Avis n° 93 (2007-2008) de MM. Pierre HÉRISSON et Gérard CORNU , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 22 novembre 2007

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N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

DÉVELOPPEMENT ET RÉGULATION ÉCONOMIQUES

Par MM. Pierre HÉRISSON et Gérard CORNU,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Jean Pépin, Bruno Sido, Daniel Soulage, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Raymond Couderc, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jacques Muller, Mme Jacqueline Panis, MM. Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Yannick Texier.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 9 ) (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission budgétaire « Développement et régulation économiques » (DRE) a été conçue pour fédérer l'action budgétaire de l'Etat -qui vient compléter son action réglementaire- visant à améliorer autant que possible l'environnement économique des entreprises et favoriser ainsi leur développement et leur compétitivité, au service de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Cette mission poursuit donc des objectifs particulièrement larges, qui se trouvent néanmoins considérablement réduits dans le projet de loi de finances pour 2008 qui présente une mission largement reconfigurée et seulement dotée du tiers des crédits qu'elle rassemblait l'an passé. Parallèlement, l'importance des dépenses fiscales associées aux crédits budgétaires de cette mission ne fait que croître, puisque ces dépenses représentent désormais treize fois et non plus deux fois et demi les crédits de la mission, ce qui fait apparaître ces dépenses fiscales comme les principaux instruments de l'aide publique aux entreprises.

Du fait de ces changements radicaux, vos rapporteurs pour avis, MM. Gérard Cornu et Pierre Hérisson, ont rencontré des difficultés pour suivre les crédits de cette mission au périmètre transformé. Ils se sont particulièrement attachés à comprendre ce qui motivait ces réaménagements et à établir des comparaisons pour les crédits qui figurent toujours dans la mission cette année et qui en constituent donc le coeur.

Ils ont ensuite choisi d'aborder chacun, sous un angle précis, la politique gouvernementale en matière de développement et de régulation économiques : M. Gérard Cornu présente l'enjeu d'une politique de soutien au pouvoir d'achat, à l'heure où ce sujet préoccupe manifestement la grande majorité des Français et où d'importants projets législatifs s'annoncent. M. Pierre Hérisson, pour sa part, accorde son attention aux progrès effectués par La Poste, dans le cadre du contrat qu'elle avait signé avec l'Etat en 2004 et qui arrive à terme le 31 décembre prochain, et aux défis que doit lui permettre de relever le prochain contrat qu'elle est en train de négocier avec l'Etat pour la période 2008-2012.

CHAPITRE I - UNE MISSION RECONFIGURÉE AVEC UN BUDGET TROIS FOIS MOINDRE

Les changements de périmètres ministériels et, notamment, la création du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, n'ont pas été sans incidence sur la mission « Développement et régulation économique ». Votre rapporteur pour avis estime que l'ampleur des bouleversements que connaît cette mission budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2008 s'écarte de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée le 1 er août 2001, qui est de faire primer une logique de missions, d'objectifs et de performances sur les logiques ministérielles traditionnelles.

I. UNE MISSION MÉCONNAISSABLE

A. UN BUDGET RÉDUIT DES DEUX TIERS ET ASSORTI DE DÉPENSES FISCALES TREIZE FOIS SUPÉRIEURES AUX CRÉDITS

Dans le projet de loi de finances pour 2008, la mission « Développement et régulation économiques » regroupe 1.296,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 1.267,6 millions d'euros de crédits de paiement (CP), alors qu'elle était dotée l'an dernier de près de 3,95 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de presque autant en crédits de paiement (CP) pour 2007. Les crédits de la mission ont donc été réduits des deux tiers, en raison d'une révision profonde de son périmètre.

Parallèlement, les nombreuses dépenses fiscales associées, dont votre rapporteur pour avis déplorait ces dernières années qu'elles représentent deux fois et demie les crédits de la mission, ont encore progressé : passant de 10 milliards d'euros à 12,5 milliards d'euros, ces dépenses fiscales, dont l'objet principal est de contribuer aux programmes de la mission, constituent un énorme paquet fiscal en augmentation de 25 %. Cet accroissement d'un quart doit être rapproché de la diminution des deux tiers des crédits budgétaires de la mission à laquelle sont rattachées ces dépenses fiscales : on obtient alors un rapport de 1 à 13 (contre un ratio de 2,5 en 2007) entre les crédits budgétaires et les dépenses fiscales associées ...

Un tel ratio amène à s'interroger sur la nature du contrôle parlementaire qu'il est loisible d'opérer sur cette mission. Votre rapporteur pour avis déplore encore une fois que plus de 30 % de la centaine de dépenses fiscales dont l'objet correspond au programme « Développement des entreprises » restent inévaluées , au motif qu'elles seraient « non chiffrables », alors même que ces dépenses fiscales représentent ensemble 12,5 milliards d'euros, somme qui implique une information plus précise du Parlement sur l'efficacité de cette politique de soutien fiscal eu égard aux objectifs poursuivis.

Répartition par programme des crédits demandés pour 2008

Intitulé du programme

Autorisations d'engagement

(en euros)

Crédits de paiement

(en euros)

Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique

982.057.571

953.120.137

Régulation économique

314.688.078

314.488.078

Totaux

1.296.745.649

1.267.608.215

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2008.

Par ailleurs, 1,1 million d'euros de fonds de concours viennent compléter les financements par crédits budgétaires de la mission « Développement et régulation économiques ».

B. UN PÉRIMÈTRE REVU -TOURISME INCLUS, ÉNERGIE ET DOUANES EXCLUS- ET DES INDICATEURS ADAPTÉS

La chute drastique des crédits budgétaires de la mission « Développement et régulation économiques » traduit un bouleversement du périmètre de cette mission, qui découle des modifications apportées par le Gouvernement à la maquette missions/programmes/actions dans le cadre de la construction du projet de loi de finances pour 2008. Ces évolutions résultent essentiellement de la nouvelle organisation gouvernementale, et notamment de l'intégration de la politique énergétique dans le pôle ministériel dédié au développement durable, le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD).

De ce fait, on peut constater la disparition, de la mission budgétaire « Développement et régulation économiques », de deux de ses quatre programmes . Il s'agit, dans un cas, d'une quasi-fusion avec un programme qui y demeure, dans l'autre cas, d'un transfert :

- l'ancien programme 127 « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel », a, pour l'essentiel, été intégré sous forme d'actions au sein du programme 134, désormais dénommé « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique » ; votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité de cette fusion, qui diminue la visibilité des crédits des directions régionales de l'industrie, la recherche et l'environnement (DRIRE), couvrant l'ensemble de leurs activités : contrôles techniques, installations classées, sûreté nucléaire et développement industriel local ;

- l'ancien programme 174 « Passifs financiers miniers » a intégré le nouveau programme 174 « Energie et matières premières » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ». Votre rapporteur pour avis se félicite de ce transfert, les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière en France, au plan financier, social et de la sécurité pouvant légitimement être appréhendées dans une logique large de développement durable.

En outre, le périmètre des deux programmes restants (le 134 concernant jusque là le développement des entreprises mais dorénavant aussi celui des services et de l'activité touristique et le 199 au libellé désormais abrégé « Régulation économique ») a, lui aussi, significativement évolué . Les principales modifications sont les suivantes :

- l'intégration, sous forme d'une action du programme 134, de l'ancien programme 223 « Tourisme » qui appartenait l'an dernier à la mission « Politique des territoires » ;

- la sortie de l'action n° 1 du programme 134, « Energie et matières premières », qui a, elle aussi et suivant la même logique, intégré le nouveau programme 174 « Energie et matières premières » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » ;

- le recentrage de l'action n° 7 du programme 134, « Développement international de l'économie » sur les opérateurs du commerce extérieur (Ubifrance et l'Agence Française pour les Investissements Internationaux) : le réseau international du ministère de l'économie, pour sa part, se trouve désormais rattaché à la mission « Pilotage de l'économie française », ce qui permet d'unifier la gestion des moyens humains des administrations centrales, déconcentrées et des missions économiques à l'étranger ;

- le transfert de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) du programme 199 « Régulation économique » de la présente mission vers plusieurs programmes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Votre rapporteur pour avis se félicite que le tourisme se trouve à présent intégré dans le programme « Développement économique », dans la mesure où cette activité lui paraît présenter un enjeu économique majeur dépassant ses implications en termes d'aménagement du territoire (qui avaient pu justifier son rattachement précédent à la mission « Politique des territoires »). Il soutient également la démarche de ses collègues députés qui ont adopté un amendement visant à ériger cette action « Tourisme » en un programme au sein de la mission « Développement et régulation économiques » : ceci permettra d'accroître la visibilité de l'activité touristique, à laquelle le Gouvernement a d'ailleurs souhaité dédier quatre objectifs sur les douze du programme 134. Cet amendement permettrait également de mettre à l'abri les crédits du tourisme de la fongibilité qui existe entre les crédits dédiés aux actions d'un même programme.

En revanche, votre rapporteur pour avis déplore le transfert de la direction des douanes vers une mission budgétaire « support », celle intitulée « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». En effet, il n'est pas certain que ce transfert réponde à la logique de mission et de performance qui devrait primer : la DGDDI , notamment par sa contribution à la lutte contre la fraude, ne concourt-elle pas à assurer la sécurité des consommateurs qui reste un objectif du programme « Régulation économique » ? N'a-t-il pas d'ailleurs été mis en place, depuis le 1 er janvier 2007, un réseau commun avec la DGGCCRF de 11 laboratoires interrégionaux, ce qui atteste des liens naturels entre ces deux directions générales du ministère de l'économie ?

Votre rapporteur pour avis déplore aussi que le transfert vers la mission « Pilotage de l'économie française » des crédits alloués au réseau international du ministère de l'économie n'ait pas été suivi d'un ajustement des indicateurs de l'efficacité du soutien à l'exportation : en effet, les deux indicateurs continuent de mesurer le nombre d'entreprises clientes (et leur niveau de satisfaction) des prestations fournies par Ubifrance mais aussi par le réseau international du ministère de l'économie.

Enfin, il s'interroge encore cette année sur la pertinence des objectifs retenus : alors même qu'il comprend une action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », le programme 137 « Développement des entreprises » n'est toujours doté d'aucun objectif relatif à cette action qui mobilise pourtant 20 % des crédits du programme et que le projet annuel de performances qualifie de « priorité stratégique » 1 ( * ) ... Pourtant, ce sont pas moins de quatre objectifs qui mesurent l'efficacité de l'action « Tourisme » nouvellement créée dans le programme.

La pertinence de la structure en actions des programmes reste à parfaire sur un autre point : par exemple, le programme 127 comprend toujours une action « Prévention des nuisances et des risques industriels » vide de tous crédits budgétaires car financée sur les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable. Cette action « miroir » est destinée à assurer une gestion optimale des moyens en personnel et en crédits des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) qui leur sont alloués, pour répondre aux objectifs fixés par le MEDAD.

II. PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DES CRÉDITS ET DÉPENSES FISCALES ESSENTIELLES

A. DEUX PROGRAMMES EN PEAU DE CHAGRIN

Les deux programmes qui restent à la mission budgétaire « Développement et régulation économiques » connaissent une forte contraction de leurs crédits, qui s'explique prioritairement par les effets de la nouvelle maquette budgétaire déjà présentée à grands traits.

Pourtant, au-delà des effets de structure, on peut noter quelques évolutions importantes.

1. Le programme 134 : « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique »

Alors que le programme « Développement des entreprises » regroupait 1.141,2 millions d'euros d'AE et 1.117,1 millions d'euros de CP en loi de finances initiale pour 2007, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit d'allouer au programme « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique » 982 millions d'euros en AE et 953 millions d'euros en CP. En cohérence avec la politique fiscale en faveur des entreprises et avec les politiques publiques portées par d'autres programmes budgétaires concernant notamment la recherche, l'aménagement du territoire et l'action sociale, ce programme 134 vise à créer des conditions favorables à la compétitivité du tissu économique, à la modernisation des entreprises, en particulier les petites et moyennes, au développement de l'activité touristique et à la valorisation de l'image du territoire et de l'économie de la France à l'étranger. Il repose sur les directions d'administration centrale du ministère de l'économie et, au niveau régional, par les deux réseaux des DRIRE et des délégations régionales au tourisme (DRT).

Hors des effets mécaniques découlant de la révision de son périmètre , révision qui a été particulièrement importante pour ce programme appelé à contribuer à l'action politique de deux ministères (économie et MEDAD), les comparaisons qu'il reste possible d'établir avec l'an passé laissent apparaître quelques modifications saillantes :

- pour l'action « Développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales », une division par deux des crédits de paiement , ramenés à 142 millions d'euros, et une baisse de 120 millions d'euros des AE. Cette baisse drastique recouvre à la fois une amputation de 20 millions d'euros des crédits du FISAC , sur laquelle votre rapporteur pour avis reviendra dans un chapitre ultérieur, et une débudgétisation des crédits alloués à OSEO-Garantie . Cette filiale de l'établissement public OSEO a pour mission de garantir les prêts aux PME et a reçu l'an passé 120 millions d'euros de crédits d'intervention en ce sens, montant complété par 178 millions d'euros versés par OSEO en 2007. Selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances, OSEO-Garantie disposera d'un budget d'intervention de 280 millions d'euros, montant quasiment équivalent à celui dont elle disposa en 2007 mais désormais complètement sorti du budget de l'Etat, puisque c'est l'intégration en cours de l'Agence de l'innovation industrielle (AII) dans le groupe OSEO qui devrait permettre d'abonder OSEO-GARANTIE ;

- pour l'action « Accompagnement des mutations industrielles », une amputation de 10 millions d'euros des CP , ramenés de 17,2 à 7,5 millions d'euros. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette réduction importante s'explique par le calendrier des paiements effectués sur cette ligne ; les autorisations d'engagement, pour leur part, baissent d'un million, ce qui n'est pas expliqué par le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2008.

2. Le programme 199 : « Régulation économique »

Ce programme a pour objet de garantir une concurrence saine entre les acteurs économiques et de protéger les consommateurs en développant la confiance dans l'acte d'achat et en assurant la sécurité des produits. Il repose sur la DGCCRF, le Conseil de la concurrence et les autorités de régulation sectorielles (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et Commission de régulation de l'énergie).

Les changements de périmètre intervenus conduisent les crédits de ce programme à baisser de 83 % ! En effet, le transfert de la direction générale des douanes et des droits indirects vers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » a entraîné la disparition des anciennes actions n°s 2 et 3 de ce programme (« Maîtrise et régulation des flux de marchandises » et « Protection de l'espace national et européen ») ainsi que la forte diminution des crédits de l'action n° 9 intitulée « Soutien », qui ne concerne plus que la DGCCRF et non plus la DGDDI.

Si les crédits prévus pour la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sont supérieurs de 6,4 % à ceux prévus en 2007 et atteignent 19,57 millions d'euros, votre rapporteur pour avis espère que cette augmentation, qui doit d'ailleurs être tempérée par l'obligation de mise en réserve légale qui s'impose à la CRE, suffira à couvrir les besoins de la CRE qui traverse une phase importante d'évolution et de développement de son activité, surtout depuis la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, qui a transposé les directives européennes organisant l'ouverture complète des marchés de l'énergie au 1er juillet 2007.

B. LES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES

Il serait trop étroit de n'appréhender la mission « Développement et régulation économiques » qu'à travers les crédits budgétaires, puisque des dépenses fiscales d'un montant treize fois supérieur aux crédits concourent aussi aux objectifs de la mission. C'est en effet une politique d'abord fiscale que la France déploie pour soutenir ses entreprises.

Il ne s'agit pas de détailler ici la centaine de dépenses fiscales, mais il est utile de pointer les principales :

- la taxation réduite des plus-values à long terme provenant des cessions de titres de participation de certaines parts de FCPR 2 ( * ) et de SCR 3 ( * ) , et des produits de concession de brevet, évaluée à 4.000 millions d'euros ;

- l'abattement de 50 % puis de 40 % à compter des revenus 2006 sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères, évalué à 1.790 millions d'euros ;

- l'application du taux de TVA à 5,5 % à la fourniture de logements dans les hôtels, évaluée à 1.750 millions d'euros ;

- l'exonération des gains de cessions de valeurs mobilières réalisés dans le cadre d'un plan d'épargne en actions (PEA), évaluée à 1.000 millions d'euros ;

- le régime du bénéfice mondial ou consolidé (application sur agrément d'impôt sur les sociétés de l'ensemble des résultats des exploitations françaises et étrangères sous déduction des prélèvements étrangers), évalué à 620 millions d'euros ;

- le crédit d'impôt sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères, évalué à 520 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des investissements au capital des PME, évalué à 380 millions d'euros ;

- l'exonération des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, évaluée à 300 millions d'euros...

Malgré leur importance, ces dépenses fiscales, quand elles font l'objet d'un chiffrage, ne sont pas nécessairement évaluées du point de vue de leur efficacité par rapport à l'objectif poursuivi. Leur multiplication est source de complexité évidente pour les entreprises et conduit votre rapporteur pour avis à s'interroger sur le bien-fondé de ces dispositifs.

III. LES ARTICLES RATTACHÉS À LA MISSION : 42 ET 43

A. ARTICLE 42 : TAUX MAXIMUM D'AUGMENTATION DE LA TAXE POUR FRAIS DE CHAMBRES DE COMMERCE, CONCERNANT LES CCI METTANT EN oeUVRE UN SCHÉMA DIRECTEUR RÉGIONAL

L'article 42 du projet de loi de finances pour 2008 propose de permettre, en 2008, aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) ayant délibéré favorablement en vue de la mise en oeuvre d'un schéma directeur régional d'augmenter au maximum de 1 % le taux de la taxe qu'elles perçoivent.

On rappellera que la taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP), qui est répartie entre tous les redevables de cette taxe, proportionnellement à leur base d'imposition, finance, aux termes du I de l'article 1600 du code général des impôts (CGI), les dépenses ordinaires des CCI ainsi que les contributions qu'elles allouent aux chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI) et à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

C'est la loi de finances rectificative pour 2004 qui, en insérant un II à l'article 1600 du CGI 4 ( * ) , a prévu la possibilité, pour les CCI ayant mis en oeuvre un schéma directeur régional 5 ( * ) -lequel indique l'implantation de tous les établissements, infrastructures, équipements et services gérés par une ou plusieurs CCI dans chaque région-, de majorer le taux de la TATP, dans une proportion qui ne peut être supérieure à celle fixée chaque année par la loi.

Ainsi, un plafond d'augmentation de 1 % pour le taux de la TATP a été adopté dans la loi de finances pour 2006 et dans celle pour 2007. Le projet de loi de finances pour 2008 propose sa reconduction, tout en précisant que n'ont pas droit à une augmentation les chambres qui, au vu de la délibération prévue à l'article 1600 du code général des impôts, ont déjà bénéficié d'une majoration de taux de la TATP 6 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis considère nécessaire d'encourager la signature de schémas directeurs régionaux, qui favorisent la cohérence de l'action des CCI ou leur regroupement en incitant à justifier les choix effectués en matière d'organisation régionale du développement économique.

Votre commission pour avis vous propose d'adopter cet article sans modification.

B. ARTICLE 43 : REVALORISATION DE LA TAXE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES INDUSTRIES DE LA MÉCANIQUE ET DE LA CONSTRUCTION MÉTALLIQUE, DES MATÉRIELS ET CONSOMMABLES DE SOUDAGE ET PRODUITS DU DÉCOLLETAGE, ET DES MATÉRIELS AÉRAULIQUES ET THERMIQUES

L'article 43 propose de modifier le taux des taxes affectées à certains centres techniques industriels (CTI) de la mécanique. Les CTI, définis par la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948, ont pour objet de « promouvoir le progrès des techniques, de participer à l'amélioration du rendement et à la garantie de la qualité dans l'industrie ». Ils font profiter la branche d'activité intéressée des résultats de leurs travaux.

Les CTI percevaient à la fois des financements publics (310 millions d'euros en 2004), au titre de leur mission de service public, et des ressources propres de prestations de service, de l'ordre de 160 millions d'euros.

Jusqu'au 31 décembre 2003, les CTI pouvaient recevoir des taxes parafiscales. Lesdites taxes ayant depuis lors été supprimées par la LOLF, certains CTI ont été autorisés par la loi de finances rectificative pour 2003 à conserver un financement par taxe, les taxes parafiscales ayant été remplacées par des taxes affectées, dues par les fabricants, installés en France, des produits des secteurs d'activités concernés. Elles sont assises sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par ces entreprises.

A ce jour, il existe ainsi 3 groupes de CTI, se distinguant en fonction de leur mode de financement :

- un groupe de CTI entièrement financés par dotation budgétaire (34,4 millions d'euros de crédits sont ainsi affectés à ces CTI dans le présent projet de loi de finances, au sein de l'action n° 3 du programme 134 de la présente mission) ;

- un groupe de CTI entièrement financés par des taxes affectées ;

- un groupe de CTI ayant un financement mixte, provenant pour un tiers d'une dotation budgétaire et pour deux tiers d'une taxe affectée. Toutefois, ce type de financement devant disparaître en 2008 à des fins de simplification, les CTI concernés subissent chaque année, entre 2005 et 2008, une baisse d'un quart de leur dotation budgétaire, compensée par une hausse de leur taxe affectée.

Le présent article propose le niveau suivant pour le taux des taxes affectées aux CTI qui, jusqu'en 2007, avaient un financement mixte :

- pour les produits des secteurs de la mécanique, 0,1 % (taux inchangé) ;

- pour les matériels et consommables de soudage et les produits du décolletage, 0,112 % (contre 0,1 % actuellement) ;

- pour les produits du secteur de la construction métallique, 0,3 % (contre 0,275 % actuellement) ;

- pour les produits du secteur des matériels aérauliques et thermiques, 0,14 % (taux inchangé).

Votre rapporteur pour avis souligne que cette mesure s'inscrit dans le cadre de l'évolution décrite supra, à savoir la disparition, en 2008, des CTI à financement mixte. Ces augmentations de taxes affectées correspondent exactement à la compensation du financement des CTI concernés par l'Etat (ce qui représente une économie budgétaire de 6,5 millions d'euros pour l'Etat) et semblent présenter un caractère consensuel au sein des professions visées.

Votre commission pour avis vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE II - AMÉLIORER LE POUVOIR D'ACHAT : UNE PRIORITÉ

Depuis le passage aux 35 heures et très fortement depuis deux ans, les Français ont accentué leur préférence pour une amélioration de leur pouvoir d'achat plutôt que pour un accroissement de leur temps libre : ainsi, en 2007, 75 % d'entre eux souhaitent voir progresser leur pouvoir d'achat 7 ( * ) .

« Je veux être le Président du pouvoir d'achat », peut-on lire dans le programme présidentiel de M. Nicolas Sarkozy. Cette ambition résonne aujourd'hui de manière particulièrement sensible, à l'heure où les Français s'inquiètent de la hausse des prix, à commencer par celle des carburants, contre laquelle les marins pêcheurs se sont récemment mobilisés.

Votre rapporteur pour avis est extrêmement vigilant à l'égard de l'action du Gouvernement en ce domaine. Il estime que les crédits de la mission « Développement et régulation économique » qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2008 peuvent contribuer à accompagner cette action en faveur d'une amélioration du pouvoir d'achat.

I. LE POUVOIR D'ACHAT, SOURCE DE DÉCEPTIONS ET OBJET DE MENACES

A. UN POUVOIR D'ACHAT PERÇU EN RECUL MALGRÉ SA PROGRESSION CORRECTE

Le pouvoir d'achat est défini par l'INSEE comme la quantité de biens et de services que l'on peut acheter avec le revenu disponible. Son évolution est donc liée à celles des prix et des revenus.

1. Une progression correcte du pouvoir d'achat sur le plan statistique

Bien qu'il apparaisse comme un sujet de préoccupation majeur pour les Français, le pouvoir d'achat n'est pas en recul. Il connaît simplement une décélération : après avoir doublé de 1950 à 1968 puis de 1968 à 2000, il a connu une évolution plus heurtée et même un net ralentissement en 2003 et 2005 (où il n'a crû que de 1 %).

Evolution nominale du RDB, de l'indice des prix de consommation finale
et du pouvoir d'achat du revenu disponible brut

Source : Délégation du Sénat pour la planification, « L'évolution du pouvoir d'achat des ménages : mesure et perception », décembre 2006

Le net ralentissement en 2003 et 2005 s'explique à la fois par une moindre croissance nominale du revenu disponible brut et par une accélération de l'inflation.

En moyenne, le pouvoir d'achat s'est tout de même accru en rythme annuel de près de 2 % depuis 2002 8 ( * ) .

2. Une progression pourtant perçue comme décevante

Il apparaît pourtant que, surtout depuis deux ans, les ménages ont une perception différente de l'évolution de leur pouvoir d'achat, qu'ils jugent menacé, ce qui nourrit la controverse sur la fiabilité des indicateurs de l'INSEE.

A la lumière du rapport à paraître du Conseil d'analyse économique « Mesurer le pouvoir d'achat », votre rapporteur pour avis relève plusieurs raisons susceptibles d'expliquer cette impression de stagnation voire de recul du pouvoir d'achat :

- le passage à l'euro, qui est pourtant intervenu il y a plus de cinq ans (au 1 er janvier 2002) mais qui a provoqué une certaine défiance envers les prix, surtout chez les personnes âgées, l'inflation perçue étant en fait supérieure à l'inflation réelle ;

- l'évolution démographique : en effet, l'INSEE mesure la progression du pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages mais non sa progression par ménage. Or, le nombre de ménages va croissant, de l'ordre de + 1,2 % par an, puisque de plus en plus de personnes vivent seules, notamment du fait de la décomposition des familles et du vieillissement de la population, si bien qu'en moyenne, le pouvoir d'achat par ménage a connu une quasi-stagnation ;

- une forme de myopie naturelle des consommateurs, qui les rend plus sensibles aux hausses de prix des produits qu'ils achètent régulièrement (la baguette, le carburant...) qu'aux baisses de prix des produits de haute technologie qu'ils acquièrent moins fréquemment (ordinateurs, écrans plats...). Ainsi, alors que le prix de la micro-informatique baissait de 50 % en trois ans, celui du fioul domestique augmentait de 56 % au cours de la même période 9 ( * ) ;

- l'accroissement du désir d'achat, dû à l'apparition de nouveaux standards de qualité ou de nouvelles offres de biens et services, notamment issus des technologies de l'information et de la communication. Cette hausse du « vouloir d'achat », associée à la progression morose du pouvoir d'achat a pu nourrir un biais dans l'appréciation, par les ménages, de leur niveau de vie et, donc, un sentiment de frustration.

3. Les limites des indices de mesure du pouvoir d'achat

L'appréciation biaisée par les ménages de l'évolution de leur pouvoir d'achat a nourri des controverses sur ses indicateurs et, plus précisément, sur les indices mesurant le coût de la vie. L'indice des prix à la consommation, retenu par l'INSEE comme dénominateur dans le calcul du pouvoir d'achat, mesure l'inflation mais il n'est pas certain qu'il mesure véritablement le coût de la vie : il ne prend en compte les dépenses de logement que sous l'angle des loyers et des charges 10 ( * ) , au motif que l'acquisition d'un logement relève de l'investissement et non de la consommation, négligeant donc le poids de l'inflation immobilière sur le coût de la vie des accédants à la propriété.

En outre, en matière de dépenses de santé, l'indice des prix à la consommation ne retient que les prix bruts et non pas nets (c'est-à-dire après prise en charge par l'assurance maladie), ce qui minimise la hausse des prix réellement à la charge du consommateur dans une période où la tendance est aux déremboursements.

Sans entrer dans la controverse sur la pertinence relative des indices de coût de la vie, votre rapporteur juge toutefois que la mesure du pouvoir d'achat peut être améliorée en complétant les indices existants par des indicateurs complémentaires.

En effet, les statistiques adoptent une perspective macroéconomique agrégée, alors que les ménages sont enclins à considérer subjectivement l'évolution de leur pouvoir d'achat. Or les situations individuelles sont d'une grande hétérogénéité, du fait de l'évolution différenciée des revenus salariaux, notamment selon la durée du travail 11 ( * ) , ou des revenus d'activité par rapport aux revenus du patrimoine, et du fait de l'exposition inégale des ménages à l'inflation. Les ménages les plus modestes se trouvent en effet, du fait de la structure de leur consommation, plus exposés que la moyenne aux hausses des prix : la flambée des prix de l'énergie alourdit les factures de chauffage et renchérit le coût des trajets domicile-travail, l'augmentation des prix agricoles entraîne celle du prix du pain, des produits laitiers et de certaines viandes. Mais d'autres ménages apparaissent aussi particulièrement pénalisés par l'inflation, du fait de leur structure de consommation : les familles monoparentales, les 16-30 ans et les ménages vivant à Paris qui souffrent de la hausse du tabac, du logement et des transports.

Ainsi, comme le fait observer le rapport du Conseil d'analyse économique, la crise du pouvoir d'achat reflète sans doute la dispersion des modes de vie et la dégradation de la qualité de la vie pour certains individus. S'il est difficile de faire apparaître des taux d'inflation différents par catégorie socioprofessionnelle, il apparaît en revanche des écarts plus parlants lorsqu'on retient d'autres indicateurs sociaux, tels la structure et la taille du ménage ou le caractère urbain ou rural de la zone d'habitation.

Au-delà de la problématique de sa mesure, le pouvoir d'achat par ménage reste en progression faible, voire insignifiante, quand il ne se dégrade pas pour certaines composantes de la société française. Il souffre en effet de la conjonction d'une menace inflationniste due aux matières premières et du caractère incompressible de certaines dépenses contraintes.

B. DES MENACES RÉELLES PÈSENT SUR LE POUVOIR D'ACHAT

1. Une inflation du prix des matières premières alimentaires et énergétiques

Si l'inflation globale en France restait, jusque là, à un niveau relativement bas, l'INSEE a annoncé dernièrement que l'inflation s'était accélérée, pour atteindre, en octobre, 2 % en rythme annuel (contre 1,5 % le mois précédent). Ce retour de l'inflation est d'ailleurs constaté dans la quasi-totalité des pays d'Europe : en octobre 2007, les prix auraient ainsi augmenté en rythme annuel de 2,6 % dans la zone euro.

Cette dégradation se nourrit de la hausse du prix des matières premières, qui s'accélère, même si, du fait de la croissance mondiale, elle sévit depuis 2004.

Source : Insee

Certains produits connaissent une inflation particulièrement forte. C'est évidemment le cas du pétrole . Le prix du baril a encore crû de près de 8 % par rapport au mois dernier, pour atteindre 82,9 dollars le baril (soit 58,3 euros). Les prix ont augmenté en raison de la faiblesse du niveau des réserves américaines d'essence et des tensions géopolitiques, notamment entre la Turquie et l'Irak. Depuis l'année 2007, la hausse atteint ainsi près de 55 % en devises et 41,5 % en euros.

Au mois d'octobre, l'indice des prix des matières premières hors énergie importées par la France a également augmenté de nouveau, de 3,3 % en devises. L'appréciation de l'euro à l'égard du dollar ramène à 1,3 % cette hausse exprimée en euros pour le mois d'octobre et à 6,1 % pour l'année 2007.

En outre, l'indice des prix des matières premières alimentaires , exprimé en devises, continue de croître à un rythme soutenu si bien que sa hausse depuis janvier 2007 atteint 42 % en euros. Cet emballement est surtout dû à la dérive des prix des oléagineuxs -notamment de l'huile de tournesol-, qui ont presque doublé depuis le début de l'année.

La hausse des prix des matières premières induit une augmentation des prix des carburants et de nombreux produits alimentaires -lait, fromage, oeufs, pain, céréales...-, qui constitue une menace certaine pour le pouvoir d'achat, notamment des ménages les plus modestes.

2. Un accroissement des dépenses contraintes, qui entament le revenu réellement disponible : logement, téléphonie

Si les Français jugent leur pouvoir d'achat menacé, c'est aussi en raison de la hausse rapide des prix des dépenses qu'ils identifient comme contraintes, c'est-à-dire précisément inélastiques aux prix ou encore nécessairement consenties quel qu'en soit le prix.

Or, selon les calculs de l'INSEE, les dépenses contraintes seraient proches de 40 % des dépenses totales des Français 12 ( * ) . Ce taux approximatif dépend de la définition retenue pour ces dépenses contraintes. L'enseigne de distribution E. Leclerc a confié au BIPE en 2004 le soin de réfléchir à un « indice de pouvoir d'achat effectif » ou « libéré » des dépenses contraintes entendues comme « celles contre lesquelles on ne peut rien ou presque rien en période de mauvaise conjoncture, puisqu'elles doivent de toute façon être payées. Elles sont généralement contractualisées, et l'arbitrage qu'en fera le consommateur a un coût : résiliation d'un contrat, recherche d'un nouveau logement... » 13 ( * ) .

Parmi celles-ci, le logement occupe la première place, représentant 80 % de ces dépenses identifiées par le Bureau d'information et de prévisions économiques (BIPE) : si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses afférentes (loyers mais aussi remboursements d'emprunts, charges, assurances, taxe d'habitation...), le logement représente plus du quart des dépenses des Français. Or, sur la seule période 2003-2006, l'inflation du coût global de l'immobilier ainsi défini aurait atteint 7 % l'an en moyenne.

Au rang des dépenses contraintes, peuvent aussi être comptés les assurances obligatoires et les dépenses de transports, mais aussi les remboursements d'emprunts, les dépenses médicales non remboursées, les dépenses de communications électroniques (téléphonie mobile, haut débit) ou les conventions bancaires 14 ( * ) qui correspondent de plus en plus à des offres contractualisées s'éloignant de l'échange marchand ordinaire...

Ainsi, l'INSEE estime que les biens et services liés aux technologies de l'information et de la communication (TIC) ont représenté en 2005 une dépense équivalente à 4,2 % du budget des ménages, alors que cette part n'était que de 1,3 % en 1960.

Le pouvoir d'achat de la partie résiduelle du revenu disponible aurait ainsi connu, selon le BIPE, une croissance significativement plus faible que celle du pouvoir d'achat global mesuré par l'INSEE. L'INSEE s'est d'ailleurs lancé récemment dans la construction d'indices similaires, prenant en compte les dépenses à engagement contractuel, dont le poids a augmenté significativement depuis 2002, principalement sous l'effet des dépenses liées au logement et aux assurances. Il serait assurément utile de publier régulièrement des indices fondés sur les dépenses contraintes, qui mesurent une évolution des prix plus conforme à celle perçue par les ménages ; toutefois, la définition de la consommation contrainte est encore débattue. Ainsi, pourquoi inclure les dépenses des seuls transports collectifs, quand la voiture individuelle s'impose en milieu rural ? Ne faudrait-il pas inclure également les dépenses d'alimentation ? Il conviendrait notamment de distinguer entre les dépenses quasiment obligatoires dans le mode de vie contemporain et celles qui présentent un caractère irréversible en raison des « coûts de sortie ». L'élaboration d'indices consensuels nécessite donc une large concertation.

II. UN NÉCESSAIRE VOLONTARISME POUR AMÉLIORER LE POUVOIR D'ACHAT

La dynamique du pouvoir d'achat est à la fois celle de la croissance, qui induit celle des revenus, et celle de la concurrence, qui pèse sur les prix. C'est sur ces deux tableaux que le Gouvernement a entrepris d'agir. Votre rapporteur pour avis soutient cette action volontariste, seule à même d'améliorer le pouvoir d'achat.

A. UN SOUTIEN DES REVENUS DÉJÀ ENGAGÉ PAR LE GOUVERNEMENT

1. Le « paquet fiscal » de l'été 2007 : défiscalisation des heures supplémentaires

La priorité du Gouvernement formé après les élections législatives de juin 2007 a été de tenir l'engagement du Président de la République en misant sur le travail comme outil d'amélioration du pouvoir d'achat. C'est dans cet esprit qu'a été adoptée la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. En cherchant à mieux rémunérer le travail, cette loi est une première étape pour relancer le pouvoir d'achat et donc la croissance.

Plusieurs mesures susceptibles de faire progresser le pouvoir d'achat des Français ont ainsi été adoptées cet été : exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires 15 ( * ) et allègement des cotisations sociales associées, en vigueur depuis octobre, exonération fiscale du travail étudiant (dans une limite portée à 3 SMIC par an et jusqu'à 25 ans), instauration d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés par l'acquisition de la résidence principale, expérimentation du revenu de solidarité active, qui rend attractif le retour à l'emploi pour les personnes bénéficiant d'un minimum social...

Parmi ces mesures, celle encourageant le recours aux heures supplémentaires est particulièrement prometteuse puisqu'elle doit permettre aux employeurs de recourir, en cas de besoin, au volume d'heures supplémentaires qui leur semblera nécessaire, sans majoration du coût du travail. Comme ce dispositif est applicable aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1 er octobre 2007, son efficacité n'est pas encore pleinement mesurable sur le pouvoir d'achat des travailleurs mais devrait rapidement se faire sentir sous la forme d'une augmentation des heures travaillées, susceptible de relancer le pouvoir d'achat et la croissance.

2. Les projets du Gouvernement : SMIC, conditionnalité des allègements de charges patronales, maîtrise des dépenses téléphoniques et bancaires

A l'occasion de la conférence sociale qu'il a organisée le 23 octobre 2007, le Gouvernement a annoncé de nouveaux projets de réforme au service d'une amélioration du pouvoir d'achat.

D'abord, le SMIC devrait être réformé d'ici le printemps 2008. L'objectif serait de dépolitiser la question de sa hausse annuelle. A cette fin, serait créée une commission indépendante chargée de déterminer le niveau du SMIC le mieux adapté aux circonstances économiques du moment. Ce niveau serait ensuite examiné par la commission nationale de la négociation collective, qui réunit syndicats et patronat, avant que le Gouvernement ne décide, en dernier ressort, du chiffre à retenir. La hausse du SMIC pourrait d'ailleurs intervenir au 1 er janvier et non, comme aujourd'hui, au 1 er juillet, ce qui permettrait aux négociations salariales de branches de s'engager aussitôt.

Ensuite, le Gouvernement entend lancer un deuxième chantier de réformes visant à conditionner les allégements de charges dont bénéficient les entreprises. L'une de ces conditions permettant de bénéficier de ces allégements pourrait être le respect, par l'employeur, de l'obligation annuelle de renégocier les salaires.

Enfin, le revenu de solidarité active, expérimenté sur le fondement de la loi du 21 août 2007, pourrait se voir étendu voire généralisé au terme d'un examen des gains de pouvoir d'achat qu'il autorise.

A plus long terme, l'augmentation des revenus passe par la création de richesses supplémentaires. C'est pourquoi la commission Attali, missionnée par le Président de la République pour identifier les freins à la croissance, devrait rendre en décembre des propositions pour augmenter directement le revenu des Français.

B. LA NÉCESSITÉ DE JUGULER LES PRIX TOUT EN SOUTENANT LES PME

Le Gouvernement a souhaité encourager la maîtrise des prix par un nouveau projet de loi, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, déposé le 31 octobre 2007 et adopté à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2007. Outre des dispositions sectorielles destinées à mieux réguler les contrats de services bancaires ou de communications électroniques, qui relèvent des dépenses contraintes déjà évoquées, le texte envisage de modifier les relations entre industriels et distributeurs qui conditionnent la formation des prix.

1. Renforcer la concurrence par de nouvelles relations distributeurs/fournisseurs

L'inflation des produits de grande distribution est particulièrement sensible pour les consommateurs, dans la mesure où les achats dans le secteur de la distribution et du commerce de détail représentent le deuxième poste de dépenses des ménages après le logement.

Comme le souligne le rapport du Conseil d'analyse économique, la loi Galland, adoptée en 1996 afin de tenter de réguler les relations industrie-commerce grâce à la définition d'un seuil de revente à perte, a eu pour effet pervers de neutraliser la concurrence par les prix pour les produits de grande marque entre les enseignes de la grande distribution : la définition d'un seuil de revente à perte a, certes, dissuadé la vente à perte mais également permis aux distributeurs de négocier des concessions commerciales ou « marges arrières » hors facture. Les industriels ont alors eu tendance à augmenter leurs tarifs pour y intégrer ces concessions qu'ils se verraient contraints de consentir aux distributeurs, mais dont ne bénéficient pas les consommateurs puisqu'elles ne sont pas retranscrites sur le prix de facturation du fournisseur (qui doit être identique pour tous les distributeurs 16 ( * ) ) et que leur intégration dans le prix de vente au consommateur constituerait une pratique de vente à perte. De ce fait, les prix des produits de marque vendus par la grande distribution ont connu une poussée inflationniste 17 ( * ) endiguée à partir de 2004 par le ministre de l'économie, M. Nicolas Sarkozy, et les modifications successives de la loi Galland. Depuis 2004, assure le Conseil d'analyse économique, la hausse des prix dans la distribution est inférieure à l'inflation.

Toute intensification de la concurrence est susceptible de bénéficier au consommateur et de servir son pouvoir d'achat. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

D'une part, ce projet tend à modifier le calcul du seuil de revente à perte afin que puissent y être intégrés tous les avantages financiers consentis à l'acheteur par le fournisseur. La concurrence par les prix entre opérateurs devrait ainsi s'effectuer sur une base plus réaliste, c'est-à-dire le prix réellement payé par le distributeur au fournisseur en prenant en compte toutes les contreparties financières obtenues, y compris donc les « marges arrière ».

D'autre part, le projet, dans sa version initiale, visait à créer l'obligation de formaliser le résultat de la négociation commerciale dans une seule convention pour retracer les avantages consentis par le fournisseur et le distributeur, tant du point de vue de la vente que de la revente. Cette convention aurait vocation à matérialiser l'ensemble du plan d'affaires entre un fournisseur et un distributeur. L'Assemblée nationale a toutefois souhaité ouvrir la faculté de recourir à ce mécanisme ou de conserver celui institué par la loi « Dutreil » du 2 août 2005.

Les progrès attendus dans la transparence des relations distributeurs/fournisseurs devraient ranimer la concurrence par les prix.

La loi du 2 août 2005 en faveur des PME dite « loi Dutreil », en modifiant le mode de calcul du seuil de revente à perte, a déjà fait bénéficier les consommateurs d'une partie des « marges arrière » réalisées par les distributeurs : on estime à 3,2 % la baisse des prix des produits de grande consommation survenue en conséquence, entre mars 2006 et mars 2007. On peut de même espérer que la formule du « triple net » permettra de dégager un gain du même ordre.

Dans un proche avenir, les potentialités d'une suppression des lois Galland, Royer et Raffarin en termes de renforcement de la concurrence sur le commerce de détail devraient également être explorées par le Gouvernement, sur la suggestion de la commission Attali. Selon la commission Attali mandatée pour lever les freins à la croissance économique, la loi Raffarin de 1996, en renforçant les entraves créées par la loi Royer à l'implantation des grandes surfaces, aurait amputé à elle seule de 9 milliards d'euros le pouvoir d'achat des consommateurs pour le seul commerce alimentaire 18 ( * ) . Une réflexion est ainsi engagée sur l'opportunité de la proposition faite par la commission Attali de rendre libres aussi bien l'entrée dans les circuits de distribution que la négociation des prix et tarifs.

2. Accompagner les PME, notamment à travers le FISAC

Votre rapporteur pour avis se félicite de ces projets gouvernementaux qui devraient permettre de raviver une concurrence tenue en sommeil par l'arsenal législatif.

Il tient toutefois à souligner que cette concurrence ravivée va sans doute se développer au bénéfice des consommateurs, mais risque aussi de s'épanouir aux dépens des PME. En effet, le rapport de force entre la grande distribution et les plus petits de ses fournisseurs est tel qu'une libération du jeu du marché pourrait entraîner une fragilisation des PME.

C'est pourquoi il sera particulièrement nécessaire de renforcer le soutien public aux PME. Notamment, votre rapporteur pour avis rappelle l'importance, à cet égard, de l'outil que constitue le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC).

Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Eric Doligé, dans un rapport d'information qu'il a récemment consacré au FISAC 19 ( * ) , a également confirmé combien cet outil était apprécié au niveau local, en milieu rural comme en milieu urbain.

Le FISAC a été créé par l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, pour répondre aux menaces pesant sur l'existence de l'offre commerciale et artisanale de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales, menaces liées, notamment, à la désertification de certains espaces ruraux, au développement de la grande distribution, en particulier à la périphérie des villes, ainsi qu'aux difficultés des zones urbaines sensibles.

Dispositif fondé sur la solidarité financière entre les petites entreprises commerciales et artisanales et la grande distribution, le FISAC était alimenté par un prélèvement sur l'excédent du produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) acquittée par la grande distribution (entreprises dont la surface de vente est supérieure à 400 m²). Depuis la loi de finances pour 2003, le produit de cette taxe est affecté au budget général de l'Etat. Les dotations relatives au FISAC sont désormais déléguées à partir du budget de l'Etat au Régime social des indépendants (RSI) qui a pris la suite de l'ORGANIC.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis ne peut manquer de s'inquiéter de la diminution importante que connaissent dans le projet de loi de finances pour 2008 les crédits de paiement destinés au FISAC, qui baissent de 25 % pour passer de près de 80 millions en 2007 à 60 millions d'euros en 2008. Même si les crédits alloués au FISAC restent stables en autorisations d'engagement (à 80 millions d'euros), ce recul des crédits de paiement intervient dans un contexte législatif potentiellement déstabilisant pour les PME.

Certes, le Gouvernement justifie cette limitation à 60 millions d'euros par la prise en compte des disponibilités du compte du FISAC, résultant de la consommation seulement partielle de certaines provisions et des produits financiers constatés. Il précise aussi que les 20 millions d'euros de crédits ne figurant plus sur la ligne FISAC pourraient tout de même être mobilisés en cas de besoin, par ponction des excédents financiers du Régime social des indépendants, dont les statuts le permettent.

Toutefois, étant donnée l'efficacité constatée du FISAC sur les PME bénéficiaires 20 ( * ) , votre rapporteur pour avis juge que la consommation partielle des crédits FISAC devrait plutôt inciter à moderniser le fonds et à en simplifier l'accès par des procédures allégées, qu'à en diminuer la dotation budgétaire. En outre, la possibilité de recourir aux excédents du Régime social des indépendants apparaît peu satisfaisante à votre rapporteur pour avis, qui déplore l'opacité et la précarité d'un tel montage financier, qui s'apparente à une forme de débudgétisation. Or le FISAC ne doit en aucun cas subir un étiolement progressif, à l'heure où les PME vont avoir tout particulièrement besoin d'être accompagnées par les pouvoirs publics pour évoluer sans trop de heurts vers un mode de relation plus concurrentiel avec les distributeurs.

Votre rapporteur pour avis appellera la vigilance du ministre sur ce point essentiel à l'équilibre du paysage économique français. Il relève d'ailleurs que la commission Attali, dans ses premières propositions, suggère elle aussi d'augmenter les crédits du FISAC, non pas en accroissant les taxes sur la grande distribution, mais en réallouant l'intégralité de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, soit 600 millions d'euros, au financement du FISAC.

CHAPITRE III - LA POSTE BIENTÔT EN CONCURRENCE : DES PRÉPARATIFS BIEN AVANCÉS

Votre rapporteur pour avis souhaite prêter attention à l'une des actions du programme « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique » financée par cette mission : l'action n° 4, à savoir le développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information.

Cette action embrasse un champ très large et très important de notre économie et son actualité est toujours foisonnante. Votre rapporteur pour avis a choisi de focaliser son propos sur La Poste, à laquelle, tout en rappelant le rôle important qu'a joué notre collègue Gérard Larcher dans l'évolution de cette belle entreprise, il accorde une attention fidèle depuis plusieurs années et qui se trouve face à d'importantes échéances.

L'aide au transport de presse versée à La Poste représente, avec 159 millions d'euros, 78 % des crédits consacrés à l'action n° 4. Toutefois, il est bien évident que l'action de l'Etat en matière postale dépasse largement cette ligne budgétaire. Certes, par cette aide, l'Etat compense le surcoût de la distribution de l'ensemble de la presse dans les zones de moindre densité de population afin de maintenir l'égalité d'accès des titres sur tout le territoire 21 ( * ) . Mais l'action menée par l'Etat en faveur du développement des postes est beaucoup plus large et concerne toutes les dimensions de l'activité de La Poste, qui emploie près de 270.000 personnes dans cinq métiers : courrier, colis, express, services bancaires, réseau grand public.

I. UN CONTRAT DE PERFORMANCES ET DE CONVERGENCE LARGEMENT REMPLI PAR LA POSTE

Le 31 décembre 2007, La Poste arrivera au terme du contrat baptisé « Performances et convergence » qu'elle avait signé le 13 janvier 2004 pour quatre ans et qui était destiné à accompagner sa modernisation, en améliorant ses « performances » et en favorisant la « convergence » entre La Poste et ses principaux concurrents à l'échelle européenne. Cette échéance offre l'occasion de faire le point sur les quatre années écoulées et de réfléchir à l'avenir du groupe. Il apparaît à l'examen que ce contrat a été rempli en grande partie : l'outil de travail du courrier a été modernisé, le réseau postal réinventé, la question des retraites réglée et la Banque Postale créée.

A. UNE MODERNISATION DE L'OUTIL DE TRAVAIL

1. Des investissements d'avenir pour une qualité en progrès

La Poste a entrepris de moderniser son outil de travail ; elle a lancé en 2005 un plan de modernisation industrielle baptisé « Cap qualité courrier », doté de 3,4 milliards d'euros, qui sera achevé en 2010 et qui doit apporter des gains de productivité et de qualité décisifs. La Poste est ainsi en voie de moderniser l'ensemble de la chaîne de production courrier avec les technologies les plus récentes, pour en faire en 2010 l'une des plus efficaces en Europe en matière de coûts et de qualité.

Cet effort de productivité et de qualité concerne le réseau des centres de traitement et de distribution, l'automatisation du tri à toutes les étapes du processus, l'utilisation des différents modes de transport, l'adaptation de toute la chaîne aux variations du trafic.

La qualité de service s'en est déjà trouvée sensiblement améliorée, avec 81,2 % de lettres distribuées le lendemain de leur dépôt en 2006, contre seulement 69,6 % en 2003. L'objectif du contrat de plan était de porter ce taux à 85 % en 2007. Il ne sera sans doute pas atteint dès 2007 ; il reste donc des progrès à faire, que devrait faciliter la poursuite du plan d'investissement évoqué.

2. Une relation-client également modernisée par une responsabilisation de La Poste

Depuis la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, un changement important est survenu dans la relation que La Poste entretient avec ses clients : les opérateurs de distribution d'envois de correspondance et, plus largement, les entreprises transportant des envois postaux sont pleinement responsables pour la perte, le retard ou l'avarie des envois qu'ils acheminent. Leur responsabilité est engagée à défaut de stipulations contractuelles plus favorables, dans les conditions prévues par le décret n° 2006-1020 du 11 août 2006 : ce texte prévoit des plafonds d'indemnisation selon le type d'incident (perte et avarie ou retard), type d'envois (correspondance ou colis) et le niveau de service. A titre d'exemple, la perte ou l'avarie d'un envoi faisant l'objet d'attestations de dépôt et de distribution donne droit à une indemnisation de 16 euros.

Cette innovation engage très concrètement La Poste à améliorer le service rendu au client.

B. UNE PRÉSENCE POSTALE RÉINVENTÉE

Au-delà des efforts qu'elle déploie en faveur de la qualité et au bénéfice des clients, La Poste travaille aussi à reconfigurer sa présence de proximité dans les territoires.

1. Un réseau toujours capillaire mais calé sur les besoins actuels de la population

La contribution de La Poste à l'aménagement du territoire a été identifiée comme mission d'intérêt général de La Poste par la loi adoptée le 20 mai 2005 et organisée par les décrets d'application. Ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, plus de 10 % de la population du département ne peut se trouver éloignée de plus de 5 kilomètres et de plus de 20 minutes de trajet automobile d'un point de contact de La Poste.

Cette mission d'aménagement du territoire vient compléter les obligations d'accessibilité attachées au service universel postal, qu'a précisées le décret n° 2007-29 du 5 janvier 2007 : au moins 99 % de la population nationale et au moins 95 % de la population de chaque département doit être à moins de 10 kilomètres d'un point de contact et toutes les communes de plus de 10.000 habitants disposent d'au moins un point de contact par tranche de 20.000 habitants.

Le réseau d'environ 17.000 points de contact de La Poste satisfait à ces obligations cumulées de service universel et de mission d'intérêt général. La Poste s'est engagée à maintenir autant de points de contact, mais ne s'interdit pas de faire évoluer la physionomie de son réseau afin de l'adapter à la France d'aujourd'hui. D'ores et déjà, le réseau postal s'appuie désormais sur près de 5.000 partenariats (3.457 avec les communes, 1.365 « Relais-Poste » avec les commerçants).

La mutation du réseau postal s'accompagne d'un dialogue permanent des directions territoriales de La Poste avec les élus locaux. A ce sujet, certains membres de votre commission des affaires économiques ayant exprimé leur émotion à l'égard de la transformation de certaines directions départementales du courrier en directions régionales, votre rapporteur pour avis s'est engagé à s'en faire l'écho auprès du ministre et à rappeler l'importance de la concertation locale. Sur ce point, il insiste également sur le rôle que jouent les commissions départementales de présence postale territoriale, qui sont présidées par un élu territorial et dont l'existence a été pérennisée par la loi de mai 2005.

2. Un financement de la présence postale en cours de finalisation

Cette contribution de La Poste à l'aménagement du territoire est prévue pour être financée par un fonds postal national de péréquation territoriale, qu'a également créé la loi de mai 2005 et dont un décret n° 2007-310 fixe les modalités de gestion dans le cadre d'un contrat annuel de présence postale que l'Etat, La Poste et l'Association des Maires de France ont signé le 19 novembre 2007 pour s'accorder sur la répartition départementale des fonds.

Ce fonds postal national de péréquation territoriale est notamment abondé par l'allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste au titre de l'aménagement du territoire. Depuis la loi de 1990, s'agissant des taxes foncières et de la taxe professionnelle, les bases d'imposition de La Poste font l'objet d'un abattement égal à 85 % de leur montant, en raison de ses contraintes de desserte

Cet abattement se monte aujourd'hui à 140 millions d'euros, alors qu'il s'élevait encore à 313 millions d'euros en 2002, avant la modification des règles de la fiscalité locale (suppression de la part « salaires » dans le calcul de la taxe professionnelle). Cette somme constitue une forme de dépense fiscale l'Etat et les collectivités locales se privant d'une part de taxe professionnelle et/ou de taxes foncières.

Evaluée à 140 millions d'euros pour les trois prochaines années, cette somme ne suffira toutefois pas à couvrir le coût de l'aménagement du territoire. Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur pour avis, ce sont encore 240 millions d'euros que cette mission d'aménagement fait encore peser annuellement sur les comptes de La Poste. Votre rapporteur pour avis invite à ne pas négliger cette question sensible pour La Poste.

C. LA QUESTION DES RETRAITES : RÉGLÉE ET VALIDÉE À BRUXELLES

Longtemps dénoncée par votre commission des affaires économiques comme une « bombe à retardement », la dérive du poids des retraites des fonctionnaires postiers a été freinée par la réforme intervenue fin 2006 et validée par les autorités communautaires.

1. Des charges employeurs comparables entre La Poste et ses concurrents

La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a transformé La Poste, jusque là administration d'Etat, en un établissement public. Elle prévoyait que La Poste devait assurer au budget général le remboursement intégral des retraites des fonctionnaires employés avant et après ce changement de statut et contribuer aux dispositifs de compensation et sur-compensation. Pour endiguer la montée en puissance de cette charge financière pour La Poste, un dispositif de stabilisation en euros constants au niveau de 1997 a été initié par le Contrat de plan 1998-2001 et reconduit dans le contrat de performances et de convergence 2003-2007.

Toutefois, en 2006, la dépense effective encourue par La Poste pour le financement des retraites de ses agents atteignait 2.162 millions d'euros, représentant un taux de cotisation employeur de 53,6 % de la masse des traitements indiciaires bruts. Le poids bilanciel de ses engagements s'élevait à 70 milliards d'euros au 31 décembre 2004.

A la veille d'une réforme comptable nécessitée par l'adoption de nouvelles normes internationales, qui aurait impliqué de faire figurer au bilan de La Poste ses engagements relevant des prestations de retraites, la loi de finances rectificative pour 2006 a institué un nouveau mode de financement des retraites des fonctionnaires de La Poste.

Cette réforme représente un progrès majeur pour La Poste puisqu'elle va se trouver ainsi placée, à partir de 2010, en situation d'équité concurrentielle alors que 171.000 de ses 303.000 employés sont encore des fonctionnaires: après versement d'une soulte de 2 milliards d'euros en 2006, destinée à régler la partie des droits passés non couverte par les cotisations futures, le taux de la contribution employeur libératoire de La Poste devrait progressivement permettre d'égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales sur les salaires entre La Poste et ses concurrents du secteur postal et du secteur bancaire.

Le 10 octobre 2007, la Commission européenne, tout en qualifiant d'aide d'Etat le dispositif, a jugé cette aide « compatible avec le marché commun », car elle « se limite [...] à l'établissement d'une équité concurrentielle » et « met un terme à une distorsion de concurrence qui handicapait La Poste ».

La question des retraites est donc réglée pour La Poste, ce qui est une avancée substantielle pour lui permettre d'aborder l'avenir.

2. Un montage à raffiner pour éviter un poids croissant pour le budget de l'Etat

Mais, parallèlement, avec le passage à une cotisation libératoire acquittée par La Poste pour le financement des retraites des fonctionnaires, la charge de la liquidation du paiement des retraites de ces fonctionnaires devrait s'accroître très sensiblement pour le budget de l'Etat au cours de prochaines années. Il est donc nécessaire de rechercher un adossement d'une partie du financement de ces pensions sur les régimes de retraites de droit commun.

La loi de finances rectificative pour 2006 prévoit un délai de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2008, pour la signature des conventions d'adossement. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, des discussions techniques entre la Direction du Budget et la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), avec le concours de La Poste, ont été lancées au cours de l'été 2007. Votre rapporteur pour avis s'enquerra auprès du ministre de leur état d'avancement.

D. LA BANQUE POSTALE A BIENTÔT DEUX ANS

Enfin, l'un des progrès essentiels pour La Poste fut la transformation de ses services financiers en banque au 1 er janvier 2006.

1. Une transformation réussie en banque

En application de la loi de régulation postale du 20 mai 2005, les services financiers ont été transformés en Banque Postale au 1 er janvier 2006. La création de cette banque, soumise au droit commun des activités bancaires pour l'ensemble de ses activités, a constitué une étape importante dans la modernisation de La Poste. Compte tenu de l'intensification de la concurrence sur les marchés des services bancaires et financiers, il était devenu nécessaire de placer les services financiers de La Poste dans un cadre de droit commun, afin de permettre de préserver les parts de marché de La Poste, dans le respect de la vocation sociale de La Poste et dans un cadre d'organisation compatible avec sa mission d'aménagement du territoire.

A l'heure où le paysage bancaire européen se modifie en profondeur et où presque partout, des banques postales en Europe ont vu le jour ou sont susceptibles d'être créées, la France ne pouvait pas rester à l'écart de cette évolution.

L'année 2006 a ainsi marqué le premier exercice financier de la Banque Postale, filiale à 100 % de La Poste. Cette banque semble effectuer un démarrage en conformité avec le plan d'affaires de La Poste. Pour analyser la progression de son activité en 2006 par rapport à l'activité des services financiers de La Poste en 2005, il importe de prendre en compte les comptes consolidés du groupe formé par la Banque Postale. Sur cette base de comparaison, en termes de PNB consolidé, la progression d'activité est de 6,3 %.

Les comptes de la Banque Postale font apparaître un produit net bancaire (PNB) de 4,613 milliards d'euros en 2006, avec une marge d'intérêt de 2,735 milliards d'euros et des commissions nettes pour 1,612 milliard d'euros. Le résultat brut d'exploitation (RBE) a atteint 378,5 millions d'euros en 2006 et le résultat net part du groupe a atteint 372,4 millions d'euros. La Banque Postale recourant pour son activité commerciale et de production aux moyens en personnel de La Poste, le compte de résultat reflète l'importance des facturations de La Poste à la Banque Postale, soit un montant de facturation de 3,3 milliards d'euros sur un total de charges d'exploitation de 4,2 milliards d'euros.

La Banque Postale dispose d'un atout important dans son positionnement commercial, à savoir qu'elle est actuellement, et qu'elle entend demeurer la moins chère des banques à réseau. La Poste compte en effet parmi sa clientèle des personnes à faibles revenus, qui sont souvent découragées, voire dissuadées d'accéder aux services bancaires par les autres établissements bancaires. La loi de régulation des activités postales reconnaît ce rôle en prévoyant que « dans les domaines bancaires financiers et des assurances, La Poste propose des produits et des services au plus grand nombre, notamment le livret A » (article L. 528-25 du code monétaire et financier).

La Banque Postale a vu croître en 2006 les dépôts à vue sur les comptes-chèques postaux (CCP) : l'encours des CCP connaît une forte progression entre 2005 et 2006 (+ 4,5%). Ces résultats en matière de collecte des dépôts à vue dépassent l'objectif que s'était fixé La Poste. Cette collecte nette s'explique par l'augmentation du nombre de clients actifs et l'équipement de ces clients en cartes notamment.

Dans le cadre de la modernisation de sa gamme de produits, la Banque Postale s'est notamment efforcée de développer son offre en matière d'assurance vie et de crédit immobilier. Elle a déjà pu enregistrer une progression de près de 10 % de l'encours Assurance vie , contribuant à la hausse globale de 7 % des encours d'épargne financière, constituée des encours clientèle en Assurance Vie, OPCVM et Comptes-titres. Cette progression s'explique par une collecte nette très dynamique de 4,8 milliards euros, notamment aidée par le recyclage des fonds des plans épargne logement (PEL) clôturés.

Quant aux crédits immobiliers , qu'elle est autorisée à distribuer sans épargne préalable depuis le 1 er janvier 2006, leur encours s'inscrit en forte hausse à 20,9 milliards d'euros au 31 décembre 2006, soit une progression de + 8,7 % par rapport à la fin de l'exercice 2005. La production nouvelle de crédits est en hausse sensible et atteint 5 milliards d'euros en 2006.

Enfin, la Banque Postale a noué de nombreux partenariats avec d'autres acteurs de la place (la Matmut en matière de crédits immobiliers, la Société générale en matière de monétique...) pour accélérer son développement.

2. Une contribution à l'amélioration des résultats de La Poste

Au final, cette progression de l'activité financière de La Poste a contribué à l'amélioration du chiffre d'affaires du groupe La Poste (+ 4,3 % en 2006). Y ont aussi largement participé les secteurs du colis et de l'express qui enregistrent une croissance particulièrement dynamique (respectivement 7,2 % et 15,7 %) en 2006.

Evolution par métiers du chiffre d'affaires du groupe La Poste depuis cinq ans

En millions d'euros

2003

2004

Variation

2004/2003

2005

Variation 2005/2004

2006

Variation

2006/2005

Chiffre d'affaires Courrier

10 594

10 873

+ 2,6 %

11 242

3,4 %

11 316

0,7 %

Chiffre d'affaires Express

2 194

2 387

+ 8,8 %

2 534

6,2 %

2 932

15,7 %

Chiffre d'affaires Colis

1 045

1 097

+ 5,0 %

1 155

5,3 %

1 238

7,2 %

Produits des Services Financiers

4 147

4 292

+ 3,5 %

4 112

1,7 %

4 583

6,3 %

Chiffre d'Affaires La Poste Grand Public

24

28

+ 16,7 %

32

13,1 %

31

- 1 %

CHIFFRE D'AFFAIRES CONSOLIDE

18 004

18 677

+ 3,7 %

19 274

+ 3,5 %

20 100

+ 4,3 %

Depuis le début du contrat « Performances et convergence », La Poste a ainsi amélioré sa rentabilité, passée de 0,6 % en 2002 à 4,7 % en 2006. Elle réalise désormais 70 % de son chiffre d'affaires dans le secteur concurrentiel.

Evolution du chiffre d'affaires et du résultat du groupe La Poste depuis cinq ans

Millions d'€

2002

2003

2004

2005

2006

Chiffre d'affaires

17 300

18000

18700

19274

20100

Résultat d'exploitation

100

310

523

776

949

Rex/CA

0,6 %

1,7 %

2,8 %

3,9 %

4,7 %

Résultat net

34

202

374

557

789

II. ENCORE PLUSIEURS DÉFIS POUR LE CONTRAT 2008-2012

Malgré les grands pas déjà effectués, il reste encore plusieurs défis pour La Poste, que le contrat 2008-2012 qu'elle élabore aujourd'hui avec le Gouvernement doit lui permettre de relever.

A. UN ENVIRONNEMENT ENTIÈREMENT CONCURRENTIEL

1. L'ouverture du marché européen du courrier : 1er janvier 2011

La directive postale de 2002 envisageait l'ouverture totale à la concurrence des marchés du courrier, pour les plis de moins de 50 grammes, au 1 er janvier 2009. La position commune finalement dégagée au Conseil le 1er octobre 2007, dans la foulée de la position prise par le Parlement européen en juillet, devrait finalement conduire 22 ( * ) à une ouverture totale du courrier au 1er janvier 2011, certains pays bénéficiant d'une exemption jusqu'au 31 décembre 2012.

C'est pour La Poste l'opportunité de bénéficier de deux années supplémentaires pour se préparer : achever la modernisation de son outil industriel, développer des services associés au courrier, et améliorer l'accueil du client. Le président de La Poste souhaite par exemple que le temps d'attente pour une opération courante ne dépasse pas cinq minutes.

2. Des assurances pour la sauvegarde du service public postal

C'est aussi pour la France une chance pour conforter le service public postal avant d'envisager la fin de son financement par le secteur réservé. Sur ce point, votre rapporteur pour avis tient à souligner que le Sénat a été entendu. Comme le demandait notre Haute Assemblée dans sa résolution européenne du 7 février 2007 23 ( * ) , le Gouvernement français a obtenu au Conseil que des précisions sur les modalités de calcul du service universel soient annexées à la directive. Il se félicite aussi que, conformément à la résolution du Sénat, les missions de service public complémentaires au service universel, comme l'aménagement du territoire, aient été prises en compte. Enfin, le périmètre du service universel est assuré et la possibilité d'une sixième levée par semaine incluse dans le service universel est même prévue dans le texte.

Votre rapporteur pour avis considère qu'il s'agit donc d'une victoire pour La Poste et pour le service public dans notre pays.

B. LA NÉCESSAIRE DYNAMISATION DE LA BANQUE POSTALE

1. Une part de marché en recul ?

La Banque Postale détient une part de marché de 10 % de l'épargne totale en France et son activité s'exerce dans un contexte de forte pression concurrentielle. Cette concurrence très active se traduit par une forte pression tarifaire, notamment sur les produits comme le crédit immobilier, laissant une faible marge financière aux acteurs.

D'où l'enjeu pour la Banque Postale de diminuer fortement son coefficient d'exploitation, en alliant la progression de ses revenus à la maîtrise de ses charges. Les efforts réalisés par la Banque Postale dans la croissance de son PNB et la réduction de ses charges ont déjà permis une amélioration du coefficient d'exploitation, passé de 94 % en 2005 à 91,8 % en 2006. Mais ce coefficient reste très en deçà de ceux affichés par les concurrents.

L'un des défis des cinq ans à venir est donc, pour la Banque Postale, de dynamiser sa rentabilité. La Banque Postale s'est fixée, à l'horizon 2010, comme objectif majeur d'être la banque principale de 10 millions de clients avec une offre financière très diversifiée et d'atteindre 30 % de croissance du PNB et un résultat d'exploitation de plus d'un milliard d'euros.

Or les résultats du premier semestre 2007 de la Banque Postale semblent mitigés : si le produit net bancaire a augmenté de 3,7 % à périmètre constant, la Banque Postale aurait continué de perdre des parts de marché sur la plupart de ses produits, notamment sur les dépôts à vue (recul de 0,2 point en 2007, soit une part de marché d'environ 9 % contre 12 % dix ans auparavant) et l'épargne ordinaire (recul de 0,5 point en 2007, soit une part de marché d'environ 17,5 % contre plus de 23 % il y a dix ans).

Même en matière d'assurance-vie, la progression de la collecte à la Banque Postale reste inférieure à celle de ses concurrents, si bien que sa part de marché tendancielle en encours poursuit sa chute. Quant au crédit-immobilier, les efforts commerciaux déployés par la Banque Postale n'ont permis que de stabiliser la part de marché à 3,7 %.

2. Le livret A menacé

A ces résultats mitigés, il faut ajouter la menace d'une banalisation de la distribution du livret A. Dès le 7 juin 2006, la Commission européenne a décidé d'ouvrir une procédure à l'encontre des droits spéciaux octroyés à la Banque Postale aux Caisses d'Epargne et au Crédit Mutuel de distribuer les livrets A et Bleu, sur la base de l'article 86 du traité qui garantit la liberté de prestation de services et la liberté d'établissement des opérateurs établis dans d'autres états membres.

Mais, dans une décision en date du 10 mai 2007, la Commission européenne a enjoint le gouvernement français de mettre fin, dans un délai de 9 mois, soit le 10 février 2008, à l'exclusivité accordée à La Poste et aux Caisses d'Epargne et de Prévoyance et au Crédit Mutuel pour la commercialisation du livret A et du « livret bleu ». Dans le cadre de sa décision, tout en reconnaissant que la gestion du livret A entraîne des charges spécifiques pour La Poste susceptibles de relever d'une mission d'intérêt général d'accessibilité bancaire, la Commission estime à titre principal que l'existence des droits exclusifs associés au livret A constitue une entrave à la liberté d'établissement d'opérateurs bancaires d'autres pays de l'Union européenne.

Compte tenu du caractère juridiquement discutable de certains éléments de la décision de la Commission, le Gouvernement a introduit un recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes à Luxembourg, recours auquel s'est joint La Poste, mais qui n'est pas suspensif et dont l'issue est incertaine.

Votre rapporteur pour avis partage avec le Gouvernement la conviction qu'il faut préserver le livret A. Parallèlement au recours contre la décision communautaire, il a en effet engagé une réflexion sur la réforme de la distribution du Livret A, confiée à M. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, et devant aboutir prochainement.

3. L'opportunité du crédit à la consommation

Madame Lagarde, ministre de l'économie, a décidé le 19 novembre 2007 d'autoriser la Banque Postale à distribuer du crédit à la consommation, moyen efficace de rajeunissement de sa clientèle et gisement de rentabilité. Votre rapporteur se félicite de cette décision, porteuse d'opportunités pour La Poste.

Votre rapporteur pour avis considère en effet que, si elle devait intervenir, une banalisation du livret A, auquel la Banque Postale doit aujourd'hui 13 % de son produit net bancaire, ne pourrait pas s'envisager sans une gamme bancaire complète: le droit commun doit jouer dans les deux sens. Il est en effet indispensable que la Banque Postale combatte à armes égales avec les banques concurrentes. Il insiste toutefois sur la nécessité de ne pas enterrer prématurément le livret A et rappelle le double rôle de ce livret, qui concourt à deux missions d'intérêt général : le financement du logement social et l'accessibilité aux services bancaires. Il convient donc de rester mobilisé sur l'avenir du livret A.

Il reste que la distribution de crédits à la consommation constitue un nouvel enjeu pour la Banque Postale, qui doit bien sélectionner les partenaires avec lesquels offrir le crédit à la consommation pour en faire, d'ici deux ans, un vecteur de dynamisation de son positionnement concurrentiel.

C. LA REMISE EN CAUSE DE LA GARANTIE FINANCIÈRE DE L'ÉTAT

1. L'enquête approfondie de Bruxelles

Enfin, La Poste doit encore affronter une dernière incertitude relative à la garantie de couverture par l'Etat de ses obligations financières.

Au regard des règles de l'Union européenne sur les aides d'Etat existantes, la Commission avait déjà recommandé à la France de mettre fin à la garantie de l'Etat en faveur de La Poste d'ici la fin 2008. Les négociations alors engagées avec la France n'étant pas apparues conclusives, la Commission européenne a finalement ouvert, le 23 octobre 2007, une enquête approfondie sur la garantie illimitée de l'Etat français dont bénéficie La Poste en tant que personne morale de droit public : cette garantie publique permet à La Poste de se financer à des conditions particulièrement avantageuses, que ce soit pour ses activités de service postal universel ou pour ses activités commerciales, ce qui, aux yeux de Bruxelles, constitue un avantage déloyal à l'égard de ses concurrents à la veille de l'ouverture totale des marchés postaux.

La Poste se défend en faisant observer qu'elle ne bénéficie pas de la note triple A de l'Etat, mais d'un AA justifié par la solidité de son actionnaire unique et ses bons fondamentaux économiques. Conformément à la Communication de la Commission sur l'application des règles du traité CE aux aides d'Etat sous forme de garanties (2000/C71/07), la Commission considère, pour sa part, que cette garantie permet à La Poste d'obtenir des conditions de crédit plus favorables que ce qu'elle aurait autrement obtenu.

2. Le précédent « EDF »

Certes, la Commission ne remet pas en question la propriété publique de La Poste, ni ne conteste son statut de personne morale de droit public en tant que tel. Ceci dit, elle rappelle que les règles de concurrence du traité CE doivent s'appliquer de la même manière aux entreprises privées et publiques. Dans le cas de La Poste, la Commission affirme considérer que la garantie ne résulte pas de la propriété mais du statut juridique de l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis rappelle que la Commission européenne a obtenu en 2003 la fin de la garantie équivalente dont bénéficiait EDF, EDF ayant été transformée en société anonyme par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

En effet, on voit mal comment un établissement public pourrait être dépourvu de la garantie de l'Etat : l'Etat pourrait-il dégager par avance toute responsabilité quant à la bonne fin du paiement des dettes d'une entité soumise à sa tutelle ? Comme l'écrivait 24 ( * ) le rapporteur du projet de loi de 2004 relatif à EDF, M. Ladislas Poniatowski, « comment un établissement public pourrait-il se procurer du crédit si l'Etat affirmait par avance qu'il refuserait de le soutenir en cas de cessation de paiement, alors même que l'article L. 620-2 du code de commerce exclut les établissements publics des procédures de redressement et de liquidation ? ».

En conséquence, la transformation en société anonyme d'EDF (et de GDF) est apparue comme un point de passage obligé. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis tient à faire observer que la procédure lancée par la Commission européenne pourrait conduire à modifier la forme juridique de La Poste.

En conclusion, votre rapporteur pour avis estime nécessaire de rester attentif au contrat 2008-2012 que La Poste va bientôt signer avec l'Etat et relève que ce contrat est en mesure d'offrir à La Poste française un avenir en Europe, tout en confortant le service public postal auquel il rappelle son profond attachement.

*

* *

Lors de sa réunion du mercredi 21 novembre 2007, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Développement et régulation économiques » et des articles 42 et 43 du projet de loi de finances qui y sont rattachés, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen s'abstenant.

* 1 Cf. Programme annuel de performance p.32.

* 2 Fonds Commun de Placements à Risques.

* 3 Société Capital Risques.

* 4 Modifié par l'article 67 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

* 5 Visés à l'article L. 711-8 du code de commerce.

* 6 77 ont déjà voté une telle majoration.

* 7 Source : CREDOC, Enquête Conditions de vie et aspirations des Français, in Mesurer le pouvoir d'achat , rapport du Conseil d'analyse économique, de MM Philippe Moati et Robert Rochefort.

* 8 Cf. rapport déjà cité de MM. Moati et Rochefort.

* 9 In Le Monde , 8 novembre 2007.

* 10 Dans l'indice général des prix, la pondération du loyer et des charges est de 13,5 %.

* 11 Selon le CERC, chaque année, environ 40 % des salariés voient leur salaire individuel baisser.

* 12 Pour les ménages les plus modestes, cette charge peut même représenter près de 50 % du total de leurs dépenses (cf. page 61 du rapport déjà cité de MM. Moati et Rochefort).

* 13 Cf. rapport déjà cité de MM. Moati et Rochefort.

* 14 Certaines pouvant même s'apparenter à de la vente forcée, le client se trouvant contraint d'acquérir des composantes dont il n'a pas usage afin d'accéder aux composantes recherchées.

* 15 Ou complémentaires pour les travailleurs à temps partiel.

* 16 En vertu des articles L. 441-6 et L. 442-6 I 1° du code de commerce.

* 17 L'indice des prix alimentaires (hors viande et produits frais) a augmenté de plus de 16 % entre 1996 et 2004, soit 3 points de plus que l'indice général.

* 18 Selon une étude de Philippe Askenazy et Katia Weidenfeld, Les soldes de la loi Raffarin , reprise en verbatim dans le rapport de la commission Attali.

* 19 Rapport d'information n° 257 (2005-2006) de M. Eric Doligé au nom de la commission des finances, « Le FISAC : un outil apprécié mais des procédures lourdes et une évaluation défaillante ».

* 20 Efficacité attestée par l'indicateur fourni par le Gouvernement : le taux de survie à 3 ans des entreprises aidées par le FISAC dépasse de près de 30 points le taux de survie moyen de 3 ans des entreprises.

* 21 L'aide au pluralisme de la presse écrite relève de la direction du développement des medias.

* 22 La position commune du Conseil devrait passer sans encombre en seconde lecture au Parlement au printemps 2008.

* 23 Résolution européenne2006-2007 n° 66 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (E 3285).

* 24 Rapport n° 386 (2003-2004) de M. Ladislas PONIATOWSKI, fait au nom de la commission des affaires économiques.

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