3. La réforme du Centre des monuments nationaux au milieu du gué : une réflexion à conduire sur la maîtrise d'ouvrage des monuments de l'Etat

L'Etat n'est propriétaire que de 4 % de l'ensemble des monuments classés ou inscrits et de plus de 6 % des monuments classés.

Près de 100 de ces monuments, accueillant environ 8 millions de visiteurs et générant plus de 39 millions d'euros de recettes en 2006, sont gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN). Cet établissement public administratif, créé par décret en 2000 6 ( * ) pour succéder à la Caisse nationale des monuments historiques, a pour mission de « présenter au public les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance. »

Le CMN compte en 2006 environ 1 200 personnels permanents - dont 465 sont affectés par l'Etat - et plus de 1 000 occasionnels et saisonniers.

Comme le montre la carte ci-dessous, les monuments gérés par le CMN et ouverts à la visite sont présents dans 18 régions en 2007 (20 sont en Ile-de-France, dont 10 à Paris). Ils sont absents de 4 régions métropolitaines : l'Alsace (depuis le transfert au département du Bas-Rhin du château du Haut-Koenigsbourg au 1 er janvier 2007), la Lorraine, le Limousin et la Corse.

LES MONUMENTS GÉRÉS PAR LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX EN RÉGION EN 2007


• Des compétences élargies à la maîtrise d'ouvrage

L' article 48 de la loi de finances pour 2007 7 ( * ) a confié au Centre des monuments nationaux (CMN), au-delà de ses activités traditionnelles de gestion et d'ouverture au public des monuments nationaux, une nouvelle compétence de maîtrise d'ouvrage des travaux d'entretien et de restauration sur les monuments qui lui sont confiés .

Cette réforme avait été préconisée en 2002, notamment, par la commission « Patrimoine et décentralisation », présidée par M. Jean-Pierre Bady ; celle-ci mettait en effet en avant l'intérêt de confier à un seul acteur le soin de concilier les objectifs de conservation et de valorisation des monuments. La Cour des comptes avait également souligné que la séparation des responsabilités de gestion et d'investissement n'était pas optimale.

Rappelons que la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments nationaux est jusqu'alors assurée par deux services de l'Etat :

- les conservations régionales des monuments historiques (CRMH) des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ;

- le service national des travaux (SNT), qui concentre l'essentiel de son activité en Ile-de-France.

Au-delà, l'article 48 a prévu que le Centre des monuments nationaux peut également se voir confier la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments appartenant à l'Etat et affectés au ministère en charge de la culture .

Afin de lui permettre de financer ces nouvelles missions, cet article a prévu l'affectation directe de 25 % du produit des droits de mutation à titre onéreux, dans la limite de 70 millions d'euros par an . Cette recette était destinée à garantir au CMN une ressource pérenne, à l'abri des fluctuations budgétaires. Une même fraction du produit de la taxe lui a été affectée au titre de 2006, soit une dotation globale de 140 millions d'euros.


Une réforme restée inaboutie : la « rebudgétisation », à titre « provisoire » , de la recette affectée au CMN

Ainsi que votre rapporteur le relevait au moment de l'annonce de cette réforme, « le Centre des monuments nationaux ne pourra exercer ses nouvelles missions de maîtrise d'ouvrage qu'au terme d'une réorganisation importante qui nécessitera du temps, et ne pourra donc dépenser par lui-même, dans un premier temps, les enveloppes budgétaires qui lui sont octroyées. » 8 ( * ) Cette remarque s'est avérée exacte.

Le ministère reconnaît ainsi que « la mise en place de l'organisation adéquate de ce nouveau régime s'est avérée plus longue que prévu » .

De fait, un régime transitoire , fondé sur un montage juridique et financier complexe , a été mis en place en 2007 : la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments nationaux ou de l'Etat est restée principalement assurée par les services déconcentrés du ministère de la culture, pour le compte du CMN, dans le cadre de conventions de mandat . Ces conventions permettent au CMN de reverser les recettes fiscales perçues aux services du ministère qui, concrètement, continuent d'assumer la charge du suivi opérationnel des chantiers. Six conventions ont été signées, dont deux consacrées aux nouveaux chantiers de restauration.

L 'article 25 du projet de loi de finances pour 2008 propose d'abroger l'affectation directe d'une fraction du produit des droits de mutation au CMN . En effet, comme le souligne l'exposé des motifs, la situation transitoire qui s'est mise en place en 2007 « a pour conséquence, de manière paradoxale, de ralentir l'engagement des opérations de restauration des monuments historiques appartenant à l'Etat . »

Dans l'attente d'une stabilisation de l'organisation de la maîtrise d'ouvrage, la suppression de cette taxe affectée est compensée par une « rebudgétisation » de ces crédits à due concurrence, présentée comme étant « provisoire » .

Ainsi que l'a annoncé la ministre de la culture, une mission a été confiée à deux personnalités qualifiées, qui seront chargées de faire des propositions, d'ici le printemps 2008, en vue de clarifier le partage des compétences entre le CMN et les autres acteurs de la maîtrise d'ouvrage : le SNT, les CRMH présentes dans les DRAC et l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC).

Votre rapporteur salue cette initiative. En effet, l'insertion d'un nouvel acteur dans le champ de la maîtrise d'ouvrage doit s'inscrire dans une réforme globale : l'absence d'une telle réflexion préalable a conduit à obscurcir le paysage institutionnel et à complexifier les circuits financiers au cours de l'année 2007.

Votre commission se montrera donc attentive aux conclusions de cette mission. Elle rappelle, à cet égard, que la mission d'information sur le patrimoine architectural avait formulé les observations suivantes : « Cette réforme ne doit se traduire ni par des doublons administratifs , qui entraîneraient un accroissement global des effectifs, ni par un dépeçage des services déconcentrés du ministère, qui ne permettrait plus à ces derniers de remplir les responsabilités que leur confie la loi à l'égard des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. »

Votre rapporteur insiste, en effet, sur le risque qu'il y aurait à disperser des moyens qui sont déjà difficiles à mobiliser sur le terrain. Il s'interroge, en outre, sur l'opportunité de confier au CMN la maîtrise d'ouvrage des monuments de l'Etat dont il n'assure pas la gestion, alors que cet établissement public est absent de quatre régions et que la déconcentration de son organisation reste encore à définir.

* 6 Décret n° 2000-357 du 21 avril 2000 relatif au Centre des monuments nationaux et modifiant le décret n° 95-462 du 26 avril 1995 portant statut de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites.

* 7 Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006.

* 8 « Monuments historiques : une urgence pour aujourd'hui, un atout pour demain ».

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