B. DES REGROUPEMENTS DANS D'AUTRES DOMAINES DU SOUTIEN

La restructuration des modalités de réalisation du MCO a été légitimement considéré comme prioritaire, du fait de l'importance des enjeux financiers requis.

D'autres réformes, tendant à assurer un soutien transverse, et non plus par armée ont été entreprises dans différents domaines.

1. La création de l'économat des armées

L'économat de l'armée, créé en 1959, avait pour mission essentielle en temps de paix, le soutien des forces en opérations extérieures (OPEX).Son statut a été modifié en 2002, pour le transformer en économat des armées (EdA), chargé d'assurer : « le soutien logistique et la fourniture de services, de denrées et de marchandises diverses aux formations militaires en France et à l'étranger, ainsi qu'aux parties prenantes collectives et individuelles autorisées par le ministre de la défense ».

De 2003 à 2005, cette nouvelle structure a constitué en son sein une équipe d'environ 30 personnes chargée de la direction des achats publics, du marché de logistique, des premiers marchés publics d'achats de vivres et, à titre expérimental, de leur passation au profit d'une partie des armées.

Dans le même temps, le ministère de la défense a clôturé le compte spécial des subsistances militaires (31 décembre 2004), et dissout le service central d'approvisionnement des ordinaires et des marins (2004), leurs trésoreries résiduelles ont été transférées à l'EdA, pour environ 43 millions d'euros.

Ayant obtenu la qualification de centrale d'achats au sens du code des marchés publics, l'économat des armées a élaboré un nouveau mode d'approvisionnement, dissociant marchés de vivres et marché logistique, ouvrant les marchés de vivres aux industriels, aux producteurs et aux distributeurs, et favorisant la maîtrise des coûts de distribution. L'EdA a ainsi assuré la passation de 250 marchés de vivres concernant 1500 produits de "gamme unique ». Il a réalisé, depuis sa création :

-la passation d'un marché de prestation logistique externalisée auprès d'un prestataire privé (GIE STEF-TFE/GEODIS),

- la mise en oeuvre d'un système dématérialisé de passation de commandes par un portail Internet, qui relie les unités clientes, l'EdA, le prestataire logistique et des fournisseurs,

- le développement d'une politique d'accompagnement au changement, de formation et d'information en partenariat avec les armées et directions.

Depuis le 1er avril 2006, l'EdA assume la totalité de ses nouvelles attributions au service de 337 unités clientes des trois armées, de la gendarmerie et du Service de santé des armées.

Pour cette première année de fonctionnement, les engagements arrêtés entre l'EdA et les armées pour l'activité "vivres métropole" ont porté sur :

un montant minimum d'achats de 43 M€ de vivres, pour un volume minimum de 50 000 tonnes.

Ces objectifs ont été dépassés pour les vivres et approchés pour la logistique : le chiffre d'affaires de l'activité "vivres métropole" s'est élevé en 2006 à 72,88 millions d'euros, et l'EdA a livré 45 000 tonnes de vivres aux unités clientes.

Le suivi assuré par l'EdA a permis de constater la satisfaction de ses clients pour la qualité des produits fournis, la ponctualité des livraisons, la réduction du nombre de fournisseurs, et le mode de passation de commandes.

Plusieurs marges d'amélioration ont été définies, dont l'adaptation de la gamme des produits (nature, conditionnement...) figurant au catalogue de l'EdA aux besoins et aux consommations réellement constatées. Une cinquantaine de marchés a été renouvelée dans ce cadre début 2007. Une autre priorité porte sur l'amélioration de la réactivité et de la qualité des informations proposées sur le portail d'achat.

L'économat des armées s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre d'une expérimentation d'externalisation des fonctions d'acheminement et de gestion de camps sur les théâtres d'opérations extérieurs (CAPESFRANCE).

Ce projet CAPESFRANCE (Capacité Additionnelle Par l'Externalisation du Soutien des forces FRANCaisEs) a été engagé, le 1 er janvier 2007, pour une durée de trois ans. Il consiste dans les fonctions « gestion de camp » et « acheminement » sur les théâtres d'opération du Kosovo et du Tchad . Depuis 2006, l'armée de terre a confié à l'EdA le soutien multiservices de son camp à Kaboul .

Le financement de ces externalisations est assuré par les crédits du Budget opérationnel de programme « OPEX ».

Au total, les crédits affectés par armée à l'alimentation depuis 2003 ont été les suivants :

Données PLF

(en M€courants)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Armée de terre

129,1

117,3

116,6

115,4

114,7

101,7 2 ( * )

Marine

57,6

53,6

60,2

59,7

57,9

57,9

Armée de l'air

53,5

50,9

51,1

51,7

51,7

51

Autres (services interarmées)

6,8

6,9

0,084

6,9

7,4

8,2

TOTAL

247

228,7

228

233,7

231,7

218,8

2. Le service des essences des armées (SEA)

Créé après la Deuxième Guerre mondiale, d'abord au service de la seule armée de terre, le SEA a été progressivement étendu à l'approvisionnement général du ministère de la Défense pour tous les produits pétroliers, en dehors des combustibles de soute gérés directement par la marine du fait de leur caractère spécifique. Le SEA a vu sa compétence, unique en Europe, mise en lumière lors du conflit du Kosovo.

En effet, le SEA a alors assumé, au profit des 33 pays engagés sous l'égide de l'OTAN, la fonction de RSN (role specific nation) en matière d'approvisionnement des aéronefs en carburant. Aucun autre pays européen n'ayant pu relever le SEA, ce dernier s'est retiré de ce théâtre grâce une externalisation maîtrisée, dont les effectifs ont décrû d'une centaine de personnes, à la fin du conflit, à une dizaine aujourd'hui.

Le SEA a également assuré un rôle similaire lors de l'opération humanitaire déployée en appui des populations du Nord Pakistan affectées par un tremblement de terre (2005). Il s'est retiré de ce théâtre en mai 2006, sur ordre du gouvernement français, qui considérait que l'essentiel des besoins avaient été couverts. Le Pakistan, comme les nations contribuant à l'opération, avaient clairement formulé le souhait de voir le SEA prolonger son action.

Ce service assume donc à la satisfaction générale, tant nationale qu'internationale, l'approvisionnement pour tous les produits pétroliers nécessaires à la Défense : il garantit leur obtention, leur stockage et leur distribution, par tout temps et en tous lieux, en condition de sécurité. Il assure également le soutien pétrolier des forces armées nationales (et, dans certaines circonstances, des forces étrangères, si besoin) situées sur des bases aériennes, aéronavales ou de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT). Les forces basées sur le territoire national ou situées outre-mer et pré-positionnées, reçoivent également son appui en matière de logistique et d'emploi de carburants.

Le SEA est également chargé de conseiller au ministère de la Défense pour les spécifications et homologations des produits pétroliers, le contrôle des équipements, et la construction des infrastructures qu'il utilise pour stocker ou transporter ces produits.

L'exception constituée par la marine, qui a conservé ses responsabilités dans le domaine des combustibles de navigation, tient au fait qu'il s'agit d'un produit non disponible sur le marché, car répondant à des spécifications définies par l'OTAN.

La fonction spécifique assurée par la marine est donc double :

- approvisionner, stocker et délivrer dans les ports militaires de métropole du combustible de navigation aux normes OTAN, tant au profit des bâtiments de la marine nationale qu'au profit des bâtiments OTAN de passage,

- garantir en tout temps et tout lieu l'approvisionnement en combustible des bâtiments de la marine déployés outre mer et en escale à l'étranger.

Ses buts sont de maintenir un stock logistique en métropole et une disponibilité des installations de délivrance permettant l'approvisionnement sans préavis des bâtiments en métropole, d'assurer la capacité des bâtiments à se ravitailler en escale à l'étranger avec un préavis de l'ordre de la semaine, pouvant être réduit à 48 heures, d'identifier les lieux de ravitaillement possibles lors des préparations de missions, et de gérer, d'un point de vue logistique et environnemental, les besoins de mise en dépôt à terre en cas de dégazage pour travaux.

Les marchés d'approvisionnement sont passés de façon centralisée par la Direction Centrale du Commissariat de la marine. Ce ravitaillement est assuré sur le marché mondial, permettant ainsi une nouvelle mise en concurrence lors de la passation de chaque bon de commande. La capacité de ravitailler en escale participe directement de la mission opérationnelle des bâtiments, qui ont pour la plupart entre 5 et 15 jours d'autonomie en combustible. En métropole, le stockage et la délivrance au sein des ports militaires reste une condition de la permanence opérationnelle. Le stock logistique est entretenu dans les deux grands ports militaires, à proximité immédiate des forces. La marine est client exclusif du produit « combustible de navigation », et de la prestation d'organisation de ravitaillement en escale.

Tous les autres aspects de la fonction pétrolière sont assurés par le SEA, qu'il s'agisse de l'approvisionnement de produits non « marins » (carburant routier, carburéacteur aviation, huiles et graisses communes) ou du suivi technologique du matériel d'exploitation des parcs pétroliers.

Dans le cadre de la RGPP, le SEA a soumis à l'état-major des Armées un projet de réorganisation de ses dépôts, dénommé « cap 2013 ». Le SEA possède, à l'heure actuelle, 56 dépôts au total, dont 41 sont situés sur des bases aériennes. Ce plan vise à réduire les 15 autres dépôts, affectés au stockage, au nombre de 8. Ces dépôts, souvent situés en pleine nature pour des raisons de sécurité, doivent, d'ici 2010, répondre à de nouvelles normes de sécurité, définies par un arrêté de 1998. Il s'agit donc de minorer les coûts de mise aux normes, et également de réduire les capacités de stockage s'élevant à 450 000 m 3 , et considérées par l'EMA comme excédentaires d'environ 100 000 m 3 .

Il faut relever que la maintenance des deux plus gros de ces dépôts, situés à Donge, en Loire-Atlantique, et la Ferté-Alais, dans l'Essonne, et qui sont implantés au centre de parcs de stockage de carburants civils, est externalisée.

D'autres dépôts, plus petits, ou dont la construction remonte aux années 1930, pourraient être abandonnés. Leurs capacités de stockage sont trop faibles pour intéresser l'aviation civile, qui utilise des volumes beaucoup plus importants. Une éventuelle aliénation à d'autres partenaires (collectivités territoriales) ne pourrait s'effectuer qu'au terme d'une coûteuse dépollution.

Pour s'approvisionner, le SEA procède par appels d'offres, et s'oriente désormais vers des achats dits « massifs », c'est-à-dire portant sur des volumes allant de 20 000 à 40 000 m 3 , dans le but de réduire leurs coûts. Les achats « SPOT », pratiqués par le Commissariat de la marine pour les produits de combustion spécifiques aux navires, plus avantageux pour l'acheteur, ne peuvent entrer dans le cadre des marchés publics.

Le ministère de la défense a imposé au SEA, en 2005, de souscrire une assurance sur le coût de couverture de ses achats. Cette dépense, d'un volume financier considérable (4 millions d'euros en 2006, 3 en 2007) soulève plusieurs questions : pourquoi la règle selon laquelle l'Etat est son propre assureur ne joue-t-elle plus en ce cas précis ? Pourquoi le SEA doit-il prendre une telle assurance, détournant de son montant l'équivalent en achats de produits pétroliers, et ne produisant pour le ministère aucune retombée positive ?

Des réponses précises et pertinentes doivent être apportées à ces questions de bon sens.

* 2 L'évolution des ressources de l'armée de terre est liée à un changement de périmètre : les dépenses de fonctionnement des organismes d'alimentation ainsi que les RCS de certains personnels de service (agents « BERKANI ») ne relèvent plus des crédits d'alimentation.

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