage global de la politique d'informatisation, retard des établissements publics de santé dans ce domaine, cloisonnement des systèmes d'information et inadéquation de la formation des professionnels de santé 56 ( * ) .

Force est de constater que la situation qu'il décrivait à l'époque reste très largement d'actualité , comme le confirment certains travaux récents de la Cour des comptes, qui ont donné lieu, le 16 octobre 2007, à une audition de votre commission des finances sur les suites données à ces observations par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports 57 ( * ) .

Un long chemin pour assurer l'interopérabilité des systèmes de santé,
condition essentielle de mise en oeuvre du DMP

? Les observations de la Cour des comptes sur l'interopérabilité des systèmes d'information en santé (référé n° 46485 du 6 novembre 2006)

L'enquête transmise par la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, qui avait pour objet d'apprécier si des progrès en matière d'interopérabilité des systèmes d'information en santé avaient été accomplis aux cours des dernières années, notamment en vue de favoriser la mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP), aboutit aux constats suivants :

- les conditions nécessaires à l'amélioration de l'interopérabilité des systèmes d'information ne sont pas encore réunies , cette situation étant largement imputable à un défaut de pilotage central ;

- l'interopérabilité requiert des choix techniques qui font défaut : l'absence d'identifiant unique du patient constitue un obstacle majeur à la mise en place du DMP ;

- cette situation résulte en partie d'un manque de volonté de partager l'information , ceci n'étant pas suffisamment admis par les acteurs du système de santé, ni dans son principe, ni s'agissant des données à échanger ;

- dans ce cadre, l'Etat n'a pas su organiser un pilotage efficace : d'une part, les responsabilités sont éclatées entre de multiples directions ou structures périphériques au ministère de la santé 58 ( * ) et, d'autre part, les maîtrises d'ouvrage de projets comme le DMP ou la tarification à l'activité (T2A) dans les établissements de santé ne sont pas coordonnées.

La Cour des comptes recommande donc de renforcer le rôle et les moyens de la mission pour l'informatisation du système de santé (MISS) créée au sein du ministère de la santé et des solidarités. Elle souhaite également une redéfinition des rôles des nombreuses structures existantes , en vue d'une stricte complémentarité avec les moyens d'une MISS renforcée.

? Les données actualisées du rapport sur la sécurité sociale de septembre 2007

La Cour des comptes a procédé à une actualisation des données du référé transmis à la commission dans le cadre de son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2007. Les faits suivants doivent être relevés :

- l'article 25 de la loi du 30 janvier 2007 59 ( * ) a prévu l'utilisation d'un identifiant unique pour tous les systèmes d'information de santé, mais le choix du système d'identification n'a pas encore été concrétisé ;

- la fiabilité de l'identification des professionnels de santé, condition nécessaire à l'échange d'informations, fait encore défaut . En effet, la carte professionnel de santé (CPS), qui remplit cette fonction, est bien diffusée parmi les professionnels de santé libéraux (environ 78 % en moyenne) mais très faiblement dans le secteur hospitalier (4 % toutes catégories confondues et 8 % pour les médecins hospitaliers) . La Cour des comptes relève que ceci résulte de l'absence fréquente de véritable politique de sécurité au sein des établissements de santé et du caractère mal adapté de la carte actuelle à certains modes de fonctionnement propres à l'hôpital. Le décret du 15 mai 2007 relatif à la confidentialité des informations médicales impose toutefois, désormais, l'utilisation de la CPS pour tout accès aux informations médicales à caractère personnel conservées sur support informatique et pour leur transmission par voie électronique ;

- les travaux de normalisation des échanges de données n'ont pas encore abouti ;

- l' atomisation du parc de logiciels des professionnels de santé constitue un frein au développement de l'interopérabilité des systèmes d'information ;

- le respect du secret médical ne constitue pas une contrainte pour les systèmes d'information médicaux au sein de l'hôpital mais en est une pour la médecine de ville , dans la mesure où les échanges d'information ne peuvent y être opérés qu'avec l'autorisation du patient ou son information ;

- les crédits alloués par l'assurance maladie par le biais du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et de la dotation nationale de développement des réseaux (DNDR) n'ont « pas fait progresser de façon significative l'interopérabilité des systèmes d'information des professionnels de santé participant aux réseaux » ;

- le trop grand nombre de structures concernées nuit à l'efficacité du système et fait ressortir une coordination insuffisante au niveau du ministère de la santé. La Cour des comptes critique également le rattachement administratif et budgétaire de la Mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier (MAINH) à l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Ile-de-France , ainsi que son positionnement auprès du ministre, et non de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS).

1. Des crédits sous-utilisés en 2007, qui traduisent les difficultés que connaît la mise en oeuvre de ce projet (article 5)

L'article 5 du présent projet de loi de financement prévoit de ramener le plafond de dépenses du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) de 195 millions d'euros à 125 millions d'euros au titre de l'année 2007, et de réduire d'autant sa dotation, qui passerait ainsi de 178 millions d'euros à 108 millions d'euros. Il convient de rappeler que le FAQSV a été remplacé par le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), qui a repris ses financements et ses missions (ainsi que celles de la dotation nationale des réseaux (DNDR) au 1 er juillet 2007.

Selon l'exposé des motifs, cette réduction de 70 millions d'euros des crédits accordés au FAQSV est rendue nécessaire par les retards pris dans la mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP), pour laquelle une enveloppe de 120 millions d'euros avait été prévue en 2007. Votre rapporteur pour avis observe que les crédits consacrés à la mise en oeuvre du DMP se sont révélés très supérieurs aux besoins pour la deuxième année consécutive, comme le rappelle le tableau suivant :

Votre rapporteur pour avis n'est pas surpris par l'annulation de crédits prévue par cet article 5, dans la mesure où il avait lui-même proposé, l'an dernier, de réduire d'emblée la dotation accordée à ce fonds, celle-ci lui semblant surévaluée.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les dépenses exécutées par le GIP-DMP au titre de l'exercice 2006 se sont élevées à 24,46 millions d'euros, pour un budget initial de 103,85 millions d'euros. Les dépenses exécutées au titre de l'exercice 2007 s'élèveraient à 43,7 millions d'euros, pour un budget initial de 119,82 millions d'euros.

L'analyse menée par votre rapporteur pour avis
lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2007

Au vu des comptes précités du FAQSV, votre rapporteur pour avis constate, d'une part, qu'en moyenne, entre 2002 et 2005, les dépenses du fonds ont été de l'ordre de 60 millions d'euros par an, d'autre part, que le montant du solde cumulé du fonds en 2006 s'élèverait à 66,7 millions d'euros.

Si l'on fait l'hypothèse d'une norme de dépense équivalente en 2006 à celle constatée en moyenne sur les quatre dernières années, soit 60 millions d'euros, et en tenant compte de la dotation rectifiée du fonds pour 2006 fixée à 60 millions d'euros par le présent projet de loi de financement, votre rapporteur pour avis en arrive à la conclusion que la dotation du fonds prévue par l'article 50 du présent projet de loi de financement au titre de l'exercice 2007 (178 millions d'euros) est manifestement surévaluée. Il vous proposera donc d'abaisser cette dotation, ainsi que le plafond de dépenses du fonds fixés par le présent projet de loi de financement, de 50 millions d'euros, ce qui constitue une réduction minimale.

Il constate, par ailleurs, que cette situation confirme les difficultés de mise en place du dossier du médical personnel et l'irréalisme du calendrier de déploiement initial . Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a d'ailleurs donné raison à votre rapporteur pour avis lors de son audition devant les commissions des finances et des affaires sociale le 11 octobre 2007, en déclarant que ce calendrier initial relevait d'un « effet d'affichage ».

La ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a fait part de sa volonté de remettre à plat le chantier de mise en place du DMP et a demandé à différents corps d'inspection 60 ( * ) de mener un audit de ce dossier, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite, puisqu'elle rejoint la posture qu'il avait exprimée il y a déjà deux ans au nom de votre commission.

* 56 Jean-Jacques Jégou, « Informatisation dans le secteur de la santé : prendre enfin la mesure des enjeux », rapport d'information n° 62 (2005-2006).

* 57 Audition du 16 octobre 2007, qui fera l'objet d'un prochain rapport d'information.

* 58 Outre la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé, interviennent sur ces domaines ou projets : la mission pour l'informatisation du système de santé (MISS), la mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier (MAINH), l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), le groupement d'intérêt public carte professionnel de santé (GIP CPS), le groupement d'intérêt économique (GIE) Sesam-Vitale, le groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier (GMSIH), le GIP DMP...

* 59 Loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 60 L'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et le conseil général des technologies de l'information.

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