2. L'avenir des tarifs réglementés

Au regard de cette évolution du marché de l'électricité au cours des dix dernières années, votre rapporteur pour avis chargé du programme « énergie » considère impératif la préservation du système français de tarifs réglementés de vente, malheureusement fortement fragilisé tant par la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie que par les contentieux communautaires en cours.

Remise en cause au plan national

A l'issue de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, l'article 17 du texte adopté par les deux assemblées modifiait le droit tarifaire pour tenir compte de l'ouverture totale des marchés énergétiques à la concurrence.

A ce stade de la procédure législative, cet article permettait à tout consommateur ayant exercé son éligibilité dans un logement de bénéficier à nouveau des tarifs à condition de déménager (le bénéfice du tarif étant définitivement perdu pour cet occupant dans ce logement). A contrario, les occupants suivants de ce logement pouvaient bénéficier des tarifs réglementés. Saisi par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat sur d'autres dispositions, le Conseil constitutionnel a néanmoins examiné la conformité à la Constitution de ces dispositions. Après analyse, le Conseil a estimé qu'en imposant aux opérateurs historiques des obligations tarifaires « générales et étrangères à la poursuite d'objectifs de service public », cet article 17 avait méconnu « manifestement l'objectif d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz ». De ce fait, le juge constitutionnel a partiellement censuré cet article, jugeant que ce mécanisme était incompatible avec les objectifs de la directive et qu'en conséquence tout consommateur d'électricité ou de gaz naturel avait vocation, à terme, à s'alimenter exclusivement par le biais du marché libre. En conséquence, le droit résultant de cette décision conduisait à ce que le choix de la concurrence et la renonciation aux tarifs par un ménage fasse perdre définitivement au logement le bénéfice des tarifs réglementés. Il s'ensuivait que tous les occupants suivants de ce logement, sans l'avoir explicitement décidé, n'auraient plus été en mesure de bénéficier d'une formule tarifaire.

Contestation communautaire

Au plan communautaire, le maintien du système tarifaire est également contesté par la Commission européenne pour des motifs tenant à sa compatibilité avec le droit communautaire. La Commission considère que l'existence des tarifs réglementés conduit à la fixation de niveaux de prix de vente de l'électricité et du gaz naturel artificiellement bas, empêchant le développement de la concurrence et la réalisation des investissements nécessaires. Sur ces fondements, les autorités communautaires ont lancé deux procédures à l'encontre de la France portant notamment sur le système tarifaire : la première pour transposition incorrecte des directives, la seconde sur le fondement du contrôle communautaire des aides d'État.

La première procédure (procédure en manquement) a été lancée en avril 2006. La Commission européenne estime qu'un « mode de fixation étatique des prix ayant un tel caractère de généralité, de permanence et de rigidité, dénué de transparence dans son mode d'attribution (...) ne peut être présumé indispensable dans un système où le libre jeu de la concurrence entraîne en principe la fixation de prix compétitifs ».

La seconde procédure au titre du contrôle des aides d'État, lancée en juin 2007, vise les tarifs réglementés d'électricité dont bénéficient les entreprises (tarifs « jaune » et « vert ») ainsi que le TaRTAM.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis considère que la proposition de loi 41 ( * ) adoptée par le Sénat le 1 er octobre dernier, à l'initiative de notre collègue Ladislas Poniatowski 42 ( * ) , constitue une avancée positive.

Les améliorations liées au vote de la proposition de loi relative aux tarifs réglementés

Dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel, le Sénat a examiné trois propositions de loi lors de sa séance du 1 er octobre 2007. Afin de remédier aux difficultés rappelées ci-dessus, le dispositif adopté par votre assemblée prévoit que, jusqu'au 1 er juillet 2010, tout ménage emménageant dans un logement pourra bénéficier des tarifs, que la concurrence ait été exercée ou non par le passé. En revanche, un ménage exerçant son éligibilité dans ce logement ne pourra retrouver le bénéfice d'une formule tarifaire que le jour où il déménagera.

A titre personnel, votre rapporteur pour avis déplore que la proposition de loi comporte autant de restrictions limitant le bénéfice des tarifs réglementés pour les ménages, restrictions au demeurant absentes de la proposition de loi 43 ( * ) dont il était signataire. Même si certains éléments de cette proposition de loi ont été intégrés dans le texte adopté par le Sénat, celle-ci différait néanmoins sur deux points majeurs. D'une part, elle ne prévoyait pas de date butoir laissant supposer que le système des tarifs disparaîtra après le 1 er juillet 2010. D'autre part, elle donnait aux ménages le bénéfice de la réversibilité, c'est-à-dire qu'un ménage se voyait reconnaître le droit de retourner au tarif dans son logement, dans le cas où il n'aurait plus été satisfait de son offre commerciale.

Pour sa part, votre commission pour avis considère qu'il appartient au gouvernement de continuer à faire la démonstration de la compatibilité du système tarifaire national avec le droit communautaire. Dans le cas de figure où une telle démarche ne pourrait aboutir, il conviendrait impérativement de modifier la lettre des directives européennes sur l'électricité 44 ( * ) et le gaz 45 ( * ) afin que celles-ci autorisent explicitement le maintien des tarifs réglementés dès lors que leur niveau permet de couvrir les coûts des entreprises qui les proposent. Il pourrait être procédé à une telle évolution de la législation communautaire à l'occasion de l'examen par les institutions européennes des dernières initiatives de la Commission européenne (dénommées « paquet énergie »), qui modifient notamment lesdites directives.

Votre commission pour avis estime au surplus que l'existence du système tarifaire actuel répond à une légitime exigence de faire bénéficier les acteurs économiques nationaux du fruit d'investissements déterminants effectués par le passé avec le développement du parc de production nucléaire et hydraulique. Il apparaît en effet totalement légitime que cette « rente » profite aussi bien aux ménages qu'aux entreprises françaises.

* 41 Proposition de loi adoptée par le Sénat relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel (texte adopté n° 1 - 2007-2008).

* 42 Proposition de loi n° 369 (2006-2007) tendant à autoriser les consommateurs particuliers à retourner au tarif réglementé d'électricité déposée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues.

* 43 Proposition de loi n° 462 (2006-2007) tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel déposée par MM. Daniel Raoul, Jean-Marc Pastor, Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.

* 44 Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE.

* 45 Directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE.

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