2. L'avenir du régime des concessions d'aménagement remis en question par le droit communautaire

La loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement, dont notre collègue Jean-Pierre Sueur a été le rapporteur, a modifié notre droit interne pour l'adapter au droit européen.

En effet, jusqu'à cette loi, la passation des conventions d'aménagement ne faisait l'objet d'aucune obligation particulière de publicité et de mise en concurrence. La concession d'aménagement était considérée comme un contrat sui generis , qui n'était ni un marché public soumis au code des marchés publics, ni une délégation de service public soumise à la loi Sapin du 29 janvier 1993.

Or, la Commission européenne avait contesté la compatibilité du droit français applicable aux conventions d'aménagement avec les principes communautaires de neutralité, de non-discrimination et d'égalité de traitement entre les acteurs économiques.

En outre, cette interprétation communautaire avait été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui avait estimé dans un arrêt Sogedis du 9 novembre 2004, qu'une convention d'aménagement conclue par une commune, sans aucune formalité préalable de publicité et de mise en concurrence, était entachée de nullité 25 ( * ) .

Tirant les conclusions des critiques de la Commission et de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le législateur a réformé le régime des concessions d'aménagement par la loi du 20 juillet 2005 26 ( * ) qui prévoit que l'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par le décret du 31 juillet 2006 relatif aux conditions de passation des concessions d'aménagement et des marchés conclus par les concessionnaires et modifiant le code de l'urbanisme.

Toutefois, répondant à des questions préjudicielles, la CJCE a remis en cause une nouvelle fois la compatibilité du droit français avec le droit communautaire dans l'arrêt Commune de Roanne c/Jean Auroux du 18 janvier 2007 (affaire C-220-05).

En effet, le tribunal administratif de Lyon devait se prononcer sur un recours en annulation présenté par M. Auroux et huit autres requérants contre une délibération du conseil municipal de Roanne autorisant son maire à confier, par une convention publique d'aménagement, à la Société d'économie mixte de la Loire (SEDL) la mission de réaliser un pôle de loisirs. La mission confiée à cette SEML consistait à acquérir des terrains, à réaliser des études, à construire un complexe comprenant des salles de cinéma, des commerces et des parkings, et à commercialiser l'ensemble.

Or, le tribunal administratif de Lyon a décidé de surseoir à statuer et a demandé à la CJCE :

- si une convention publique d'aménagement prévoyant la réalisation d'une opération d'aménagement dans le cadre de laquelle un pouvoir adjudicateur en charge un second de réaliser des ouvrages et de les commercialiser, constitue un marché au sens de la directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ;

- s'il convenait, pour apprécier les seuils, de prendre en compte la valeur totale de l'opération d'aménagement ;

- si le premier pouvoir adjudicateur n'est pas dispensé de respecter les règles des directives dès lors que le second respecte ces règles pour l'attribution de ses propres marchés, et si par conséquent une procédure de prestations intégrées n'est pas envisageable.

La CJCE a répondu dans un premier temps qu'une convention par laquelle un premier pouvoir adjudicateur confie à un second une mission dans laquelle l'objet principal est la réalisation de travaux constitue un marché de travaux au sens de la directive 27 ( * ) .

Ensuite, la Cour précise que pour apprécier les seuils l'ensemble des recettes doit être pris en compte. Enfin, elle exclut clairement du champ des prestations intégrées les relations qui existent entre une SEML et une collectivité actionnaire. En conséquence, l'application de la notion de contrats « in house » n'est pas possible, et le respect des procédures de mise en concurrence et de publicité est indispensable, même entre deux pouvoirs adjudicateurs.

En qualifiant la concession d'aménagement en marché de travaux, l'arrêt de la CJCE emporte une conséquence importante. En effet, il réduit la portée des concessions d'aménagement soumises aux dispositions du décret du 31 juillet 2006. Il convient dès lors de dégager les critères que doivent revêtir les concessions d'aménagement qui entrent dans le champ du décret et d'en exclure celles qui sont qualifiées de marché de travaux.

Ainsi, seules les concessions publiques opérant un transfert économique du risque et dans lesquelles le cocontractant est rémunéré substantiellement par les résultats d'exploitation entrent dans le champ du décret . Le transfert du risque économique implique que le cocontractant assure à ses risques et périls l'ensemble de l'opération, ce qui inclut le transfert des pertes.

Cette interprétation de la CJCE a pour conséquence de fortement restreindre le champ d'application du décret du 31 juillet 2006. En effet, les concessions d'aménagements conclues aux risques et périls de l'aménageur concernent seulement des opérations d'ampleur limitée.

* 25 Pour la cour, si la concession d'aménagement n'était pas soumise au code des marchés publics et n'entrait pas dans le champ d'application de la loi Sapin, elle « n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux règles minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats ».

* 26 Voir le rapport n° 458 (2004-2005) de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif aux concessions d'aménagement.

* 27 Pour la Cour, « un pouvoir adjudicateur n'est pas dispensé de recourir aux procédures de passation de marchés publics de travaux prévues par la directive 93/37, telle que modifiée par la directive 97/52, au motif que, conformément au droit national, cette convention ne peut être conclue qu'avec certaines personnes morales, qui ont elles-mêmes la qualité de pouvoir adjudicateur et qui seront tenues, à leur tour, d'appliquer lesdites procédures pour passer d'éventuels marchés subséquents ».

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