3. Les limites des indices de mesure du pouvoir d'achat

L'appréciation biaisée par les ménages de l'évolution de leur pouvoir d'achat a nourri des controverses sur ses indicateurs et, plus précisément, sur les indices mesurant le coût de la vie. L'indice des prix à la consommation, retenu par l'INSEE comme dénominateur dans le calcul du pouvoir d'achat, mesure l'inflation mais il n'est pas certain qu'il mesure véritablement le coût de la vie : il ne prend en compte les dépenses de logement que sous l'angle des loyers et des charges 10 ( * ) , au motif que l'acquisition d'un logement relève de l'investissement et non de la consommation, négligeant donc le poids de l'inflation immobilière sur le coût de la vie des accédants à la propriété.

En outre, en matière de dépenses de santé, l'indice des prix à la consommation ne retient que les prix bruts et non pas nets (c'est-à-dire après prise en charge par l'assurance maladie), ce qui minimise la hausse des prix réellement à la charge du consommateur dans une période où la tendance est aux déremboursements.

Sans entrer dans la controverse sur la pertinence relative des indices de coût de la vie, votre rapporteur juge toutefois que la mesure du pouvoir d'achat peut être améliorée en complétant les indices existants par des indicateurs complémentaires.

En effet, les statistiques adoptent une perspective macroéconomique agrégée, alors que les ménages sont enclins à considérer subjectivement l'évolution de leur pouvoir d'achat. Or les situations individuelles sont d'une grande hétérogénéité, du fait de l'évolution différenciée des revenus salariaux, notamment selon la durée du travail 11 ( * ) , ou des revenus d'activité par rapport aux revenus du patrimoine, et du fait de l'exposition inégale des ménages à l'inflation. Les ménages les plus modestes se trouvent en effet, du fait de la structure de leur consommation, plus exposés que la moyenne aux hausses des prix : la flambée des prix de l'énergie alourdit les factures de chauffage et renchérit le coût des trajets domicile-travail, l'augmentation des prix agricoles entraîne celle du prix du pain, des produits laitiers et de certaines viandes. Mais d'autres ménages apparaissent aussi particulièrement pénalisés par l'inflation, du fait de leur structure de consommation : les familles monoparentales, les 16-30 ans et les ménages vivant à Paris qui souffrent de la hausse du tabac, du logement et des transports.

Ainsi, comme le fait observer le rapport du Conseil d'analyse économique, la crise du pouvoir d'achat reflète sans doute la dispersion des modes de vie et la dégradation de la qualité de la vie pour certains individus. S'il est difficile de faire apparaître des taux d'inflation différents par catégorie socioprofessionnelle, il apparaît en revanche des écarts plus parlants lorsqu'on retient d'autres indicateurs sociaux, tels la structure et la taille du ménage ou le caractère urbain ou rural de la zone d'habitation.

Au-delà de la problématique de sa mesure, le pouvoir d'achat par ménage reste en progression faible, voire insignifiante, quand il ne se dégrade pas pour certaines composantes de la société française. Il souffre en effet de la conjonction d'une menace inflationniste due aux matières premières et du caractère incompressible de certaines dépenses contraintes.

* 10 Dans l'indice général des prix, la pondération du loyer et des charges est de 13,5 %.

* 11 Selon le CERC, chaque année, environ 40 % des salariés voient leur salaire individuel baisser.

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